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Ouagadougou « infestée » par les produits « France au revoir »
Publié le mardi 14 juillet 2015  |  Sidwaya




Quand on parle de « France au revoir », on fait généralement allusion aux voitures d’occasion. Mais de nos jours, cette connotation a pris d’autres dimensions. Désormais, il faut associer à ces véhicules, tout ce qui concoure à l’équipement d’une maison déjà utilisé et venu de l’Europe. La vente de matériels de seconde main a pris de l’ampleur à Ouagadougou au point de ravir la vedette à ceux neufs.

Equiper sa maison d’appareils électroménagers et bien d’autres matériels d’occasion à moindre coût, fait partie désormais de l’une des options des populations de la ville de Ouagadougou. Ces objets se composent de : meubles, fauteuils, fer à repasser, congélateur, frigos, fours à micro-onde, téléviseur écrans plasma, home cinéma, plaques solaires, ordinateurs portables, aspirateurs, fauteuils, ustensiles de cuisine, poupées, vêtements, vélos, matelas… Ces matériels déjà utilisés et abandonnés par les Européens du fait de leur vétusté ou pour d’autres raisons, sont jalousés sous nos tropiques. Et dans pareilles circonstances, ce sont des points de vente qui poussent comme de petits champignons et créant par la même occasion, des opportunités d’emploi. En effet, il n’est pas rare de voir aux abords des grandes voies et dans presque tous les secteurs de la ville, ces objets exposés qui, de par leur nature, permettent de deviner leur lieu de provenance. A ce qu’il parait, la vente de ces matériels d’occasion est si bien organisée qu’on peut en acheter en gros ou en détail. Le phénomène a été donné de constater un matin dans la matinée du mercredi 17 juin 2015. Au secteur n°24 (Kalgondin) de l’arrondissement n°5 de Ouagadougou, à quelques mètres du mur de l’aéroport, l’arrivée d’un container du port de Lomé à l’intérieur duquel, se trouvent des matériels d’occasion communément appelés « France au revoir », a suscité un attroupement d’acheteurs devant ledit container. Le propriétaire de la marchandise qui se nomme Mahamadi Bara, un grossiste proche de la quarantaine, dit être dans le métier il y a de cela dix ans. Au secteur n°11 (quartier Dapoya) de l’arrondissement n°2 de Ouagadougou, ce sont des détaillants organisés en groupe qui ont transformé une cour en un marché aux puces, chacun occupant un compartiment où il a stocké ses marchandises. C’est le cas de Moumouni Compaoré qui totalise 20 ans dans le métier. « Je loue cette portion de la cour à 75 000F CFA et je paye mes deux employés à 25 000F le mois, sans compter leur ration du jour », déclare-t-il. Au secteur n°46 de l’arrondissement n°11 de Ouagadougou, la voie bitumée reliant le marché de Katr-yaar à celle de l’avenue Babanguida est prise d’assaut de part et d’autre par ces marchands de produits d’occasion. Certains se sont même spécialisés dans la vente d’un seul article parmi toute la diversité de marchandises venues d’Europe. Il s’agit des revendeurs de réfrigérateurs d’occasion installés aux abords du bitume longeant le côté Ouest du Lycée Marien N’Gouabi.
En ce qui concerne le mécanisme d’entrée de ces articles sur le sol burkinabè, il faut repartir sur le vieux continent (principalement en Italie) où ces objets sont pour la plupart du temps, abandonnés par leurs propriétaires. «Lorsque les Européens n’ont plus besoin de leurs matériels, ils les déposent devant leur porte. Ces objets sont ensuite récupérés par des personnes qui sillonnent les rues. Ils sont par la suite, rassemblés à un endroit par des personnes chargées de la collecte. Elles les embarquent dans des bateaux à destination des ports de Cotonou, Lomé, Accra, Lagos ou Abidjan. A ce niveau, les marchandises sont acheminées à Ouagadougou dans des containers», explique Moumouni Compaoré. De l’avis du grossiste Aladji Bancé, il faut une bonne collaboration pour exercer cette activité. « Nos frères qui sont en Europe achètent les marchandises et nous les envoient. Nous les vendons et leur renvoyons l’argent pour qu’ils nous envoient d’autres marchandises», dévoile-t-il.

