Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Règlementation anti-tabac au Burkina : Un arsenal juridique lacunaire et non respecté
Publié le jeudi 9 juillet 2015  |  Africatime.com




Depuis le 25 novembre 2010, le Burkina Faso dispose d’une loi spécifique pour organiser et encadrer la lutte contre le tabac et les produits du tabac. Par la suite, trois décrets d’application de cette loi ont été adoptés le 30 décembre 2011. S’en est suivi un arrêté conjoint, signé du ministre en charge du commerce et de celui de la santé. Il s’agit de textes à même, non seulement d’attirer l’attention des fumeurs sur les dangers auxquels ils s’exposent, mais aussi de prévenir ceux qui seraient tentés par le tabac, et de mettre les non-fumeurs à l’abri des effets du tabagisme. Toutefois, le tabagisme continue d’endeuiller car plus de 600 personnes – majoritairement jeunes – en meurent chaque année dans notre pays.

Notre pays dispose d’un décret portant création, attributions, composition et fonctionnement du Comité national de lutte contre le tabac, d’un décret portant interdiction de fumer dans les lieux publics clos et dans les transports en commun. Un troisième décret existe, celui portant conditionnement et étiquetage des produits du tabac au Burkina Faso et dont les modalités d’application ont été définies dans un arrêté interministériel (commerce et santé) signé le 7 avril dernier.

Tous ces textes réglementaires ont été pris en application de la loi du 25 novembre 2010 portant lutte contre le tabac au Burkina Faso. Et ils constituent avec cette dernière et avec le code de la publicité, l’essentiel de l’arsenal juridique relatif à la lutte antitabac dans notre pays. Un arsenal juridique inspiré de la Convention- cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac. Cette convention, notre pays l’a en effet ratifiée le 31 juillet 2006, rejoignant ainsi plus de 180 Etats qui ont consenti à adopter des politiques audacieuses pour contrer le tabac.

Avec cet arsenal, l’on a pu légitimement espérer une baisse sensible de la consommation des produits du tabac. Et donc l’éradication, ou à tout le moins, la réduction du tabagisme. Mais des gens continuent d’en souffrir et… d’en mourir. Car, non seulement la plupart des fumeurs surestiment leur capacité d’arrêter le tabac au moment voulu, mais aussi les industries du tabac travaillent quotidiennement à attirer de nouveaux fumeurs et à accrocher davantage les anciens ; le tabagisme créant une dépendance rapide qui fait du consommateur un toxicomane.

Les textes ne classent pas le tabac parmi les produits illicites

Au regard du dynamisme de l’industrie du tabac dans le maintien et/ou dans l’agrandissement du ‘’réseau’’ de consommateurs du tabac, l’on peut s’interroger sur la qualité des textes constitutifs de cet arsenal juridique et sur les relations que les autorités chargées d’exécuter ou de faire exécuter lesdits textes entretiendraient avec les industries du tabac. A l’analyse, ces textes comportent des failles que les industries du tabac exploitent à outrance.

D’emblée, il y a lieu de déplorer le fait que ces textes ne classent pas le tabac parmi les produits illicites sur le territoire burkinabé. Autrement dit, le tabac est jusqu’à présent un produit licite. Et donc, sa production, son importation et sa commercialisation, ne sont pas interdites. En conséquence, tant que ces activités ne seront pas déclarées illégales, l’industrie du tabac pourra les mener sans être inquiétée.
Et quand le décret du 30 décembre 2011 portant création, attributions, composition, et fonctionnement du Comité national de lutte contre le tabac au Burkina Faso dispose en son article 13 que « Le fonctionnement du Comité est assuré par le budget de l’Etat et la contribution despartenaires », il laisse la possibilité pour ce Comité de recevoir des financements de la part de l’industrie du tabac dans la catégorie dite des « partenaires ».

Et quand on connaît la capacité financière de cette industrie, c’est un Comité qui peut se retrouver à jouer le jeu de cette industrie au détriment de la santé des populations.
De plus, en disposant à son article 25 que « Toute publicité sur le tabac et les produits du tabac par quelque procédé ou sous quelque forme que ce soit est interdite à la radio et à la télévision », le code de la publicité – adopté le 25 octobre 2001 – laisse libre cours à cette même publicité par voie de presse écrite (sur papier et en ligne). Ce qui constitue une limite dangereuse de ce code, quand on sait que ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé, et que la population, de plus en plus lettrée, s’intéresse beaucoup aux journaux et aux médias en ligne.

En sus, ce même code, après avoir énoncé à l’alinéa 1er de son article 28 qu’« Il est interdit de faire apparaître sous quelque forme que ce soit à l’occasion ou au cours d’une manifestation sportive ou culturelle, le nom, la marque ou l’emblème publicitaire d’un produit du tabac ou le nom d’un producteur ou commerçant de tabac ou de produit de tabac », cette loi précise à l’alinéa 2 dudit article, que « Cette disposition ne s’applique pas aux opérations de parrainage ».

Fort heureusement que la loi du 25 novembre 2010, qui est une loi spécifique en matière de lutte contre le tabac dans notre pays, est venue préciser que « Le parrainage/ sponsoring sous toutes les formes de toute activité de quelque nature qu’elle soit par l’industrie du tabac ou ses démembrements est interdit. »

Après la sensibilisation, répression

Indépendamment de l’action de l’industrie du tabac, le non-respect apparemment toléré, de certaines dispositions, est défavorable à la réduction du tabagisme. Du reste, l’article 25 de la loi du 25 novembre 2010 est suffisamment illustratif de cette situation. Cet article dispose en effet que « La vente de cigarettes autres qu’en paquets contenant au moins vingt cigarettes est interdite ». Mais c’est une interdiction qui n’est pas respectée.

Et même assorti de sanction (amende) dans le même décret, l’article 3 qui précise qu’il est « interdit de fumer dans les lieux publics clos et dans les transports en commun », est quotidiennement foulé au pied au Burkina. Pourtant, cette interdiction est largement affichée en posters. Et malheureusement, la puissance publique n’intervient pas pour faire observer ces interdictions.

Bien d’autres dispositions pertinentes souffrent de non-respect flagrant. Ce qui semble amener Dr Narcisse Naré, point focal de la lutte antitabac au Burkina, à dire qu’il y a « une sous-application de ces textes ». Mais à l’en croire, le Comité national de lutte contre le tabac « est entrain de réfléchir à l’implication des forces de défense et de sécurité dans l’application de ces textes ». Pour Dr Naré, « il y a eu beaucoup de sensibilisation (…), il faudrait aussi entrer dans la phase de répression ».

Car, et comme le précise Abdoulaye Coulibaly, directeur général du contrôle et de la répression des fraudes au sein du ministère en charge du commerce,« la santé ne saurait être sacrifiée au profit de quelque intérêt que ce soit ». D’ailleurs, relève M. Coulibaly, « le volet santé doit occuper une place de choix dans la réglementation de ce secteur d’activité et même dans la politique de l’industrie du tabac. » Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a encore du travail à faire pour vaincre le tabagisme dans notre pays.
Commentaires

Dans le dossier

Société civile
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment