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Santé sexuelle : Ces mines d’informations et de services sous-exploitées
Publié le samedi 29 aout 2015  |  Sidwaya




La population burkinabè est composée de plus de 60 % de jeunes. D’où la nécessité de les prendre en compte dans les programmes de développement. Dans ce cadre, la question de la santé, d’une manière générale, et celle sexuelle et reproductive, spécifiquement, ne peut être occultée. Aussi, l’Etat et certaines structures privées ont créé des Centres pour jeunes pour accompagner cette frange de la population. Comment ces structures fonctionnent-elles? Les jeunes s’y intéressent-ils ? Allons à la découverte des préoccupations inavouées de jeunes dans le domaine tabou de la santé sexuelle et reproductive.

Forte mobilisation de jeunes, le 23 juillet 2015, au Centre d’écoute pour jeunes de l’Association pour le Bien-être Familial (ABBEF) situé sur l’Avenue du Capitaine Thomas Sankara, à Ouagadougou. Parmi eux, on dénombre essentiellement des élèves et des étudiants. A la question de savoir la cause de ce regroupement, Gisèle Konditamdé, une nouvelle bachelière de 18 ans et pair éducateur à l’ABBEF, de répondre : « Nous allons à une conférence organisée dans le cadre de la Journée mondiale de la population célébrée chaque 11 juillet. Ce que vous voyez, poursuit-elle, c’est l’ambiance normale de la maison, hormis la présence exceptionnelle des pairs éducateurs ce matin ».

Les jeunes viennent s’informer sur la santé de la reproduction et les Infections sexuellement transmissibles (IST). La structure offre, entre autres, des services sanitaires et des jeux de société. Une bibliothèque est également disponible.
Autres lieux, autres ambiances ! Dans les deux Centres pour jeunes du ministère de la Santé, à Ouagadougou, c’est plutôt le calme plat. Pas de trace de jeunes les 14 et 15 juillet de cette année, respectivement au « Centre de service, Conseil pour jeunes et médico scolaire du secteur n°15 » et au Centre jeunes du quartier Ouidi. « Ce sont les vacances, la fréquentation est au plus bas niveau », expliquent les responsables.

Selon la gestionnaire du Centre jeunes du secteur n°15, la sage-femme Balkissa Konkobo, pendant l’année scolaire, la structure peut recevoir entre 150 et 160 personnes par mois, soit environ 5 personnes par jour, en moyenne. Les périodes de forte affluence se situent entre novembre et janvier où les visites peuvent atteindre un pic de 50 personnes par jour, composées essentiellement de filles de 19 et 24 ans. Les sollicitations les plus nombreuses sont les informations, les consultations prénatales, la planification familiale et les consultations pour les Infections sexuellement transmissibles (IST) chez les garçons. La vente de préservatifs à prix réduit connaît un réel succès dans le centre. On note une rupture de stock ce jour. Les jeunes s’approvisionnent par groupe en achetant des paquets de condom, révèle Mme Konkobo.

Les jeunes et le goût du risque

« L’explosion du 15 juillet 2014 dans le quartier Larlé a endommagé nos locaux et l’hébergement des sinistrés a réduit la fréquentation du centre qui recevait plus de 25 jeunes par jour», confie pour sa part, Mme Simone Ouédraogo à qui incombe la gestion du Centre pour jeunes dans le quartier Ouidi. Le minimum avant ce triste événement était de 6 jeunes par jour d’un âge compris entre 16 à 23 ans. A ce niveau, les consultations pour les IST sont les plus importantes, suivies de la planification familiale et les besoins d’informations. « Les jeunes prennent goût au risque ; ce sont les rapports sexuels non protégés et le multi partenariat », regrette Mme Ouédraogo.
Pour les responsables de ces deux structures, la fréquentation des centres par la cible, c’est-à-dire les jeunes et adolescents de 6 à 24 ans pourrait être meilleure si les moyens d’accompagnement étaient suffisants.

