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Santé de la reproduction au Centre-Ouest
Publié le jeudi 23 juillet 2015  |  Sidwaya




Les jeunes constituent plus de 60% de la population burkinabè, selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2006. Sexuellement actifs, ils fréquentent, pourtant, de moins en moins, les services de santé de la reproduction. Constat à Nanoro, une commune rurale située à 70 km de Koudougou, chef-lieu de la région du Centre-Ouest.

Claudine Bangré a décidé de ne jamais mettre les pieds dans le Centre de santé et de promotion sociale(CSPS) de Nazouanga, village situé à 20 km de la commune rurale de Nanoro.
Elle ne veut pas être la risée du village. Pourtant, âgée de 17 ans, elle est sexuellement active. Pour les rapports sexuels, c’est son petit ami qui est chargé de fournir les préservatifs. Même si, elle reconnaît que le préservatif ne protège pas à 100% contre les grossesses non désirées, elle préfère ne pas adopter une autre méthode contraceptive à cause de la mauvaise image que les habitants de son village ont de ces moyens de « contrôle » des naissances. « J’ai honte d’aller au CSPS pour me procurer des contraceptifs. Parce qu’après, l’on dira dans tout le village, que c’est la fille d’un tel qui est venue chercher ceci ou cela. Et si mes parents l’apprennent, j’aurai de sérieux problèmes avec eux », murmure-t-elle. A l’en croire, c’est cette triste réalité qui empêche les jeunes filles de la localité de gagner leur combat contre les grossesses non désirées et les dangers liés à la non-utilisation des produits contraceptifs. La proximité géographique constitue encore un sérieux obstacle à la fréquentation du CSPS, par les jeunes filles de son âge, ajoute-t-elle. Or, au CSPS de Nazouanga, situé au cœur du village, le collier, le condom féminin, les pilules, Sayana press, le Dispositif intra utérin(DIU) et la jadelle sont en stocks illimités, indique l’Infirmière-chef de poste(ICP) du CSPS de Nazouanga, Thérèse Tiendrébéogo.
Dans la commune rurale de Nanoro, l’homme constitue souvent une entrave à l’accès aux services de santé de la reproduction de la jeune femme. Pour certaines femmes, c’est souvent à l’insu de leurs époux, qu’elles viennent se procurer les contraceptifs. Ce qui se solde souvent par des conflits conjugaux. « Les femmes se cachent souvent pour venir se mettre sous contraception. Mais, si l’époux l’apprend, cela peut tourner mal pour elle. Ils disent même à leurs épouses, qu’elles ne sont pas là pour manger le tô seulement », explique Mme Tiendrébéogo. L’animateur de l’association SOS santé, Patrice Kéré a, en mémoire, le triste spectacle offert par Pami Yandé (pseudonyme), dans son Sèguèdin natal (situé à quelques encablures de Nanoro), lorsqu’il a appris que son épouse fréquente, clandestinement, le CSPS. Le major en a pris les pots cassés. L’époux furieux, l’accusant d’être l’amant de son épouse, lui a demandé de vite retirer la jadelle qu’il lui a posée. « En milieu rural, un homme ne peut pas comprendre qu’une femme parte voir un homme, sans qu’il n’y ait quelque chose entre eux », nous confie Haidara Kobala, animateur de l’association SOS santé. Cette mentalité amène certains hommes (jeunes ou vieux) à choisir délibérément d’empêcher leur femme de fréquenter les services de santé de la reproduction, ajoute M. Tiendrébéogo.

200 grossesses au premier trimestre 2015


Car, ces derniers estiment qu’une femme sous contraception est libre d’être frivole. Toute chose qui constitue un obstacle à la PF avec pour corollaire, les grossesses non désirées, pour les jeunes couples. « Du premier trimestre de cette année à aujourd’hui, 18 juin, nous avons reçu 200 femmes en consultation prénatale », fait savoir l’ICP de Nazouaga. Les campagnes de sensibilisation au profit des hommes commencent à porter leurs fruits. Bras dessus, bras dessous, certains jeunes viennent librement avec leur conjointe, choisir la méthode qui leur convient. C’est le cas de Mme Hélène Ilboudou, institutrice à Nanoro. Agée de 32 ans, de concert avec son mari, elle a opté pour la pilule. Chaque mois, elle se rend au CSPS de Nanoro pour se procurer la pilule. « Mon mari ne trouve aucun inconvénient à cette pratique. Cela l’aide aussi et nous permet de mieux entretenir nos enfants », se réjouit-elle. Après trois accouchements dont deux par césarienne, Béme Kayondo (pseudonyme), la trentaine révolue, a décidé ne plus mettre sa vie en danger en donnant la vie. C’est pourquoi, elle fréquente depuis belle lurette le CSPS urbain de Nanoro, pour poser régulièrement sa jadelle. Chrétienne catholique, elle reconnaît que cette pratique est contre-indiquée par sa religion. Mais, elle dit n’avoir d’autres alternatives pour prévenir les grossesses non désirées, dans son couple. « La contraception naturelle est très compliquée pour moi. C’est pourquoi, je vais vers les services de santé de la reproduction, même si ma religion ne le recommande pas, afin d’éviter le pire », précise-t-elle. Le pire, Sanmi Kamanyé( 14 ans) et Monsan Namanawanan ( 15 ans) sont en train de le vivre. Respectivement en classe de CM1 et CM2 à l’école primaire de Zantaon(Nazouanga), depuis trois mois, elles portent en elles, les germes de leur ignorance des méthodes contraceptives. « Voyant leur état physique changé, elles ont été conduites au CSPS par leurs parents pour un test de grossesse. Ce dernier s’est révélé positif », explique Mme Tiendrébéogo qui déplore cette situation. Et, c’est cette frange de la population, que l’association SOS santé s’évertue à sensibiliser à l’adoption d’au moins une méthode contraceptive en sillonnant les 14 villages de la commune rurale de Nanoro. Bibata Somandé est Agent de santé communautaire(ASC) à Godo, village situé à 7 km de Nanoro.

