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Conflits fonciers dans le village de Kanyire dans la commune de Bittou : des dizaines de familles menacées d’expulsion
Publié le mardi 7 juillet 2015  |  Le Quotidien




Le village de Kayinré dans la commune rurale de Bittou dans le Boulgou connaît depuis 2013 des crises liées au foncier. La proximité avec le Ghana occasionne chaque jour des conflits entre les ressortissants des deux pays. Le cas le plus emblématique est celui des expulsés de Bakou qui sont sommés de quitter le village de Kayinré. Lors de notre séjour du 2 au 4 juillet 2015, ceux qui se sentent lésés accusent une justice impartiale.
Au quartier Pousgin dans le village de Kayinré à un mètre de la frontière du Burkina avec le Ghana, Harouna Korguéré n’est plus en bons termes avec ses voisins ghanéens. Il présente fièrement la borne frontalière et refuse le dictat des Ghanéens. Suite à la construction de sa concession sur un champ appartenant à un Ghanéen sur le sol burkinabè, il n’arrive plus à respirer. Il se sent persécuté dans son propre pays. Avec l’installation de la saison des pluies, son voisin ghanéen est venu déverser du fumier à côté de sa concession malgré le modus vivendi. Voici son témoignage : « Je vivais avec mon père dans le village. Un jour, j’ai décidé d’aller construire ma propre maison. J’ai informé le chef du village qui m’a autorisé à le faire. J’ai appelé mes voisins ghanéens pour leur dire que j’avais une terre cultivable au Ghana et que j’allais le leur donner parce que je voulais construire. Là où j’ai construit, c’était le terrain d’un Ghanéen. Les Ghanéens sont venus au Burkina se plaindre. Je leur ai dit d’aller voir le chef du village. Ils ont dit qu’ils s’en foutaient du chef de Kayinré. Néanmoins, ils sont allés le voir et il leur a dit que j’avais son autorisation. Après cela, ils ont déversé du fumier à côté de ma maison. Le commissariat de police leur a dit de ne pas cultiver le champ tant qu’il y a le contentieux. On m’a même défendu de dormir dans la maison par mesure de sécurité. Le dossier est actuellement à la justice et c’est le Ghanéen qui m’a convoqué. Je n’arrive pas à comprendre que dans mon propre pays, je ne peux pas investir », foi de Arouna Korguéré. Yamdé Yasga, un ressortissant Ghanéen a lui laissé entendre que ces crises sont récurrentes dans la localité. Toutefois, il y a des mécanismes de résolutions des crises. Cela passe par la médiation. C’est ce rôle que Hamado Silga joue dans la localité. Il a été investi par le chef de Kayinré. Malheureusement, a-t-il déploré dans cette récente crise, la partie ghanéenne n’a pas voulu de sa médiation. A Kayinré, ce n’est pas le seul conflit foncier. Les expulsés de Bakou (Ndlr : village situé au Ghana) sont l’objet d’une nouvelle expulsion. En avril 2014, la justice a tranché en leur défaveur et ils sont priés de plier bagage. Cette situation est perçue par beaucoup de villageois comme une injustice. Ils trouvent que c’est quelques individus qui veulent faire des affaires au détriment de Burkinabè qui ont été contraints à un moment donné de quitter leurs terres au Ghana. En effet, c’est depuis 2007 que les expulsés de Bakou ont déposé leurs pénates à Kayinré. Ils y ont construit leurs concessions et s’étaient apparemment bien intégrés dans la localité quand les problèmes ont surgi. Lors de notre passage, des maisons sont en train de pousser à côté des concessions des déplacés de Bakou. Le pire a été évité dans la journée du 30 juin 2015. Un jeune agriculteur Saïdou Bandaogo a subi la furie de la famille Sinaré quand il a voulu déterrer les semences. Nous avons tenté en vain de lui arracher quelques mots. Le conseiller du village, Ousseni Zèda et toutes les personnes impliquées dans l’expulsion des déplacés de Bakou ont refusé catégoriquement de parler de l’affaire. Selon lui, la justice a rendu son verdict lors de l’audience foraine du 5 juin 2015 et il faudrait que force reste à la loi. Tampissido, le chef de terre du quartier ne comprend pas l’attitude de ces derniers, car ils ont tous accueilli favorablement l’installation des déplacés de Bakou dans le village. Voici son témoignage : « Quand il y a eu la situation tragique à Bakou, nous avons accueilli les déplacés. Ceux qui ont intenté l’action en justice pour occupation illégale de leurs terrains n’ont jamais posé le problème en son temps. Seydou Bandaogo est celui qui a vendu les lopins de terre aux gens. Même mes terres ont été retirées par ce