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Décision de la cour de justice de la CEDEAO sur le code électoral : Politiques, juristes et membres d’OSC réagissent
Publié le mardi 14 juillet 2015  |  Le Pays
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© aOuaga.com par Séni Dabo
Situation nationale : les OSC en assemblée générale nationale le 9 juillet
Lundi 6 juillet 2015. Ouagadougou. Centre nationale de presse Norbert Zongo. La coordination des organisations de la société civile (OSC) a animé une conférence de presse pour annoncer la tenue, le 9 juillet, d`une assemblée générale nationale sur la situation nationale




La Cour de justice de la CEDEAO a tranché en faveur de l’ex-majorité quant à la plainte déposée par celle-ci par rapport au nouveau Code électoral. En effet, elle avait été saisie par 7 partis de l’ex-majorité et par 13 personnalités qui lui avaient demandé de se prononcer sur le nouveau Code électoral qui exclut de la présidentielle et des législatives d’octobre 2015, tous ceux qui ont soutenu ouvertement la modification de l’article 37 de la Constitution sous l’ancien régime.
Hier 13 juillet 2015, dans son verdict, la Cour de justice de la CEDEAO a estimé que l’ancienne majorité n’avait pas à être exclue des prochaines échéances électorales et demandé que le Burkina lève les obstacles qui empêchent les membres de l’ancienne majorité présidentielle de prendre part aux prochaines élections. Juristes, politiques et membres d’OSC (Organisations de la société civile) apprécient !

Etienne Traoré, président de Burkina Yirwa

« Je ne peux que répondre dans la double limite du fait que je n’ai pas vu le texte original. C’est donc le second texte que nous sommes obligés d’interpréter et je ne suis pas juriste. Ce que j’ai compris, c’est que l’universalité de la mesure qu’eux, ils pensent être une mesure d’exclusion, est illégale au plan international. Mais, apparemment, cette Cour admet que le Burkina peut faire des exclusions restrictives et cette restriction va cibler les dirigeants. Maintenant, quand on parle de dirigeants dans un système politique, sont impliqués les détenteurs du pouvoir exécutif et les détenteurs du pouvoir législatif. Ce sont ces deux types de personnes, du point de vue politique, qui peuvent être désignés comme étant des dirigeants. Cela veut dire en clair qu’en respectant cette décision de la Cour, le Conseil national de la transition (CNT) peut revoir le texte. Au lieu de dire : « Tous ceux qui ont soutenu », il suffirait de dire «  les détenteurs du pouvoir, les dirigeants du régime », notamment de l’Assemblée nationale et du gouvernement et cela sera totalement en conformité avec la décision de la Cour de justice de la CEDEAO. »

Serait-il opportun pour le CNT, selon vous, de revenir sur le Code électoral ?

« A mon sens, le CNT voulait cibler les dignitaires de l’ancien régime. Dans ce contexte, je pense qu’il ne faut pas s’offusquer de repréciser les choses. Je pense que c’est le terme « tous » qui a dû déranger les gens de la Cour de la CEDEAO. Ce n’est pas du tout se denier que de préciser. Au lieu de dire « tous », qu’on puisse designer qui c’est, afin d’aller dans le sens de ce que la Cour a dit. »

