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Maître PACERE , la Justice et l’Hommage à devoir aux Morts
Publié le vendredi 19 juin 2015  |  Sidwaya
Cérémonie
© aOuaga.com par A.O
Cérémonie d’ouverture de la 12eme foire internationale du livre de Ouagadougou
Mardi 26 novembre 2013. Ouagadougou. Le ministre de la culture et du tourisme, Baba Hama a procédé au lancement de la 12eme foire internationale du livre (FILO 2013).Photo: Frédéric Titinga Pacéré





Les 30 et 31 mai 2015, les Autorités de la Transition au Burkina Faso ont organisé des cérémonies de commémoration, de rappel et de souvenir des morts (une trentaine) de l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014. Cette Commémoration s’est déroulée en maints lieux dans le Pays. A Ouagadougou, elle a porté sur des recueillements au Cimetière de Gounghin sur les tombes et dépôts de fleur. Elle a également donné lieu au Monument des Héros à des prises de parole dont celle du Chef de l’Etat, à des recueillements et élévations de dignité. On aura remarqué cependant que certaines Organisations et Personnalités se sont démarquées de l’évènement en exigeant au préalable que Justice soit rendue aux Victimes par la lumière sur les circonstances de leur disparition et identification donc des auteurs. Nous avons approché l’homme de Droits et de Culture, Maître Titinga Frédéric PACERE bien connu de l’opinion, pour avoir son avis sur la problématique de l’hommage à rendre aux défunts, victimes de crimes, en relation avec aussi, la Justice à leur rendre.


Sidwaya : Maître PACERE, vous étiez à Ouaga-2000 à l’occasion de l’hommage rendu aux victimes de la répression des journées des 30 et 31 Octobre 2014. On sait que certaines organisations et personnalités, ont décidé et affirmé ne pas s’associer si tant est que la lumière sur les auteurs des crimes n’aura pas été faite avec identification, Justice et Sanction ; quel est votre avis là-dessus ?

Me PACERE: N’ayant pas été informé par voie directe de positions divergentes, de réserves de Corps de la Nation et personnes privées sur ces hommages aux victimes des journées des 30 et 31 octobre, je répondrai uniquement sur le principe de l’hommage ou non aux défunts du genre, sans me référer à ceux qui auraient refusé de prendre part, parce que je n’ai pas leur position officielle pour observations. Mes appréciations ici ne leur sont pas destinées, mais uniquement à toute l’opinion nationale sur ma position en regard du principe de rendre ou non hommage et souvenir aux morts en relation avec le devoir de vérité et de vérité judiciaire au préalable à réaliser. Pour moi, il y a lieu d’être prudent ; il s’agit de deux domaines différents, très différents à ne jamais accrocher l’un à l’autre, à ne jamais même chercher à priori, à voir un lien de connexité de l’un par rapport à l’autre. Ces deux domaines sont indépendants l’un par rapport à l’autre ; ils ne peuvent pas se justifier ou s’expliquer l’un par l’autre et dans l’immédiateté de temps qu’exige le devoir de souvenir et d’hommage pour les morts. Par prudence, par logique, il ne faut jamais subordonner l’un à l’autre.
Le devoir d’hommage, de souvenir des Morts, relève tout d’abord de la vie sociale, du sens de la famille et devoirs familiaux et des croyances des peuples.

Sidwaya : Donc c’est un phénomène qui tire ses origines dans la tradition, dans nos Us et coutumes ?

Me PACERE : Si je prends à titre d’illustration les Coutumes et les Traditions de Ouagadougou où se sont déroulés de manière imposante ces hommages rendus, la vie de l’homme s’apparente à l’envol de la Grue Couronnée (d’où l’un de mes tout premiers livres, « Quand s’envolent les Grues Couronnées »). L’homme vient d’ailleurs ; il vient du fond d’un horizon ; il arrive et vit sur la terre, sa vie terrestre ; puis, il continuera sa vie en disparaissant du prochain horizon pour vivre une autre vie qui n’est pas celle terrestre. La mort ici, n’est pas la fin de la vie. La fin de la vie terrestre est marquée par l’enterrement de l’intéressé ; mais, tout ne s’arrête pas là ! Ainsi, à la fin de la vie terrestre, il est ce rituel appelé dans le milieu du Mogho et pour les Mossé, « Kuuré » improprement traduit en français par « Funérailles » qui doit intervenir dans 3 mois, un an ou plus. Ce rituel, c’est la journée ou la semaine pour certains dignitaires, du souvenir du défunt. Tant que cette cérémonie n’est pas faite, tant que cette commémoration n’est pas faite, la personne qui a disparu n’est pas considérée comme morte. La preuve, la femme ou les veuves ne peuvent pas se remarier ; les enfants ne peuvent pas hériter de leur père avec partage de l’hérédité. Si c’est un Chef coutumier, un Roi, on ne peut nommer son successeur, même s’il faut attendre des années durant. La commémoration des morts ici dans nos traditions est capitale pour la vie de la société et sa gouvernance ; on ne peut l’accrocher à quoi que ce soit. C’est un rite unique, esseulé, incontournable qui s’impose avec célérité contre toute perte de temps parce qu’il ne peut pas se conjuguer avec l’oubli ou même d’autres priorités sous réserve des moyens financiers de la famille pour ce rite ; mais, il y va de son honneur de le faire vite. Pour la coutume en fait, une seule « calebassée » d’un canari de « Dolo » (Bière de mil, boisson locale) et un poulet, suffisent à la réalisation légale de ce rite. C’est dire que même les familles indigentes peuvent tout satisfaire et répondre de cette condition en regard des morts.

