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Sidwaya N° 7395 du 12/4/2013

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Médiation et management des conflits «La journée nationale de pardon, une décision politique…», dixit Pr Cyrille Koné
Publié le vendredi 12 avril 2013   |  Sidwaya


Cyrille
© Sidwaya
Cyrille Koné, Professeur titulaire de philosophie à l`Université de Ouagadougou


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Cyrille Koné, Professeur titulaire de philosophie à l’Université de Ouagadougou, dirige le master Médiation et management des conflits (MMC). Le «philosophe» burkinabè est également responsable du Laboratoire des savoirs contemporains sur les pratiques et théories du développement (LASCPT) et du Programme de recherche interuniversitaire entre les Universités de Douala, de Paris VIII et de Ouagadougou sur la thématique : «Médiation et sortie de crise». Ce spécialiste des questions de médiation évoque, dans cette interview, les raisons qui ont guidé à la création d’un master consacré à la médiation à l’Université de Ouagadougou. Il se prononce également sur la Journée nationale de pardon, les causes des crises à l’échelle étatique ou institutionnelle comme celles que traversent le Mali et…ironie du sort, l’Université de Ouagadougou où il enseigne.


Sidwaya (S.) : Vous avez créé un master en Médiation et management des conflits à l’Université de Ouagadougou. Pourquoi ?

Pr Cyrille Koné (P. C. K.) : Ce master est créé dans un environnement qui s’y prête, dans la mesure où la société burkinabè actuelle connaît une profonde mutation. En effet, on vit à différents endroits, lieux de travail, familles. On connaît un ensemble de difficultés qu’on appelle conflits. Il est bon que la société continue son fonctionnement et son développement normal pour que ces conflits puissent être résolus et surtout que la violence ne dépasse pas un certain degré. C’est dans ce sens que ce master professionnel a été pensé comme un moyen de contenir les conflits au sein des institutions de l’Etat, des sociétés et des institutions internationales. On pense aussi fortement aux collectivités territoriales qui sont des endroits, par excellence, qui voient se développer un certain nombre de conflits. Ce master vise à permettre de travailler et d’optimiser le travail dans des conditions satisfaisantes, favorisant l’enrichissement.

S. : Quels sont les critères de recrutement des étudiants à ce master?

P.C.K. : L’admission est réservée à une grande panoplie de disciplines : des sciences sociales, des sciences humaines, des lettres, de la philosophie, du droit, de l’économie… Il suffit d’avoir une licence dans l’une des disciplines nommées pour pouvoir faire acte de candidature parce qu’il s’agit de préparer un master en deux années. Comme il n’y a pas d’études de Médiation et de management des conflits en licence, et que c’est en master qu’on prépare ces études, il était conforme aux règles académiques qu’on puisse recevoir toutes licences dans les domaines d’études cités. Il y a un test qui est organisé. A l’issue des épreuves écrites, les admissibles sont retenus pour subir une épreuve orale d’entretien avec un jury composé de professeurs de disciplines différentes qui essaient de comprendre si les étudiants en question ont un bagage suffisant pour affronter ces études du niveau master. Nous sommes à notre deuxième promotion et c’est le troisième appel à candidature que nous lançons pour la rentrée de septembre 2013. Nous ne lançons qu’un seul appel par an et nous ne recrutons pas plus de vingt étudiants. Pour la première promotion, nous en avons retenu une vingtaine et une dizaine pour la deuxième promotion. Cette année, nous ne dépasserons pas la vingtaine.

S. : Pourquoi avoir opté pour un master professionnel au lieu d’un master de recherche ?

P.C.K. : Nous avons orienté tout de suite ces études du côté professionnel pour une raison simple : nous avons voulu aider à la pacification au niveau de l’entreprise, des institutions de l’Etat, des collectivités territoriales où beaucoup de conflits ont cours. Ce master professionnel aide en formant les cadres à pouvoir prévenir les conflits et s’ils n’arrivent pas, ils peuvent aider à les régler. Il y a un ensemble d’enseignements, de séminaires qui sont donnés et qui présentent des mécanismes qui s’inscrivent dans le contexte burkinabè. Cela permet d’outiller les différents candidats à la gestion et à la prévention des conflits. Nous n’avons pas choisi un master de recherche parce que nous voulons peser sur le cours des évènements. Il se produit, de plus en plus, beaucoup d’actes de violence dans les différentes structures de la place, qu’elles soient publiques ou privées. Il faut pouvoir endiguer cette violence, gérer ces confrontations, grâce à des pratiques qui avaient déjà cours dans nos différentes sociétés. Il existe donc des mécanismes et nous n’avons fait que réfléchir et essayer de nous appuyer sur ce qui a été fait jusque-là.