« Il faut revoir l’emplacement du centre qui est implanté dans la même cour qu’un service du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale», suggère Mme Ouédraogo. Un mur de séparation entre les deux services pourrait, de son avis, être une autre solution. En effet, se justifie-t- elle, généralement au niveau de l’action sociale, on traite de cas litigieux. « Pour un jeune qui emprunte la même porte d’entrée, il se sent complexé par les qu’en dira-t-on. On croirait qu’il a été convoqué par l’Action sociale. Et cela contribue à réduire la fréquentation », ajoute la sage-femme. Les jeunes, dit-elle, ont besoin d’une certaine discrétion quand ils viennent, ce qui n’est pas toujours possible lorsque des activités publiques sont organisées par nos voisins.

Hormis cela, pour elle, le cadre n’est pas attrayant. L’infrastructure est vétuste, la toiture croule, son étanchéité laisse à désirer, les salles sont insuffisantes, aucun panneau n’indique sa présence, etc. Le délabrement est tel que le bâtiment, selon les occupants, a besoin d’être rénové ou reconstruite. Par ailleurs, les activités de loisir n’existent quasiment plus. Le manque de ressources financières a amené le centre à supprimer ou à réduire certaines activités pourtant utiles, confie la gestionnaire. C’est le cas des sorties de sensibilisation et d’information dans les établissements d’enseignement secondaire, le dépistage du VIH/SIDA et du cancer du col de l’utérus et les consultations prénatales. Sa collègue du secteur n°15 pense qu’un dépôt de médicaments pourrait améliorer les prestations de sa structure et améliorer sa fréquentation par les jeunes.

L’obstacle ce sont les camarades

Situé en plein campus universitaire à Zogona, le Centre pour jeune de l’Université de Ouagadougou peine à mobiliser véritablement sa cible principale, à savoir les étudiants, selon la gestionnaire, Amandine Yaméogo, rencontrée le 15 juillet 2015. Les visites vont rarement au-delà de 20 étudiants par mois. Elle aussi évoque un handicap majeur pour la réalisation des activités : l’insuffisance de moyens financiers. L’on se demande alors ce qui freine la fréquentation quand l’accessibilité n’est pas un problème, que le besoin en soin de santé est réel et que des efforts sont déployés pour les satisfaire.

Nombre d’étudiants et d’autres jeunes rencontrés ont relevé l’insuffisance de communication sur les centres. Salia Ouattara, 25ans, étudiante en 4e année de sciences économiques, ignore tout des activités du centre pour jeune de l’université, hormis la distribution de préservatifs et les jeux de société. Son camarade, Bassirou Konfé, n’est pas mieux informé. Arthur Yoda et Sami Palenfo, respectivement en 3e année de sociologie et en Master 1 d’histoire, tous deux semblent être informés de l’offre des services de santé, mais chacun dit n’y avoir jamais eu recours. La raison, selon M. Palenfo : « Avec la présence des camarades, c’est un peu difficile de franchir le pas (…). Si on te voit rentrer on peut facilement imaginer que tu as des soucis de santé ou que tu es allé chercher des préservatifs.

Et ce sont les railleries. » Pourtant, selon la gestionnaire du centre, les étudiants doivent faire fi des préjugés, des « on dit », « se défaire des idées selon lesquelles la fréquentation est synonyme de séropositivité » car le centre offre de nombreuses prestations en plus du dépistage du VIH comme les jeux, les conférences, les causeries.
Pour Sami Palenfo, la solution se trouve plutôt dans la séparation du service de santé des autres activités. Une proposition qui n’est pas partagée par Joseph Ido du Réseau africain, jeunesse, santé et développement (RAJS). Pour lui, en effet, un Centre pour jeunes doit pouvoir répondre aux différentes sollicitations des jeunes tels l’information sur la formation professionnelle, le loisir, l’emploi, la santé, etc. « Aucun jeune ne fréquentera un centre où il n’y a pas d’autres services », souligne-t-il.