Sidwaya : Au-delà des familles, est-ce qu’il y a obligation pour la société entière de rendre hommage aux morts.

Me PACERE : Au-delà des familles, le souvenir des Morts en liaison avec la mort et les morts se marque aussi en illustration à l’échelon des grandes familles. Par exemple et tous les ans, il est célébré dans tout le Oubritenga dont Ouagadougou est la capitale ancestrale, le rite appelé les « Tinsé » ; ce sont les funérailles reprises chaque année, pour commémorer la mort de Pog-toenga, la mère de Oubri, la mère du MoghoNaba. Ce rite ne peut souffrir d’une quelconque entorse ou incidence de quoi que ce soit ; et on ne peut franchir l’année sans l’exécuter. C’est à propos de ce rituel que d’aucuns avançaient qu’on devait immoler 333 bœufs sur 333 lieux sacrés différents du Mogho, par 333 couteaux différents. Sur la terre de Zida ou Zitenga, c’est le rituel du « Tenganna », funérailles de la mère de Zida, fondateur de Zida-Tenga en contraction, Zitenga, origine de ceux qui portent pour nom de famille, « Zida ».
Dans le cadre des rites de souvenir des morts et d’hommages à leur rendre, pour tout le peuple et tout le Mogho, à la fin des récoltes, on a le rituel obligatoire de « Basga » (Ouagadougou, Tenkodogo, Boussouma) ou « Filiga » (Yatenga) qui est le rituel de souvenir des morts, souvenir des devanciers. On doit leur offrir (« Bassé », « Basga »), les produits de la saison en cours et obtenus, rendre grâce et gloire aux devanciers, leur dire merci, prier pour leur repos éternel (pour certains). Tant qu’on ne l’a pas fait, aucun produit ne peut être consommé (de nos jours cela concerne surtout les Rois et grands Chefs). Ainsi, dans le milieu traditionnel, le souvenir des morts est sacré, incontournable à délais fixes (annuel) et à ne tenir compte de rien pour l’empêcher, le conditionner, le retarder.

Sidwaya : En dehors des Us et Coutumes de la tradition et la spiritualité qui l’accompagne, il y a une nouvelle donne qui est la pratique des religions révélées.

Me PACERE : Pour les Religions révélées également (Christianisme, Islam) la mort n’est pas la fin de la vie ; on rend hommage à la mémoire des Morts et le plus vite possible ; on prie pour les défunts et pour leur repos éternel ; on rappelle leur souvenir et qu’ils soient souvent des guides, des flambeaux pour les générations montantes. C’est un devoir des vivants ; c’est un devoir des familles. Du contexte des musulmans, on sait entre autres périodicités, qu’on commémore la disparition d’une personne en particulier au 40ème jour de sa disparition, outre autres jours fixes et déterminés comme le centième jour de la disparition.
Pour les Chrétiens catholiques, la Journée du 2 Novembre de chaque année est appelée, « La Fête des Morts » ; on prie, on fleurit les tombes outre les célébrations de messes et les prières. La mort du Christ fondateur, rédempteur, est commémorée chaque année à la fête de Pâques. Les Catholiques croient au Paradis, à l’Enfer mais aussi au Purgatoire.
Comme on peut le constater, en ce qui concerne les religions révélées, le souvenir et l’hommage aux morts, impliquent les prières, les « doas », les messes de requiem… Pour par exemple des morts d’une répression sanglante, dire d’attendre une justice, d’attendre à identifier les auteurs avant toutes commémoration officielle, emportant souvenirs et prières, cela signifie qu’en fait, on n’a peut-être pas pensé à la souffrance de ces personnes dans l’au-delà, attendant l’assistance des vivants par leurs prières et adresses à Dieu. Il y a de quoi alors se poser des questions sur les priorités, le sens réel des intérêts qu’on aurait pour ces devanciers morts par faits d’hommes ; l’intérêt primordial, est-il exclusivement l’identification souvent impossible ou envoyée à des Calendes Grecques par des règles établies sommes toutes par des gens du Pouvoir, souvent auteurs des lois de poursuites ou désignant les acteurs des poursuites ? Y a-t-il forcément incompatibilité qu’on commence à prier et rendre hommage aux morts, aux victimes de l’injustice, de l’arbitraire, pendant que la Justice qui obéit à d’autres règles, qui relève d’autres considérations et consciences, se déclenche et suit son cours ?

