Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Sport
Article
Sport

Jonathan Pitroipa (Al Nasr, Emirats Arabes Unis) : “La FBF manque de professionnalisme”
Publié le mercredi 2 septembre 2015  |  Sidwaya
L`international
© Autre presse par DR
L`international burkinabè Jonathan Pitroipa




Réservé et très peu loquace, Jonathan Pitroipa fend aujourd’hui l’armure. Le feu follet burkinabè est sorti de sa bulle pour dénoncer le manque de professionnalisme au sein de la Fédération burkinabè de football (FBF), expliquer l’échec de la CAN 2015 et exiger plus d’égard pour la sélection nationale pour le bien-être et la sérénité du groupe. Interview.

Après une saison à Al Jazira, vous mettez les voiles pour Al Nasr. Pourquoi ce changement brusque de club ?


Avant la fin de la saison, le coach de Al Nasr me voulait à tout prix. Pour moi, j’ai fait une saison satisfaisante à Al Jazira. J’étais content d’être là-bas mais il y a eu un changement car notre entraîneur était en partance et un nouveau arrivait. Après j’ai discuté avec le club, vu qu’il y avait l’intérêt de Al Nasr, j’ai constaté que le nouvel entraîneur voulait que je reste aux Emirats et il m’a convaincu.


D’aucuns disent que c’est l’actuel entraîneur de Al Jazira, Abel Braga qui a déclaré que vous ne rentrez pas dans ses schémas tactiques, c’est pour cette raison, le club vous a prié d’aller voir ailleurs. Est-ce vrai ?


Je n’y crois même pas car j’ai commencé les entraînements avec lui mais il ne m’a jamais signifié ouvertement qu’il ne voulait pas de moi. Comme il y a eu un changement d’entraîneur, peut-être qu’il voulait recruter d’autres joueurs. Al Nasr avait déjà négocié mon transfert avec Al Jazira avant même la fin du championnat. Nous sommes tombés d’accord sur cette transaction et comme le coach de Al Nasr m’a montré qu’il voulait m’avoir dans son groupe, cela m’a plus convaincu car avec le nouvel entraîneur qui arrivait, je ne savais pas comment cela allait se passer donc j’ai préféré aller dans une formation où je me sentirai bien.


On pensait qu’Al Jazira n’allait être qu’un simple intermède afin que vous puissiez rebondir pour l’Europe. Voilà que vous signez encore pour deux ans à Al Nasr. Vos objectifs pour l’Europe sont –ils toujours d’actualité ?


Oui, bien sûr. Si je continue ici aux Emirats c’est parce que tout se passe bien. On peut bien faire une belle carrière dans le Golfe. Les gens ont des préjugés sur le championnat aux Emirats parce que ce n’est pas un championnat médiatisé et ce n’est pas évident de voir les joueurs. Je les comprends. Pour moi, c’est important de vivre sa passion, de se faire plaisir et de jouer au football. Tout doit être bien fait pour que le joueur se sente bien. Pour l’instant, je ne vois pas l’opportunité de changer pour l’Europe. Si à un moment je ne me sens pas bien et que je voudrais y retourner, s’il y a des offres, je n’y verrai pas d’inconvénient. Car le public africain qui me connaît voudrait me voir régulièrement mais comme je le dis, il faut vivre sa passion et gagner bien sa vie. On peut bien faire une belle carrière dans le Golfe si vraiment on se donne à fond. Je suis toujours un joueur de l’équipe nationale et pour mes fans et les supporters, j’essaierai toujours d’être à la hauteur afin qu’ils puissent toujours me suivre car c’est grâce à eux qu’on se bat et on a envie de leur faire plaisir.


Etes-vous d’accord avec ceux qui affirment que vous êtes parti au Golfe pour l’argent ?


Financièrement, c’est sûr que cela n’a rien à voir avec l’Europe. Mais mon choix a été bien réfléchi car j’ai envie de m’épanouir en gagnant bien ma vie. Mes fans me comprendront car peu importe où je jouerai, ils seront toujours derrière moi. Mais comme je le dis toujours, au football, tout va vite. Je peux être aujourd’hui aux Emirats pour un contrat de trois ans et au bout de six mois, j’ai une offre pour l’Europe et je dois repartir. Tout comme je peux y demeurer définitivement. Je me consacre sur chaque saison et je la joue à fond. Et en fonction des offres, je fais le bilan pour voir si le club a envie de gagner beaucoup de titres avec moi. Si j’ai aussi le soutien de ma famille, c’est également important.


Le championnat du Golfe vous permet-il d’être prêt dans les jambes et dans la tête pour venir défendre les couleurs de l’équipe nationale ?

Je n’en doute pas car c’est le même football qu’on joue partout dans le monde. Le football est universel et c’est le même langage partout. Il ne faut pas oublier aussi que les entraîneurs qui sont aux Emirats sont des techniciens européens qui font le même travail comme sur le Vieux Continent. C’est à moi de tout faire pour me mettre en jambe, m’entraîner correctement, être professionnel et jouer les matchs à fond. Le problème est que les gens se focalisent tout le temps sur un championnat du Golfe qui est faible. Pourtant il est difficile car il demande beaucoup d’énergie et de pression. En tant que joueur professionnel, on attend plus de toi et tu dois toujours être en forme. Ce n’est pas du tout facile comme on pourrait le penser. Je suis bien dans ma tête car à tout moment, je peux me retrouver encore en Europe et il ne sert à rien de te dire que tu viens ici pour te reposer. Je suis toujours prêt car à tout moment quand on m’a fait appel pour l’équipe nationale, je n’ai jamais rechigné. J’ai toujours été prêt pour hausser haut le drapeau de mon pays. C’est mon but car j’ai envie d’apporter un plus au foot burkinabè. Le talent ne te quitte jamais du jour au lendemain. Tant que tu as la confiance et tu es bien dans la tête, tout marchera bien.


