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Promotion de la santé de la reproduction au Sahel
Publié le jeudi 2 juillet 2015  |  Sidwaya
Promotion
© Autre presse par DR
Promotion de la santé de la reproduction au Sahel




Dans la région du Sahel, tout comme dans d’autres régions du Burkina Faso, les hommes s’impliquent moins dans la promotion de la Planification familiale (PF) et de la Santé de la reproduction (SR). Certains constituent même des obstacles à l’utilisation des méthodes de contraception, contraignant leurs épouses à la clandestinité ou à accepter les naissances rapprochées. A cette barrière s’ajoutent les pesanteurs socioculturelles, religieuses et l’éloignement des infrastructures sanitaires. Voyage dans un univers où les indicateurs sont au rouge.


Touro est un village situé à quelques encablures de la ville de Gorom-Gorom dans le Sahel burkinabè. Dans cette bourgade, l’utilisation des méthodes de contraception est considérée comme «haram» (illicite). Des femmes continuent d’accoucher à domicile, sans espacement des naissances.
Ousmane Sidi est un résident de ce village. Ce quarantenaire est monogame, père de deux enfants. Son premier fils, selon ses propres calculs, est âgé de 3 saisons de pluies et l’autre de 2 saisons. Ils sont tous nés à domicile, loin du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) urbain de Gorom-Gorom, situé à 5 km. Pour certaines ethnies du Sahel, notamment celle de Ousmane, la femme doit accoucher au domicile de sa mère. Culturellement, il lui est interdit d’accoucher chez son mari. La justification : ne pas répandre la honte si elle advenait, puisse qu’elle doit supporter la douleur sans crier. Selon sa coutume, accoucher est un acte de bravoure. Ce fait culturel n’a plus de fondement, selon la présidente de l’Association Choolesmen (230 membres), Aïssata Diallo. «Avant, après l’accouchement, la femme pouvait faire un an chez ses parents, mais avec la modernisation, il y en a qui font 3 mois, d’autres 40 jours seulement. C’est un fait culturel dont on peut se passer. Imaginons une femme du Sahel qui se marie et qui se trouve hors du Burkina Faso et même du continent africain, où va-t-elle aller, sinon que de rester avec son mari ?», se justifie-t-elle. Qu’à cela ne tienne ! En attendant, tous les deux enfants de Ousmane sont nés dans sa belle-famille. Leur mère n’a jamais été en consultations prénatales, encore moins s’intéressée à une méthode de contraception. Pire, dit-il, en «brousse» (au village, NDLR), il y a des femmes qui accouchent presque chaque année, et lorsqu’on leur parle de «piqûre» (méthode de contraception, NDLR), les maris sont réticents et disent que c’est du «haram». Ousmane se contente pour l’instant, de sa seule femme, faute de moyens d’en prendre une autre. «Si je gagne de l’argent tout de suite, demain, je prendrai une 2e épouse», espère-t-il. En perspective, ses futurs enfants ne naîtront pas en «brousse» mais dans un centre de santé. Les accouchements à domicile restent une préoccupation. 77% des accouchements sont assistés dans la région du Sahel et 48% dans le district de Gorom-Gorom en particulier (données de routine DRS). En rappel, la Direction régionale de la santé du Sahel (DRS) comprend les districts du Djibo, de Dori, de Gorom-Gorom et de Sebba. «Avec les subventions de l’Etat et de ses partenaires, les femmes ne paient pratiquement rien pour accoucher dans une formation sanitaire. Malgré tout, beaucoup accouchent à domicile. Notre taux d’accouchement assisté était de 48 % en 2014», relève le médecin-chef du district de Gorom-Gorom, Mohamed Anicet Kpoda. Juché sur sa bicyclette, le regard fuyant, Ousmane est convaincu qu’il est difficile de faire changer l’avis des hommes de son village. «Ils vont toujours interdire à leur femme d’adopter une méthode de contraception, ils ne comprennent rien», assène t-il.
Des contraceptions cherchent utilisatrices

Pour M. Kpoda, toute la gamme des produits contraceptifs existe grâce à l’approvisionnement fait à la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques (CAMEG). Les compétences pour les offrir aussi existent. Le problème est que l’utilisation par les femmes reste faible. Et leur mari y est pour quelque chose.
L’homme est souvent un obstacle à l’accès aux services de santé de la reproduction, notamment à la planification familiale. Qualifié «d’obstacle humain» par l’attaché de santé de soins infirmiers et obstétricaux à la Direction régionale de la santé du Sahel (DRS), Marc Ganou, l’homme prend des décisions qui affectent la santé de la femme et des enfants.
Mémoire vivante de la Direction régionale du Sahel, pour y avoir fait 12 ans, M. Ganou connaît bien son sujet. Et quand il dit «le Sahel c’est le Sahel», c’est plein de signification. Pour l’utilisation des méthodes de contraception, le besoin est là, mais malheureusement non satisfait. Lors d’une commémoration de la journée régionale de lutte contre la mortalité maternelle, rapporte M. Ganou, une femme s’était adressée à l’assistance en ces termes : «vous parlez de mortalité maternelle, les femmes ne veulent même plus de grossesse. Il faut qu’il y ait grossesse pour parler de mortalité maternelle non ?», a-t-elle posé comme question. Et l’attaché de santé de conclure que le besoin des méthodes de contraception par les femmes est réel ; mais elles rencontrent le refus des hommes. «Au cours de la semaine de la planification familiale, une sage- femme m’a accueilli toute désemparée pour me dire que le mari d’une femme l’ a obligée à retirer une contraception en l’occurrence le Jadelle qu’elle avait placé auparavant. Le mari a exigé qu’on le retire sous ses yeux». Les faits sont têtus, dit-on.
Pendant ces journées de la Planification familiale (PF), la Direction de la santé donne des consignes aux animateurs de sensibiliser les hommes. Mais aussi d’utiliser les rares hommes-modèles comme des pairs éducateurs. «Nous demandons l’appui des autorités pour parler directement aux hommes, aux leaders coutumiers et religieux. On n’a pas le choix que de travailler à améliorer l’implication des hommes et des leaders dans la promotion de la santé de la reproduction. C’est important pour nous», reconnaît M. Ganou.
Durant ces journées, elles sont nombreuses, les femmes, qui voudraient s’y rendre, mais la spécificité de ces journées fait que si elles se présentent aux formations sanitaires, les maris s’apercevront qu’elles y sont pour prendre une contraception. Cela fait que celles qui veulent rester dans la clandestinité ne bénéficient pas de la gratuité de la semaine PF.9000 utilisatrices à recruter