Sidwaya : Est-ce à dire que les hommages aux morts des 30 et 31 octobre 2014 et que d’aucuns ont qualifié de précipités ne sont pas de nature préjudiciable à l’avènement de la justice ?

Me PACERE : Le souvenir des morts, les journées consacrées à rendre hommage aux défunts, n’emportent pas des conditions suspensives extérieures ou préjudiciables à l’avènement d’une Justice, ni, dans son délai, ni dans sa qualité éventuelle.
Il faut d’abord savoir ce qu’est la Justice et ses mécanismes, et savoir ce qu’est un hommage à devoir aux personnes disparues de faits supposés de causes à nécessiter investigations, lumière et Justice.
La Justice à laquelle on fait référence attendue de certains requérants contre les souvenirs à rendre, est en fait, une Justice des hommes ; ce n’est pas une Justice de Dieu ou des Dieux. C’est une Justice des hommes avec des règles établies par les hommes ; la réalisation de cette Justice se fait aussi par des hommes ; ce n’est pas une Justice divine dont on connaît la date de verdict à pouvoir s’accrocher pour stratégie de philosophie de vie et d’action ; c’est une Justice des hommes obéissant à des règles, lesquelles sont établies par les hommes dont du Pouvoir politique, des hommes qui sont les magistrats, mais des hommes néanmoins avec leurs forces mais aussi, leurs limites, leurs faiblesses.
Je veux qu’on me comprenne ; en Juillet-Octobre 1995, j’ai été chargé par les autorités du pays, de faire l’Audit du ministère de la Justice en collaboration avec le Professeur Filiga Michel SAWADOGO de la Faculté de Droit de l’Université de Ouagadougou, aujourd’hui Ministre des Enseignements Secondaire et Supérieur. Dans certains Cabinets d’Instruction de Ouagadougou que nous avons eus à connaître, il y avait 300, 400, voire 500 dossiers d’instruction. Pour un dossier qu’un juge puisse faire la lumière, il lui faut au moins rencontrer les personnes en cause, témoins et experts, au moins 5 fois, disons à occuper 5 jours soit une semaine pleine (hors mis les Samedi et Dimanche). S’il faut une semaine pour l’instruction d’un dossier, ce qui se rencontre très rarement pour le délai qui doit être plus long, l’année ayant 54 Semaines (encore qu’il faut soustraire 2 ou 3 mois pour les vacances judiciaires outre les jours de congés, fêtes officielles et autres), ce juge, d’un tel Cabinet d’Instruction, sans repos et sans jours de fêtes, ne peut traiter et faire la lumière qu’au maximum pour 50, voire seulement 40 dossiers par an. Il a 500 dossiers dans le Cabinet ; que faire ?
Les Cabinets d’instructions sont surchargés, les rôles d’audience, surchargés, les prisons, surchargées… S’il faut faire ici la lumière, situer les responsabilités avant de rendre hommage aux victimes; c’est ne pas savoir que de fait, la Justice est souvent grippée, constipée, bloquée, paralysée car, surchargée, et que les magistrats eux-mêmes, « se cherchent » sans trop se plaindre pour qu’on s’en aperçoive, encore que théoriquement, ils n’ont pas le droit de grève.
Ce n’est pas seulement notre Justice du Burkina Faso qui est lente ; partout ou presque, c’est le même drame dans les Etats. Au Tribunal Pénal International, beaucoup d’accusés attendent 15, 16, 17 ans, de procès en fait régulier, sans les enquêtes, sans suspensions extra-légales, avant une décision définitive les concernant.
Outre ces aléas et lenteurs excessives, dans nos Etats, de légalité et de la technique, la prescription en matière de crime est de 10 ans ; on a 10 ans pour saisir la Justice et en ce cas, la Justice a 10 ans pour vous rendre cette Justice. Mais c’est compliqué, si l’instruction a commencé et à la 9ème année, s’il y a un acte interruptif de la prescription, (un simple acte de l’instruction), la prescription reprend et le jugement peut être attendu dans 20 ans; c’est-à-dire que pour cette affaire criminelle, qui date de 10 ou 20 ans, les juges disposent encore de 10 ans pour faire la lumière. Si à la 19ème année, un simple et autre acte intervenait dans le dossier, la Justice dispose encore d’un autre délai de « Lènga » de 10 ans encore pour faire la lumière sur cette affaire. Ainsi, pour un dossier criminel dont on attend la vérité par la Justice et pour disposition dont pour rendre hommage à des victimes, cette Justice peut légalement s’éterniser pour ne connaître de solution, (s’il y a une solution et non un enterrement du dossier), que dans 20, 30, 40 ans. L’échéance d’une vérité judiciaire, encore qu’elle peut ne pas être satisfaisante, peut être aléatoire et à l’infini du temps.
Je suis cette année 2015 à 42 ans de profession d’Avocat ; je n’ai pas rencontré un seul dossier criminel entamé et jugé dans les 5 ans de la commission des faits et de la saisine des juges, jugement d’instance, cassation éventuelle et suites.

