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Bobo-Dioulasso : « J’ai testé pour vous » : le couchsurfing
Publié le vendredi 14 aout 2015  |  L`Observateur Paalga




Concept américain inventé en 2003, le couchsurfing permet à des visiteurs de passage d’être orientés ou hébergés gratuitement par des hôtes locaux. Le but : remettre l’échange culturel au cœur du voyage, à l’autre bout de la terre comme à deux pas de chez soi. Une expérience tout aussi déroutante qu’enrichissante, que j’ai testée pour vous lors d’un court séjour à Bobo-Dioulasso !



«Ouagalais veut découvrir le Bobo des Bobolais. Petit budget. Peu de temps.» Voilà l’équation à résoudre. Je fais le tour des agences de voyage. Aucune ne satisfait pleinement mes critères.
Je me souviens alors d’un site sur lequel je m’étais inscrit il y a quelques mois, plus par curiosité que par nécessité : couchsurfing.com. Je retrouve mon identifiant et mon mot de passe. Je me connecte. Lorsque je commence à taper «Bobo» dans le moteur de recherche interne, celui-ci me propose «Bobo-Dioulasso, Hauts-Bassins, Burkina Faso.» Je clique. Quatre pages de résultats apparaissent.

Presque tous les «couchsurfeurs» offrent un hébergement. Comment choisir? J’inspecte les patronymes. Aucune connaissance. Je scrute les photos. Pas plus de têtes connues... Je remarque alors que les profils sont classés en fonction du nombre de recommandations laissées par les utilisateurs. A ce petit jeu-là, «Bikontine Da» arrive en tête. « Homme, 32 ans, conteur animateur culturel». Je parcours son avatar (1). «Offre l'hospitalité africaine aux personnes de passage dans la ville où j’habite, afin qu’ils me parlent de leur culture.» Je consulte les avis. Plutôt élogieux.

Mais je remarque que l’un d’entre eux est négatif. Il émane d’une touriste française : «Au moment de partir, je me suis rendue compte que mon appareil photo, que j'avais laissé à l'intérieur de mon sac chez Bikontine, avait disparu. Je n'accuse personne mais c'est regrettable que ça se soit passé chez un couchsurfeur... » Je m’apprête à revenir en arrière lorsque je m’aperçois que l’intéressé a répondu. Dans une vibrante déclaration, il explique les circonstances de ce fâcheux épisode et réitère sa fidélité aux idéaux du site. J’accepte de contacter Bikontine.

Ma demande d’hébergement est d’abord rejetée. « Profil incomplet ». J’ajoute une photo, renseigne mon numéro de téléphone, puis rédige un court message. « Nous serons quatre et nous arriverons mardi dans la matinée. » Le lendemain matin, je reçois un appel de Bikontine. «Pas de problème, vous n’avez qu’à m’appeler quand vous serez à Bobo.»



Epreuve initiatique



Une fois dans la ville de Sya, Bikontine me donne rendez-vous dans une station-service voisine. Comme ses photos étaient prises de loin, je ne le reconnais pas d’emblée et c’est lui qui m’interpelle. T-shirt à l’effigie de Thomas Sankara, lunettes de soleil au col et casquette de rasta vissée sur la tête, il me tend la main d’un air tranquille. «Je suis venu avec un ami. Deux d’entre vous n’ont qu’à monter à l’arrière de nos motos, les autres nous suivront en taxi.»

Nous échangeons quelques banalités en chemin, avant de nous arrêter devant un imposant portail marron, qui masque une massive villa aux murs blancs. «On ne va pas chez toi?», demandé-je un peu troublé. «Entrez, c’est ici que vous allez dormir», obtiens-je pour toute réponse.
Nous pénétrons à l’intérieur d’une vaste salle, meublée seulement de deux tables face-à-face et de quelques chaises. «Nous allons commencer par nous présenter», lance-t-il en désignant les trois hommes assis derrière lui, «puis ce sera votre tour». Commence alors un exposé étrange et décousu, où nous apprenons que nous nous trouvons dans le quartier général d’une association politique nouvellement créée, dont nous pourrions «sans doute diffuser les idées». Je jette un regard dubitatif à mes amies. Elles ont l’air tout aussi désemparées.

Chacun des activistes déclame son nom de code - « Bouddah », «Grand Dubaï»... - puis le jeune homme nous donne la parole. Je bredouille deux ou trois mots. Ils me posent quelques questions. Je tente une petite raillerie. Nos fantasques djatiguis (2) apprécient, l’atmosphère se détend. L’épreuve initiatique est passée.

Le jeune couchsurfeur nous montre alors notre chambre. Elle est vide mais spacieuse. « J’irai vous chercher chacun une natte pour la nuit.» «Voilà les toilettes et la salle de bains, il n’y a pas de problème, vous pourrez utiliser l’eau. Et voici vos clés. Même s’il y a un gardien et que la porte est verrouillée, ne laissez pas traîner d’objets de valeur.»



« Voyager à travers l’esprit des autres »



Bikontine appelle plusieurs amis et nous dégote une troisième moto pour que nous n’ayions plus à prendre le taxi. Il nous emmène dans un petit maquis niché sous les arbres, au détour d’un accueillant six-mètres du centre-ville. Autour d’un délicieux repas traditionnel composé de tô, de babenda et de riz au sumbala, le jeune homme nous raconte qu’il a été guide touristique professionnel pendant deux ans, avant d’être dégoûté par l’argent et de proposer un accueil gratuit aux voyageurs de passage.

«D’un côté, les Africains se comportent comme des «saprophytes». De l’autre, l’étranger a de gros yeux mais il voit court. Avec le couchsurfing, l’échange culturel revient au centre de la relation entre celui qui est accueilli et celui qui reçoit. Il faut simplement laisser ses préjugés de côté et que chacun soit plus ouvert à la découverte.»

Nous reprenons la route en direction de la Vieille ville. Bikontine nous adjoint les services de l’un de ses amis, qui se révèle un excellent guide. S’il ne tire aucun bénéfice pécuniaire du couchsurfing, le conteur bobolais en fait tout de même profiter son réseau. Un jeune passant l’interpelle : «Si tu ne gagnes pas d’argent, quel est ton intérêt ?» «Je voyage à travers l’esprit des autres. Par exemple, si quelqu’un me parle aujourd’hui du Vietnam, je peux m’en faire une idée. En sept ans, j’ai logé plus d’une centaine de visiteurs, la plupart étrangers, venus de tous les pays.» «Soit, mais je n’aurai jamais une maison assez grande et confortable », lui rétorque le jeune sceptique. «Ça ne pose aucun problème. Ceux qui veulent avoir accès à toutes les commodités n’ont qu’à choisir l’hôtel. »

Le soir, notre hôte et ses amis nous font découvrir un autre de leurs maquis favoris. On parle politique, société, culture. Les débats sont animés mais les échanges enrichissants. «Il faut apprendre de nos différences, par nos différences!», résume Bikontine le philosophe.
 Après une bonne nuit de sommeil, nous le retrouvons pour le petit déjeuner. La discussion se poursuit mais il est bientôt temps de prendre le bus du retour. Nous le remercions chaleureusement, non sans l’avoir invité à nous rendre visite à Ouaga. Bilan de l’opération : un séjour dense, une belle rencontre. Et un avis plus que positif sur couchsurfing.com.



Thibault Bluy
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