Depuis la prise en main de l’équipe nationale par Gernot Rohr, vous n’avez pas encore disputé le moindre match sous ses ordres. Quels sont vos rapports avec lui ?


J’étais sélectionné pour le premier match contre les Comores, mais je suis arrivé blessé car en fin de saison, j’avais une cheville qui me dérangeait beaucoup. Quand j’ai rejoint le groupe à Paris, on a fait les examens et on a constaté que je souffrais d’une entorse. Il y avait un épanchement du liquide de synovie et je ne pouvais pas prendre le risque de disputer le match et je l’ai fait comprendre au staff. Je ne peux pas me prononcer sur mes rapports avec lui, vu que je n’ai pas pu prendre part réellement au stage. Mais le fait de gagner déjà un match à la maison est très important. Cela prouve qu’on a toujours un bon groupe. Le plus important est de toujours capitaliser notre esprit de groupe qui a toujours dégagé en nous et de toujours bien travailler quand nous sommes en équipe nationale. Se focaliser en permanence sur l’objectif qu’on a envie de gagner quelque chose ensemble.


Vous avez pu être témoin de quelques séances d’entraînements de Gernot Rohr. Quel jugement portez-vous sur ses méthodes de travail quand on sait que vous êtes un cadre, voire un pilier de l’équipe nationale ?


J’ai une décennie de carrière en équipe nationale et je suis l’un des cadres sinon l’un des leaders de cette formation. Le fait de prendre la parole aujourd’hui, ce n’est pas juste pour ma carrière mais pour apporter un plus à l’équipe nationale. Et par moments, on a besoin de cela. Pour répondre à votre question, je tiens avant tout à saluer le travail et le boulot d’un entraîneur qui nous a mis sur la bonne voie : il s’agit de Paulo Duarte. Nous profitons aujourd’hui des fruits de son travail. Mais il n’a pas été beaucoup reconnu. C’est l’un des techniciens que j’ai admiré dans sa méthode de travail. Il est arrivé au moment où nous avions des difficultés pour gagner un match pendant les éliminatoires et même se qualifier pour une phase finale de CAN. Il a apporté son professionnalisme et il nous a donné un plus dans ses méthodes d’entraînements. Par cela, il a su créer un groupe et jusqu’aujourd’hui, on ressent ce qu’il nous a apporté. On se connaît bien maintenant mais malheureusement, il n’a pu avoir le succès qu’on a eu après. Nous sommes allés à deux CAN avec lui sans succès et c’est dommage pour lui. Mais je tiens à lui rendre hommage car il a beaucoup apporté au football burkinabè. Après lui, il y a eu Paul Put. C’est vrai que je n’ai jamais eu de problèmes avec les entraîneurs mais comme je suis nonchalant, on pense que je ne m’implique pas trop dans les entraînements. Dans les différents clubs où je suis passé, j’ai toujours eu ce problème avec mes entraîneurs. Mais les coachs m’ont toujours fait confiance car pendant les matchs, je me donne à fond pour apporter un plus à l’équipe afin de nous permettre de gagner nos matchs. Même quand j’étais petit, mon défaut mignon était d’haïr la défaite. On ne peut pas tout avoir c’est vrai, mais je fais de mon mieux pour m’améliorer. C’est peut-être ce qui m’a manqué afin que je puisse atteindre le niveau où tout le monde voulait me voir arriver. Avec le groupe qu’on avait déjà, Paul Put a su nous apporter le plus qui nous manquait pour avoir la réussite. C’est ce qui a fait que ce qu’on a vécu en 2013 était incroyable. Je regrette encore cette finale car une finale se gagne, elle ne se joue pas. J’avais voulu rapporter cette coupe au Burkina pour que le travail soit bien fini et bien parfait. Le fait de n’avoir pas cette coupe me laisse un goût d’inachevé. Nous sommes arrivés diminués à cette finale. Le fait qu’on ait disputé deux prolongations de suite nous a handicapés. Je partais avec un carton rouge et dans ma tête, je ne pensais pas disputer cette ultime rencontre. Nous sommes arrivés cramés à cette finale et c’est ce qui nous a tués. Sinon ce trophée, on l’aurait apporté au Burkina. Tout le monde a vu le match, on l’a perdu 1-0 non pas parce que le Nigeria était plus fort mais parce que nous étions diminués mentalement et physiquement. On peut toujours atteindre ce niveau, mais il nous faudra encore travailler. Un joueur, dans sa carrière, aimerait vivre ce qu’on a vécu. A notre retour, voir le peuple burkinabè derrière nous, était inimaginable. On ne finira pas de remercier le peuple pour cela et on continuera toujours de se battre. Paul Put a fait un bon boulot également mais la Fédération a jugé mieux de l’écarter car s’est-elle dit que ça ne marcherait plus. Avec Gernot, comme je l’ai dit si haut, je ne peux pas me prononcer tout de suite sur ses méthodes mais avec les brides d’entraînements que j’ai vus, il peut aussi apporter un plus. Après notre CAN raté, peut-être qu’on a besoin de quelqu’un d’autre qui nous apportera un plus pour nous motiver et nous amener à voir plus haut encore. On espère que tout se passera bien. On a gagné notre premier match et il reste encore d’autres rendez-vous à venir.