Sidwaya : Compte tenu de cette lenteur éventuelle, il était donc loisir d’organiser ces hommages en attendant la Justice ?

Me PACERE : Dire qu’il ne faut rendre hommage ou penser aux victimes des journées des 30 et 31 Octobre 2014, avant que la Justice n’identifie et sanctionne les auteurs, c’est ne pas savoir ce qu’est la Justice dans son fonctionnement ; on pourra en ce sens ne jamais rendre hommage à un mort. Des lumières à faire sur des dossiers du genre comme ceux des 30 et 31 Octobre apparaissent très complexes à être défrichés et révélés. On n’est pas dans le cas où c’est un homme qui tue un homme ; en ce cas d’insurrection populaire, pour chaque crime, il faudra entendre près de 40 personnes (et il y a 30 morts ni au même moment, ni au même lieu) ; certains acteurs portent même des masques ou des cagoules ; il faudra faire la lumière sur le calendrier de la journée de chacun (victimes, témoins, auteurs allégués), ses itinéraires de déplacements, entendre ses témoins et même des témoins de ces témoins, faire des descentes sur chaque lieu et pour chacun ; faire des expertises, des contre-expertises, éventuellement des études balistiques d’armes pour chacun ; visionner des dizaines, des centaines de photos, des films qui peuvent être truqués avec nos technologies modernes qu’il faut souvent rejeter… Tout cela ne relèvera que d’un seul cabinet et un seul juge d’instruction, mais d’affrontements de plusieurs avocats dont certains sont souvent des procéduriers professionnels à vous tout paralyser par des recours. Ils souhaitent souvent avoir tort dans une requête pour exercer des recours, oppositions, appels, cassation, pour tout embrouiller, paralyser en politique de la seiche à prendre souvent et légalement, 3 à 5 ans alors qu’on était pressé.

Sidwaya : Mais il y a urgence tout de même à traiter de ces dossiers !

Me PACERE : La solution est peut-être, pour de tels dossiers, mondains, sensibles de l’opinion, la solution serait de faire mettre dans des tiroirs, des centaines de causes d’autres dossiers du Cabinet au détriment du seul dossier qui intéresse l’opinion. Mais est-ce là aussi, la Justice pour tous et l’égalité pour tous ? Ordonner la célérité des dossiers de l’insurrection populaire et que les accusés des autres centaines de dossiers pourrissent en prison, est-ce là aussi le devoir de l’Etat et de la Justice ? J’ai souri quand j’ai appris que d’aucuns disent de ne pas rendre hommage aux victimes de l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre, tant qu’on ne leur aura pas rendu justice et châtiments aux auteurs qu’on identifiera ; je crois qu’il faut être prudent.
La décision judiciaire n’est pas le fait d’un seul individu, qui, seul, regarde, apprécie et rend un verdict ; il faut, surtout pour notre système de Civil Law, des enquêtes préliminaires, (Police, Gendarmerie, Parquet), des instructions par un Cabinet d’instructions, des saisines de Chambres d’Accusation, des Arrêts de renvois, des sessions d’Assises souvent une seule fois l’an, des voies de recours en Cassation et autres, voire, Révision. Accrocher le souvenir des morts à la Justice, c’est ne pas savoir ce qu’est la Justice qui ne s’encombre pas de délais de pensées à des morts. Fonder sa science, sa stratégie, son credo, sa foi, sur une possible immédiateté de la décision judiciaire au criminel, c’est prendre la Justice comme devant sortir d’une boule de cristal de consultation de nuit, ou, devant sortir au lever du soleil, de l’écuelle rapide du Poé-Naba de Ouagadougou, écuelle qui a engendré Kossyam. Rendons hommage à nos devanciers dès qu’ils nous quittent, surtout victimes d’un arbitraire ; laissons la Justice, rendre la Justice, au rythme du filtre qui filtre à sa guise et non de l’espoir ou du harcèlement des hommes qui ont soif dans le désert ; il faut laisser la Justice à la Justice et prier à l’unisson dès leur disparition, pour nos morts qui attendent. Rien, ne peut s’accrocher à la Justice, avec nécessaire exigence préalable du temps.

