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RSP, un instrument au service d’une cause politique
Publié le lundi 6 juillet 2015  |  Mutations
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© Autre presse par D.R
Des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) en face de manifestants, le 30 octobre 2014, lors de l`insurrection populaire




Les patrons du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), sous le couvert des soldats, revendiquent une fois de plus, comme en février dernier, la démission des militaires du gouvernement et la nomination d’un premier ministre civil. Cette revendication cache un plan de déstabilisation de la Transition pour des mobiles à la fois politiques et judiciaires.

Les géniteurs du RSP sont à la manœuvre. Ils concentrent leurs tirs sur le PM Zida et le ministre Auguste Barry pour deux raisons principales. La première est purement d’ordre politique. On s’achemine vers la fin de la Transition et les caciques de l’ancien régime perdent tout espoir de voir le gouvernement revenir sur le code électoral qui les empêche de se présenter aux élections d’octobre 2015 et de janvier 2016. Malgré de nombreuses manœuvres aussi bien au niveau interne qu’à l’extérieur, ils n’ont pas réussi à faire fléchir le gouvernement. Le CDP a maintes fois appelé à un « dialogue » pour trouver une « solution au nouveau code électoral». Il a multiplié des audiences auprès des acteurs politiques et de la société civile pour les amadouer dans ce sens. Il a même obtenu une audience avec le Premier ministre et il avait cru comprendre que ce dernier allait, comme en novembre 2014, plaider leur cause auprès des autres acteurs de la Transition qui voulaient voir le parti dissout. Cet espoir a été déçu quand Yacouba Isaac Zida va laisser entendre, lors du sommet de l’Union africaine en Afrique du Sud, mi-juin, que le code électoral ne sera pas revu, quelle que soit la décision de la Cour de justice de la CEDEAO. Cette phrase est tombée comme une douche froide sur le CDP et ses alliés. Dès lors, le Premier ministre est redevenu une cible. Le RSP étant toujours contrôlé par des proches du président déchu, on passe par lui pour exercer des pressions sur le gouvernement et le président de la Transition. En ciblant le Premier ministre, c’est tout le gouvernement qui est visé car, si la tête tombe, tous les autres vont suivre. L’histoire de la démission des ministres militaires n’est qu’un appât pour flatter certains civils qui avaient réclamé une Transition entièrement civile. Dans cette cabale, ils en veulent particulièrement au ministre de l’Administration territoriale, Auguste Barry. Il serait celui-là qui aurait influencé négativement le PM pour l’empêcher de respecter des engagements pris dans d’autres cercles. Chacun a ses raisons de lui en vouloir. Les responsables du CDP et ses partis alliés lui en veulent pour son « opération mains propres » qui a conduit en prison plusieurs ténors locaux du parti. Le ministre Barry avait également procédé, dès son installation, à la valse de nombreux responsables dans les différentes directions du ministère, ce qui est vu par le CDP comme une chasse à ses militants. Sans compter la dissolution des conseils municipaux qui serait également l’œuvre de Barry, pour couper la direction du CDP de sa base dont une bonne partie a migré par la suite vers d’autres partis, notamment le MPP, l’adversaire redouté.
Autre reproche, cette fois-ci d’ordre sécuritaire, fait à Barry et à Zida, c’est « d’armer » les autres camps militaires et la gendarmerie. Ils auraient fait des commandes à leur profit et le RSP se sent en insécurité. Ces accusations sont-elles réellement fondées ? Pour ceux qui les distillent, l’essentiel, c’est de faire monter la pression au niveau des soldats du régiment et obtenir leur adhésion dans leur plan de déstabilisation. Pour justifier leur crainte, ils mettent en avant la création d’une unité spéciale au niveau de la gendarmerie. Cette dernière serait en train de s’équiper et ses hommes entrainés par des instructeurs venus d’Europe et des Etats-Unis. Cette unité aurait vu le jour dans le seul but de contrecarrer la puissance de feu du RSP. On revient encore 28 années en arrière avec la fameuse FIMATS de Sankara, créée selon Blaise et ses partisans, pour écarter les hommes de Pô dans la sécurité du président et des institutions. Effectivement, à l’époque, c’était les missions assignées à la FIMATS. Si elle avait fonctionné, les hommes de Pô allaient retourner dans leur camp de Pô et laisser le ministère de l’Intérieur gérer la sécurité des personnalités et des institutions comme cela se fait dans toutes les Républiques normales. On n’aurait pas parlé aujourd’hui du RSP. Mais pour certains, la République ne peut pas et ne doit pas se passer d’eux. Sinon, ils crient à la « marginalisation », ce qui justifierait à posteriori leurs actions. Pour tous ces griefs, Barry et Zida deviennent des hommes à abattre. Pour faire diversion, on les accuse de vouloir prolonger la Transition, une idée qui n’est pas populaire au niveau de l’opinion publique. Alors que ce sont les futurs recalés aux élections qui n’ont pas intérêt à la tenue des scrutins à venir. Ils savent que pour eux, les carottes sont cuites, ils seront forcément dans l’opposition. Ils n’ont donc pas intérêt à voir le processus aller jusqu’à son terme. Il faut donc faire jonction avec « le bras armé » pour semer la zizanie.