Coincés entre méforme, manque de temps de jeu et même manque de club pour d’autres, la forme actuelle de certains cadres des Etalons augure-t-elle d’un lendemain meilleur pour le prochain match qui se profile ?


C’est vraiment dommage de constater qu’on a beaucoup de joueurs qui se retrouvent sans club ou qui sont en instance de départ et que rien n’est encore fait. Mais c’est cela le football. Les supporters et les fans ne comprennent pas vraiment le milieu du sport-roi. Il faut être fort dans la tête et avoir le mental pour tenir face à certaines situations. Il faut prendre en compte beaucoup de paramètres car pour le joueur, il y a un choix à faire pour sa carrière et pour avoir du temps de jeu. Actuellement, c’est difficile pour les joueurs burkinabè et c’est dommage car avec l’équipe qu’on a, et après avoir disputé une finale de CAN, cela montre qu’on a de la qualité. Mais malgré tout, on a du mal. En Europe, les clubs, dans les recrutements, se focalisent trop sur le fait que les joueurs africains viendront à disputer la CAN et c’est difficile pour eux de prendre un joueur qui viendra à les quitter en janvier-février alors qu’ils seront toujours en compétition. C’est un véritable handicap pour le joueur africain. Pourtant, c’est une compétition importante comme tout autre. Quand tu affrontes cette compétition, tu te donnes à fond, tu perds beaucoup d’énergie. Le constat est que les joueurs africains qui disputent la CAN perdent leur place de titulaire au retour ou arrivent en méforme parce que la CAN est une compétition qui nécessite beaucoup d’efforts. Après la coupe d’Afrique, les joueurs arrivent souvent diminués en club. Si tu ne perds pas ta place, tu joues mais en deçà de tes potentialités. Les clubs regardent donc ces aspects avant de recruter. J’ai eu des difficultés aussi à un moment donné. Je ne savais pas si j’allais pouvoir changer de club ou pas car à Rennes, on ne me mettait plus dans le groupe mais cela était dû à un problème de transfert entre le club et moi où on n’arrivait pas à trouver un accord. Il faut être fort mentalement et se dire qu’on pourra toujours rebondir dans un autre endroit qui nous apportera un plus. Il faut continuer à bien s’entraîner pour garder la forme et se dire qu’on est amené à être appelé en sélection.


Le Burkina a-t-il son mot à dire dans ce groupe des éliminatoires de la CAN 2017 ?


On a beaucoup de choses à prouver aujourd’hui. Surtout après cette CAN ratée, il nous faut bien rebondir et montrer que ce n’était qu’un simple accident de parcours. On a toujours le même groupe qui est constitué de bons joueurs et de bons jeunes, il faudrait juste qu’on essaie de faire le vide dans la tête pour repartir sur un bon pied. Dans notre groupe actuel, on peut bien s’en sortir pour peu qu’on montre qu’on a encore de l’envie.


Que répondez-vous à ceux qui vous taxent d’avoir des caprices de star quand vous êtes avec les Etalons ?


(Rires)… Chacun peut me juger comme il veut. J’ai ma personnalité, j’ai mon caractère, quand je viens en sélection, je ne suis pas trop bavard. Je suis dans ma bulle, je m’entraîne mais en restant ouvert à tout le monde . Le plus important pour moi est d’être décisif dans le match pour apporter un plus en tant que leader. Il y a un respect mutuel entre mes coéquipiers et moi et cela est très important pour la vie d’un groupe. Ce sont les gens de dehors qui me taxent d’avoir des caprices de star sinon en tant que joueurs de football, quand nous sommes ensemble, l’on ne se voit pas ainsi. On ne fait pas de différence entre nous car nous sommes tous pareils. En tant que pion essentiel de l’équipe, je peux apporter un plus au niveau du jeu et pendant les matchs je me donne à fond. C’est à l’entraîneur de savoir prendre le groupe et gérer chacun avec son caractère pour en tirer la quintessence. Entendre cela est une interprétation erronée sur ma personne. C’est vrai que je suis une personne réservée et pas trop bavarde, c’est peut-être pour cette raison qu’on se permet d’avancer que j’ai des caprices. Mais cela n’est pas mon problème, le plus important est que je ne perturbe pas l’équilibre du groupe. Dans les prises de décisions, j’essaie d’être le plus juste possible sur nos envies et nos demandes pour le bon fonctionnement de l’équipe. C’est pour cette raison on croit que je me prends pour une star. Quand je trouve quelque chose d’injuste, c’est mon devoir en tant que leader de montrer notre mécontentement pour l’intérêt supérieur du groupe.


Certaines indiscrétions vous pointent du doigt comme une personne qui influence parfois la sélection de certains joueurs, Wilfried Sanou, Aziz Nikiéma et Florent Rouamba, pour ne citer qu’eux comme exemple. Est-ce vrai ?