S. : Généralement, pour les masters, il n’y a pas toujours des enseignants qualifiés. Est-ce que ce problème est résolu dans votre cas ?
P.C.K. : Dans le cas de notre master, nous avons mutualisé l’expertise. C’est vrai qu’il a été créé au département de philosophie et je suis le porteur du projet. Mais je suis appuyé par, à peu près, tous mes collègues, qu’ils soient en lettres, en droit ou en sciences sociales. Nous avons des professeurs de spécialités différentes : philosophes, sociologues, économistes, ou juristes qui nous appuient. Nous avons, en plus, des intervenants provenant de différentes institutions étatiques comme la Justice, la Défense et les Affaires étrangères. Toute cette expertise mutualisée permet de faire face aux besoins d’enseignement au niveau de l’animation des séminaires. C’est ainsi donc que nous arrivons à assurer les enseignements sans problème. En outre, appartenant à plusieurs réseaux, j’ai eu la chance d’être en contact avec beaucoup de collègues, notamment ceux des universités de Paris VIII, de Douala et de Strasbourg. Ce projet a été visible et remarqué au niveau du monde francophone. Il est soutenu par l’Agence universitaire de la francophonie parce que d’autres universités ont senti qu’il était admirablement bien ficelé et surtout était porteur dans nos différentes sociétés.

S. : Qu’est-ce qui explique votre choix de former de petits effectifs ?

P.C.K. : Il faut pouvoir bien encadrer les étudiants. Il s’agit d’un master professionnel et la difficulté majeure est de pouvoir leur trouver des stages et les suivre pour que la formation soit vraiment de qualité. Notre ambition est de mettre sur la place des étudiants outillés qui ont acquis les habiletés en matière de médiation et de management des conflits. On ne se contente pas de donner des cours théoriques. On doit aussi trouver des stages et que ceux-ci produisent leurs effets. Tous les professeurs de l’Université ne s’intéressent pas au management des conflits. Nous sommes un certain nombre, et en plus des masters, il y a aussi les doctorants que nous devons encadrer. D’où le besoin de limiter le nombre d’étudiants. Nous espérons que nos étudiants seront compétitifs et trouveront des emplois. Nous avons le souci, dès que possible, d’accueillir plus d’étudiants. Mais pour l’instant, nous sommes à la troisième promotion et nous voulons avoir une lecture objective, savoir que nous arrivons à maintenir le cap. Ensuite, l’expérience et les appuis aidant, nous pourrons augmenter l’offre sans perdre la qualité.

S. : Vous avez donné les raisons qui ont motivé la création de ce master. N’est-ce pas aussi le fait que le Burkina, depuis plusieurs années, mène des médiations qui a suscité la création de ce master ?

P.C.K. : Ce qui nous a le plus interpellé, c’est le fait qu’il existe, dans nos différentes sociétés, au niveau du Burkina, de fortes traditions de médiation, de conciliation. Il y a une expérience en la matière et du coup, c’est un vivier à exploiter. On essaie de s’appuyer sur ces différents mécanismes qui existent dans différentes sociétés, Kassena, Moaga, Bobo, etc. Cela est important. Bien sûr, il y a ensuite le fait que ces dernières années, le Burkina Faso s’est illustré en menant à bien plusieurs processus de médiations. Le président du Faso a ainsi été sollicité à plusieurs reprises pour amener des protagonistes d’un conflit à se rapprocher. Ces efforts qui ont payé au Togo, en Côte d’Ivoire, en Guinée, confortent notre thèse selon laquelle, au Burkina Faso, il existe nombre de traditions autour de la médiation, de la conciliation. On gagnerait à ne pas laisser ces traditions périr, mais plutôt à les amener à servir les institutions modernes. C’est pour cela que nous avons ciblé les sociétés industrielles et des entreprises. Partout où des hommes et des femmes se retrouvent pour travailler, forcément le conflit guette. On peut, à l’occasion de ces difficultés, les traiter de manière sereine, de sorte à ne pas envenimer la relation entre les travailleurs. C’est pourquoi nous militons pour des mécanismes de traitement et de résolution de conflits autres que juridiques. Nous proposons une sorte de médiation sociale. Nous ne voulons pas abîmer les liens. Entre deux voisins qui se querellent, on gagne à tenter une médiation sociale, plutôt que d’aller se plaindre tout de suite au tribunal. Généralement, on voit qu’à l’énoncé du verdict, la violence redouble d’intensité. Il faut nous appuyer sur nos traditions et sur les valeurs qui peuvent entretenir la paix, les liens sociaux, il ne faut pas les laisser périr. Il faut faire en sorte qu’en s’appuyant sur ces valeurs, on renforce la paix sociale, la cohésion, mais aussi la productivité. Un environnement serein, un environnement non violent est propice à l’enrichissement.