dernier pour les revendre à d’autres personnes », a-t-il confié avant d’ajouter que quand les déplacés de Bakou ont été installés dans le village sans une contrepartie financière. « Nous n’avons pas pris un seul sou avant de donner les terres aux déplacés de Bakou », foi de Tampissido. Aujourd’hui affaibli par la maladie, il regrette ce qui est arrivé à son village. « C’est avec la complicité de la Justice que les terres ont été retirées aux expulsés de Bakou. Cela est l’œuvre de Boureima Zanzé et de Ousseni Zédé. Nous savions que le terrain querellé aujourd’hui appartient à une personne âgée que nous connaissons bien », a-t-il dit avant d’ajouter qu’il n’a pas de problème avec le chef de Kayinré. « C’est à cause de mon état de santé que je n’arrive plus à aller lui rendre visite. Sinon nous étions de bons amis. Le chef de Kayinré est mon beau-frère », a-t-il dit. Le chef de Kayinré est lui moralement touché par ce qui lui est arrivé. Il a été appelé à plusieurs reprises à comparaître devant la barre. Pour le tribunal, le chef de Kayinré n’est pas propriétaire de titres fonciers. Par conséquent, il ne peut octroyer des terrains à des individus fussent-ils des déplacés d’une crise. Voici les motifs avancés par le tribunal : « attendu que suite à un litige foncier qui les opposait au sieur Yego Wendémi, chef de Kayinré, le tribunal de grande instance les déclarait titulaires du droit de jouissance sur le champ litigieux et ordonnait l’expulsion dudit terrain. Qu’il convient de déclarer les requérants titulaires de droit de jouissance sur le terrain litigieux qu’ils exploitent depuis plusieurs années dans la localité de Kanyiré et par conséquent, ordonner l’expulsion du sieur Wendémi tant de sa personne, de ses biens et que de tous ces occupants de son chef dudit terrain de cultures ». Malgré la décision de justice, le chef de Kanyiré ne décolère pas et veut mener le combat jusqu’au bout car il y a une véritable injustice qui lui a été faite. « Ceux qui réclament aujourd’hui que la terre leur appartient racontent des mensonges. Les terrains ont appartenu à nos grands-parents et à nos parents. C’est moi qui leur ai attribué les terrains pour exploitation. Les expulsés de Bakou sont des Burkinabè. Pourquoi faut-il de nouveau les expulser dans leur propre pays ? Ils ne sont pas des Ghanéens. Avant qu’ils ne viennent s’installer ici nous avons cherché à savoir ce qu’ils faisaient quand ils étaient au Ghana. On nous a rassuré qu’ils étaient des commerçants et qu’il n’y avait pas de bandits parmi eux. Ceux qui réclament leur expulsion aujourd’hui les ont aidés à construire leurs concessions. C’est Idrissa dit le Goro (Ndlr : Un ancien chef coutumier) qui a semé la zizanie dans le village. Les gens partaient manger chez lui tous les vendredis. Quand il y a eu les élections, les déplacés de Bakou ont voté pour le conseiller du village. Aujourd’hui, il veut l’expulser. Cela pose problème. Pourquoi aujourd’hui, on veut les expulser ? J’ai été à plusieurs reprises convoqué à la justice. Là, on m’a dit que les enfants ont raison. C’est un nouveau monde. Je n’arrive pas à comprendre qu’en tant chef coutumier, je n’arrive pas à accueillir des gens sur mon territoire. Il y a un de mes détracteurs qui m’a dit que qu’il a donné de l’argent aux juges. J’ai dit à ses derniers que je n’arrivais pas à comprendre la souffrance qu’ils m’infligeaient. Je ne me bats pas pour mes enfants. Je me bats pour des Burkinabè qui sont chassés sur leur propre territoire », foi du chef du village de Kayinré. Boukary Yamba, sommé de quitter sa concession n’a que ses yeux pour pleurer. Il croyait la fin des ses souffrances. Il est obligé de délaisser ses travaux champêtres pour aller à la gendarmerie de Bittou pour régler le différend qui les oppose aux autochtones. « Nous avons été sommés de quitter nos concessions. Nous avons dit que nous allions partir mais qu’il fallait que l’on ait plus de temps. Avant que nous nous établissions ici, nous avons rencontré Tampisido et le conseiller municipal du village. Ils nous ont amené chez le chef de Kanyiré. Nous n’avons jamais eu de problèmes avec eux. Cela fait 8 ans que nous sommes établis ici », a-t-il témoigné. Hamado Kouanda, un autre expulsé de Bakou, croit que sa déférence au chef de Kanyiré qui est la cause de leur problème. « Je pense que nous subissons tout cela parce qu’à un moment donné on voulait que l’on suive un autre chef », a-t-il confié
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