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Sidwaya N° 7383 du 26/3/2013

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Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO « La protection des sites culturels est tout d’abord une responsabilité nationale »
Publié le mercredi 27 mars 2013   |  Sidwaya


Irina
© Autre presse par DR
Irina Bokova, Directrice Générale de L`UNESCO


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En visite officielle au Burkina Faso où est elle a pris part à l’ouverture du 23e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), la directrice générale de l’UNSECO, Irina Bokova, a accordé une interview à Sidwaya. Dans cet entretien, elle aborde, entre autres, le bilan de la coopération entre son institution et le Burkina, le suivi des ruines de Loropéni et la situation au Mali.


Sidwaya (S.) : Comment doit-on qualifier votre visite au Burkina Faso ?

Irina Bokova (I.B.) : C’est une visite officielle, à l’invitation du Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle s’inscrit dans le cadre du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Un festival que je qualifierais de mondial et que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a soutenu dès la première édition et continue d’ailleurs de soutenir. Nous pensons que la culture est bien ancrée au Burkina et joue un rôle très important pour la cohésion sociale et le développement. Nous attendons donc accompagner les actions culturelles.
Ensuite, ma visite a pour objet de dresser le bilan de notre coopération bilatérale. J’ai rencontré le chef de l’Etat, le président Blaise Compaoré. Nous avons échangé sur la situation dans la sous-région, particulièrement au Mali. J’ai félicité le président du Faso pour sa médiation dans ce pays et ailleurs dans le monde. Je crois que le Burkina Faso joue un rôle très important en ce qui concerne la stabilité dans la sous-région en vue d’y instaurer une culture de la paix. Des échanges avec les ministres en charge de l’Education nationale, des Enseignements secondaire et supérieur (qui est aussi président de la commission nationale pour l’UNESCO), de l’Eau, des Finances, de la Communication, de la Jeunesse et de la Formation professionnelle, il ressort que nous avons une coopération très vaste et positive. Nous pourrons explorer de nouvelles pistes. J’ai visité le Centre international pour l’éducation des filles et des femmes en Afrique (CIEFFA), une institution de l’Union africaine qui est sous l’égide de l’UNESCO. J’ai discuté avec les autorités dudit centre pour voir comment nous pouvons le renforcer pour lui donner effectivement une envergure sous-régional car l’éducation des filles et des femmes est très importante pour l’UNESCO qui s’y investit depuis quelques années. J’ai visité également l’Institut de l’ingénierie et de l’eau (2ie) et nous verrons comment établir une coopération pour le renforcement des cadres dans le domaine de la gestion de l’eau et les énergies renouvelables. J’ai été aussi au siège de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), car nous avons en commun un projet important qui porte sur l’utilisation des nouvelles technologies dans l’enseignement supérieur, notamment au niveau des formations pour l’obtention de diplômes de Master.

S. : Que fait concrètement votre organisation au Burkina Faso dans le cadre de la promotion de la culture ?

I.B. : Dans le cadre de la promotion de la culture, nous avons inscrit un site du Burkina Faso au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit des ruines de Loropéni. Nous travaillons également dans le domaine des patrimoines immatériels. A cet effet, nous venons de dégager un financement important pour votre pays et les pays voisins. Il faut faire d’abord l’inventaire matériel et ensuite procéder à la formation des cadres. Nous travaillons aussi pour la mise en œuvre de la convention sur l’expression de la diversité culturelle à travers l’industrie culturelle comme le FESPACO. Mais nous comptons aller au-delà, avec la formation des cadres dans le domaine des arts. Ce sont des chantiers importants.

S. : La reconnaissance des ruines de Loropéni a suscité beaucoup d’espoir chez les Burkinabè. Mais jusque-là, les mesures d’accompagnement n’ont pas suivi. Pourquoi ?

I.B. : La protection des sites est tout d’abord une responsabilité nationale. Mais bien évidemment, nous pouvons vous soutenir par la formation des cadres parce que préserver un site commence par comment gérer un site, comment mettre en place un plan de gestion, comment impliquer les communautés locales, etc. Nous considérons que la préservation d’un site nécessite une participation des communautés locales. C’est une synergie entre ces dernières, les autorités locales et celles centrales. Mais les retombées ne pourront être visibles qu’à long terme. Cependant, nous sommes obligés de soutenir la formation des gestionnaires et par la suite mobiliser les fonds nécessaires pour certaines activités.

S. : Vous avez également visité le musée de l’eau à Loumbila. Est-ce que vous pensez qu’il mérite d’être inscrit au patrimoine mondial ?

I.B. : C’est très difficile de donner une réponse présentement. Je crois que c’est une excellente initiative. Il faut rassembler tous les éléments qui concourent à son importance. C’est-à-dire les aspects technique, scientifique, sociétal et même traditionnel. Il y a beaucoup de pratiques dans la recherche de l’eau et sa préservation traditionnelle qui ne sont pas valorisées parce que nous considérons que l’eau a une dimension sociale. Mais je constate que la femme joue un rôle important en ce sens qu’elle est la principale gestionnaire du liquide précieux. Donc, on ne peut parler d’alimentation, d’énergies renouvelables et d’autres aspects, sans l’eau. Le mérite du musée de l’eau de Loumbila est qu’il fait ressortir l’importance de la femme dans la gestion et l’approvisionnement en eau.

