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Le Pays N° 5333 du 9/4/2013

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Tripouillage des constitutions en Afrique : Comment endiguer l’épidémie ?
Publié le mercredi 10 avril 2013   |  Le Pays




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Qu’est-ce qu’une Constitution étatique ? C’est l’âme d’un peuple, d’une nation. Ce qui lui confère une dimension sacramentelle. En ce début du XXIe siècle, après la fin des systèmes politiques clos s’appuyant sur des partis crypto-totalitaires, la démocratie, sous sa version libérale, est et reste la plus belle et la plus grande aventure de l’Afrique contemporaine.

Bref, elle offre à notre continent des promesses. Tout simplement, disons que, pour nos peuples, c’est une question même d’époque : ils veulent la liberté et l’alternance au pouvoir. Or, de nos jours, à quoi assistons-nous dans nombre de pays africains ? A l’avènement d’une nouvelle forme de maladie, une maladie politiquement très contagieuse que sont les tripatouillages constitutionnels. Dans plusieurs pays du continent tels que le Burundi, le Bénin, la RDCongo, le Burkina Faso, les régimes en place sont tentés par de soi-disant « révisions » constitutionnelles en vue de prolonger leur durée, pourtant déjà bien longue. Ainsi, tous les prétextes sont utilisés pour justifier de telles initiatives.

Une rhétorique creuse, des discours ronflants, des mots ampoulés qui n’ont rien à voir avec le vécu des peuples africains, des campagnes délibérées de mensonges relayées par une presse et des médias aux ordres, tout cela pour satisfaire la soif infinie de pouvoir de certains dirigeants africains.

Bref, tout est mis en œuvre pour créer du « bruitage », afin d’éviter de vrais débats publics autour de ces velléités de tripatouillages constitutionnels. C’est sans doute ce qui explique que cette question politique cruciale ne semble pas trop passionner les intellectuels africains. Ici, le dire vrai est éclipsé par ce que le philosophe sénégalais, Mamoussé Diagne, appelle « l’éclat du bien dire ». Face à ces nouveaux illusionnistes, les opinions publiques nationales et les sociétés civiles africaines, à l’exception du Sénégal, semblent complètement démunies. Pourtant, avec ces « révisions » dites constitutionnelles, se joue une partie décisive pour tout l’avenir du continent africain. Toute l’énergie africaine est absorbée dans la résolution et la gestion de conflits, liés essentiellement au refus de l’alternance politique pacifique. Et cela contribue à donner au monde entier une image excessivement négative de l’Afrique et des Africains, quand de telles initiatives n’alimentent tout simplement pas les mythes et délires racistes envers l’homme noir. A l’heure actuelle, ces tripatouillages constitutionnels dont les peuples africains subissent tout le poids, ressemblent à de basses eaux qui s’infiltrent dans nos sociétés, finissent par les submerger avant de les engloutir. C’est pourquoi, l’enjeu est simple : tout faire pour que les pouvoirs en place respectent la lettre et l’esprit de nos Constitutions actuelles. Il faut arrêter toute cette mascarade, souvent bâtie autour de la ronflante glorification du référendum, pour légitimer ces bêtises politiques.

Qu’est-ce qui différencie l’erreur de la bêtise ? L’erreur appartient à la sphère de la raison, laquelle ne peut se développer qu’en apprenant de ses erreurs. Or, la bêtise est l’incapacité de comprendre les limites historiques de nos points de vue. Pourquoi certains dirigeants africains s’acharnent-ils, de manière schizophrénique, à vouloir faire de l’Afrique le seul espace au monde où on laisse libre cours à la bêtise ? Pour justifier ces tripatouillages constitutionnels, les blablateurs, courtisans et flatteurs zélés des pouvoirs en place, avancent, toujours et partout, les mêmes slogans : au nom de la paix et de la stabilité. Ici, l’objectif politique recherché est clair : maintenir les peuples africains dans le brouillard. Or, les peuples d’Europe de l’Est, qui vivent aujourd’hui dans des sociétés démocratiques, ont réussi à dissiper, par leur courage moral et politique, le brouillard du totalitarisme stalinien. En 2011, la rue arabe a infligé une débâcle politique soudaine et totale aux dictateurs et tyrans qui régnaient sur la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, la Libye.

