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L’Observateur N° 8347 du 5/4/2013

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Réhabilitation de l’Hôtel de ville : Le REN-LAC à Simon Compaoré
Publié le lundi 8 avril 2013   |  L’Observateur


Secrétaire
© Autre presse par DR
Secrétaire exécutif du réseau national de lutte anti-corruption REN-LAC


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Le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) ne dénie pas à l’ancien maire de Ouagadougou le droit de défendre son honneur dans l’affaire de la réhabilitation de l’Hôtel de ville. Dans la lettre ci-après, il rappelle à Simon Compaoré que le REN-LAC, en l’interpellant, reste dans son rôle de dénonciateur des auteurs de mal gouvernance dans le domaine des deniers publics.

“Dans la correspondance n°2013-336/CO/SG du 25 février 2013 suivie de la lettre ouverte du 11 mars 2013 que vous m’avez adressées, vous signifiez votre «grand étonnement» que la réhabilitation de l’Hôtel de ville soit citée dans l’Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis au Burkina Faso (2006-2010), document produit par le REN-LAC en décembre 2011 et rendu public en novembre 2012. Vous y dites être «profondément choqué par cette affirmation parfaitement gratuite» que vous assimilez à «une condamnation extrajudiciaire», alors que vous auriez suffisamment fait preuve de votre «bonne foi» en apportant en son temps «tout l’éclairage possible sur cette affaire».

«Votre Réseau, m’avez-vous signifié, en décidant de s’attaquer au fléau de la corruption, fait œuvre utile sans aucun doute ; toutefois, ses méthodes de «justicier» l’amènent à des dérapages qui pourront jeter en pâture d’honnêtes citoyens. Aussi devriez-vous faire preuve de responsabilité et d’impartialité en évitant d’employer avec légèreté certains termes (impunité totale) qui donnent l’impression que vous avez déjà jugé la chose à votre niveau».
Tout en vous remerciant de la reconnaissance dont vous faites montre pour l’œuvre d’utilité publique du REN-LAC, je voudrais emprunter cette voie de la lettre ouverte pour vous apporter les éléments de réponse ci-après :

Sur la notion d’impunité totale

Au sens de l’Inventaire, objet du document édité par le REN-LAC, l’impunité renvoie à l’idée de ne subir aucune sanction ou de n’en risquer aucune pour un acte, un fait ou un comportement pour lesquels on aurait dû normalement être l’objet d’une sanction pénale, administrative ou disciplinaire. De ce fait, les cas de corruption dénoncés et restés impunis seraient les situations où des actes manifestes de malversation n’ont connu aucune suite en termes de punition de leurs auteurs : ni au plan pénal, ni au plan administratif encore moins au plan disciplinaire, en dépit de l’existence de textes et mécanismes juridiques de sanction. L’impunité est dite totale lorsqu’aucune mesure n’est prise en présence de faits avérés. En revanche, elle est dite partielle en cas de sanction manifestement clémente ou de procédures de sanction sciemment bâclées en raison de pressions ou d’interférences (cf. «Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis au Burkina Faso (période 2006-2010)» page 10).

Sur les poursuites contre vous pour faute de gestion

A l’issue du contrôle qu’elle a effectué sur le marché de réhabilitation de l’hôtel de Ville de Ouagadougou, la Cour a conclu à «…des irrégularités à différents niveaux du processus, à savoir la désignation du maître d’œuvre, l’organisation de l’appel d’offres, le dépouillement des offres, l’enregistrement du marché et l’exécution des travaux». Elle a notamment relevé que :
1. la désignation du maître d’œuvre n’a suivi aucune procédure prévue par la réglementation des marchés publics : sur proposition des services municipaux, le maître d’ouvrage a désigné d’autorité l’Agence AFRIQUE-ARCHI ;
2. le choix de l’attributaire s’est fait par appel d’offres restreint, en violation de l’article 28 du décret n°96-059/PRES/PM/MEF du 7 mars 1996 portant réglementation générale des marchés publics ;
3. le dépouillement des offres a donné lieu à deux procès-verbaux (PV), dont le contenu diffère, notamment sur la désignation de l’attributaire. Le premier, daté du 20 août 2001, mentionne qu’«au vu de l’analyse, l’entreprise Sol Confort et Décor (SCD) recueille le plus grand nombre de points, elle est donc la plus avantageuse du point de vue technique et financier pour l’Administration.