S. : Vous dites préférer la réconciliation à la justice en cas de conflit. Une réconciliation sans justice, n’est-ce pas de l’impunité?

P.C.K. : Nous n’opposons pas forcément les mécanismes juridictionnels aux mécanismes non juridictionnels. Nous pensons que les mécanismes non juridictionnels sont complémentaires des mécanismes juridictionnels. Il y a des situations où l’utilisation des mécanismes juridictionnels pour traiter les conflits ne sied pas. J’ai pris tantôt l’exemple de voisins qui, par une incompréhension du fait des enfants, de la salubrité… peuvent se mettre en conflit. Pour traiter un tel malentendu, est-ce besoin d’aller porter plainte à la justice ? On peut essayer de résoudre ce conflit par des mécanismes simples qui existent dans nos différentes sociétés. On peut s’asseoir, parler, se faire mutuellement des concessions. Si vous posez la question à propos des réconciliations, ce sont des processus complexes. La réconciliation n’est pas toujours synonyme d’impunité. Vous l’avez vu en Afrique du Sud, les bourreaux d’hier et les victimes se sont réconciliés, mais ça ne veut pas dire que tout a été effacé. Il a fallu que les auteurs de crimes établissent la vérité et c’est en échange de la vérité sur les faits, les crimes commis qu’ont leur a accordé une certaine amnistie. Tous les crimes qui n’ont pas été avoués sont punissables. On peut dire que la réconciliation essaye de faire en sorte que l’avenir soit préservé et que le passé douloureux soit dépassé. Cependant, il n’est pas dit que dans tous les processus de réconciliation, il faut purement et simplement oublier la justice. Vous voyez que la Côte d’Ivoire essaye de traiter les violences qui ont eu cours après l’élection présidentielle. Elle ne veut pas oublier toute l’injustice qui a eu lieu. Elle veut mener, de front, un travail de justice et un travail de réconciliation. On ne peut pas tout sanctionner comme on ne peut pas tout excuser. Si on excuse tout, c’est un précédent dangereux. Peut-être qu’il faut organiser un ensemble de procès à la rwandaise comme les tribunaux «Ga-cha-cha» afin d’évacuer un maximum de dossiers ou encore organiser une sorte de justice transitionnelle.

S. : Vous êtes auteur d’un ouvrage intitulé : «Médiation et gestion des conflits : essai sur les fins et moyens pacifiques de sortie de crise». Quelles sont les thèses qui y sont développées?

P.C.K. : Nous présentons, essentiellement, dans cet ouvrage, un ensemble de mécanismes non juridictionnels de règlements des conflits. De notre point de vue, ces mécanismes viennent en complément des mécanismes juridictionnels, parce qu’on peut endiguer la violence par la loi, par le droit, mais aussi par certains mécanismes traditionnels. Beaucoup d’exemples d’Afrique et du Burkina Faso s’y trouvent.

S. : Le 30 mars a été commémoré la Journée nationale de pardon appelée maintenant « Journée de souvenir ». Fait qui ne rencontre pas l’adhésion de toute la classe politique et de la société civile. Qu’est-ce qui a cloché dans cette initiative dès le début ?

P.C.K. : En 2001, il a fallu sortir d’une grave crise qui a secoué le Burkina Faso pendant longtemps. L’organisation de la Journée nationale de pardon répondait à cette nécessité impérieuse. Il fallait bien continuer de faire société ensemble. On ne pouvait pas rester et regarder la société burkinabè se diviser avec le risque de l’anarchie et du chaos. La Journée nationale de pardon a été organisée pour tenter de stopper l’hémorragie, le délitement de la société burkinabè. Il y a eu pas mal de controverses et de polémiques autour de cette journée. J’observe que les protagonistes ne se sont pas entendus et c’est ce qui a été dommage parce que pour une telle initiative, il fallait se donner les moyens du rassemblement. Or, cela a donné lieu à des diatribes. Dans les journaux, on voyait bien qu’il y avait deux camps. Ceux qui pensaient qu’on pouvait tout pardonner et qui voulaient de la journée et ceux qui pensaient qu’on ne pouvait pas pardonner sans vérité et justice. Evidemment, cette journée portait les germes de sa limite. Peut-être qu’il fallait travailler un peu plus longtemps à rapprocher les points de vue. Comme ce travail n’a pas été fait, on se demande si la journée a eu lieu. Beaucoup de discours de haines, de comportements violents sont encore le lot quotidien au Burkina Faso. Après 2001, il y a eu beaucoup d’actes de vandalisme, de violences, des mutineries… On peut se demander à quoi a servi cette journée. C’était une décision politique et non philosophique.

