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Décision du conseil constitutionnel : «ça ne pouvait pas être autre chose» (Abdoul Karim Sango, Juriste)
Publié le jeudi 27 aout 2015  |  L`Observateur Paalga




Le recours en inéligibilité introduit devant le Conseil constitutionnel par Ambaterdomon Angélin Dabiré a abouti à l’éviction des listes électorales de personnes emblématiques de l’ex-majorité. Dans cet entretien, Abdoul Karim Sango, juriste, enseignant de droit public à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM), revient sur cette décision qu’il juge juridiquement conforme au code électoral en vigueur.

D’un point de vue purement juridique, est-ce que vous vous attendiez à une telle décision et pourquoi ?

C’est essentiel que les Burkinabè le comprennent, une décision de justice peut ne pas nous être favorable. Mais dans une république organisée, ceux qui ont la charge de dire le droit, ce sont les juges.

La décision du Conseil constitutionnel, du point de vue strictement du droit, n’aurait pas pu être autre chose que celle qui a été rendue suite au recours introduit par le citoyen Angélin Dabiré pour la simple raison que la loi électorale n’a subi aucune modification. L’état du droit aujourd’hui, c’est que si vous avez soutenu un projet de loi de modification de l’article 37 pour empêcher l’alternance, vous devez pouvoir être exclu.

D’aucuns arguent qu’il y a l’arrêt de la CEDEAO, mais je l’ai dit plusieurs fois, personnellement je ne cherche pas à exclure X ou Y d’une compétition politique puisqu’une telle compétition est d’autant plus valorisante qu’elle est suffisamment ouverte.

Mais je crois que le juge de la CEDEAO a créé plus de confusion que de clarté puisque, d’une certaine façon, dans ses motivations il dit que les Etats peuvent avoir le droit d’exclure pour divers motifs. Il dit qu’en cas de changement anticonstitutionnel (même si la Cour ne dit pas ce qu’est un changement anticonstitutionnel) les autorités peuvent mettre en application les dispositions de la Charte africaine de la démocratie, de la gouvernance et des élections.

Le juge dit clairement dans un des paragraphes de ses considérants que l’exclusion pour fait de modification des dispositions qui prônent l’alternance ne devrait concerner que les Etats, les régimes ou les dirigeants. Mais le juge ne prend pas le soin de dire ce qu’il entend par dirigeants.

Personnellement, ce que j’ai cru percevoir dans la décision de la CEDEAO, c’est de dire que la disposition querellée (articles 135 et 166) est d’autant plus mauvaise que, pour le juge communautaire, cette disposition, dans sa mise en œuvre, risquait d’empêcher que toute une catégorie de la société appartenant à l’ex-majorité puisse se présenter aux élections.

Voilà pourquoi quand vous regardez la décision du juge constitutionnel, je ne me prononce pas à ce stade sur les motivations puisque je n’ai pas encore pris le temps de lire toute la décision, on comprend que, d’une certaine manière, sans citer l’arrêt de la CEDEAO, le juge constitutionnel burkinabè a entendu l’analyse qui en avait été faite par le juge communautaire en disant que tous les membres de l’ancien gouvernement ou tous ceux qui ont été dans les instances de partis proches de l’ancien régime sont frappés d’inéligibilité.

Or si vous regardez, même les rédacteurs de la loi, j’aime à rappeler que le ministre Auguste Denise Barry avait commis l’erreur de dire qu’en fait, l’exclusion-là ne devrait concerner qu’une trentaine de personnes. Il se trouve ici que le juge l’a élargi à d’autres personnes qui étaient des députés, etc. Donc, d’un point de vue strict du droit, à mon avis, le juge constitutionnel a fait une bonne application du code électoral.

L’autre aspect aussi est la contradiction de la CEDEAO. Vous savez que le protocole de la CEDEAO dispose que les modifications relatives au code électoral ne doivent pas s’opérer six mois avant la date du scrutin sauf s’il y a un large consensus autour de ces modifications.

Or en l’espèce, il n’y a pas de consensus. Conséquence, le gouvernement ne pouvait pas réintroduire un projet de loi modificatif du code à partir du moment où la disposition ne faisait pas consensus au sein de la société. Donc du point de vue strict du droit, je pense que la décision est en phase avec le nouveau code électoral qu’on appelait le code des insurgés.

De quel recours les inéligibles disposent-ils encore ?

Il n’y a aucun recours possible. En droit, les décisions qui émanent du Conseil constitutionnel sont insusceptibles de recours, étant entendu que le Conseil constitutionnel est la juridiction suprême et le conseil ayant dit de droit, il faut en tirer les conséquences.

Sauf que la loi électorale, et ça c’est une spécificité de la loi électorale burkinabè concernant les législatives, permet ici aux partis dont certains membres sont frappés d’inéligibilité de conserver leur liste en compétition en procédant simplement au remplacement des membres dont l’inéligibilité a été prononcée par le juge constitutionnel et cela pour compter de la date où ils ont reçu la décision jusqu’à zéro heure avant la date du scrutin.

Les partis dont les membres sont frappés d’inéligibilité devront saisir la commission électorale pour proposer des membres en remplacement. Et la CENI va procéder à la publication de cette liste et la transmettre sans délai au Conseil constitutionnel qui va vérifier si ces nouveaux membres ne sont pas également frappés d’inéligibilité.

Que risque le Burkina en passant outre l’injonction communautaire ?

A mon avis, le Burkina ne risque pas grand-chose. Il suffit de dire à la CEDEAO, nous avons voulu un amendement du texte pour prendre en compte la décision du juge communautaire. Mais le protocole de la CEDEAO dit qu’aucune modification ne peut être opérée six mois avant un scrutin sauf s’il y a un consensus. Alors que la CEDEAO sait très bien que cette question divise notre société.

Et aussi qu’un pan important de notre société est favorable au principe de la responsabilité des actes politiques. Autrement dit, que ceux qui ont commis des fautes devraient en répondre. La CEDEAO donne en général six mois pour la mise en œuvre de ses décisions puisque ça nécessite un certain nombre de tractations.

Autrement dit, au moment où on voudra les mettre en application, les dispositions seront caduques car c’est des dispositions qui sont valables pour les législatives et la présidentielle. Cette décision ne peut plus entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2016.



Entretien réalisé par San Evariste Barro
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