Cela me fait vraiment rigoler car je ne peux pas en arriver là. Sinon, j’allais dresser la liste des Etalons. C’est à l’entraîneur de décider de quel joueur il a besoin et je ne peux pas me substituer à lui. Ce que je peux faire, c’est apporter mon avis et un plus pendant le match. Pendant la CAN 2013, quand nous sommes arrivés en finale, il y a eu des moments où je discutais avec l’entraîneur sur son banc. En tant que joueur sur le terrain, tu as un ressenti dans le jeu et tu vois vite qu’il manque de la fraîcheur dans tel ou tel compartiment. Mais j’échangeais généralement avec deux ou trois joueurs dont Charles pour avoir également leur ressenti. Surtout quand nous gagnions 1-0 et que la pression de l’adversaire est forte afin d’exiger du sang neuf en renfort. Je discutais avec l’entraîneur mais c’est à lui de faire son choix sur le joueur qui pouvait prendre place sur l’aire de jeu. Cela est normal pour un leader comme moi, d’apporter ma contribution pour l’équilibre de notre jeu. Je ne suis simplement pas d’accord quand j’entends les gens dire qu’il faut écarter les pros et laisser l’équipe entre les mains des joueurs locaux car on a beaucoup plus besoin de tout le monde qu’autre chose. Je ne suis pas contre eux, car ils constituent un maillon essentiel dans la chaîne. Les locaux auront toujours plus besoin du soutien des joueurs professionnels qui ont vécu au niveau du football international. On apprend beaucoup de choses du football en évoluant en Europe. Le joueur local pourrait apporter sa fraîcheur et son envie de vouloir intégrer le groupe. Un autre fait qui m’écœure au niveau des Etalons est la façon dont on a poussé Moumouni Dagano vers la sortie. On aurait dû avoir plus de respect pour lui car il a beaucoup fait pour l’équipe nationale. C’est quelqu’un que je respecte même si la rumeur a fait croire qu’on ne s’entend pas. C’est vrai qu’on a moins d’affinité et c’est normal car dans un groupe, on a deux ou trois personnes avec lesquelles on a des atomes crochus. Avec Dagano, je n’ai jamais eu de problèmes. On a toujours été de bons copains en équipe nationale. En tant que professionnel, je le respecte. En 2013, il nous a beaucoup apporté. Même si par moments, il ne jouait pas, il n’a jamais cessé de nous soutenir. On sentait qu’il avait également envie de voir ce groupe remporter le trophée. Le fait qu’il soit parti sur la pointe des pieds est vraiment dommage et ce n’est pas une bonne image à montrer aux jeunes joueurs qui viennent en équipe nationale. Ils pourront se mettre dans la tête qu’on va les utiliser, les presser comme une orange et ensuite les jeter sans remerciement. On devait lui donner plus de respect pour la quinzaine d’années qu’il a passé avec les Etalons et ce qu’il a apporté au football burkinabè. Dagano a instillé plus de joie au public burkinabè et il était impérieux de le soutenir mieux que cela. Rien qu’à le voir dans le groupe, un attaquant qui joue à sa place aura toujours envie de faire mieux, marquer plus de buts que lui. En somme, sa présence est comme un opium pour la concurrence. Même les jeunes attaquants locaux le prennent pour exemple. Cela prouve que c’est un géant. On devait avoir plus de reconnaissance pour tout ce que Dagano a apporté à l’équipe nationale. Je ferme cette parenthèse pour revenir sur votre question et préciser que si tu es proche d’un joueur, on fait vite la relation pour dire que c’est grâce à toi que ce joueur est en sélection. Mais sur le terrain, c’est au joueur de prouver sa valeur. Si le coach voit qu’il peut se passer de ses services, il ne l’appellera pas. C’est grâce à la sélection que nous sommes devenus amis. Le cas de Wilfried est différent car nous avons joué quatre à cinq saisons ensemble avant que je ne le rejoigne en équipe nationale. Mais je n’ai jamais influencé sa sélection. Peut-être que les entraîneurs peuvent penser que l’avoir en sélection pourrait me permettre de me sentir bien. Mais c’est au joueur de prouver, de montrer ses qualités pour avoir sa place en équipe nationale. Tous les joueurs que vous citez, je n’ai en aucun cas influencé leur sélection, juste peut -être que j’ai donné mon avis pour ce qu’ils peuvent apporter mais après, c’est au coach de dresser sa liste. Ce sont des joueurs qui ont prouvé leur qualité sur le terrain. Je prendrais l’exemple de Florent Rouamba, c’est un joueur qui a apporté beaucoup pendant la CAN 2013. Il nous a aidés à toutes les rencontres où il a pris part. C’est vrai que c’est un joueur qui a des difficultés pour se trouver un club stable mais il reste l’un des éléments les plus capés de la sélection. Avec son influence et son vécu, il peut toujours aider les jeunes. Quand je débutais avec la sélection, on avait des difficultés à se qualifier et c’était difficile car le public nous en demandait trop alors qu’on était jeunes. C’est un public qui a envie de voir son équipe gagner et on se bat pour lui procurer ce plaisir. Après avoir raté deux CAN (ndlr : 2006 et 2008), on a pu renouer avec les phases finales et les choses ont commencé à marcher. Nous sommes allés en Angola (2010) puis en Guinée Equatoriale (2012). Ça n’a pas marché mais on sentait qu’on a commencé à trouver un groupe. C’était une équipe qui jouait bien au football mais manquait seulement de réussite. Avec la patience et le travail, on a pu provoquer cette réussite en 2013 et nous sommes arrivés en finale. Aujourd’hui, notre équipe devait se hisser au niveau du Ghana et jouer au minimum les quarts de finale à chaque CAN. En 2015, on était confiants et on s’est vu très vite un ton au dessus des autres équipes de notre poule. C’est ce qui nous a handicapés.


Avec le recul, pourriez-vous nous expliquer ce qui s’est passé au Gabon lors du match aller des éliminatoires de la CAN 2015 face aux Panthères, un match où vous êtes resté cloîté sur le banc alors que le public vous attendait comme titulaire ?