Ces révoltes populaires arabes auraient dû inciter nombre de dirigeants africains à écouter, avec sagesse, leurs voix intérieures, afin de renoncer à toute tentation d’instaurer des pouvoirs à vie. Qu’ils sachent qu’aujourd’hui, en Afrique, même les efforts vers la démocratie, sur le continent africain, se heurtent réellement à cette puissance d’envoûtement déclenchée par les adeptes de systèmes politiques voulant réaliser ce que Alquié nomme « le désir d’éternité ». Bref, le syndrome du dirigeant et du grand leader éternel, immortel. Dupes, les peuples africains ? Pas vraiment ; ils savent bien à qui profite toute cette sophistique anti-démocratique. Il serait encore plus difficile de faire comprendre cette situation à des citoyens occidentaux. En Afrique, en suivant la dialectique de certains dirigeants, on dirait qu’il n’y a pas trois temps, mais deux : le passé et le présent. Le futur, c’est aux peuples africains de le conquérir, pour accéder à une véritable modernité politique. Sinon, à force de tout subir, du fait de la peur, pour vivre dans une amnésie collective, voire « une servitude volontaire », nos sociétés ne pourront que poursuivre leur descente aux enfers. Le temps des pouvoirs à vie est passé. La grandeur de tout homme d’Etat repose sur son intelligence politique, sa vivacité intellectuelle et surtout sa passion exclusive pour son pays.

Actuellement, quelles sont les grandes figures politiques que la jeunesse africaine admire sur notre continent, pour leur vision, audace et grandeur ? Elles s’appellent Mandela, Diouf, Chissano, Buyoya, Rawlings, Kufuor, Konaré, Mbeki. Bref, des figures qui ont montré qu’il existe bel et bien une vie après le pouvoir. Par exemple, apprendre à rire tout simplement de soi ; plaisir simple, humain qui avait souvent été étouffé par les longues années d’exercice du pouvoir. L’histoire politique de l’humanité nous enseigne que nombre de dirigeants savent comment on conquiert et comment on conserve le pouvoir. Mais rare sont ceux parmi eux, notamment en Afrique, capables de répondre à cette question : comment perd-on le pouvoir ?

Les sociétés civiles africaines doivent redoubler de vigilance pour barrer la route à ces braconniers politiques d’une autre époque. Foucault avait raison : partout où il y a pouvoir, il y a résistance. Ces tripatouillages constitutionnels s’apparentent, très sérieusement, à une nouvelle forme de despotisme politique africain. Non, les Africains ne refusent pas catégoriquement la démocratie. Par leur vécu, ils savent que l’utopie démocratique, c’est la négation de la négation du statu quo. Si nous ne voulons pas devenir de simples jouets aux mains des adeptes des tripatouillages constitutionnels, et si nous voulons faire l’économie de toutes ces crises et leur lot de morts inutiles, chaque citoyen doit rester éveillé et agir pour faire respecter la lettre et l’esprit de nos Constitutions étatiques. Nos peuples n’ont pas tourné le dos aux dictateurs mono-partistes pour se retrouver dans des « démocratures ». La démocratie, parce qu’elle institue l’alternance politique pacifique, est cause de bienfaits réels pour toutes les sociétés humaines. Au-delà de la tentation d’instaurer des pouvoirs à vie, s’affirme encore en Afrique, avec les sociétés civiles et les intellectuels libres, éclairés, l’espoir qu’il existe des remèdes à cette épidémie. Et surtout, des citoyens courageux pour l’endiguer.

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