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Haute cour de justice : Les dignitaires de l’ancien régime mis en examen
Publié le lundi 20 juillet 2015  |  Le Pays




Finalement, l’histoire semble se répéter dans ce pays, le Burkina Faso. Depuis 1960, la majorité des dignitaires des régimes successifs sont passés devant les tribunaux. Blaise Compaoré, Luc Adolphe Tiao et leurs hommes de premier plan ne vont pas y échapper, puisqu’ils viennent d’être mis en accusation devant la Haute Cour de Justice. Ils devront répondre de plusieurs faits.

Le jeudi 16 juillet 2015, ce sont des messages marqués « urgence » qui ont convoqué la presse au Conseil national de la transition (CNT) pour une plénière à 14h. Arrivé sur place, chacun devrait se débrouiller pour avoir l’ordre du jour. Apparemment, personne ne semblait avoir la réponse. On a entendu certains députés se poser la même question que nous. A 14h 42, la plénière débute avec, au programme, l’examen d’un projet de loi portant autorisation de ratification de l’accord de don conclu le 13 mai 2015 entre le Burkina Faso et l’Association internationale de développement (IDA) pour le financement du Projet d’amélioration de l’accès et de la qualité de l’éducation (PAAQUE). Est-ce cela l’urgence ? Non. Il y a quelque chose d’autre. Effectivement. Une seconde plénière devrait commencer à 15h. A cette plénière, la présence en valait la peine. Puisqu’il s’agissait de la mise en accusation par le CNT des dignitaires de l’ancien régime devant la Haute Cour de Justice.
Avant de passer à l’examen de chaque dossier d’accusation et au vote, les députés du CNT ont posé diverses préoccupations. On ne piétine pas les parties intimes de l’aveugle deux fois, raison certainement pour laquelle, vu le sort réservé au Code électoral, certains honorables ont demandé des assurances sur la régularité de la procédure de mise en accusation, l’idée étant de s’entourer de toutes les précisions et précautions possibles, que ce soit dans le fond et la forme. Un député ira jusqu’à dire qu’il a commencé à se « méfier des juristes » ; ce qui a provoqué l’hilarité dans la salle. Les autres préoccupations ont concerné, entre autres, les critères de cooptation des députés membres de la commission spéciale qui a étudié les mises en accusation, l’exhaustivité de la liste des dignitaires à poursuivre par la Justice, l’impartialité de la procédure. Les autres intervenants se sont félicités du fait qu’ « enfin » les anciens dignitaires du régime soient mis devant leurs responsabilités devant la justice.
Pour les réponses, le président du CNT, Chériff Sy, s’en est chargé avant que Jean Hubert Bazié, porte-parole de la commission spéciale composée de 10 députés, ne relève finalement que c’est à « l’honneur du CNT d’avoir réveillé le cadavre de la Haute Cour de Justice ». Pour le reste, les dossiers des personnalités mises en accusation sont donc analysés individuellement et soumis aux votes des députés qui, à la plénière du jeudi 16 juillet, étaient au nombre de 64.

Pour ce qui est des détails

Koumba Boly/Barry

De l’énoncé sommaire des faits, la proposition de résolution part de l’audit de la direction de l’administration et des finances du ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation (MENA) au titre de la gestion 2012. « Il résulte du contrôle effectué auprès de la pairie générale à la date du 18 août 2012 au 18 mars 2013 et de la vérification effectuée à la pairie générale le 14 septembre 2012 plusieurs irrégularités. En effet, au titre des opérations de dépenses, l’examen de la pièce justificative laisse apparaître : la non-concordance des dates de séjour figurant sur les états de paiement et les ordres de mission correspondants ; le paiement de jours supplémentaires à l’occasion de certaines missions sans certificats administratifs ; le retour des missions avant la date prévue ; des ordres de mission sans visa ; des absences de la facturation de la TVA ; des paiements des dépenses en l’absence de la certification de service fait ; l’absence de la mention du mode de règlement sur la facture ; l’enregistrement cumulé des opérations ». Lit-on dans l’exposé qui ajoute  que « la mission a relevé une absence totale des pièces justificatives dans les dossiers ». Cette situation n’a pas permis de justifier la destination des fonds d’un montant de trois milliards deux cents dix-huit millions quatre cent trente-quatre mille trois cent neuf ( 3 218 434 309) F CFA). Koumba est accusée de détournement et d’enrichissement illicite et donc renvoyée devant la Haute Cour de Justice pour répondre des faits qui lui sont reprochés, conformément aux dispositions des articles 140, 154 et 160 du Code pénal. Les députés l’ont votée à l’unanimité des 64 présents.