Je suis arrivé diminué car j’ai intégré le groupe deux ou trois jours avant le match. J’avais un petit souci à la cheville et comme on avait une autre rencontre quatre jours après à Ouagadougou, j’ai discuté avec le coach et il m’a fait savoir que le plus important était qu’on gagne le match de Ouagadougou. Il était mieux pour lui de me ménager afin que je sois prêt à 100% pour le rendez-vous de Ouagadougou. Mais si entre-temps on était en difficulté et qu’à un moment je pouvais effectuer ma rentrée, il le ferait. En seconde période, quand les Gabonais ont pris l’avantage, le coach n’a pas voulu prendre le risque de me jeter dans le bain. Il n’y avait pas de problème entre nous.


Comment expliquez-vous l’échec des Etalons à la CAN 2015 ?


C’est vraiment une déception car le public attendait plus de nous. Il avait encore envie de revivre les émotions de la CAN 2013. Nous également, nous sommes partis avec cette confiance de pouvoir passer le cap des phases de groupe. C’est le premier match qui nous a carrément tétanisés mentalement. On voulait s’imposer dès notre sortie initiale face au Gabon et partant, confirmer lors des autres oppositions pour nous qualifier. Le Gabon était la rencontre où tout le groupe avait envie de gagner car on avait une dette à rembourser. On a donc pris le jeu à notre compte et nous nous sommes procuré les meilleures occasions. Mais, il nous a manqué la baraka. Par contre, les Panthères ont su concrétiser les deux ou trois occasions qui se sont offertes à elles. Cela a été un coup dur pour nous. Après cette défaite, la rumeur a couru que nous sommes restés à nous quereller sur le terrain. C’était archi faux. On était bien ensemble. Mais il faut bien se le dire, l’organisation a failli. On a préféré se concentrer, se remobiliser pour avancer car la qualification était encore possible malgré la défaite. La perfection de notre stage en Afrique du Sud a vite contrasté avec l’amateurisme organisationnel de nos dirigeants. Dès le premier jour de départ pour la Guinée Equatoriale, on n’a eu que des problèmes. Nonobstant les faits du voyage, on ne savait pas avec quel équipementier on allait aborder la compétition. Au cours de nos matchs amicaux, on joue en Puma, pourtant on avait commencé le stage avec Kappa. Il faut être honnête, si on a envie de progresser et garder la constance au haut niveau, ce n’est pas seulement au niveau des joueurs et sur le terrain, il y a un travail de fond également à faire. On demande toujours aux joueurs d’être professionnels et de gagner les matchs mais si les autres ne font pas un travail professionnel, on n’observera aucune avancée. On ne peut pas progresser et devenir une grande équipe dans ces conditions. Après avoir joué la finale de la CAN en 2013, on pensait qu’on allait également progresser au niveau de l’organisation pour nous permettre, à nous joueurs, de ne se focaliser que sur notre travail de football. Mais on a plus régressé dans l’organisation autour de l’équipe nationale après cette CAN 2013. La défaillance organisationnelle a fait que nous sommes partis diminués à cette CAN 2015. C’est vrai qu’à un moment donné, on doit être fort et se concentrer sur notre travail, mais il faut se dire qu’au niveau professionnel, ce sont des petits détails qui ne pardonnent pas. Sur le plan des primes, le ministère a toujours fait un bon boulot et a toujours été à notre écoute. On ne s’est jamais plaint sur les primes. Quand on va en préparation pour une compétition, on évoque des millions mais c’est plus pour l’organisation car rien ne rentre dans les primes des joueurs. Nous venons en équipe nationale pour honorer le pays et non pour les primes de match. Quand on revêtit le maillot national et qu’on entonne l’hymne national, il y a une forte émotion indescriptible. Rien qu’à voir que tout le peuple burkinabè compte sur nous, c’est énorme. Les primes viennent en dernier ressort car c’est une motivation qui permet aussi aux joueurs de savoir que la nation est reconnaissante de ses efforts. Je reviens sur l’organisation pour dire qu’on ne peut pas concevoir qu’on soit en train de préparer une CAN sans un équipementier approprié. C’est décevant pour une nation comme la nôtre qui, jusqu’à l’heure, demeure toujours dans le flou, côté équipementier. Qualifiés à trois mois de la CAN, le problème d’équipementier ne devait pas se poser. Même qu’on devait disposer de tous les jeux de maillots pour la compétition et on se retrouve avec seulement deux ou trois maillots, c’est désolant pour une nation qui veut prospérer dans le football. Après chaque qualification, nous discutons avec les dirigeants pour donner aussi notre avis. Ils nous écoutent et essayent d’apporter un plus. Mais ils manquent de professionnalisme car il faudrait peut-être des gens qui comprennent le footballeur et ce dont il a besoin. Souvent, ce n’est pas une question d’argent mais juste s’organiser pour que le joueur se sente à l’aise dans la tête et ne penser qu’à son match. Et c’est plus facile pour nous de rentrer sur le terrain et se battre. On arrive à Bata et l’hôtel où on devait séjourner donnait directement au grand stade de la ville où devaient se jouer le maximum de matchs. Comment peut-on être serein au cours d’une CAN en étant logé dans un endroit où les gens sont en train de festoyer ? C’est difficile, on ne pourra jamais se concentrer. Le jour où nous sommes arrivés, tout le monde a ressenti cela. On n’a pas voulu parler mais les dirigeants ont vite compris. Il faut savoir qu’il y a un minimum pour rendre une équipe sereine. Ils ont essayé de rattraper le coup en nous changeant d’endroit. Mais les conditions d’hébergement étaient encore pires. Nous avions dû nous résigner pour accepter cette fois en vue de nous concentrer sur notre objectif. Pris de court par l’organisation de cette CAN, on a constaté que la Guinée Equatoriale n’était pas aussi prête comme on y pensait. Mais les dirigeants auraient pu mieux faire en préparant le groupe psychologiquement car ils ont eu le temps de visiter les infrastructures. Le fait d’arriver avec un problème mental comme celui-là dans la tête est perturbant. Les joueurs ont commencé à se focaliser sur les défaillances organisationnelles et on perd un peu de notre concentration d’être bon sur le terrain. Cela nous a vraiment déstabilisés. Après ce problème et après avoir perdu le premier match, nous étions dans le fond. On était plus basé sur des discussions qui n’allaient pas nous servir sur le terrain. Plutôt que de parler du sportif, notre attention était plus sur autre chose et on était encore là à donner notre avis sur l’organisation autour de l’équipe. Au second match, on en voulait, on avait envie mais il n’y avait plus de réussite car on a senti qu’à un moment donné on n’avait plus le même état d’esprit. On était encore meilleurs en 2015 qu’en 2013 car on avait acquis cette confiance qui nous manquait. Mais le fait de sortir hors du cadre du football et de se concentrer à vouloir résoudre des problèmes qui n’étaient pas les nôtres nous a fragilisés. Cela ne se fait pas dans des équipes comme celle de la Côte d’Ivoire ou du Ghana. Toute la base de la réussite trouve son fondement dans l’organisation. Le peu de temps qu’on passe ensemble, il faut que tout soit bien organisé afin qu’on ait envie de revenir. Le travail n’est pas seulement de gagner des matchs, c’est aussi faire en sorte pour pouvoir attirer d’autres joueurs burkinabè. Pour progresser, il faut savoir attirer aussi les binationaux comme ont pu bien le faire des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria ou l’Algérie. La Fédération doit travailler à donner envie à ces jeunes joueurs de rejoindre leur pays d’origine pour défendre ses couleurs. C’est à nous aussi de faire le travail en gagnant le maximum de matchs. Après la CAN 2013, beaucoup avaient envie de rejoindre notre équipe nationale mais la Fédération n’a pas fait le boulot en ce moment. Il faut faire un travail de fond et localiser ces jeunes et les suivre en les faisant venir même si ce n’est pas pour l’équipe A, car il y a les Olympiques et les Espoirs.


