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Elections au Burkina; le message des évêques
Publié le samedi 5 septembre 2015  |  Sidwaya
Les
© Autre presse par DR
Les évêques du Burkina et du Niger se sont retrouvés en assemblée plénière du 13 au 17 janvier 2014 au Grand séminaire de Koumi




Salutation

Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso, et vous tous, frères et sœurs en humanité,
Que Dieu, Créateur du monde et Source de toute solidarité, justice et réconciliation vous donne la paix en abondance ! Rendons grâces au Seigneur, Maitre bon et miséricordieux dont « l’amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. » (Lc. 1, 50.)

Nous, vos pères Archevêques et Evêques du Burkina Faso, soucieux de l’instauration d’une démocratie qui soit à la hauteur des attentes du peuple, sentons le devoir de vous adresser ce message de confiance et d’espérance.

Cinq années de turbulences

Après la célébration du cinquantenaire de son indépendance en 2010, notre pays a connu cinq années d’hésitations, de turbulences et de manifestations plus ou moins violentes qui ont conduit à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. C’était l’expression d’un peuple qui aspire à une démocratie véritable, laquelle suppose que soient résolus les problèmes des droits humains, et particulièrement ceux d’une jeunesse consciente des enjeux de son avenir. Nous vous le rappelions déjà dans notre message à l’occasion du cinquantenaire. « Au regard de l’importance de la jeunesse de la population il convient de mettre en place une politique d’encadrement de la jeunesse qui la mette au travail et qui cultive en elle le sens du bien commun et les valeurs du travail, du mérite et de la rigueur[1]»
Le souvenir de ceux qui ont perdu la vie, la santé ou des biens lors de cette insurrection doit nous interpeller et désormais stimuler nos engagements en les orientant vers le don de soi jusqu’au sacrifice pour le bien de tous. Nous devons nous convertir en acceptant un examen de conscience individuel et collectif : les confessions religieuses, les autorités coutumières, les forces de défense et de sécurité, les partis politiques, les organisations de la société civile (OSC) et même la communauté internationale. Aucun problème ne peut trouver de solution véritable dans la violence. « Les guerres sont souvent causes d’autres guerres, car elles nourrissent des haines profondes, elles créent des situations d’injustice et elles foulent au pied la dignité et les droits des personnes. D’une façon générale, elles ne résolvent aucunement les problèmes pour lesquels elles sont menées. »[2]
A la fin de cette Transition que nous vivons depuis le 16 novembre 2014, les citoyens burkinabè sont appelés à élire le Président du Faso et leurs représentants à l’Assemblée Nationale le 11 octobre 2015. Tous, nous aspirons à une démocratie qui nécessite surtout un changement de mentalité à tous les niveaux pour parvenir à des élections apaisées, libres et transparentes. Tous, nous devons nous engager à réduire la fracture sociale actuelle et à marcher vers une réconciliation véritable.
L’engagement politique : expression suprême de la charité

Chers Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso !
Nous vous rappelons que tout chrétien doit participer à la construction de son pays dans un esprit de service en participant au choix des responsables politiques ou en s’engageant dans la vie politique. Dans ce sens, nous n’avons cessé de vous encourager à vous inscrire pour obtenir vos cartes d’électeurs. En effet, pour le chrétien, la politique est une expression noble et exigeante de son engagement au service des autres. Le Pape François a demandé de prier « pour que la responsabilité politique soit vécue à tous les niveaux comme une forme élevée de charité »[3]

L’action politique doit être orientée vers la recherche du bien commun dans un esprit de service et de justice avec une attention particulière aux situations de pauvreté et de souffrances, dans un esprit de dialogue et de paix.

Des repères pour agir



La recherche de repères pour asseoir une véritable démocratie tant souhaitée à la fin de cette Transition est réelle mais est parfois faussée par des calculs politiques à court terme ou par la recherche d’une popularité à bas prix et sans lendemain.
Le premier repère est sans conteste un peuple réconcilié. Pour fixer ce repère, fils et filles de notre Nation, cinq conditions nous paraissent essentielles :

le courage de dire la vérité, toute la vérité, quel que soit le prix à payer, pour une réconciliation effective, socle de la paix ;
Le courage de demander, de donner et d’accueillir le pardon ;
le courage de pratiquer la justice ;
le courage de combattre l’impunité ;
le courage d’aller aux élections sans corrompre et sans se laisser corrompre.
Chaque citoyenne et chaque citoyen sont donc invités à intégrer personnellement, les valeurs cardinales de pardon, d’intégrité, d’entente et de cohabitation pacifique.