Dans le plan national de la relance de la planification familiale élaboré en 2012, le Burkina s’est engagé à recruter 332 000 nouvelles utilisatrices de méthode de planification familiale de 2012 à fin 2015. La contribution de la région du Sahel à l’atteinte de cet objectif est de 9000 nouvelles utilisatrices sur les trois ans. Cet objectif sera-t-il atteint ? Difficile de répondre, quand on sait que cette zone affiche, selon la dernière Enquête démographique et de santé (EDS 2010) 7% de taux de prévalence contraceptive contre 15% au niveau national. Pour M. Ganou, la région devrait enrôler 3000 nouvelles utilisatrices par an, durant les trois ans. Malheureusement, la première année, les indicateurs n’ont pu être bien renseignés. Il y a eu confusion sur la définition de la nouvelle utilisatrice. Des anciennes utilisatrices ont été comptabilisées si bien que ces données n’ont pas été retenues. Les 9000 sont à recruter maintenant sur deux ans réparties à 4500 femmes par an. En 2014, selon Marc Ganou, la région a enregistré 53% des 4500, soit 2385 nouvelles utilisatrices. Il espère faire mieux cette année. Et «cette performance enregistrée par la région, dit-il, nous la devons à la gratuité des soins que nous offrons durant la semaine nationale de la planification familiale». L’obstacle masculin fait partie d’un ensemble de barrières qui empêchent l’accès des femmes aux services de la santé sexuelle et reproductive dans la région du Sahel. Au niveau des services de santé, le Sahel est très pauvre en infrastructures sanitaires. Le rayon moyen d’action théorique était de 11,07 km en fin 2014 contre une moyenne nationale de 7 km. La norme de l’OMS est de 5 km. Les communautés sont très éloignées des formations sanitaires. L’émir de Dori qui a fait de la sensibilisation sur la santé de la reproduction son cheval de bataille, plaide pour une amélioration des infrastructures sanitaires. «Il faut travailler à améliorer les infrastructures sanitaires et les équipements médicaux. Gorom-Gorom n’a pas de radiologie. Si celle de Dori est en panne, il faut aller à Kaya ou à Ouagadougou (Ouaga -Dori, 275 km). Je suis déjà allé jusqu’à Ouagadougou pour un examen de radiologie de mon épouse. En tant que ville-frontalière, Gorom-Gorom devait avoir un hôpital de référence», défend le chef de canton. Les centres de santé étant distants des populations, les urgences obstétricales se gèrent difficilement. Le moyen de déplacement le plus utilisé en milieu rural sahélien est l’âne, ou dans le meilleur des cas, la charrette. «Une femme m’a interpellé en me demandant de choisir entre accoucher à domicile et en route. Je n’ai pas répondu mais je suis tenté de dire que c’est mieux d’accoucher à la maison qu’en route, c’est-à- dire entre la maison et le CSPS», raconte l’attaché de santé.
Pire, en saison pluvieuse, certaines populations du Sahel sont coupées de leur formation sanitaire. Sebba, l’un des 4 districts sanitaires de la région est une illustration.
Les gens n’aiment pas aussi être affectés au Sahel, d’où un problème de personnel de santé en termes de nombre et de qualité. Quand M. Ganou a informé sa tante de son affectation dans la région du Sahel, celle-ci lui a demandé qu’est-ce qu’il a pu bien faire pour être muté à Dori. «Les agents n’aiment pas qu’on les affecte au Sahel. Quand bien même ils y arrivent, très vite, ils repartent. Souvent, c’est ceux qui viennent de sortir des écoles et à peine qu’on ait complété leur formation, ils ont déjà acquis l’ancienneté pour repartir. En 2013, le district de Sebba (NDLR, 99 km de Dori) s’est retrouvé séparé de la moitié de ses effectifs. Sur 92 agents, 52 ont obtenu des affectations. En termes de performance, on est toujours angoissé, rien n’est définitivement acquis», explique-t-il.
Malgré tout, les acteurs de la promotion de la santé de la reproduction dans cette partie du Burkina Faso reconnaissent que des progrès ont été enregistrés, mais que beaucoup reste à faire. «0 naissance à domicile, 0 mariage précoce, 0 besoin non satisfait, des couples épanouis au Sahel. Cela va prendre du temps, mais ça arrivera», se convainc la présidente de l’Association Choolesmen, Aïssata Diallo.


Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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