Pourriez-vous rassurer que vous êtes partis unis à cette compétition quand on sait que pendant la préparation, il y a eu des frictions entre certains joueurs ?


Dans un groupe, il y aura toujours de petits problèmes. Même dans les clubs, c’est pareil. Il peut toujours y avoir de petites disputes mais nous restons toujours un groupe. Sur le terrain, un joueur de foot oublie qui est son ennemi car le foot est un travail d’équipe, c’est un sport collectif. C’est vrai que Messi sans le Barça sera toujours le même mais si les autres joueurs du Barça jouent sans lui, il sera quelconque et il ne sera jamais aussi décisif qu’il l’est maintenant. Quand on ne se chamaille pas, on ne verra jamais nos petits défauts pour les corriger. Il y a des disputes par moments, mais sur le terrain, cela ne transparaît jamais et on devient des amis sans s’en rendre compte. Le terrain nous permet de nous rapprocher davantage et d’être encore unis. Nous ne sommes pas partis désunis car on avait tous le même but qui était d’avancer ensemble et de gagner le maximum de matchs. La sélection n’appartient à personne, on joue tous pour le Burkina. On vient pour quelque temps et on repart dans nos clubs respectifs. En équipe nationale, que tu sois titulaire ou pas, nous sommes regroupés pour le même but. Ce n’est pas pour passer toute une année ensemble. En partant à la CAN, on avait toujours le même état d’esprit. On est arrivés à un niveau où il fallait confirmer et c’est ce qui nous a manqué. Il fallait prouver que là où nous sommes arrivés en 2013 n’était pas un hasard. Mais nous regrettons car on pouvait faire encore mieux avec l’équipe et la qualité qu’on a. C’est ce qui a peut-être amené les gens à nous critiquer. Mais il faut accepter les critiques car c’est ce qui peut nous rendre forts. Sans les critiques, on va se sentir trop parfaits. Il faut par moments que les gens soient également justes et comprendre ce qui se passe. Car la motivation, c’est le public qui peut aussi nous l’apporter. Si nous sommes dans le fond et qu’on sent que le public est toujours derrière nous, on s’en va chercher des ressources on ne sait où pour poursuivre la bataille. Mais quand on est cramés et qu’on ne sent pas qu’il y a des gens pour nous aider à nous ressusciter dans le jeu, on capitule.


En 2013, vous avez été désigné meilleur joueur de la CAN. Deux ans après, vous n’êtes plus nominé. Quelle appréciation faites-vous de votre rendement personnel en Guinée Equatoriale ?


