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François Traoré, ancien président de l’UNPCB :« Je n’ai pas encore entendu dire que les OGM ont tué quelqu’un »
Publié le mardi 7 juillet 2015  |  Le Pays




L’auteur du point de vue ci-dessous donne son avis sur les OGM (Organismes génétiquement modifiés). Si certains n’hésitent pas à tirer à boulets rouges sur ces cultures, François Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, en vante les mérites et avantages.
Le jeudi 28 mai 2015, j’ai participé à un débat dénommé «Controverse» à la Radiotélévision nationale du Burkina. Ce débat a mis en face les pour et les contre des cultures génétiquement modifiées, appelées OGM. Depuis 2007, je cultive le coton génétiquement modifié dans mes champs. Plus de 10 ans avant cette date, j’avais été sélectionné comme producteur de semences de coton conventionnel, et quand j’ai commencé les OGM, j’ai continué à être producteur de semences OGM. Cette multiplication de semences est faite par plusieurs producteurs au Burkina.

Au niveau des droits de propriété intellectuelle, il y a lieu de faire une distinction nette entre le droit de propriété du gène qui a été inséré, et le droit de propriété de la variété dans laquelle le gène est inséré. Depuis que nous avons commencé à travailler avec MONSANTO sur leur technologie, on utilise des semences « Made in Burkina Faso ». En juillet 2008, MONSANTO et le Burkina ont signé un accord commercial selon lequel l’Etat burkinabè est copropriétaire avec MONSANTO des variétés génétiquement modifiées. Les royalties sont réparties à 72% pour le Burkina, et à 28% pour MONSANTO.
Une des questions qui m’a été posée lors de ce débat était : « Pourquoi le Burkina est le premier pays de l’Afrique subsaharienne à produire les OGM ? » Je profite du présent écrit pour donner les réponses que je n’ai pas pu développer. Les filières-coton de l’Afrique de l’Ouest dans les années 90 ont vécu des périodes de résistance de la chenille « Helicoverpa armigera » aux pyréthrinoïdes (insecticides) pour le traitement du coton. Nous avons eu, à l’époque, l’obligation de traiter avec « l’endosulfan », qui était interdit en Europe, mais fabriqué là-bas, pour sauver le coton. Et celui-ci ne pouvait plus être utilisé pendant plusieurs années.
Les producteurs de coton du Burkina se sont rendu compte que l’utilisation de doses abondantes de pesticides peut rendre les ravageurs de plus en plus résistants et tuer les insectes utiles, ainsi que les micro-organismes du sol. Les environnementalistes leur disent que l’usage des produits phytosanitaires participent aussi à la pollution des eaux et que cela se répercute alors sur la flore et la faune aquatique. De nombreux cas d’empoisonnement des producteurs ont souvent abouti à des décès.

Le Burkina, qui était devenu le plus grand producteur de coton en Afrique de l’Ouest dans les années 2000, était inquiet d’être le plus grand perdant s’il n’y avait pas de solution. Et c’est ce qui nous a amenés à choisir la biotechnologie pour rassurer les plus de 3 millions de personnes qui vivaient directement du coton. Au Burkina, nous étions déjà des innovateurs. En 1996, nous avions initié la structuration des producteurs de coton. Cette structuration a permis une collaboration entre les producteurs et la société cotonnière pour adopter cette technologie. De 2007 à 2014, les producteurs de coton ont trouvé que la biotechnologie résolvait le problème des « lépidoptères » ravageurs.

