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Tourisme au Burkina : «Cette année, c’est une catastrophe… »
Publié le mercredi 19 aout 2015  |  L`Observateur Paalga
Tourisme
© Autre presse par DR
Tourisme au Burkina : «Cette année, c’est une catastrophe… »





Depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, la relative instabilité politique du Burkina Faso a continué de plomber un secteur touristique déjà très affecté par les différents conflits sous-régionaux et l’épidémie de fièvre Ebola. Reportage dans l’Ouest, l’une des zones habituellement les plus fréquentées du pays.



L’érosion a progressivement rongé les flancs de grès des dômes de Fabédougou, pour y aménager d’innombrables petits escaliers naturels et permettre d’en atteindre aisément les sommets. Du haut de ces étranges rochers en forme de carapaces de tortues empilées, culminant parfois à plus d’une cinquantaine de mètres, le panorama est imprenable sur les champs de canne à sucre et la végétation surabondante des environs de Banfora. En contrebas, une petite route de latérite ocre serpente entre les blocs sédimentaires, côtoyant de temps à autre deux gigantesques tuyaux qui descendent du barrage voisin pour irriguer les plantations de la plaine.

Comme à contre-courant, un gros 4x4 gris remonte la piste en direction des cascades de Karfiguéla. A son bord, deux expatriés français que nous venons de croiser au pied des dômes. Nous suivons leurs traces jusqu’aux célèbres cataractes, sans toutefois croiser âme qui vive. Près des chutes d’eau, rendues boueuses par les abondantes précipitations des derniers jours, un jeune couple se bécote tandis que quatre vacanciers bobolais inondent leurs appareils de photos souvenirs. Sur le chemin du retour, seul un petit groupe de visiteurs locaux viendra s’ajouter à ce maigre contingent. Bien peu pour un site réputé comme le deuxième plus touristique du pays (1).

Des campements désespérément vides



A quelques encablures du centre-ville de Banfora, sur la route qui mène à l’usine de la Sofitex, une petite enseigne lumineuse indique un stand à boissons. Légèrement sur la droite, deux fresques attenantes encadrent un grand portail bleu : « Campement de Siakadougou ». Une dizaine de constructions aux murs de banco et aux toits de paille, entrecoupées de toilettes et de douches à ciel ouvert, ceignent une petite cour intérieure. Au milieu, l’ombre d’un manguier dissimule un kiosque en dur et quelques chaises longues.

Mais aussi accueillant que soit l’endroit, l’affluence y est également loin d’être record. « Il n’y a que deux cases sur dix qui sont occupées », se désole Siaka Traoré, propriétaire des lieux depuis dix ans. « Je n’ai encore aucune réservation pour le mois d’août, alors que les années précédentes j’étais souvent contraint de refuser du monde. C’est une catastrophe… » Crâne rasé et muscles saillants, le jeune entrepreneur enchaîne cafés et cigarettes en se demandant s’il va pouvoir payer sa facture d’électricité à la fin du mois.

A une quinzaine de kilomètres à l’ouest de là, près du lac de Tengréla, Seydou Tou attend lui aussi désespérément les clients. Pêcheur de métier, ce père de famille au regard dur et aux larges épaules a bâti de ses propres mains le « Campement du ciel ». En 22 ans, l’homme n’a jamais connu saison aussi blanche : ses 24 cases demeurent irrémédiablement vides. Pour lui, l’impact de la Transition est évident : les classes et les colonies de vacances françaises, qui avaient l’habitude de séjourner chez lui en décembre et en août, ont annulé leur venue à la dernière minute, faute d’autorisation de la part de leur gouvernement. Dans ce climat morose, même les hippopotames que nous espérions apercevoir au lever du soleil semblent avoir déserté les bords du lac.



Un contexte sous-régional perturbé



Du côté de l’Observatoire national du tourisme, on diagnostique un malaise plus profond. « Le secteur a commencé à chuter en 2008 avec le début de la récession économique en France, de loin notre premier pourvoyeur de visiteurs étrangers », explique le directeur de l’Observatoire, Irénée Sawadogo. « La crise sociale de 2011 a également joué négativement, puis il y a eu le début de la guerre au Mali, l’émergence de la secte islamiste Boko Haram et l’épidémie de fièvre Ebola… »

Ce contexte sous-régional perturbé a notamment entraîné l’annulation, l’an dernier, de plusieurs manifestations d’envergure internationale - Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), Tour du Faso, Salon international du tourisme et de l’hôtellerie (SITHO)… Or, depuis plusieurs années, ces événements, et de façon plus générale les déplacements professionnels, sont devenus le premier motif d’entrée au Burkina Faso -représentant plus de 70% des arrivées, bien loin devant les séjours de vacances (11,8%), les visites à des parents ou amis (8,2%) ou bien les safaris et la chasse (3,1%) (2). La légère reprise de l’activité hôtelière observée au premier trimestre 2015 s’explique donc essentiellement par le succès du Festival panafricain du cinéma et de la télévision (Fespaco), et non par le retour des touristes dits « de loisirs ». Bien au contraire.



Un tourisme national qui n’arrive pas à compenser le manque-à-gagner



Il est 10h ce mercredi matin devant la mosquée de Dioulasso-Bâ, et le fils de l’imam n’a pas encore vendu un seul ticket d’entrée. Soudain, un petit groupe de Françaises apparaît. Les premières voyageuses étrangères de notre séjour dans l’Ouest. « On ne vous a pas déconseillé de venir au Burkina? » « Oh que si! » s’exclament les trois irréductibles quinquagénaires, casquettes sur la tête et chaussures de randonnée aux pieds. « Les gens ont toujours en mémoire les images qu’ils ont vues à la télé, et se livrent à une espèce de surenchère pour vous dissuader de partir. Pour eux, on est ici dans un pays en guerre avec plein de maladies », poursuit Chantal, leur chef de file, avec le regard désabusé de celle qui passe ses vacances depuis 10 ans en Mauritanie.

Conséquence de ce climat anxiogène entretenu par les médias occidentaux : les Burkinabè sont aujourd’hui plus nombreux à visiter leur pays que les étrangers (3). Couplé à l’augmentation du niveau de vie local et l’explosion de l’offre touristique à destination du public national, le nombre total de touristes continue donc de croître chaque année. Mais, dans le même temps, leur pouvoir d’achat s’affaiblit. Pour remédier à cela et inciter les voyageurs internationaux à revenir au Burkina, Ouagadougou accueillera le 27 septembre prochain la Journée mondiale du tourisme, sous le thème « un milliard de touristes, un milliard d’opportunités ». Le but, selon Irénée Sawadogo : « Montrer au monde que le pays des hommes intègres est une terre paisible, un havre de paix au coeur de l’Afrique de l’Ouest. »

Thibault Bluy
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