L’Eglise en Afrique annonce une année continentale de réconciliation qui va du 29 juillet 2015 au 29 juillet 2016. Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso, hommes et femmes de bonne volonté, vous tous qui entrez en campagne électorale, c’est sur le terrain de la réconciliation, du pardon, du respect mutuel que vous gagnerez la compétition des élections.
Les élections présidentielle et législatives d’octobre 2015 ont besoin d’un deuxième repère : le respect mutuel et le fairplay.
En effet la recherche effrénée de la victoire à tout prix expose à de joutes verbales et des empoignades fratricides. La perspective de ces élections ne doit donc pas nous faire perdre de vue les valeurs fondatrices de notre nation, à savoir l’intégrité, la solidarité, la cohésion sociale, l’unité nationale, la stabilité et la paix. Le moindre dérapage pourrait remettre en cause les légitimes espoirs suscités par les événements d’octobre 2014. Alors les morts, auxquels nous ne cessons de rendre hommage, auraient été sacrifiés pour rien.

Dans notre quête d’un avenir meilleur, le troisième repère est une bonne expérience politique.
En effet, sous d’autres cieux, l’expérience politique a prouvé que les tenants du pouvoir, nouveaux comme anciens, opposants comme organisations de la société civile, n’ont pas souvent su, après avoir défait les gouvernements, se montrer d’habiles architectes pour reconstruire lorsque vient leur tour. Que ceux qui seront élus s’en souviennent et travaillent à faire advenir une démocratie vraiment participative.

L’expérience des transitions démocratiques en Afrique semble révéler presque partout, l’incapacité des acteurs politiques à aller au bout de leur propre engagement, à respecter l’éthique, à honorer tout simplement leur signature. Alors, le manque de confiance entre acteurs politiques, l’indignité et la mauvaise foi manifeste ont souvent conduit au bout du compte, à des conflits postélectoraux plus ou moins violents, chacun réclamant la victoire du scrutin. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Soyons vigilants !

Pour une véritable démocratie

Fils et Filles du Burkina !
Des élections transparentes avec des résultats crédibles et acceptables ne nous seront pas données comme par enchantement. Elles proviendront de nos comportements et de notre langage. Les rancœurs, la vengeance et la jalousie ne feront que fragiliser davantage notre tissu social.

Il convient en outre de rappeler que les régions, les ethnies ou les religions ne doivent pas nourrir les divisions, renforcer les barrières ou développer les exclusions. Elles sont là pour apprendre aux hommesl’interdépendance économique, culturelle et spirituelle qui rassemble les humains et consolide le ciment de l’unité nationale et de la cohésion sociale.
La démocratie à laquelle nous aspirons tous ne saurait être la dictature d’une majorité politique, ethnique, régionale ou religieuse. Il s’agit d’une démocratie où sont garantis le pluralisme, les droits humains, les droits des minorités, des personnes vulnérables, la liberté d’expression dans le respect de l’autre, la sincérité et la libre expression du suffrage. Ceci est beaucoup plus difficile à réaliser que les actions commandées par la haine, l’individualisme, l’égoïsme, le communautarisme sectaire, etc.
Un défi à relever

Les élections du 11 octobre 2015 s’annoncent comme des plus ouvertes de l’histoire de notre pays. On nous observe de toute part. Allons-nous nous en sortir ou allons-nous sombrer ? Des élections pour un simple remplacement des gouvernants ne garantissent pas forcément une démocratie véritable. Celle-ci exige à la base une culture qui réponde aux exigences de la solidarité nationale, de la justice, de l’équité et des valeurs spirituelles et morales. Nous appelons alors les filles et fils de l’Eglise-Famille de Dieu et tous les hommes de bonne volonté au Burkina Faso à un sursaut national pour créer les conditions d’une démocratie qui permette un vivre ensemble dans la solidarité et la paix.
Pour sa part, notre Eglise-Famille de Dieu à travers des structures appropriées prendra les dispositions nécessaires pour observer le déroulement des élections du 11 octobre 2015 aux côtés des autres observateurs. Nous voulons des élections apaisées et acceptées par tous.
Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso, évoluer dans des partis politiques différents est un appel à faire valoir vos projets et programmes de société, dans la vérité, en trouvant le langage approprié et le comportement adéquat. Une campagne électorale est une compétition et non pas une bagarre, un débat d’idées mettant en œuvre la force de l’argument et non l’argument de la force. Les disparités et autres oppositions traditionnelles et historiques devraient faire place à l’harmonie dans la diversité.
Tâches à prioriser

Filles et Fils du Burkina Faso !
Nous devons construire dans notre pays un système de gouvernance où la démocratie participative et la démocratie représentative se complètent et se renforcent harmonieusement. Dans une telle démocratie, on devra prendre l’habitude de prêter une attention particulière aux groupes vulnérables ou laissés pour compte. « Je prie le Seigneur, écrit le pape François, de nous offrir davantage de politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres »[4].