Le dossier Sankara et les remous au RSP

On sait que celui qui contrôle aujourd’hui politiquement le CDP, c’est Gilbert Diendéré. Avec le dernier congrès, il régente le parti à travers son épouse Fatou et son protégé Eddie Komboigo. Ces deux personnes ne peuvent pas se présenter aux élections prochaines à cause de leur soutien actif à la modification de l’article 37. Le nouveau code électoral n’est pas cependant le seul souci du clan. L’accélération de l’instruction du dossier Sankara crée des frayeurs dans les rangs de certains officiers du RSP. N’ayant pas reçu à bloquer la dénonciation du dossier auprès du tribunal militaire, ils avaient cru que le juge allait faire traîner l’instruction comme quelqu’un l’avait fait dans l’affaire Norbert Zongo. Mais celui-ci montre jour après jour qu’il est déterminé à faire son travail de manière professionnelle et en homme intègre. Il mesure tous les enjeux liés au dossier et ne compte pas décevoir les attentes des millions de personnes au Burkina Faso et à travers le monde. En effet, le dossier Sankara est devenu, au fil du temps, le symbole de la lutte contre l’impunité en Afrique. C’est pourquoi, chaque acte posé dans ce dossier est suivi de très près aussi bien par ceux qui désirent le voir aboutir, mais aussi par ceux-là qui sont directement mis en cause. Or, il se susurre que Hyacinthe Kafando aurait été convoqué devant le juge. Cet ancien chef de la garde rapprochée de Blaise Compaoré sait beaucoup de choses dans l’assassinat de Sankara. Il aurait participé à l’exécution du président Sankara et de ses camarades le 15 octobre 1987 et lui-même, selon plusieurs témoignages, s’en vantait à une certaine époque. L’étau commence donc à se resserrer autour des exécutants et commanditaires de l’assassinat de Sankara. A qui le tour après Kafando, s’interrogent certainement certaines personnes. On ne peut pas ne pas penser à Gilbert Diendéré qui a témoigné avoir conduit le commando au Conseil de l’Entente le soir du 15 octobre 1987. Sa mission était « d’arrêter le PF » ou de « l’anéantir ». Comme on le sait tous, c’est la deuxième option qui a finalement prévalu. Peut-on dans ce cas imaginer l’instruction du dossier Sankara sans que Diendéré ne soit entendu ? Cela n’est pas possible. Ce qui se joue au RSP est vraisemblablement en lien avec l’instruction des crimes de sang, particulièrement ce dossier emblématique. La préoccupation de certains officiers au RSP est d’empêcher la vérité sur ce crime fondateur du régime Compaoré. Si Blaise Compaoré est relativement à l’abri, ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais chacun utilise les moyens à sa disposition pour se défendre et se protéger. Au début, la stratégie a été de passer par certaines plumes célèbres pour proposer « l’expertise sécuritaire » de l’homme avec comme contrepartie l’impunité dans les crimes dont il est cité. Cette stratégie n’a pas prospéré. Au contraire, elle vaut à son promoteur médiatique tous les quolibets du Faso. On revient alors à l’instrument dont on dispose, à savoir le RSP. En faisant la pression pour obtenir la démission du gouvernement, on escompte chambouler le calendrier électoral, imposer des hommes « acquis » dans le nouveau gouvernement qui pourrait mettre les bâtons dans les roues du juge d’instruction. Mais ce plan ne peut prospérer que si on a une partie de l’opinion avec soi. Ce que les détracteurs du processus de la Transition n’ont pas jusqu’à présent. Plus grave, ils n’arrivent pas à recruter parmi les mouvements les plus représentatifs de la société civile dans leur croisade anti-Transition, masquée par le discours anti-Zida. Ce qui reste, c’est tenter de les discréditer avec des rumeurs sur leur corruption par Zida et Barry, oubliant que ces mouvements ont obtenu leurs galons avant l’arrivée de leurs prétendus corrupteurs au-devant de la scène publique. Les Burkinabè savent faire la différence entre les organisations combatives et sérieuses avec celles qui existent juste pour des intérêts alimentaires de leurs leaders. On en a vu qui ont essaimé tout récemment pour capter l’argent sale des anciens caciques déboussolés par le nouveau code électoral et qui cherchent par tous les moyens à perturber le processus en cours. Ils oublient cependant que des gens sans conviction ne peuvent prendre des risques dans la rue au profit de gourous assis tranquillement chez eux dans des chambres climatisés. Tout comme ces gens, les jeunes soldats du RSP ne se laisseront pas indéfiniment utiliser pour satisfaire des intérêts purement individuels. Ils chercheront un compromis utile pour eux et pour la nation en acceptant la restructuration nécessaire du corps vers d’autres missions que celles de la sécurité du palais de la présidence.

Abdoulaye Ly
MUTATIONS n° 80 du 1er juillet 2015. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com)
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