Des inconditionnels acheteurs

Pour ce qui est de l’engouement des clients pour ces objets, cela ne fait pas de doute. Tout comme les vendeurs, ils l’affirment avec fierté. Parmi ces inconditionnels acheteurs, Awa Zèba ménagère de son état, en fait partie. En effet, les points de vente des matériels d’occasion constituent une de ses escales, quand elle se rend marché de Katr-yaar. Lorsque nous l’avons rencontrée, c’est un nounours qu’elle a acheté pour son bébé. «Ça n’a rien à voir avec les produits chinois », avoue-t-elle. Selon Hassane Soré, un revendeur, la raison est toute simple. « Si les clients préfèrent acheter ces objets de seconde main, cela est dû au fait qu’ils sont originaux et résistants et qu’ils sont moins chers», justifie-t-il. En tout cas, Géneviève Kossou une détaillante togolaise s’en frotte les mains dans cette activité. « Il arrive souvent qu’en espace de 48 heures j’écoule la quasi-totalité de mes marchandises », confie-t-elle.
Cependant, l’impression que l’on réalise d’avoir acheté un matériel d’occasion de qualité au premier abord peut se peut se révéler une vraie galère par la suite pour les profanes. Les exemples (lire le 1er encadré) qui reviennent le plus souvent concernent surtout les ordinateurs, les postes téléviseurs et les appareils de musique. Ces appareils électroniques revendus aux clients sont de deux catégories. Il y a ceux qui sont fonctionnels donc déjà testés et qui ont plus ou moins suscités quelques petites réparations, et ceux communément appelés « tout risque », relativement moins chers, que l’acheteur se rend compte de l’état réel de l’appareil qu’après l’avoir acheté et ne peut le retourner. Selon certaines confidences, la plupart des appareils de cette catégorie demande une sérieuse réparation ou sont irrécupérables. Même si le réparateur de matériels sonos, Salfo sawadogo, refuse de se prononcer sur le mauvais état de cette catégorie d’appareils, il recommande la prudence à l’achat. « Avant d’acheter un appareil d’occasion, le client doit se référer à quelqu’un qui a une expérience de ces instruments parce que les marques sont si différentes que parfois, qu’on ne retrouve pas certaines pièces de rechange sur la place publique pendant la réparation», conseille-t-il. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un tour dans les ateliers des réparateurs pour constater ces télévisions et ces appareils de musique irrécupérables qui servent désormais d’«objets de décoration» à l’intérieur comme à l’extérieur. En la matière, la France a pris les taureaux par les cornes à travers la « loi Hamon ». Cette législation entrée en vigueur depuis le 1er mars 2015, oblige les constructeurs et les vendeurs à mettre à la disposition du consommateur, les informations sur la période de disponibilité des pièces détachées sur les biens mis pour la première fois sur le marché. Autre détail, avec le passage du Burkina Faso à la Télévision numérique terrestre (TNT) dans les années à venir, aucune garantie ne permet d’affirmer que ces télévisions d’occasion s’adapteront à cette nouvelle donne. D’ailleurs, l’on ne manque pas de voir actuellement, ces appareils irrécupérables se retrouver dans des poubelles ou dans la nature. Ce qui contribue davantage à la pollution de l’environnement dans la mesure où le Burkina Faso ne dispose pas de moyens pour recycler ces déchets solides. Et que dire des réfrigérateurs d’occasion qui en principe, dès leur entrée sur le sol burkinabè devraient être conditionnés par un contrôle du Bureau national ozone (BNO) ? En effet, certaines fluides frigorigènes communément appelé gaz contenues dans les bombonnes de ces réfrigérateurs ont un impact sur la couche d’ozone dont l’utilisation est formellement interdite en Europe. « Ce fluide appelé R12 est interdit par le protocole de Montréal. Normalement, ce fluide ne doit pas exister dans notre pays », confirme Racine Kamboulé, un consultant du BNO. Enfin, le consommateur lui-même n’est pas à l’abri de ces produits d’occasion dont il est le nouvel acquéreur. Leur usage est parfois source de maladies (lire 2nd encadré) qu’il ignore souvent.


Paténéma Oumar OUEDRAOGO


Ce qu’il faut savoir


Si l’originalité de ces objets d’occasion venus d’Europe ne fait pas de doute, le client qui s’en procure sous le prétexte qu’ils sont de prix bas et de qualité, doit savoir qu’on se débarrasse rarement de ceux-ci sans une bonne raison. Quand on s’imagine qu’on a passé de dizaines d’années de notre vie sur un matelas lequel est revendu parce ce qu’il vient de l’Europe, il y a de quoi s’inquiéter sur les différents agents causals de maladies que le nouveau acquéreur pourrait contracter en utilisant ce matelas. Il en est de même pour les fauteuils rembourrés qui du fait de leur nettoyage difficile sont souvent les lieux de toutes sortes d’insectes et de parasites. Dans le même ordre d’idées, les chaussures d’occasion sont souvent un véritable nid à bactéries où l’humidité, la chaleur et la transpiration leur permettent de proliférer facilement. Aussi, une chaussure déjà portée prend la forme du pied de son ancien propriétaire en ce sens que la semelle peut être usée par endroit et provoquer un inconfort réel lors de la marche. Les maillots de bain portés sans sous-vêtements peuvent provoquer des allergies. Ils font partie de ces vêtements qui supportent mal l’usure : déformation, perte d’élasticité, et ont moins de protection face aux rayons ultraviolets. En ce qui concerne les produits pour les bébés (poupée, nounours, lits…), les normes les concernant n’ont cessé d’évoluer ces dernières années. Ainsi, certains lits pour bébé, par exemple, sont désormais interdits de commercialisation en raison de leur dangerosité. Un ordinateur portable d’occasion même sans signe avant-coureur, peut cesser de fonctionner sans raison du jour au lendemain. En effet, la carte mère peut être atteinte par d’éventuels virus ou avoir autres soucis liés à l’utilisation de l’appareil. De plus, son utilisation constante a très certainement provoqué une usure des composants intérieurs puisque son principe est d’être transporté partout par son propriétaire. Même s’il démarre au moment de l’achat, il n’est pas exclu qu’il plante quelques jours plus tard.


