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Législations antiterroristes africaines : Pierre Claver Millogo détecte des failles
Publié le mercredi 12 aout 2015  |  Sidwaya




Alors que le terrorisme international est en pleine recrudescence, la plupart des Etats africains ont décidé de renforcer leur arsenal législatif sur la lutte antiterroriste. Pierre Claver Millogo, attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Ouaga II, livre une approche comparative de l’étude du contenu de ces législations et attire l’attention sur certaines de leurs insuffisances.


Depuis les récents attentats coordonnés en France, Tunisie, au Koweit et en Somalie le même jour, les Etats africains touchés ont vivement réagi par un dispositif censé mieux faire face à la menace djihadiste. Si le fait d’adopter des législations pour faire face au terroriste n’est pas nouveau, c’est bien l’ampleur des mesures prévues qui attire l’attention.


Un dispositif inédit

Le premier pays à annoncer la couleur est bien sûr la Tunisie, pays le plus touché par les récents attentats terroristes. Quelques jours après l’attentat de Sousse, le président C. Essebsi annonçait l’instauration de l’Etat d’urgence. Il s’agit d’un dispositif inspiré de la loi française du 3 avril 1955 et qui prévoit des pouvoirs renforcés pour les autorités exécutives civiles tout en restreignant considérablement les droits fondamentaux. En Tunisie, l’Etat d’urgence trouve sa source dans un décret de l’ancien Président H. Bourguiba. Son art. 4 énumère certaines mesures particulièrement attentatoires aux droits fondamentaux susceptibles d’être prises pendant cette période exceptionnelle. Peu après le départ en exil de l’ancien président Zine Ben Ali, l’Etat d’urgence avait de nouveau été instauré avant d’être levé en 2014. Justifiant l’instauration des nouvelles mesures exceptionnelles, le président C. Essebsi soulignait que le pays était menacé d’effondrement si rien n’est fait. L’article 80 de la Constitution tunisienne de 2014 confère au président, le pouvoir d’annoncer des mesures exceptionnelles «en cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics». Ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir le retour au fonctionnement régulier des pouvoirs publics «dans les plus brefs délais». La constitution donne au président du Parlement ou à 30 de ses membres, le droit de saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle dise si les conditions justifient la proclamation de l’Etat d’urgence. Cependant, la Cour constitutionnelle n’a pas encore été mise sur pied.


Mais selon l’art. 49 de la Constitution tunisienne, les restrictions imposées à l’exercice des droits humains garantis par la Constitution « ne doivent pas porter atteinte à la substance de ces droits ; ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d’un Etat civil et démocratique et en vue de sauvegarder les droits d’autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique ; tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications ».



Quelques jours plus tard, la Côte d’Ivoire emboîtait le pas à la Tunisie. Suite à deux attaques islamiques à sa frontière avec le Mali et aux menaces du groupe islamique Ansar Dine qui sévit au nord-Mali, les députés ivoiriens représentés à 90% par la majorité présidentielle et où aucun député de l’opposition n’était présent ont adopté à l’unanimité une nouvelle loi antiterroriste. Cette nouvelle législation prévoit des peines particulièrement lourdes pouvant aller de 10 à 20 ans d’emprisonnement pour toute personne qui, convaincue d’avoir entrepris une entreprise terroriste ou d’y avoir collaboré. Pays plongé dans une profonde crise identitaire depuis la disparition de son père de l’indépendance, F. Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire est composé à 40% de musulmans et 35% de chrétiens qui vivent aujourd’hui en relative harmonie, malgré la crise politico-militaire dont les violences post-électorales de 2010/2011 qui ont fait plus de 3 000 morts en cinq mois.
Quant au Burkina, il est pour l’instant épargné par la menace islamiste même si le danger est tout proche, c’est-à-dire à ses frontières. La délégation antiterroriste burkinabè trouve sa sources dans les lois n°060-/2009/AN du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre le financement du terrorisme. La première, qui s’articule autour de huit chapitres, a prévu et réprimé l’ensemble de faits ou actes considérés comme des infractions terroristes.


Dans les articles 2 à 15 de cette loi, le législateur burkinabè a transposé les instruments internationaux sur le terrorisme et prévu que les infractions suivantes constituent des actes de terrorisme, lorsque par leur nature ou leur contexte, elles visent à intimider ou à terroriser une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque 4.
En étudiant ces différentes législations, des failles importantes apparaissent. Il convient de les relever afin d’améliorer ces dispositifs importants car relatifs à la sécurité nationale.


Des failles importantes dans ces législatives antiterroristes


S’agissant tout d’abord de la législation antiterroriste burkinabè, elle est assez vague par les expressions «par leur nature ou leur contexte». De même, le législateur burkinabè n’a pas créé d’incrimination spécifique de crime de terrorisme du point de vue strictement pénal mais bien des dispositions spéciales s’appliquant à des infractions de droit commun commises dans certaines circonstances. Il faudrait donc bien faire attention à cette faille dans notre droit interne. De ce point de vue, le Burkina ne dispose pas encore de définition strictement juridique de l’infraction terroriste. Par contre, cela présente l’avantage de laisser plus de marge de manœuvre aux magistrats instructeurs qui seraient chargés de question de lutte antiterroriste si le problème était posé.


Pour ce qui est des législations ivoiriennes et tunisiennes, les failles sautent à l’œil. Selon le décret tunisien de 1978, l’Etat d’urgence vise à faire face à des troubles intérieurs. Mais le problème que doit affronter la Tunisie aujourd’hui est bien lié au terrorisme. Ce point de droit a donc été contesté par certains parlementaires. De même, les législations ivoiriennes et tunisiennes autorisent des écoutes téléphoniques sans le consentement des intéressés, des perquisitions inopinées, des assignations à résidence, des interceptions de correspondances et des gardes à vue pouvant aller jusqu’à 15 jours dans le cas tunisien. Pendant ce délai, le présumé terroriste n’a pas le droit de s’entretenir avec un Avocat ni avec sa famille. On perçoit très clairement ici le danger pour les droits fondamentaux et un tel dispositif pourrait aussi être utilisé pour réprimer les droits de l’opposition. Les ONG de défense des droits de l’Homme sont donc montées au créneau pour avertir les différentes autorités nationales de la dangerosité de tels dispositifs.
On le constate, le défi terroriste entraîne un réflexe sécuritaire quasi automatique de la part des Etats touchés par ce phénomène. Ces Etats sont plus dans la réaction que dans l’action. Pourtant, il existe de réels moyens de faire face au terrorisme international. Encore une fois, il faut s’attaquer aux causes réelles du terrorisme qui sont socioéconomiques, religieuses, idéologiques, géopolitiques et pas seulement sécuritaires.


Pierre Claver MILLOGO
Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Université Ouaga II
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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