Mon rendement est mitigé tout comme celui de l’équipe. En tant que leader, mes coéquipiers comptaient sur moi. On était bien parti durant le stage mais je vais être honnête, je ne sais pas si on avait diffusé le message mais après le premier match, j’avais un problème au poignet et j’avais du mal. Le second match, je ne pensais même pas être titulaire. Mais le groupe avait besoin de moi et comme je suis l’un des
leaders, tant que je peux toujours apporter quelque chose, je serai toujours là. Le coach me l’a demandé, et comme je voulais y participer, j’ai joué. Mais malheureusement, comme je n’étais pas à 100%, j’ai contracté une autre blessure à l’épaule. Je ne sais pas si vous vous rappelez de cette action où je suis mal tombé. Je ne pouvais plus continuer le match. J’ai même dit au coach qu’il fallait que je sorte mais comme nous sommes un bon groupe, toute l’équipe voulait que je reste car sur une action quelconque, je pouvais apporter un plus. Mais à un moment donné, cela me faisait mal car l’équipe avait besoin de moi et je ne pouvais pas l’aider à gagner. Vers la fin, j’ai exigé de l’entraîneur qu’il me sorte. Malheureusement, on n’a pas gagné. Les petites blessures que j’ai contractées m’ont sérieusement handicapé et je n’étais pas à 100%. Avec l’épaule déboîtée, je ne pensais pas être du rendez-vous du troisième match. J’ai dû forcer et jouer avec une main. On a tenté notre chance mais avec la défaite, on était éliminés. Il y a eu tellement de circonstances désavantageuses à notre encontre avec moi, pas à 100% et Alain Traoré qui revenait également d’une blessure. On s’est retrouvés vite dans le dur. On voulait confirmer nos qualités et notre progression à cette CAN 2015, mais on n’a pas pu le faire et cela me fait mal.


Quels sont vos rapports avec vos autres coéquipiers de l’équipe nationale aujourd’hui ?


On entretient de très bons rapports. Chacun est concentré sur ses préoccupations en club mais de temps à autre, j’arrive à joindre deux ou trois joueurs pour m’enquérir de leurs nouvelles, surtout ceux avec qui j’ai plus d’affinité. Mais on éprouve tous de la joie à nous retrouver en équipe nationale. Je croise les doigts afin que mes coéquipiers qui sont présentement sans clubs puissent avoir un point de chute d’ici la fin du mercato afin qu’on puisse les retrouver en forme pour le match face au Botswana. Si les joueurs sont satisfaits dans leur club, ils s’épanouissent mieux en équipe nationale.


Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la Fédération burkinabè de football ?


Il y a encore un gros boulot à faire au sein de cette structure. Ses membres sont toujours présents avec nous, par moments, on discute pour améliorer l’organisation, mais ils peuvent encore mieux faire. Il y a un manque criant de professionnalisme à leur niveau. A un moment donné, on sentait la progression et on se disait qu’on avait atteint un niveau où on pouvait être tranquilles et être délestés de ce poids de toujours donner notre avis sur l’organisation. Mais des problèmes du genre, se retrouver en équipe nationale et constater un déficit d’équipement persiste. Ce n’est pas sérieux pour une équipe nationale qui a des ambitions. Si la Fédération pouvait arriver à comprendre le minimum qu’un joueur a besoin pour se sentir à l’aise sans être obligé de se focaliser sur l’organisation, cela allait nous libérer et être bien présent sur le terrain. Il faut impliquer ceux qui ont un vécu dans le football professionnel afin qu’ils soient là pour accompagner car ils connaissent mieux les besoins d’un footballeur. Si c’est la voie à suivre en passant par votre canal pour se faire comprendre, il est temps. Je suis peut-être le mieux placé pour exprimer notre ressenti. Le joueur burkinabè ne se plaint jamais, nous sommes toujours humbles. On aime se contenter du peu. Mais par moments, il faut parler pour se faire comprendre du public. Quand tu viens en sélection pour gérer des difficultés, tu arrives diminué dans la tête et tu te poses pleins de questions. Heureusement que nous venons en équipe nationale pour faire honneur à la patrie sinon, si on devait le faire pour les beaux yeux de quelqu’un, jamais plus un joueur ne répondrait présent. Après la CAN 2013, on nous a parlé de l’arrivée d’un bus. On l’a emprunté une fois mais il ne répondait pas aux commodités telles qu’on nous l’avait fait comprendre. Depuis lors, il ne vient plus nous chercher. Il ne faut pas prendre un bus pour le prendre tout en sachant qu’on n’allait pas l’utiliser. Jusqu’à présent, on continue de louer un autre moyen de locomotion. N’avoir pas de bus pour l’équipe nationale alors que beaucoup ont changé leur regard sur nous après notre place de finaliste et surtout au sortir d’un brillant parcours des éliminatoires de la coupe du monde 2014 zone Afrique ne fait pas honneur aux Etalons. On devait ressentir une progression dans tous les domaines mais le reste n’a pas suivi. On me dira certes, que ce sont de petits détails. Mais ce sont ces petits détails qui peuvent amener un groupe à progresser et devenir une grande équipe. Dans notre effectif, on a au moins huit joueurs qui ont dix ans d’expérience en équipe nationale, donc ce sont des joueurs capés. Si on a trop subi, il faut à un moment extérioriser nos ressentis. Les gens vont peut-être prendre cela en mal, mais le but est juste de nous faire comprendre.


Mais la Fédération vous met-elle dans les conditions idoines pour gagner vos matchs en sélection ?


Sur ce plan, la Fédération fait ce qu’elle peut. Elle se donne à fond et nous accompagne énormément. Mais c’est le manque de professionnalisme qui fait par moments que nous ne sommes pas satisfaits. Comment comprendre qu’on organise un stage à Paris et au retour on scinde l’équipe en deux soit disant qu’il n’y a plus de place sur le vol direct de Paris-Ouagadougou ? Les uns embarquent avec Air France et d’autres avec Turkish. Pourtant, on avait un match très important en fin de semaine. La sélection est un groupe et on devait voyager tous ensemble. Ce sont de petits détails comme ceux-là qui déstabilisent. Cela engendre tout type d’interprétation et on finit par dire que les joueurs ne s’entendent pas. Je ne parle pas pour moi mais pour l’intérêt général du groupe.


