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Environnement : La turbidité du lac Bam
Publié le samedi 5 septembre 2015  |  Le Quotidien
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© RTB par DR
Une vue du lac Bam du Burkina




Le lac Bam fait partie des richesses cardinales de la nation burkinabè. Son état moribond est à l’origine d’une longue anémie d’espoir. Il suscite des angoisses collectives, tant au niveau provincial qu’à l’échelle nationale. Pourquoi ne pas faire de Kongoussi un lieu de révolution agricole qui porte le label d’un grenier national ? Avec sa source aquifère qui a plus de 50km de long et une superficie formidable de 2700 hectares, il y a de quoi apprécier.
Si l’on n’y prend garde, on parlera de lui à l’imparfait comme on parle du passé d’un fossile. L’heure est critique. Il est menacé de disparaître et les populations de sa zone perdront l’objet de leur fierté. Auparavant, grâce à ses rentabilités célèbres, il a brillé en joyau admirable. Ces dernières années, sa place dans le classement des ressources hydrauliques est de plus en plus compromise. Avec sa disparition lente mais certaine et inéluctable, les masses provinciales en particulier sont au bord du gouffre parce que le destin collectif est dans le collimateur de la pénurie et de la soif catastrophique. Mais aussi il ne faut pas perdre de vue que la population nationale est menacée de la perte d’un héritage précieux. C’est tout à fait dommage. En d’autres termes, ce lac éponyme a une origine indiscutable mais il est avant tout une propriété impersonnelle parce qu’il profite à tous et à toutes et n’appartient à personne. Son cas mérite d’être pris en compte, urgemment.
Est-il raisonnable de négliger une manne ? Le malheur des peuples africains vient de l’irresponsabilité des gouvernants africains. Et il importe de souligner que la douleur d’un pays est le résultat de l’inconscience de sa population et du laxisme de ses autorités. Envahi cruellement par des déchets tenaces, on aurait appris que des entreprises israéliennes et autrichiennes auraient été contactées pour s’occuper de la drague. Hélas ! Jusqu’à présent sa restauration est vaine et l’on ne sait pas où est passé le document faisant état de contrat à cet effet. C’est loin d’être normal. C’est même coupable. La situation fait penser sérieusement. L’Afrique est grande de taille comme un vieux baobab mais elle a peu d’ombre. Dans le cas du Burkina-Faso, le gouvernement pourrait en toute loyauté faire glorieusement exception et apprendre à sortir de sa léthargie pour imprimer des traces louables sur son destin national. Nul ne vient de l’extérieur pour faire le bonheur des autochtones. Comme on le dit, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. La création artificielle des barrages, sous cet angle, ne devrait pas faire reléguer à l’abandon total la vieillesse des ressources naturelles. Sous le pagne de la plus vieille femme au monde, il y a toujours une qualité médicamenteuse pour maintenir en bon état la vie de son mari. Vive l’eau ! C’est la vérité et ce message se veut le plaidoyer qui milite pour la survie de tous les points d’eau en péril. Les bras habiles de la grand-mère détiennent toujours leur aptitude à faire la bonne cuisine pour les petits-fils et la postérité en général. On a intérêt à se questionner sur l’avenir agricole qui se pratiquait pendant la saison sèche à Kongoussi pour pallier aux déficits des denrées ou renforcer les quantités des vivres excédentaires. Il faut saluer à sa juste valeur la bienveillance de son lac et songer à la restauration de sa capacité d’antan. En vertu de notre provenance lacustre, nous sommes mieux placés pour savoir son importance. Il a marqué notre enfance et nous étions ravis de jouir de notre appartenance à la fraîcheur prépondérante de l’or bleu. L’histoire nous renseigne qu’il a fait honorablement parler de lui en matière de production quantitative et qualitative du haricot vert et de l’exploitation diverse des cultures maraîchères. Il était indispensable à l’économie de toute la patrie, d’autant plus que sa réputation drainait envers son emplacement des touristes assoiffés de connaître ses caractéristiques merveilleuses. Ce qui aurait déçu des visiteurs étrangers, c’est la découverte des cabanes misérables dans lesquelles vivaient les travailleurs du haricot vert. Ce produit était, parait-il, bien payé chez eux et ils n’arrivaient pas à comprendre le pourquoi des conditions des vendeurs qui croupissaient dans un statu quo déplorable. Des personnes instruites sacrifiaient-elles des paysans illettrés ? Les gens n’aiment pas les gens, clament-on souvent. Le secret du retard économique est la perpétuité de la jalousie venimeuse et du culte latent d’un régionalisme qui ne dit pas son nom officiellement. Néanmoins, il est d’actualité qu’il constitue, comme toujours, le socle propice de l’élevage et de bien d’autres initiatives. L’énergie qu’il peut fournir pourrait être capable d’électrifier tous les coins et recoins de la province et d’alimenter de façon significative une partie du territoire national en manque de lumière et en pâture à des délestages de type infernal.
Aujourd’hui, force est de constater sincèrement que le réservoir est bourré. Les eaux de premières pluies suffisent à le remplir et à faire des dégâts par des inondations sévères. Les champs des riverains sont vite noyés et les habitants sont confrontés à des problèmes alimentaires. Les routes qui lient les villages s’en délabrent. C’est tout un calvaire quand on doit conduire urgemment des femmes en travail vers les maternités ou les malades dans les centres de soin médicaux. Avant, tout cela était impensable car il y avait de la place appropriée pour la détention des eaux nuageuses. Le lac n’est plus celui que notre enfance a connu dans une époque florissante où la pêche à la ligne rapportait bien en un rien de temps. Faut-il par une ingratitude aberrante omettre l’euphorie liée aux scènes de natations organisées à l’occasion des loisirs ? La nostalgie est à son comble. Sans céder à un pessimisme sans appel, ce patrimoine est une aubaine et il convient de le sauvegarder à tout prix. Il ne tarde pas à s’assécher avec l’annonce de chaque saison sèche. L’image est vétuste. Son existence est vite mise à mal quand les précipitations s’arrêtent. Nous avons écrit et nous récrivons dans l’espoir de changer positivement le sort. Quant au pédigrée, il est à la dérive. Il serait aimable de penser à aleviner. Les poissons se raréfient et les crocodiles sont à la merci d’une extinction exponentielle et foudroyante. Pas d’eau, pas de vie. En tout état de cause, si les institutions chargées de la question vitale de l’eau pouvaient avoir un regard de délivrance sur la crise du lac Bam, nous avouons que la mémoire nationale leur sera à jamais reconnaissante. Kongoussi n’est pas une ville rebelle ou indépendantiste qu’il faut enterrer dans la sanction de l’oubli hermétique. Victime de la dégradation du sol et du sous-sol que l’extraction abusive de l’or ne cesse d’appauvrir, la voilà anxieuse de la perte d’un étang délaissé. Quand il s’agit de détourner de l’argent étatique pour payer le plaisir des maitresses, on est prêts. Quand il s’agit de frauder dans les concours pour faire passer des parents ou des amantes, on est musclés pour ça. Quand il s’agit de procéder à des nominations bidon pour parachuter des gens aux postes qu’ils ne méritent pas, on connaît le rouage. L’embauche exorbitante des fonctionnaires fictifs est monnaie courante et l’emploi des liquidités faramineuses a été consacré aux futilités de la journée nationale de pardon pour tempérer le foisonnement des révoltes consécutives à l’assassinat lâche de Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune. Alors, il faudra aussi trouver les moyens pour réserver scrupuleusement à la nature la part de cure qu’elle mérite avec ses richesses. Le lac Bam est orphelin1


Cyrille Ouédraogo
Ecrivain
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