S. : Comment expliquez-vous la violence souvent inouïe dans de nombreux conflits qui apparaissent un peu partout au Burkina Faso?

P.C.K. : La violence est enfouie en tout homme. Tout le problème, c’est de pouvoir la gérer dans des proportions acceptables. La violence inouïe n’est pas le monopole d’une catégorie ou d’une société donnée. C’est un ensemble de frustrations, de déceptions, de désillusions qui expliqueraient que des hommes s’abandonnent, se livrent à la vengeance, à la brutalité sans retenue. Aussi, l’expression démocratique, donnant des droits à tout un chacun, peut quelque part expliquer que dans ces manifestations de droit, il y ait des débordements. La faute à la démocratie qui ne s’assume pas, mais également à des individus qui ne se contrôlent pas, au chômage, dans la misère… Du coup, on solde les comptes avec ceux qui ont un peu réussi. Au lieu que l’individu s’assume et voit en quoi il est responsable de sa situation misérable, il pense que c’est celui qui a réussi qui lui prend toutes ses chances. On ne peut pas donner une réponse unique, c’est la conjugaison de plusieurs facteurs qui expliquent la violence de plus en plus grande. La drogue, l’alcoolisme sont également des moteurs de violence.

S. : Qu’est-ce qui peut expliquer que des intellectuels comme les étudiants s’adonnent à des actes de violence comme lors de la visite du Premier ministre à l’Université de Ouagadougou?

P.C.K. : C’est une réflexion personnelle et je dois tester sa validité. Il y a le fait que beaucoup de jeunes grandissent, atteignent la majorité sans avoir été vraiment encadrés comme il faut à la maison. Ils n’ont pas l’éducation de base. Ce sont des enfants qui ne connaissent pas de limites et sont prêts à tout. Quand ils pensent qu’ils ont raison, ils se donnent tous les moyens possibles, alors que même quand on a raison, il y a des formes pour l’expression de sa raison. Il y a le désenchantement et les incivilités liés à une éducation plus ou moins détestable. Et cela fait un cocktail explosif. Les jeunes veulent souvent tout et tout de suite. L’éducation a comme avantage de nous apprivoiser et de nous rendre, un tant soit peu, attentifs aux autres, pouvoir les éduquer. L’éducation nous prédispose au dialogue et quand on ne l’a pas, on est quelque part un homme déstructuré, en lutte ou contre les autres. C’est le droit des étudiants de revendiquer et puisque le Premier ministre était là, tant mieux, c’était une bonne occasion de l’écouter et ensuite de formuler leurs revendications. Tout cela pouvait se faire dans la courtoisie. L’université est le lieu de la lumière, du savoir, ce n’est pas un terrain de bataille violente. On doit redoubler d’effort dans l’encadrement des jeunes. Il faut commanditer des études pour voir si l’éducation a relâché au sein de la structure familiale, ou est-ce qu’elle est devenue trop sévère ? C’est une hypothèse que j’avance avec beaucoup de prudence. On doit écouter l’aîné, encore plus l’autorité. Ce n’est pas de la gaminerie, c’est sérieux parce que les étudiants sont des adultes appelés à assumer des responsabilités, demain, au Burkina Faso. Il faut être attentif à ces phénomènes de violence qui ont un coût énorme humainement et financièrement.

S. : Dans quelles mesures gérer au mieux, sinon, prévenir les violences entre agriculteurs et éleveurs, exploitants miniers et populations locales, etc. ?