Djibrill Ipènè  Bassolé

Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, il lui est fait grief de sa gestion de quatre comptes : le compte trésor n°00144991061 intitulé « Conseil supérieur des burkinabè de l’étranger » ; le compte trésor n°00144790311 intitulé « Secrétariat permanent/Commission nationale d’intégration » ; le compte n°000144790831 intitulé « Fonds de gestion Médiation » ; le compte trésor n°00144991191 intitulé « Prélèvement Communautaire/Activité d’intégration ». Il est reproché à Bassolé : l’absence de rapports d’exécution financière par le gestionnaire ; des marchés conclus sans enregistrement aux impôts et sans visa du contrôleur financier ; l’absence de pièces justificatives de dépenses ; le détournement à son profit ainsi que de ses collaborateurs de la somme de trois cent quatre-vingt-treize millions quatre-cent quatre-vingt-dix-neuf mille cinq cent quarante-trois (393 499 543) F CFA appartenant à l’Etat et enrichissement illicite. Bassolé est poursuivi en vertu des articles 140, 154 et 160 du Code pénal. Les députés l’ont votée à l’unanimité.

Jérôme Bougouma

L’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la sécurité est accusé de « multiples violations intentionnelles des procédures de passations des marchés publics » qui a eu pour conséquence de détourner ou de dissiper la somme de 3 000 000 000 de F CFA appartenant à l’Etat. Selon la commission spéciale, « ces faits sont constitutifs de l’infraction de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite au sens des dispositions des articles 140, 154 et 160 du Code pénal ». 63 députés ont voté pour.

Noël Gilbert Ouédraogo 

L’ancien ministre des Transports est accusé de faits de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite portant sur la somme de 600 000 000 de F CFA. En cause, sa gestion de la réfection de l’aéroport de Ouagadougou. Les députés ont voté la résolution à l’unanimité.

Arthur Patiendé Kafando 

Il est reproché à l’ancien ministre du Commerce, de l’industrie et de l’artisanat, une mauvaise gestion de deux fonds destinés aux mesures sociales en 2013 et 2014. 1 046 489 425 en 2013 et 5 232 447 125 en 2014. Kafando est accusé de détournement de deniers publics, de faux et usage de faux et enrichissement illicite. « En ce qui concerne le détournement des deniers publics, il lui est reproché le prélèvement de la somme de soixante-dix-huit millions cent soixante-cinq mille cinq cent quatre-vingt-quinze (78 865 595) F CFA sur les fonds relatifs aux mesures sociales pour une autre destination sans au préalable requérir l’autorisation du ministère de l’Economie et des finances ». « Pour le faux et usage de faux, celui-ci a procédé à une délégation de signature à M. Zougouri G. Bernard, premier mandataire, à M. Mimah A. Moustapha, deuxième mandataire, à M. Tiendrebéogo Henri, Directeur administratif et des finances, pour la signature des documents financiers concernant la mise en œuvre desdites mesures sociales ». Kafando devrait ainsi répondre des faits qui lui sont reprochés conformément aux dispositions des articles 140, 154, 160, 276 et 278 du Code pénal. Les députés ont voté à l’unanimité.

Jean Bertin Ouédraogo

Dans l’exposé des motifs, il est indiqué qu’en 2012, «  la Présidence du Faso avait initié un projet pour l’accessibilité des nouveaux locaux du ministère de la Défense, à travers la réalisation de travaux de terrassement et de bitumage de quatorze (14) rues dans la zone présidentielle, la réalisation de caniveaux de drainage des eaux de pluie, la mise en place de bordures, la réalisation de signalisations horizontales et verticales et la réalisation de l’éclairage public ». Les marchés relatifs aux phases 2 et 3 ont été attribués à l’entreprise SACBA-TP pour les montants respectifs de 13 435 401 058 F CFA et 4 639 279 622 F CFA. Jean Bertin Ouédraogo est accusé de détournement de deniers publics, enrichissement illicite et de violation des procédures de passation de marchés publics. La commission souligne particulièrement que « malgré l’absence de contrat, l’entreprise a exécuté les marchés et a perçu la totalité des montants desdits marchés. Ainsi, les multiples violations intentionnelles des procédures de passation des marchés publics… au profit de l’entreprise SACBA-TP, dirigée par Mme Alizèta Ouédraogo, ont eu pour conséquence le détournement,…d’une somme d’environ un milliard ». L’ancien ministre est poursuivi en vertu des articles 140, 154 et 160 du Code pénal. Les députés ont voté à l’unanimité.