Abdou Karim Sango, juriste

« Cette décision permet de situer les protagonistes de l’affaire dite de l’exclusion quant à l’interprétation que la Cour de justice de la CEDEAO fait des dispositions du nouveau Code électoral. Mais il faut indiquer que la Cour dit deux choses qui me paraissent relever de l’évidence. D’abord, elle dit que les Etats
ont le droit de mettre des restrictions à l’exercice du droit politique de certains citoyens qui auraient commis des infractions. La Cour, sans le dire clairement, estime qu’il y a eu changement anticonstitutionnel ; mais que les personnes qui doivent être frappées par toute mesure d’exclusion pour changement anticonstitutionnel doivent se limiter aux dirigeants, donc à ceux qui ont conduit au changement en question. C’est évident, dans la mesure où on ne saurait tenir responsables, au plan pénal ou politique, des citoyens ordinaires qui sont militants ou sympathisants d’un parti politique pour des actes posés par les dirigeants d’un régime qu’ils soutenaient. En fait, la Cour reprend en réalité l’argumentaire qui a été abondamment développé par plusieurs partenaires. La préoccupation de la Cour, c’est que dans l’application du Code électoral, il ne faut pas aboutir à une exclusion de tous ceux qui appartiendraient à l’ex-majorité. Autrement dit, la Cour conçoit difficilement qu’il y ait une compétition politique dans laquelle toute une partie de la population soit exclue. En fait, c’est une décision « inclusioniste », pour reprendre les termes des gens. Mais, les partisans de l’ex-régime pavoisent déjà parce qu’effectivement, le dispositif final de la disposition de la CEDEAO, c’est de dire que l’Etat burkinabè doit prendre les mesures pour rétablir les droits des personnes qui ont été exclues. Il me semble que même pour les auteurs de la disposition litigieuse, il était tout à fait clair que la mesure dite « exclusioniste » ne visait qu’une catégorie de personnes. On a entendu par exemple, et j’avais estimé que le ministre était allé trop loin, dire que la mesure concerne une trentaine de personnes. Dans la décision de la CEDEAO, la Cour dit que si on veut sanctionner des gens pour des changements anticonstitutionnels, la sanction doit se limiter aux dirigeants. De ce point de vue, il n’y a pas de contradiction. L’autre aspect important, c’est que la CEDEAO ne dit pas que le Code électoral n’est pas conforme à la Constitution, ne dit même pas que le Code électoral est contraire à la Charte de l’Union africaine. La CEDEAO, et c’est important de le souligner, admet qu’il y a eu un changement anticonstitutionnel. Seulement elle évite de discuter du problème. C’est pour cela que dans un des considérants, elle dit que ce n’est pas utile de faire l’exégèse de la disposition litigieuse. De mon point de vue, l’action des auteurs ou partisans de la modification du Code électoral a consisté seulement à intégrer dans le droit interne un droit supra- national.
Quand la Cour dit que l’Etat burkinabè doit prendre les dispositions pour rétablir les citoyens de l’ex-majorité dans leur droit, cela a l’air d’une contradiction avec sa décision, parce que la Cour elle-même dit quelque part qu’il n’y a pas de violation à léguer parce qu’en réalité, on ne sait pas jusqu’à aujourd’hui, qui est frappé et qui ne l’est pas par le Code électoral. Et c’est même curieux cette manière qu’a la Cour de la CEDEAO de procéder parce qu’en droit, on ne se prononce pas sur des violations probables ou éventuelles.
En réalité, moi, je l’ai personnellement toujours soutenu, je dis que j’ai confiance au Conseil constitutionnel et que celui-ci va faire une application intelligente de cette disposition. Donc, par rapport à ce que la Cour de la CEDEAO dit, en réalité, sans être dans les secrets des dieux, je pense que les juristes membres du Conseil constitutionnel auront l’intelligence de comprendre qu’on ne peut pas exclure toute une catégorie de citoyens, mais ceux dont on peut situer de manière précise la responsabilité par rapport aux faits qui ont été commis et qui ont conduit à l’insurrection.
Mais le problème que cette décision peut poser est que, et heureusement la Cour ne le dit pas, si elle avait abouti à une récusation de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance, on serait dans une situation conflictuelle entre deux sources de droit : l’une régionale et l’autre sous-régionale. Alors qu’on peut estimer que l’Union africaine est une instance supra-communautaire, donc au-dessus de la Cour de la CEDEAO. Heureusement, les juges ont eu la sagesse ici de constater que les changements anti- constitutionnels existent bien, lorsque vous sautez les verrous de la limitation des mandats et que des sanctions peuvent être prises dans ce sens.
Au final, il me semble que ce que nous devons apprendre, nous Africains, nous Burkinabè, c’est que la question de savoir si les dignitaires du régime déchu ont le droit ou non de se présenter aux élections qui suivent le nouvel ordre qu’on veut mettre en place, se pose moins en termes juridiques qu’en termes d’éthique et de morale. C’est ce que je m’évertue à dire, tout dépend du type de société que nous voulons construire. Si on veut construire une société sur des valeurs, des principes d’éthique, il est important que ceux qui sont responsables de faits extrêmement graves, soient proportionnellement sanctionnés à la hauteur de ces faits. C’est comme le débat autour de l’article 37 qui s’était entre-temps posé. Même si sa légalité était très contestable, certains avaient une approche permettant de dire que c’était légal. Mais le problème, c’était celui de l’éthique, de la morale. Et il me semble qu’au-dessus du droit, il y a la morale. Cela dit, il appartient aux dirigeants d’entamer les procédures. Le gouvernement peut introduire un projet de modification du Code électoral parce que tant que celui-ci n’est pas modifié, le Conseil constitutionnel l’applique tel quel. Et si même on obtenait la modification du Code électoral, à partir du moment où la CEDEAO admet le principe du changement anticonstitutionnel qui a eu lieu, les citoyens sont libres de contester les candidatures de ceux qui ont soutenu cette modification, en évoquant devant le Conseil constitutionnel la Charte de l’Union africaine sur la démocratie, les élections et la bonne gouvernance. C’est cela qui est important.
In fine, je pense qu’il faut féliciter les auteurs de cette requête parce que nous devons inscrire nos actions dans le cadre institutionnel.
Le juge l’a dit, le dernier mot appartient au juge constitutionnel burkinabè. C’est lui qui va apprécier. Quel que soit donc le cas de figure, qu’on obtienne une modification du Code électoral selon les procédures, la Charte de l’Union africaine étant une loi interne de valeur supérieure au Code électoral, cette même disposition s’y trouvant, il est loisible au citoyen de l’invoquer devant le Conseil constitutionnel. Nous devons nous en tenir finalement à la sagesse du Conseil constitutionnel par rapport à la suite à donner à cette affaire. »

Pascal Zaïda, président de la Coordination nationale pour une Transition réussie (CNTR)

« C’est une décision qui ne nous surprend pas, surtout que nous avons attiré l’attention de la communauté nationale et internationale sur la nécessité d’appliquer les choses à la lettre. Certains avaient, en son temps, voulu se baser sur des éléments infondés dans la Constitution pour exclure d’autres Burkinabè, alors que ces gens ont fait fi de la liberté des opinions politiques garanties par la Constitution en son article 1. Je crois qu’aujourd’hui la Cour de justice de la CEDEAO a dit le droit et bien entendu, nous nous réjouissons de cela. Nous estimons également que les autorités burkinabè vont appliquer cette décision à la lettre, parce que notre pays est membre de la CEDEAO et nous avons ratifié des conventions. Il appartient donc aux autorités d’aller rapidement vers l’application de cette décision. Cela nous réjouit davantage et nous sentons que notre combat a payé. »

Tahirou Barry, président du Parti pour la renaissance nationale (PAREN)

« Il s’agit d’une décision de justice. Mes collaborateurs et moi avons décidé de ne pas la commenter.» 

Propos recueillis par Thierry Sami SOU
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