Les jeunes filles, la principale cible

Recrutée au compte de l’association SOS santé, elle aide les médecins à sensibiliser les jeunes femmes en couple, les adolescentes à la fréquentation des centres de santé. De concession en concession, elle s’évertue à parler des bienfaits de la PF, surtout aux jeunes qui constituent, selon elle, la couche la plus vulnérable.
Mme Somandé avoue que les jeunes filles sont sa cible principale. Par le biais des causeries-débats, dit-elle, elle arrive à convaincre ses jeunes sœurs à fréquenter les services de santé de la reproduction. « Aux jeunes filles, nous leur disons (les ASC) de se mettre sous contraception. Car, cela leur permet de continuer sereinement leurs études, d’éviter les grossesses non désirées, les IST… », explique-t-elle, un brin de fierté. Elle est devenue une référence dans le suivi-conseil des jeunes filles de Godo. Ses conseils « avisés », affirme-t-elle fièrement, ont permis à plusieurs jeunes filles d’éviter la maternité précoce. Les plus récalcitrantes aux campagnes de sensibilisation se sont mordues les doigts avant de se raviser, déplore-t-elle. Croyant faire du tort à leurs copines, des jeunes filles « fraîches » se sont érigées en véritables anti-contraception à travers Godo. Mais, la note s’est avérée salée pour elles : beaucoup, parmi elles, ont piqué des grossesses. « Plusieurs jeunes filles ont mené une campagne de dénigrement des produits contraceptifs. Mais, après leur première maternité, elles ont compris que le message que je véhiculais était pour leur bien-être », se justifie-t-elle. Pour la chef de service de la promotion de la famille de la province du Boulkiemdé, Sarata Roseline Ouédraogo, à cause du manque d’informations sur la santé sexuelle et reproductive, la mauvaise utilisation des méthodes contraceptives, les rapports sexuels non protégés, l’exploitation sexuelle des filles pour des raisons financières et le viol, les grossesses non désirées sont légion en milieu jeune. Au premier trimestre de l’année 2015, 18 cas de grossesses non désirées contre 16 au 2e trimestre ont été enregistrés par ses services. Les conflits liés au refus de paternité auraient pu être évités, si les jeunes filles utilisaient au moins une méthode contraceptive, se convainc-t-elle. Face à cette situation, l’éducation sexuelle s’avère primordiale pour tous parents qui auraient des enfants en âge de puberté. Car, les jeunes préfèrent s’auto-cultiver sur internet au lieu d’écouter leurs parents, s’indigne Patrice Kéré de SOS santé. « 90% des jeunes apprennent dehors à travers les réseaux sociaux sans que leurs parents ne leur parlent de sexualité à la maison», soutient M. Kéré.

Briser le tabou…

Il faut que les parents brisent le tabou sur la santé sexuelle afin d’amener les jeunes filles et garçons à avoir des notions sur leur santé sexuelle et reproductive, dit-il. Elève en classe de 3e, Bénoit Kafando a 19 ans. Il a fréquemment des rapports sexuels avec sa petite amie, de 16 ans. Il avoue que la question de la sexualité a toujours été un sujet tabou dans sa cellule familiale. Il a donc, tout appris dehors, déclare-t-il. « Je sais que ma petite amie peut tomber enceinte à tout moment. Mais vu notre âge, nous ne sommes pas prêts à aller au CSPS pour une quelconque méthode contraceptive, à cause de la honte. Nous ne savons pas aussi quelle sera la réaction des agents de santé », affirme le jeune scolaire.

Vivement, des centres d’écoute pour jeunes

C’est pourquoi, la nuit tombée, les préservatifs s’écoulent comme de petits pains, confie le gérant du dépôt des médicaments essentiels génériques de Nazouanga, Boukary Kientega. Il ajoute : « Les préservatifs ne suffisent même pas. En permanence, nous en commandons. A cause de la honte, les jeunes viennent s’en procurer généralement la nuit ».

Selon le coordonnateur régional du RAJS, Fulgence Kaboré, plusieurs jeunes ignorent encore les questions de la santé de la reproduction. Pour lui, cette situation est imputable à l’insuffisance des centres d’écoute qui est criante dans la région. La région du Centre-Ouest, en compte trois, basés à Koudougou, chef-lieu de la région. Ce qui fait que les jeunes en milieu rural, ont des difficultés pour avoir des informations sur les méthodes de PF. Patrice Kéré est du même avis. Il souhaite que l’Etat crée un fonds spécial communal pour la sensibilisation des jeunes. Selon lui, cette manne financière doit être destinée au FINANCEMENT des initiatives visant à faciliter l’accès des jeunes aux services de santé de la reproduction par la construction de centres d’écoute qui leur permettra par le biais des échanges, de comprendre la planification familiale, et les avantages d’une sexualité responsable. « Ce sera une victoire contre les conséquences d’une sexualité précoce », affirme-t-il. Fulgence Kaboré a d’autres propositions. Il souhaite la création au sein des CSPS de petites unités où, seront formés les agents de santé pour faciliter l’accès des services de la santé de reproduction aux jeunes. Il ajoute : « il faut que les jeunes aillent vers l’information dans les services de santé de la reproduction. Et faire du préservatif, la seconde CNIB (NDLR : Carte nationale d’identité burkinabè) du jeune pour ne pas être surpris par une grossesse non désirée ou une IST», conseille Fulgence Kaboré du RAJS.

Abdel Aziz NABALOUM
emirathe@yahoo.fr
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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