Joseph Paré

Pour l’ancien ministre des Enseignements secondaire et supérieur, la proposition de résolution note que dans son rapport de contrôle et de vérification à la DAF sur les années scolaires 2008, 2009 et 2010, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) a relevé des « anomalies énormes dans la gestion des fonds de reversement des frais d’inscription ». Il est reproché à Paré « d’avoir effectué des dépenses inéligibles aux fonds constitués par les frais d’inscription et de participation des élèves au fonctionnement de l’enseignement secondaire ». Ce qui équivaudrait à un détournement ou une dissipation et d’enrichissement illicite de 269 586 309 F CFA. Le Professeur est poursuivi en vertu des articles 140, 154 et 160 du Code pénal. 63 députés ont voté pour.


Alain Edouard Traoré

Tout comme ses prédécesseurs, l’ancien ministre de la Communication est poursuivi pour détournement de deniers publics et enrichissement illicite au sens des dispositions des articles 140, 154 et 160 du Code pénal. Il lui est reproché d’avoir conclu 12 marchés concernant la RTB, « tous mode de passation confondus dont certains ne figurent pas dans le Plan de passation des marchés » et en violation des textes en vigueur en la matière. « Les multiples violations intentionnelles des procédures de passations des marchés publics » de Edouard Traoré aurait eu pour conséquence de détourner ou de dissiper la somme de 100 000 000 de F CFA à son profit. Les 64 députés ont voté la mise en accusation à l’unanimité.

Beyon Luc Adolphe Tiao, ex-Premier ministre et des ex-ministres de son gouvernement

Dans la proposition de résolution, il est reproché à l’ex-Premier ministre et aux autres membres de son gouvernement des faits de coups et blessures, de complicité de coups et blessures, d’assassinat et de complicité d’assassinat sur les personnes de Bali Nébon Bassolet et autres. De façon spécifique, Tiao est poursuivi en vertu des articles 64, 318, 327 et 328 du Code pénal. Sa réquisition des Forces armées nationales et l’utilisation des armées qu’il aurait ordonnée, auraient fait de nombreux blessés et occasionné de nombreux morts. Jérôme Bougouma qui « occupait le poste de ministre de la Sécurité au moment de la répression des manifestants des 30 et 31 octobre 2014 » est accusé du « déploiement des forces de sécurité sur le terrain pour réprimer les manifestants, occasionnant de nombreux blessés et de nombreux morts ». « Il est punissable comme co-auteur pour avoir été à l’origine de la répression et ce, conformément aux articles 64 et 318, 328 et 329 du Code pénal ». Pour les ex-ministres du gouvernement Tiao, la commission fait remarquer qu’ils « étaient présents au Conseil des ministres du mardi 21 octobre 2014 qui a procédé à l’adoption du projet de loi portant modification de la Constitution en son article 37 et porté le 30 octobre 2014 devant l’Assemblée nationale pour être voté ». « Leur soutien à ce projet macabre a entraîné un mécontentement généralisé de la population dans toutes ses composantes qui est sortie les 30 et 31 octobre 2014 pour protester contre la décision prise par Monsieur Blaise Compaoré ». Les ex-ministres sont poursuivis ainsi conformément aux articles 65, 318, 327, 328 et 329 du Code pénal. 61 députés ont voté pour.

Blaise Compaoré

On ne sait pas pourquoi, mais Jean-Hubert Bazié a classé en dernière position le dossier de l’acte de mise en accusation de Blaise Compaoré. 60 députés ont voté la résolution qui accuse l’ancien président de s’être « entêté à mettre en œuvre sa volonté de modifier la Constitution en vue de freiner le processus de l’alternance démocratique » malgré les multiples mises en garde.

Michel NANA

Légende

1. Les députés ont validé les mises en accusation des dignitaires de l’ancien régime

2. Blaise Compaoré est accusé de haute trahison et d’attentat à la Constitution

3. L’ensemble du gouvernement Tiao devra répondre des actes à lui reprochés

4. Jean-Hubert Bazié, porte-parole de la Commission spéciale de 10 députés à laquelle ont été soumis les dossiers d’accusation

5. Le président du CNT a rassuré l’Assemblée quant à la régularité de la procédure
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