Vous êtes professionnel depuis plus d’une décennie, pensez-vous que l’organisation du football burkinabè aspire aujourd’hui vers le professionnalisme ?


Je fais une mention spéciale à la Fédération qui apporte un plus aux clubs en augmentant le montant de la subvention. Elle noue également des partenariats pour avoir du soutien en vue d’apporter un plus aux clubs. On sent que les dirigeants ont envie de faire du bon boulot. C’est également aux clubs de se professionnaliser avec des structures dirigeantes bien détaillées pour pouvoir élever leur niveau. Le championnat burkinabè a perdu de son euphorie d’antan. Quand j’étais jeune et j’allais suivre le derby EFO#ASFA-Y avec mon papa, paix à son âme, je prenais assez de plaisir et c’était extraordinaire. Il y avait du public et les acteurs donnaient du spectacle. Aujourd’hui, une rencontre EFO#ASFA-Y est devenue comme un match de quartier. Il faut travailler à amener le public à aimer de nouveau le championnat national. Cela doit passer par le recrutement de bons joueurs étrangers et aux clubs de travailler à conserver leur pépite. C’est un travail de fond aussi bien au niveau des clubs que de la Fédération. Il faut que les anciens joueurs professionnels s’impliquent aussi davantage dans la gestion du football national pour apporter leur expérience. Si les anciens pros apportent leur expertise, les clubs se professionnalisent et la Fédération s’améliore dans l’organisation, cela fera que le niveau va progresser et on va pouvoir garder les jeunes bons joueurs. Au bout, cela va faciliter les transferts. Si on éprouve des difficultés au niveau des transferts des joueurs burkinabè en Europe, c’est parce que, quand un jeune joueur veut partir, il emprunte des voies tortueuses et c’est normal qu’il se retrouve sans club à un moment donné. Si cela n’est pas fait dans les règles de l’art, il ne pourra que souffrir. Si nous sommes bien organisés et s’il y a un suivi rigoureux des joueurs à la Fédération, notamment par un accompagnement dans leur carrière, on pourra éviter au maximum les pertes de talent. Le milieu du football est un monde de requins car il y a beaucoup d’intérêts qui entrent en jeu, donc il y a forcément du trafic. Il est dangereux et on a intérêt à être bien organisé. La presse burkinabè devrait faire aussi sa part de boulot pour une plus grande promotion de nos joueurs en transmettant les informations fiables au public et à nos fans. Voir des journalistes sportifs qui attendent que les joueurs leur apportent leur propre information pour diffusion est décevant. Ils devraient connaître au moins où évolue chaque joueur de l’équipe nationale et avoir une fiche individuelle de suivi. Je pourrais même parier qu’il y a des journalistes qui ne connaissent pas mes nombres de sélections, mes nombres de buts et même mes nombres de participations aux phases finales de CAN. Nos fans ont plus d’infos sur nous que les journalistes sportifs qui se contentent du peu. Je propose qu’il y ait un travail d’équipe entre les journalistes et la Fédération pour faire plus de promotion des joueurs sélectionnés et ceux qui seront amenés à être sélectionnés pour le plus grand bien du football burkinabè.


Comment se porte KADA School aujourd’hui ?


KADA School est actuellement fermé car on avait des soucis dans son fonctionnement. C’était mon père qui s’occupait plus de beaucoup de choses. On a constaté qu’à un moment donné, on avait des tensions de trésorerie car on n’avait pas assez de soutiens. On essayait de faire de notre mieux pour garder le centre en fonction mais on avait des difficultés avec les familles des joueurs car nous n’étions pas pour les transferts qui ne se font pas dans les règles de l’art. Quand on ouvre un centre, c’est pour aider, mais les gens doivent comprendre qu’il y a des charges de fonctionnement. Quand tout est fait de façon professionnelle, il y a des voies à suivre. Pour le moment, KADA School est en stand-by. On a marqué une pause pour l’instant mais on continue avec Majestic. On va tout faire pour que ce club puisse progresser. Cette saison, on va s’organiser davantage car j’ai envie que Majestic puisse avoir aussi son mot à dire dans le championnat national, et dans le futur on verra si KADA School va continuer ou pas.


Votre papa vous était d’un grand soutien. Vous êtes-vous remis aujourd’hui de sa brusque disparition ou accusez-vous encore le coup moralement ?


C’est difficile car il m’était vraiment d’un grand soutien. C’est quelqu’un qui aimait le football et c’est lui qui m’a inoculé ce virus. Dès mon bas âge, il m’amenait régulièrement au stade. Il était fan de l’EFO et moi, supporter de l’ASFA-Y car j’avais un oncle qui évoluait dans cette formation. Pour qu’il m’amène au stade, je lui disais que je supportais l’EFO mais arrivé au stade, je dévoilais ma préférence. C’est vraiment de bons moments que j’ai partagés avec lui. Grâce à lui, une fois à la maison, je cherchais à taper dans le ballon et c’était la façon à moi de revivre le match que j’avais vécu avec lui au stade. C’est lui qui me donnait également la force de me battre plus pour l’équipe nationale. Mais ce sont des circonstances difficiles de la vie qu’il faut accepter. De là où il est, il continue certainement à me soutenir et il espère encore me voir grandir et perpétuer le nom qu’il m’a donné.

Interview réalisée par
Béranger ILBOUDO
Commentaires