Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Armand Ouédraogo, procureur général près la Haute cour de justice, à propos des poursuites judiciaires contre les anciens dignitaires du régime Compaoré : « La loi autorise qu’on juge quelqu’un à son absence »
Publié le vendredi 21 aout 2015  |  Le Quotidien
Armand
© Autre presse
Armand Ouédraogo, Procureur général près la Cour de cassation




Les premières auditions de la commission d’instruction des dossiers ont lieu à la Haute cour de justice, l’institution qui juge les barons de la République. C’est dans ce contexte, que nous avons rencontré le 19 août 2015, le procureur général près la Haute cour de justice, Armand Ouédraogo, en vue d’échanger avec celui-ci sur les tenants et les aboutissants des travaux de cette institution et surtout de savoir comment elle fonctionne. Il faut noter que l’institution inaugure ses premières instructions avec le transfèrement à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou de Jérôme Bougouma, Jean Bertin Ouédraogo et de Arthur Kafando. « La Haute cour de justice est une institution nouvelle. Elle est régie par une procédure nouvelle peu connue par les citoyens », a-t-il dit. Pour le procureur, l’institution a lancé les dés et les travaux continueront en non-stop.

Le Quotidien : Les audiences ont débuté au sein de votre institution par rapport au jugement des anciens dignitaires du régime Compaoré notamment Jean Bertin Ouédraogo et Jérôme Bougouma auditionnés et déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Comment les travaux se déroulent concrètement au sein de votre institution?

Armand Ouédraogo : Nous sommes exclusivement saisis que par une résolution de mise en accusation du Conseil national de la Transition. Quand le dossier parvient à la Haute cour de justice, une commission d’instruction de trois juges mène l’instruction du dossier jusqu’au moment où cette commission estime que le dossier est clos et peut être jugé. Si les faits sont constitués, les juges peuvent prendre une ordonnance de jugement et si les faits n’en sont pas constitués, ils ne statuent pas. Au cas où le dossier doit être jugé, le dossier est transmis à la Haute cour de justice pour jugement. La commission de l’instruction est une structure à côté de la Haute cour de justice composée de 9 juges dont trois magistrats de grades exceptionnels et six députés. Le ministère public, notamment le procureur général est également là pour mener les poursuites contre d’autres personnes impliquées. Après l’instruction, les dossiers sont transmis pour le jugement. Pour le moment, nous sommes en phase d’instruction pour les premiers dossiers publiés.

Les deux anciens ministres déjà auditionnés seront-ils à la MACO à la disposition de la Haute cour de justice jusqu’au jugement ou que va t-il se passé ?

C’est la commission d’instruction qui les a mis sous mandat de dépôt et tant qu’on a besoin d’eux, ils peuvent y rester jusqu’au jugement. C’est la commission qui décide. Par contre, s’ils n’ont pas besoin d’eux, on peut les laisser libres jusqu’au jugement. Habituellement quand les gens sont mis sous mandat de dépôt, cela veut dire que les faits sont suffisamment graves et que lorsqu’on met en prison, ce n’est pas pour les laisser bien avant. Quand les faits sont d’une certaine gravité, il faut éviter que les gens prennent la fuite. D’où la nécessité de la détention.

Quelles sont les dispositions prises par votre institution pour éviter la fuite des personnes inculpées par le CNT jusqu’au jugement. Il est question de la fuite de certaines personnes pour échapper aux mailles de la Haute cour de justice. N’est ce pas ?

Prendre des mesures de façon préventive avant que le juge ne soit saisi serait une détention illégale. C’est dès lors que le juge est saisi, que celui-ci peut ordonner la détention. En vertu de quoi, on peut les arrêter avant la convocation du juge.

Quid de ceux qui quittent les frontières du Burkina ?

Il n’y a pas de dispositions particulières pour empêcher cela. Ce qu’il faut retenir, c’est que les gens sont convoqués pour être entendus. On ne dit pas qu’ils vont automatiquement en prison. L’idéal serait que chaque fois que quelqu’un est mis en accusation, qu’il soit arrêté avant même que la commission soit saisie. C’est la loi que nous respectons puisque cette loi ne dit pas qu’il faut procéder à des détentions préventives. Dans le système classique, le procureur peut faire arrêter en attendant le jugement. A moins que l’on révise la loi.

Que fait la Haute cour de justice lorsque celui qui est mis en accusation ne se pointe pas ?

Le juge convoque quelqu’un qui est censé être là. La loi autorise qu’on juge quelqu’un à son absence. Les gens qui ne sont pas là n’ont pas forcément le bénéfice de fuir. Lorsqu’on n’est pas là, on peut se retrouver avec une peine très élevée. Une fois la peine prononcée, on peut demander l’extradition de celui qui a fui. Il y a des gens qui s’excusent devant une juridiction et cela peut contribuer à des circonstances atténuantes. Ce n’est pas forcement une bonne affaire que de fuir.

Y a-t-il une prescription en ce qui concerne les peines prononcées par la Haute cour de justice ?