L’entreprise SCD est retenue pour une offre hors taxes de huit cent quarante-huit millions quatre cent quatre-vingt mille sept cent trente-huit (848 480 738) francs CFA, soit un milliard un million deux cent sept mille deux cent soixante-onze (1 001 207 271) francs CFA, toutes taxes comprises, pour une durée d’exécution de sept (7) mois. Elle sera invitée à discuter le contenu de ce marché avec le maître d’ouvrage ; en cas de non-succès des discussions, le maître d’ouvrage invitera la Société Fadoul Technibois (FTB) qui a donné la 2e offre avantageuse, à discuter».

En revanche, dans le second P-V qui est daté du 28 août 2001, la commission a conclu qu’«au vu de ce qui précède et compte tenu des impératifs du budget, la commission d’attribution du marché trouve l’offre de la Société FTB la plus avantageuse, elle propose donc que soit retenue cette offre pour une somme d’un milliard cinquante millions (1 050 000 000) de francs CFA TTC». Au vu de ces éléments, la Cour indique que les irrégularités relevées et les contradictions de fond contenues dans les deux procès-verbaux l’«autorisent à émettre des réserves sur l’impartialité du dépouillement qui a abouti à l’attribution du marché» ;

4. les droits de timbre n’ont pas été perçus. En plus, l’entreprise reste redevable de la somme de neuf millions deux cent quatorze mille deux cent quatre-vingt-sept (9 214 287) francs CFA au titre des droits d’enregistrement alors que le service des impôts lui a délivré une quittance avec la mention «règlement dernière échéance», laissant croire que l’entreprise s’est intégralement acquittée des sommes dues. Tout en reconnaissant simplement les faits, le directeur général des Impôts justifiera la non-perception des droits de timbre par une simple omission !

Le parquet général de la Cour, «considérant que les explications fournies par le maire de la commune de Ouagadougou dans la lettre n°2004-029/CO/CAB/Conf du 4 novembre 2004 ne sont pas convaincantes, qu’il lui aurait suffi de se conformer à la procédure en vigueur pour n’avoir pas à dire qu’en tant qu’élu il a pleinement conscience des enjeux que revêt l’utilisation des deniers publics, qu’en se comportant comme il l’a fait, il a faussé les règles de jeu établies par la loi en brisant l’égalité des droits des soumissionnaires à l’occasion d’un appel d’offres par ailleurs très important» a, par correspondance n°05-0017/CC/PG datée du 19 avril 2005, saisi le premier président de la Cour, lui demandant que le maire de Ouagadougou… soit poursuivi pour faute de gestion.

En droit positif burkinabè, toute atteinte, toute violation des lois et règlements régissant les finances publiques constitue une faute de gestion, et en sont justiciables les personnes citées dans les articles 79 et suivants de la loi organique n°14-2000/AN du 16 mai 2000 régissant la Cour des comptes.
Et si vous affirmez n’en être pas au courant, c’est justement parce que ladite correspondance n’est jamais sortie des placards dudit président.

Du reste, les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire. En effet, si l’instruction fait apparaître des faits qui paraissent de nature à justifier une sanction disciplinaire, le premier président les signale à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire sur l’intéressé, pour suite à donner. Si, en revanche, ces faits sont susceptibles de constituer des délits ou des crimes, le premier président transmet le dossier aux autorités judiciaires compétentes. Les investigations menées par le Réseau n’ont cependant pas révélé qu’une quelconque procédure disciplinaire, encore moins pénale, ait été engagée à votre encontre.

Peut-on qualifier autrement que par l’impunité totale cette situation ? Votre «seule bonne foi» pour clarifier «cette affaire» ne suffit pas, à notre sens, à vous blanchir, surtout que votre éclairage a consisté à reconnaître des fautes de gestion, sans jamais aborder les causes de celles-ci. Pouvez-vous raisonnablement incriminer le REN-LAC d’avoir qualifié cette situation d’impunité et affirmé qu’en dépit de l’existence de textes et de mécanismes juridiques votre affaire n’a connu aucune suite en termes de punition de ses auteurs : ni au plan pénal ni au plan administratif encore moins au plan disciplinaire ?

Je voudrais vous assurer que le Réseau ne vous dénie aucunement le droit de défendre votre honneur. Mais s’il y a à blâmer, ce n’est assurément pas le Réseau, qui est bien dans son rôle de dénonciateur des auteurs de mal gouvernance dans le domaine des deniers publics.
Vous en souhaitant bonne réception, je vous prie d’agréer, Monsieur Compaoré, l’expression de ma considération distinguée.

Blaise Sondo

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