A cet égard, nous ne devons pas oublier que la plupart des hommes et des femmes de notre pays vivent une précarité quotidienne aux conséquences parfois funestes. Les paysans notamment se posent des questions sur l’issue de cette saison hivernale incertaine.

C’est pourquoi, les programmes de société doivent viser à atteindre la sécurité alimentaire pour tous et à mettre en place une administration adéquate ainsi qu’une économie performante respectueuse de l’environnement et qui tienne compte du développement intégral de l’homme. « C’est un humanisme plénier qu’il faut promouvoir. Qu’est-ce à dire, sinon le développement intégral de tout l’homme et de tous les hommes ? »[5]
L’audace qu’il nous faut avoir aujourd’hui, c’est d’oser être créatifs et actifs pour continuer notre marche avec les peuples qui bâtissent des nations libres et réconciliées.

Fils et Filles de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina, nous vous invitons à redoubler d’ardeur et de confiance dans la prière pour notre pays et pour nos gouvernants actuels et futurs
Dieu Notre Père,

Ce qu’il y a de meilleur dans Ta création, c’est l’homme.

Tu l’as crée à Ton image, afin qu’après le temps de sa vie terrestre,

Il jouisse d’un bonheur éternel auprès de Toi.

Pour que notre pays soit le milieu de vie

Où nous obtenions cet unique nécessaire qu’est la vie éternelle,

Nous T’adressons cette prière :

Accorde à notre pays du Burkina Faso

Les institutions qui lui garantissent le bien-être, la liberté et la paix :

Accorde-lui avant tout des autorités religieuses et civiles

Qui se laissent guider par l’Esprit Saint,

Afin qu’elles exercent leurs charges selon la justice

Et dans le seul souci du bien de tous.

Nous Te le demandons par Ton Fils Jésus Christ Notre Seigneur.

Très Sainte Vierge Marie, priez pour nous.

Notre Dame de Yagma protégez notre pays

Anges gardiens du Burkina Faso, veillez sur lui.

Donné à Ouagadougou, le 06 Septembre 2015

Vos Archevêques et Evêques.

Mgr Paul Yemboado OUEDRAOGO, Archevêque de Bobo-Dioulasso

Président de la Conférence Episcopale Burkina-Niger

Cardinal Philippe OUEDRAOGO, Archevêque de Ouagadougou

Mgr Séraphin François ROUAMBA, Archevêque de Koupéla

Mgr Joachim OUEDRAOGO, Evêque de Koudougou

Vice-président de la Conférence Episcopale Burkina-Niger

Mgr Lucas Kalfa SANOU, Evêque de Banfora

Mgr Thomas KABORE, Evêque de Kaya

Mgr Joseph SAMA, Evêque de Nouna

Mgr Jude BICABA, Evêque de Dédougou

Mgr Der Raphaël KUSIELE DABIRE, Evêque de Diébougou

Mgr Justin KIENTEGA, Evêque de Ouahigouya

Mgr Gabriel SAYAOGO, Evêque de Manga

Mgr Modeste KAMBOU, Evêque de Gaoua

Mgr Pierre Claver Yenpaabu MALGO, Evêque de Fada N’Gourma

Mgr Prosper KONTIEBO, Evêque de Tenkodogo

Mgr Laurent BIRFUORE DABIRE, Evêque de Dori

Mgr Léopold Médard OUEDRAOGO, Evêque auxiliaire de Ouagadougou



[1] 50 ans de souveraineté du Burkina Faso : quel avenir ? Message des Evêques du Burkina Faso. Octobre 2010, n°27 p.39.

[2] Jean-Paul II, Journée Mondiale de la paix, 2000, n°3

[3] Pape François, Intention de prière pour le mois de juillet 2015.

[4] Pape François, intention de prière pour mois de juillet 2015.

[5] Paul VI, Populorum progressio, n° 42


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