Sidwaya : Maître, quel message avez-vous dès lors à adresser à ceux qui ne veulent pas s’associer à des hommages aux victimes de l’insurrection tant qu’on n’aura pas fait la lumière sur les auteurs et les avoir sanctionnés par Justice ?

Me PACERE : En fait, ma position n’est pas si simple à se ramener à une réprobation à priori des abstentionnistes d’hommages à nos morts; je comprends en fait et partage en partie la réaction de ces personnes, physiques ou morales. Ce qui s’est passé dans l’histoire judiciaire de la criminalité dans notre pays depuis les années 1980, pour moi, est insoutenable en qualificatifs d’impunité, et c’est à raison que certains citoyens excédés, finissent par dire, « Trop, c’est trop ; on arrête tout ; tant qu’on ne verra pas clair, on n’avancera plus ». Il y a les cas de crimes de pleins jours suivis d’impunités ouvertes et je dirai classiques, régulièrement rappelés dans le silence par les médias ; mais il est des dizaines d’autres qui ne sont pas des informations du quotidien et qui écartent des familles de la paix dans ce pays et de la vie même de la Nation par découragement en regard des impunités devant des crimes perpétrés au nom de l’Etat d’un moment ou de ses acteurs au sommet. En exemple, vous avez les victimes des Cours martiales, et les victimes des escadrons de la mort dont les familles endeuillées pleurent en silence depuis des décennies. Au terme de tout cela, si des crimes du politique interviennent, la coupe est pleine. D’où des comportements de tout rejeter tant qu’on n’aura pas fait la lumière sur les exactions du passé et surtout, celles de l’histoire immédiate ; c’est une réaction légitime qui doit être comprise et, je comprends. Mais, pour moi, c’est le contexte et le moment qui me gênent ; les efforts soutenus de la Gouvernance, la lucidité de conduite de la vie nationale, pour moi, je dis bien, pour moi, relève du miracle à soutenir par une unité de la Nation. Ce pays a connu un drame d’extrême gravité, mais, il faut reconnaitre que nous avons frôlé le pire, l’apocalypse. J’ai été marqué au fer rouge par ma vie professionnelle plurielle, ayant servi au nom des Nations Unies depuis 1996 à ce jour, des pays comme la RDC (6 Millions de morts) ; le Rwanda (800 000 morts) ; le Burundi (en feu pratiquement inextinguible), l’Angola… pour comprendre et témoigner que « rien, rien ne vaut la Paix ».
Mon souhait est qu’il faut soutenir ceux qui ont été appelés au pied levé et pratiquement dans l’improvisation pour chacun et en regard de chacun, à sauver le pays ; ces hommes et femmes n’ont plus de vie privée et ne dorment pas au point que certains souhaitent même vite la fin de la Transition et de leur mission. La Transition et ses acteurs ne sont pas les auteurs des crimes ; ils se considèrent avoir un devoir moral immédiat de pleurer, faire pleurer et déplorer ces victimes, être avec et aux côtés des familles éplorées et l’ensemble souhaité de toute la Nation. Mon plus grand vœu est que les hommages se fassent avec l’ensemble de la Nation, mais qu’on prenne pour l’avenir en compte et pour les Régimes à venir, radicalement, de mettre fin à l’impunité, systématiquement rechercher les auteurs, même et surtout en cas de crimes d’Etat et que la Justice rende la Justice à la Nation, aux familles et à l’histoire de ce pays appelé « Pays des Hommes Intègres ».

Interview réalisée par Sita Tarbagdo (collaborateur)
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