POO


Dr Patrice Tapsoba, dermatologue, vénérologue et allergologue à l’hôpital Yalgado Ouédraogo

« Les matelas d’occasion peuvent être infectés de punaises »


Sidwaya (S.) : Quels types de maladies risque quelqu'un qui utilise les matelas d'occasion ou des friperies (France au revoir) compte tenu de leur vétusté?


Patrice Tapsoba (P.T.) :
Il faut dire que les matelas d’occasion qui viennent d’ailleurs peuvent être infectés de punaises. En fait, ce sont de petites bêtes qui ont à peu près sept millimètres de longueur. Elles pondent des œufs qui se retrouvent souvent dans les lits, les matelas et les oreillers. Elles peuvent passer souvent inaperçues et elles peuvent piquer les sujets. La piqure n’est pas douloureuse. Mais c’est quelques heures après, que le patient se gratte et ne comprend pas pourquoi. La piqûre peut provoquer des formes d’allergie qui font que la personne se gratte pendant un certain temps et cela peut être plus ou moins embêtant.


S : Quelles en peuvent être les conséquences?


P.T. : Ce sont des désagréments liés aux démangeaisons qui sont assez gênantes pour la personne. Il y a des gens qui sont très réactifs qui vont se gratter très fort et d’autres c’est juste une petite démangeaison de quelques minutes. Ce n’est pas une maladie en tant que telle, mais c’est beaucoup plus gênant que grave. Ça c’est ce qui concerne les punaises. On peut aussi avoir des allergies pas liées aux punaises, mais des allergies liées même aux produits qui seraient restés sur le matelas et cela peut donner des réactions et la personne se gratte tous les temps et on cherche les causes en vain. Vous allez souvent voir que la personne va vous dire qu’étant au lit, elle se gratte jusqu’au matin. Car il peut avoir des produits résiduels qui restent sur ces matelas parce qu’on ne sait pas qui les utilisait et qu’est-ce que la personne en faisait. Cela gêne le sommeil et on a des répercussions sur l’activité quotidienne.


S. : Il en est de même pour les habits également ?

P.T. : Oui bien sûr ! Il en est aussi pour les habits. Mais les habits un peu moins parce que quand les gens achètent, ils les lavent bien avant de les utiliser. Il faut aussi dire que quand les habits viennent, il y a probablement des produits que les importateurs mettent pour éviter qu'ils soient détruits par des insectes et donc si vous prenez l’habit sans le laver et le rincer largement, vous pouvez avoir des allergies. Comme conséquences aussi, on peut avoir des types d’infection, notamment des mycoses. Vous savez que ces champignons résistent assez longtemps et ne sont pas faciles à détruire. Ils peuvent rester assez longtemps sur le matelas et quand quelqu’un d’autre monte dessus, il peut se contaminer. Autre chose, on conseille de changer les matelas au bout de trois à cinq ans parce que les matelas sont légèrement déformés. Si vous prenez des matelas déjà déformés, vous allez accentuer vos problèmes de dos avec des matelas dont la courbure est déjà déformée.


S. : Quels conseils prodiguez-vous aux consommateurs de ces matériels d'occasion venant d'Europe?


P.T. : Pour le cas des punaises, ce qui est préconisé c’est de les aspirer. Il y a des petits aspirateurs qu’on peut utiliser pour aspirer les matelas. En même temps ça permet d’aspirer les œufs qui sont presque invisibles. Les produits d’aspiration doivent être mis dans les sachets et jetés sinon l’aspiration ne tue pas les punaises. Les matelas, on peut aussi les placer au soleil et les retourner plusieurs fois dans la journée. Cela contribue à faire partir les punaises. Pour les oreillers et les autres habits, il faut les laver à l’eau chaude à partir de 55%. Maintenant pour les types de matelas, si vous voulez prendre un matelas d’occasion, préférez les matelas en latex que des matelas mousses parce que ces derniers s’affaissent beaucoup plus. Mais pour éviter toute infection, il faut recouvrir le matelas de skaï (en forme de plastique).


Propos recueillis par POO
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