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Dialogue intérieur, gouvernance politique au Tchad : L’instabilité, pain bénit pour Déby
Publié le vendredi 14 aout 2015  |  Le Pays
Burkina
© Présidence par D.R
Burkina - Tchad : le Président Michel Kafando en visite de 48 heures à N`Djamena
Samedi 25 juillet 2015. Ouagadougou. N`Djamena (Tchad). Le Président de la transition, Président du Faso, Michel Kafando, a effectué une visite d`amitié et de travail de 48 heures au Tchad à l`invitation du chef de l`Etat tchadien, Idriss Déby Itno




S’adressant à la presse, le 11 août 2015, à l’occasion du 55e anniversaire de l’indépendance de son pays, le président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 25 ans et après quatre mandats électifs successifs, a sans ambages, exprimé sa volonté de rempiler à la présidentielle de 2016. Et pour motif : «...Si j’avais la possibilité de m’assurer que le pays marcherait après moi, je quitterais aujourd’hui même le pouvoir (…) Quitter pour quitter et laisser le Tchad dans le désordre, je ne le ferai pas. ». Dans la forme, si ce discours est des plus courants dans les cours africaines, Déby crée la spécificité tchadienne en montant au créneau lui-même, prenant à son compte la pratique qui consiste généralement à laisser les sous-fifres du pouvoir se démener avec ce genre d’arguties.

Déby se positionne en messie

Dans le fond, par cette sortie, Déby tente d’exploiter à son profit le contexte historique de son accession au pouvoir, contexte marqué par la terreur instaurée par Hissène Habré dont il a eu le mérite de débarrasser le Tchad. Il s’appuie certainement sur la longévité de son régime, bien aidé par l’embellie pétrolière qui lui a permis de stabiliser le front social, et sur l’aura de son armée sur les différents terrains de combat au Mali et au Nigeria. Au plan international, il surfe sur son idylle avec la France dont il est le plus important et le plus sûr allié sur le continent, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, et aussi sur la sympathie des Etats-Unis qu’il s’est attirée, en raison de ses déboires avec l’irréductible ennemi américain, Omar El Béchir.


Mais ce bilan est-il pour autant suffisant pour rendre amnésique le président Déby ? La stabilité dont il se prévaut est très relative. En effet, pas plus tard qu’en 2008, il n’a sauvé in extremis son fauteuil que grâce au dispositif Epervier de Nicolas Sarkozy, lors des évènements des 2 et 4 février où la rébellion était entrée à N’Djamena. Mais, abandonnant dans les malles du silence par un oubli volontaire, cette page peu glorieuse de son règne, pour ne prendre en compte que le contexte africain actuel marqué par la montée du péril djihadiste, Déby se positionne en messie. En dehors de lui, point de salut pour le peuple tchadien. A-t-il oublié d’où il vient, lui qui a joué un rôle majeur dans la violente conquête du pouvoir de Hissène Habré, puis dans la «pacification», plus brutale encore du pays ? Commandant en chef des Forces armées nationales tchadiennes (FANT) sous le régime sanguinaire de son prédécesseur, c’est sous son autorité qu’est menée, en 1984, la terrible répression dans le Sud, marquée par des exécutions ciblées et des massacres de masses.


S’il ne peut légitimer donc par son passé le statut de messie qu’il s’attribue, il peut difficilement le construire aujourd’hui par son discours sur son indispensabilité. D’abord, parce que nul n’est indispensable, et d’ailleurs le cimetière est plein de gens indispensables. Et il n’est pas prouvé que quelqu’un d’autre ne serait pas meilleur président que lui. Et puis, à Dieu ne plaise, si le « messie » Déby était brusquement rappelé à Dieu, le Tchad disparaîtrait-il ? John Attah Mills, en plein exercice du pouvoir, a tiré sa révérence. C’était le plan de Dieu… Mais le Ghana n’a pas pour autant sombré, bien au contraire. Vanité des vanités, tout est vanité !
Ensuite, parce que ce discours est anachronique, dans le contexte actuel qui fait de l’alternance démocratique une des valeurs cardinales de la bonne gouvernance politique.

Déby n’est pas seul coupable de la forfaiture de l’histoire

En réalité, par cette sortie médiatique, Idriss Déby confirme bien son appartenance à la boueuse et nauséabonde mare politique de l’Afrique centrale, celle des cancres de la démocratie sur le continent. Arrivé par effraction au pouvoir en suivant les méandres gluants de l’histoire mouvementée du Tchad souvent écrite en lettres de sang, il ne croit pas aux valeurs démocratiques dont il s’est emparé les attributs à la faveur du discours de la Baule. L’instabilité n’est donc pour lui que pain bénit pour s’accrocher au pouvoir, faisant finalement de Boko Haram qu’il combat, un allié sûr. Mais Déby n’est pas seul coupable de cette forfaiture de l’histoire. Il est bien aidé en cela par les Occidentaux qui voient en lui l’irremplaçable casseur de djihadistes dans le Sahel. Et c’est en cela que ces propos de Déby ne peuvent être interprétés autrement que du «prêt-à-consommer» pour les Occidentaux, bien plus préoccupés par leur sécurité que par les aspirations démocratiques de négrillons. Plus coupable encore est le peuple tchadien qui assiste passif à cette théogonie.


Maintenant que le locataire du somptueux palais sur les rives du Logone, s’est élevé, par son mythe de l’indispensabilité au rang des immortels, il faut s’attendre à ce qu’il crée les conditions de son maintien dans le panthéon. Il dispose à cet effet de deux moyens qu’il ne manquera pas de conjuguer judicieusement. Il fabriquera l’instabilité pour se procurer le prétexte et quand la réalité humaine le fera descendre de son piédestal du fait de l’âge, il se rendra présent par son fils déjà bien en selle par ses victoires militaires au Mali.
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