La prescription est de vingt ans. Lorsque quelqu’un est condamné et qu’à l’issue de vingt ans, il ne se présente pas c’est en ce moment qu’on considère que la peine est prescrite. Quelqu’un qui a quitté le Burkina parce qu’il n’a pas comparu devant la Haute de justice, celui-ci doit faire vingt ans sans venir. S’il vient avant les vingt ans, il purge la peine pour laquelle, il a été condamné.

Qu’en est-il de l’assistance judiciaire des personnes mises en accusation ?

En matière criminelle a le droit d’avoir un avocat. Pour ce qui concerne les personnes inculpées par le CNT, il faut dire que ce sont des anciens ministres, Premier ministre et ancien président qui ont des moyens pour prendre deux avocats voire dix avocats pour les défendre. Celui qui n’a pas d’avocat ou qui refuse d’en avoir, on fait commettre par un bâtonnier un avocat d’office parce qu’on est en matière criminelle. Dès que l’intéressé est absent, ses avocats ne sont pas autorisés à prendre la parole. C’est l’un des inconvénients quand on est absent.

L’ex-président Blaise Compaoré est –il dans la ligne de mire de votre institution ? Des voix s’élèvent pour son extradition et son jugement devant la Haute cour de justice.

Oui, c’est une possibilité. Nous n’avons pas besoin de la personne physiquement pour le juger. On convoque selon les règles. On attend que vous venez. Si la personne ne vient pas, il faut attendre vingt ans pour échapper.

Pour le cas du président Compaoré, que faîtes-vous concrètement ?

La commission n’a pas encore commencé. Même s’il y avait des éléments je ne vous aurai pas dit parce que c’est cela aussi le secret de l’instruction. Nous ne pouvons pas dire les actes que nous allons faire demain. Mais pour les actes déjà accomplis ou tombés dans l’opinion publique, nous pouvons vous confirmer.

Avec le début des auditions allez-vous suspendre à cause des élections?

La Haute cour n’est pas tenue par les élections. Sauf que le renouvellement des membres intervient à chaque élection législative. Les nouveaux députés qui arrivent, élisent en leur sein, les juges qui doivent intervenir. La loi dit qu’à chaque nouvelle législature, on élit de nouveaux juges pour cinq ans. Les dossiers sont arrivés depuis le 4 août 2015 et les auditions continueront.
« Il appartiendra à ces candidats de se conformer à la justice, aux desiderata du juge parce que les dangers peuvent venir de ce côté plutôt que de se préoccuper de l’électorat »

La Haute cour est entrain de faire ses premiers pas depuis l’instauration de l’institution. Avez-vous des difficultés particulières ? N’êtes-vous pas accusés par moment d’amateurisme ?

Tous les magistrats de la Haute cour de justice sont des magistrats de longues expériences professionnelles. Un juge de tribunal ou de la cour d’appel n’est pas autorisé à venir officier devant la Haute cour de justice. Ce sont les juges de la Cour de cassation qui ont une bonne expérience professionnelle qui le font. Cela s’explique par le fait que lorsque la Haute cour de justice décide, il n’y a plus de voie de recours pour contester. Sur le plan professionnel, il n’y a pas d’amateurs, peut-être les juges parlementaires qui ne sont pas forcement des juristes. « On ne dira pas que parce qu’un tel est candidat, il faut attendre »

Parmi les personnes inculpées, il y a des candidats aux élections à venir. Que va-t-il se passer pour les concerners ?

Ce sont des justiciables comme les autres. Ils auront un traitement égalitaire. On ne se soucie pas du fait que battre campagne peut leur porter préjudice ou leur porter bonheur. On ne dira pas que parce qu’un tel est candidat, il faut attendre. La justice continue de fonctionner. Si avant les élections, ces personnes sont rattrapées par une histoire, c’est tant mieux ou tant pis. La justice doit aller à son terme obligatoirement. Il appartiendra à ces candidats de se conformer à la justice, aux desiderata du juge parce que les dangers peuvent venir de ce côté plutôt que de se préoccuper de l’électorat. C’est aux justiciables de se conformer.

Quels sont les modes de saisine de la Haute cour de justice ?

La Haute cour de justice est une institution nouvelle. Elle est régie par une procédure nouvelle peu connue par les citoyens. Toute personne qui a connaissance d’une infraction commise par un ministre ou un ancien ministre dans l’exercice de ses fonctions. La plainte est adressée au président du Conseil national de transition ou de l’Assemblée nationale. C’est le président du CNT qui juge de l’opportunité d’enrichir les informations en passant par le procureur général pour que soit votée la résolution de mise en accusation. Dans le système classique, la plainte est adressée au procureur. Tous les procureurs qui reçoivent habituellement les plaintes, peuvent saisir le procureur général près la Haute cour de justice qui, à son tour saisi le président du CNT qui demande le vote de la résolution d’accusation si dans son procès-verbal, un ministre est en cause. Tous les juges d’instruction qui font une enquête et qui débouchent sur un ministre peut saisir la même procédure. Les structures de contrôle des ministères peuvent également saisir ainsi que l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat directement le président du CNT qui fait voter une résolution. Nous encourageons les citoyens à une culture de dénonciation. C’est ce qui entrave le progrès sur le plan démocratique. Il faut avoir le courage de dénoncer. Si les gens inculquent cette culture de dénonciation, nous assisterons à plusieurs dossiers qui seront au grand jour
Commentaires