P.C.K. : Nous devons nous donner les moyens, c’est-à-dire organiser une sorte de veille. Par exemple, on sait qu’il ne se passe pas une année sans qu’on ne relève des conflits entre agriculteurs et éleveurs. On peut les prévenir en essayant de mieux organiser les activités d’élevage et d’agriculture parce que, souvent, sur le terrain, l’un empiète sur l’autre. Nous avons une sorte d’élevage qui amène les pasteurs à la transhumance. Peut-être faudrait-il penser à une sorte de partage des lieux, de définition des pâturages, des zones d’agriculture. Quand le conflit est déjà ouvert, là encore, on peut, avec beaucoup de sang-froid, calmer la situation comme on l’a fait jusqu’ici, à travers les autorités administratives. On ne peut occulter le travail de sensibilisation qui vaut la prévention de conflit, c’est le premier moyen. Le deuxième moyen, quand le pire arrive, est de recourir aux hommes outillés pour pacifier la situation, à l’image des notables qui ont de la crédibilité et qui peuvent rapprocher des protagonistes. On doit pouvoir utiliser judicieusement ces compétences.

S. : Le Burkina Faso s’est beaucoup investi dans la médiation dans la crise malienne. Pensez-vous que cette médiation peut toujours prospérer ?

P.C.K. : De toute façon, vous allez convenir avec moi, que nulle part, on n’a fini un conflit par la guerre. Vous avez beau gagner sur le terrain militaire, vous n’avez pas pour autant la paix. Ce qui se passe en ce moment, la guerre au Mali, est tout à fait légitime. Elle permettra de décanter la situation. Mais il va falloir revenir à la table de négociation et c’est à ce moment qu’on aura besoin de médiateur talentueux pour rapprocher les points de vue, parce qu’on ne règlera pas la situation au Mali à coups de canon. La guerre actuelle a pour objectif de réduire au maximum la menace djihadiste, à défaut de l’éradiquer pour permettre à l’Etat malien de retrouver sa souveraineté et d’assumer ses prérogatives. Il va falloir régler le problème des réfugiés et les revendications touarègues qui restent tout entier. Pour l’instant, les esprits sont à la guerre, mais ce n’est pas pour autant qu’on ne pense pas à la médiation avec des concessions de part et d’autre, sans remettre en cause l’intégrité territoriale du Mali.

S. : A Bamako, certains récusent la médiation de la CEDEAO conduite par le Burkina, estimant qu’il ne faut pas négocier avec la rébellion touarègue, mais qu’il faut plutôt négocier avec les communautés du Nord. Quel est votre avis ?

P.C.K. : A mon avis, c’est une position politique. On n’exclut pas de la négociation des parties parce qu’elles sont minoritaires. L’Etat moderne doit pouvoir inclure les minorités. C’est un club politique qui anime de telles idées. J’imagine qu’il y a des hommes politiques maliens beaucoup plus censés pour penser que le Mali doit être un et uni de par ses diverses composantes. C’est ce discours qui peut mener à la paix, à la stabilité et au développement du Mali. N’oublions pas que la violence, la guerre, sont des processus qui naissent toujours dans l’esprit des hommes et des femmes. C’est pour cela qu’il faut avoir des attitudes de rassemblement, un comportement que devrait avoir un homme d’Etat.

S. : Que gagne le Burkina Faso à travers ses médiations ?

P.C.K. : Nous gagnons aussi la stabilité. Par exemple, concernant le conflit en Côte d’Ivoire, un de mes collègues enseignant a essayé de le chiffrer. Ce conflit a coûté énormément à l’Etat burkinabè donc, nous gagnons directement et indirectement de la stabilité de la Côte d’ivoire. C’est une médiation menée et réussie par le président du Faso et ça ajoute au rayonnement du pays et contribue à fortifier son image. Il y a des gens qui pensent que c’est le président du Faso qui est honoré. Certes, mais par delà, c’est tout le Burkina Faso qui est honoré avec lui et rayonne à travers la réussite des médiations. Cela donne l’image d’un pays qui aide à la stabilisation, à la recherche de la paix, donc d’un pays qui n’est pas en train d’attiser les conflits ou qui se réjouit quand la case du voisin brûle. Ce n’est pas du temps perdu, au contraire on y gagne politiquement et économiquement. Le médiateur, c’est finalement l’ami du pays. Les relations se développent et se fortifient. Il faut voir ces médiations réussies comme une bonne chose et cela contribue à corriger la mauvaise image qu’on a pu nous donner à certaines occasions. Cela participe également du souci des chefs d’Etat africains qui voudraient pouvoir régler les problèmes africains, entre Africains. On doit, avec beaucoup de satisfaction, reconnaître ce qui est fait comme louable, les médiations du président du Faso.

- Interview réalisée par
Romaric Ollo HIEN
Bachirou NANA

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