L’approche « pair- éducation »

Par ailleurs, l’approche parait déterminante dans la fréquentation des centres. Pour qu’elle soit un atout, la pair- éducation, c’est-à-dire la sensibilisation des jeunes par les jeunes et les formations des agents de santé font partie des stratégies mises en œuvre dans différents centres.
Sur l’importance de l’approche, Mme Ouédraogo laisse entendre : « Une fois que le jeune vit une frustration, il ne va plus jamais se présenter à un service de santé et cela ne peut que faire perdurer les tares, les IST et leurs propagations (…) Aussi, le personnel doit être disponible, compétent, et savoir gérer l’humeur et les caprices des jeunes ».

Le genre est une autre paire de manches. « Il me sera difficile de me déshabiller devant une femme pour me faire consulter, même si elle est médecin», affirme Sami Palenfo. Le problème du genre est résolu au centre du secteur n°15, avec la présence d’infirmiers, d’infirmières et de sages-femmes. A Ouidi, ce n’est pas le cas, mais Mme Ouédraogo dit n’avoir jamais été confrontée à une résistance ou un refus lié au fait qu’elle soit femme.En réalité, le manque d’engouement a une autre explication. « On se dit qu’on a assez d’informations sur la santé sexuelle et reproductive », indique quelques étudiants. Pourtant, nombre d’entre eux demeurent dans l’ignorance et l’incertitude sur certaines questions liées au sexe.

Selon Amandine Yaméogo, des filles viennent pour comprendre le calcul des cycles menstruels, des couples viennent s’informer sur la planification familiale et le risque de grossesse amène d’autres à venir au centre, etc. Dans le milieu scolaire et surtout dans le secteur informel, les informations reçues sont généralement erronées. « Certains élèves pensent que les rapports sexuels entre partenaires qui s’aiment ne peut occasionner une grossesse », fait remarquer Mme Ouédraogo. Mme Konkobo estime qu’il est anormal qu’une fille de 17 ans tombe enceinte alors qu’elle est en classe d’examen. Pour elle, si cela se produit, soit la grossesse est non désirée, soit elle est précoce car rien ne l’empêchait d’attendre la fin des examens.

Et les cas d’exemption au sport aux examens scolaires pour causes de grossesse, césarienne, allaitement enregistrés dans le centre restent importantes. « De plus en plus de filles de 16, 17 et 18 ans viennent demander des avortements en méconnaissance des textes qui interdisent cette pratique au Burkina Faso », confie Mme Konkobo.

Les jeunes reçoivent les informations de bouche à oreille et ne prennent pas la peine de vérifier, pourtant, les parents n’ont pas le temps d’éclairer leurs lanternes, explique Mlle Konditamdé de l’ABBEF. Toute chose qui témoigne de la nécessité de poursuivre la sensibilisation et l’information des jeunes sur la santé sexuelle et reproductive. Pour les différents intervenants, ce travail incombe aux parents.

C’est ainsi que plusieurs jeunes saluent l’érection des centres pour jeunes.
Mais l’un des défis majeurs reste la communication sur leur existence et la sensibilisation des jeunes quant à la l’utilisation des services à eux offerts ainsi que leur dotation en matériels et en ressources financières suffisantes. Cela pourrait contribuer à réduire le taux des grossesses qui est de 13 % chez les adolescentes en milieu urbain et de 29% en milieu rural (Rapport de l’enquête démographique et de santé 2010).

Pour Yasmine Zibaré, stagiaire au ministère des Sports et loisirs, si les jeunes sont suffisamment informés des activités des centres, ils les fréquenteront pour garantir une meilleure existence. M. Ido du RAJS, pour sa part, appelle à une synergie d’action des acteurs intervenant en faveur des jeunes afin que des solutions pérennes soient trouvées aux problèmes des jeunes et pour un meilleur fonctionnement des centres pour jeunes. L’implication de la presse est importante, souligne, de son côté, Mlle Konditamdé pour qui des efforts doivent être faits par les médias pour créer des rubriques et des émissions sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes.

Séraphine SOME /MILLOGO
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