Une étude de l’agroéconomiste, Gaspard VOGNAN de l’INERA, a montré que le gain de productivité du coton OGM varie de 4% à 48% à l’hectare, par rapport au coton conventionnel, avec un rendement moyen de l’ordre de 1,2 tonne/ha. Le coton OGM revient moins cher, car il ne nécessite que deux (02) pulvérisations contre six (06) pour le coton conventionnel contre les insectes ravageurs du cotonnier. Ce qui était très pénible pour les producteurs qui devaient marcher des dizaines de kilomètres avec près de 20 kg de charge de pesticide au dos.
De plus, cela fait plusieurs années que mes animaux consomment les graines de coton génétiquement modifiées ; après ils me donnent du bon lait qui est consommé par ma famille et jusqu’à nos jours, nous n’avons pas de problème. Le Burkina a eu raison de se trouver parmi « les grands » en produisant les OGM. Nos chercheurs ont acquis des expériences en matière de biotechnologie et de recherche en général, et je souhaite que cela continue pour rendre la technologie plus performante. En Afrique, c’est l’Afrique du Sud, le Soudan et le Burkina qui produisent des OGM dans leurs champs. Le Ghana, le Nigeria, le Cameroun, le Kenya, le Malawi, l’Ouganda et l’Ethiopie sont en phase d’expérimentation. Dans le monde, je me contente de citer quelques grands pays avec lesquels le Burkina collabore bien. Ce sont : les Etats-Unis qui cultivent 73,1 millions d’hectares d’OGM, le Brésil 42,2 millions, l’Inde 11,6 millions, le Canada 11,6 millions, la Chine 3,9 millions d’hectares.Tous ces pays sont fréquentés par les Burkinabè. La majorité des grands richards au Burkina envoient leurs femmes accoucher aux Etats-Unis pour que le nouveau-né puisse acquérir la nationalité américaine. Nous savons également qu’envoyer son enfant étudier ou travailler aux Etats-Unis ou au Canada est un privilège que les Burkinabè s’offrent couramment. Quand nous allons dans ces pays, nous y mangeons ; or les OGM sont dans leur alimentation. Dans ces pays, en plus du coton, l’OGM est dans le maïs, le soja, la betterave sucrière, la papaye et la tomate... Je n’ai pas encore entendu dire que les OGM ont tué quelqu’un dans ces pays, ni nos parents qui y vont.

Dans le débat, les anti-OGM ont souhaité que l’agriculture burkinabè soit seulement familiale et biologique. Familiale, nous le sommes déjà à près de 90%. Biologique, nous le sommes en partie, car près de 50% des agriculteurs n’ont pas accès à l’engrais, aux pesticides et aux OGM. Le constat est cependant que près de 40% de ces agriculteurs ne mangent pas à leur faim. Je pense que l’Afrique doit arrêter de suivre sans discernement les slogans mondiaux. Je suis pour l’agriculture familiale qui adopte les technologies et qui s’organise en coopératives pour être forte. Ces coopératives doivent avoir de bons dirigeants pour être bien gérées, parce que ce n’est pas souvent le cas. C’est cette bonne gestion qui garde la confiance entre les membres et qui permet d’être crédibles vis-à-vis des partenaires. Dans ces coopératives, les agriculteurs peuvent être mieux formés pour avoir accès aux crédits et pour faciliter la commercialisation de leurs produits ; et ainsi, ils entreront véritablement dans l’économie. Je demande aux ONG d’accompagner les agriculteurs burkinabè dans ce sens. Je suis contre ceux qui sont payés pour maintenir l’agriculture burkinabè dans la subsistance et pour que les résidus de la surproduction des grands pays se déversent chez nous.
Je sais que le pain que nous mangeons au Burkina n’est pas biologique, la bière que nous buvons également ne l’est pas.

Dans le monde, nous avons des pays qui n’ont plus de terres pour cultiver. Ceux-ci font des financements contournés à des ONG pour nous maintenir dans cette subsistance et venir un jour acheter ces terres. Les familles pauvres vont vendre toute leur terre et se retrouver en ville. Nos agents de l’environnement seront recrutés par les agro- businessmen et ils ne seront plus des donneurs de leçons. Ils vont se contenter de planter des arbres où leurs patrons leur demandent de les planter, et planteront des fleurs pour leurs maîtres. Je refuse cela. Les Burkinabè sont de grands travailleurs, nous méritons d’être dans la cour « des grands », en sachant bien utiliser toutes les technologies pour produire plus.
Si un jour on adopte le maïs OGM, résistant à la sécheresse qui est déjà cultivé en Afrique du Sud, moi je le cultiverai, car certains de nos éleveurs- aviculteurs importent déjà le maïs de l’extérieur. Le Burkina et le Nigeria ont commencé à expérimenter le niébé OGM. Je souhaite que cette technologie réussisse et qu’un jour ce soit le Burkina qui vende son surplus de production de niébé au Nigeria. Au stade actuel, les débats sur les OGM en Afrique devraient porter sur : « Comment maîtriser les biotechnologies en vue d’accroître la productivité agricole et faire face aux aléas climatiques ? »

Ouagadougou, le 10 juin 2015
TRAORE B. François
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