S. : Il est de plus en plus question de conjoncture dans les institutions onusiennes. Qu’est-ce qui explique cet état de fait ?

I.B. : Les Nations unies sont un système de référence dans lequel chaque pays a sa place. A travers le multilatéralisme, nous pouvons trouver des réponses. Les menaces, les défis sont nouveaux et il nous faut des réponses globales. Si on parle de changement climatique, du développement durable et même des conflits par exemple, tout débouche sur des mesures globales et les Nations unies sont mieux placées pour répondre à ces questions. Aujourd’hui, l’UNESCO est confrontée à des difficultés financières. Nous avons dû demander un soutien additionnel de beaucoup de pays membres y compris ceux de l’Afrique pour que l’éducation soit bien ancrée dans les politiques nationales. Et je suis convaincue que l’éducation fait partie des priorités dans ce monde car, la lutte contre la pauvreté, pour le développement durable, la préservation de la biodiversité et l’égalité des genres passe par elle. C’est pourquoi, nous misons sur l’éducation et l’enjeu pour l’Afrique, c’est la formation. Au Burkina Faso, il y a beaucoup de volonté politique à commencer par le chef de l’Etat. Je quitte votre pays avec la conviction que les vraies politiques sont en place. Nous avons la volonté d’accompagner leur mise en œuvre.

S. : Vous avez rencontré plusieurs ministres burkinabè au cours de votre séjour. Doit-on s’attendre à des projets bientôt ?

I.B. : Nous avons beaucoup de projets, notamment la formation des enseignants et le renforcement de l’alphabétisation. Il existe déjà de bons projets mais, il faut en produire davantage, par exemple dans le domaine de la biodiversité. Toute chose qui m’a amené à encourager le gouvernement à postuler pour certains projets à travers nos fonds pour les diversités culturelles, les patrimoines immatériels. Le CIEFFA que nous avons pour ambition de renforcer fait également partie de nos projets.

S. : Vous avez séjourné à Tombouctou au Mali où vous avez découvert les mausolées détruits par les djihadistes. Quel a été votre sentiment après cette découverte ?

I.B. : J’ai ressenti un sentiment de tristesse quand j’ai vu ces dégâts que je qualifie de dramatique. Je crois que les patrimoines maliens inscrits ou pas inscrits sur la liste des patrimoines mondiaux représentent une richesse et un message fort pour tout le monde et non pour le Mali seul. Ils représentent l’expression d’une civilisation islamique millénaire. Ils commencent par l’âge d’or des sciences islamiques, médicales et philosophiques, et ont plus de mille ans. Lorsqu’on les détruit au 21e siècle, je trouve que c’est une barbarie. Mais j’ai été très touchée par tout ce que la communauté locale a fait pour préserver une partie de cette identité. C’est pourquoi nous sommes très mobilisés pour reconstruire ces édifices afin de redonner confiance à cette communauté locale d’appartenir à cette civilisation millénaire. Donc, notre responsabilité est énorme en ce qui concerne ces patrimoines.

S. : Le prix Félix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix a été décerné au président français, François Hollande, après à peine une année de mandat. Qu’est-ce qui a milité en faveur de sa désignation comme lauréat de ce prestigieux prix ?

I.B. : J’étais à l’aéroport quand j’ai reçu cette information. Je n’ai pas encore eu la possibilité de lire les arguments qui ont milité en faveur de cette distinction. Mais j’imagine que les décisions courageuses du président français, François Hollande, d’arrêter l’avancée des extrémistes et de sécuriser le Nord-Mali ont milité en sa faveur.

S. : Au-delà des prix qu’elle attribue, quelles sont les grandes actions que l’UNESCO entreprend au quotidien pour le maintien de la paix dans le monde ?

I.B. : L’aspiration à la paix est bien ancrée dans notre charte à travers cette phrase : « Les guerres prennent naissance dans l’esprit des Hommes et c’est dans leur esprit qu’il faut construire la paix ». Notre mandat pour la paix est axé sur l’éducation. Nous travaillons pour la préservation de la culture, du patrimoine et nous considérons que cet aspect de notre travail est une force pour la paix. Le patrimoine n’est pas seulement les pierres, les bâtiments, mais c’est aussi les valeurs véhiculées à travers des siècles à savoir, la tolérance et la compréhension de l’autre. C’est pourquoi je considère que le travail de l’UNESCO devient de plus en plus important dans un monde globalisé, mais toujours très fragile à cause des méfiances, des conflits, des méconnaissances, et de l’intolérance. C’est la raison pour laquelle notre travail pour la paix se fait au quotidien. Il y a aussi des aspects très concrets. Par exemple, nous considérons que pour l’Afrique, travailler pour une culture de la paix est primordial, car on ne peut pas lutter contre la pauvreté sans la paix. En cela, nous allons organiser une conférence dédiée à la culture et la paix en fin mars 2013 en Angola. La paix reste un défi que nous avons besoin de travailler à sauvegarder.

S. : Quel regard portez-vous sur les actions de médiation du président du Faso ?

I.B. : J’exprime tout mon respect et toute ma reconnaissance au président du Faso pour ses efforts en faveur du retour de la paix au Mali, ce d’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il s’engage dans ce type d’action de pacification dans la sous-région.


Assetou BADOH
Paténéma Oumar
OUEDRAOGO

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