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Pénurie d’eau à Ouaga : le calvaire des femmes dans les quartiers périphériques
Publié le vendredi 5 juin 2015  |  Le Pays
Les
© Autre presse par Ahmed Yempabou Ouoba
Les pénuries d`eau sont le lot quotidien des ménages au Burkina durant la période de forte chaleur




Obtenir de l’eau potable dans les quartiers périphériques de la ville de Ouagadougou, communément appelés quartiers non lotis, est devenu un parcours du combattant. Nous avons sillonné ces quartiers le 4 juin 2015 et le constat est sans commentaire. Pour avoir cette source de vie, certaines femmes veillent autour des bornes-fontaines.
Il était 6h 05 mn, lorsque nous arrivions à la borne- fontaine gérée par Awa Essé, dans le quartier non loti de Katr-Yaar. «C’est trop tard ! Il n’y a plus d’eau depuis », a-t-elle dit tristement. Je suis là depuis 4h du matin mais il n’y a pas d’eau, a repris Mariam Ouédraogo, une autre femme. Après une brève introduction, Awa Essé confie que ce n’est que la veille que l’eau est revenue au niveau de sa borne- fontaine. Et ce, après trois semaines de rupture, soit du 23 mai au 2 juin 2015. Le pire est qu’à peine revenue, l’eau se coupe. Du coup, elle n’a plus rien à distribuer à ses clients. Ce qu’elle regrette le plus, ce sont les montants élevés de ses factures d’eau, bien qu’elle n’ait pas d’eau à tout moment. Souvent, a-t-elle révélé, les montants des factures sont plus élevés que les recettes. A côté d’elle, Mariam Ouédraogo, ménagère de son état, dont la mine triste en dit long sur le calvaire qu’elle vit depuis un certain temps. Elle dit être venue à la borne-fontaine à 4h du matin. Malheureusement, elle n’a pas eu de l’eau pour sa famille. « Parfois, nous dormons au bord de la fontaine sans obtenir la moindre goutte d’eau », a-t- elle soupiré. « Quand cela arrive, nous sommes obligées d’aller vers la zone lotie, notamment à Sanyiri ou à Kalgondé (environ 15km) pour avoir un peu d’eau pour juste la boisson ». Tout comme chez nos deux premières interlocutrices, les activités socioéconomiques sont perturbées par ces coupures d’eau. C’est le cas du garage de motos géré par Souleymane Kafando. Il n’arrive plus à coller ni à laver les motos qu’il répare. Le comble est qu’il est difficile, selon lui, d’avoir à ses côtés sa femme. « Il est difficile d’avoir nos épouses à nos côtés la nuit. Elles sortent tard dans la nuit pour chercher de l’eau. A partir de 2h du matin, elles sont toutes parties à la recherche de l’eau. Elles reviennent parfois vers 10h, avec une seule barrique d’eau. Ce qui est insuffisant pour nos besoins quotidiens. Nous avons besoin d’aide car nous souffrons pour avoir de l’eau », s’est indigné M. Kafando. A quelques mètres du garage de Souleymane Kafando, une borne-fontaine.
La généreuse fontaine
Mais elle a cessé de fonctionner depuis près de deux mois, selon les personnes que nous y avons rencontrées. Ce qui met en difficulté Hermann Sandwidi, vendeur de briques à trois mètres de cette borne- fontaine qui ne mérite plus son nom. Les gros perdants dans cette affaire sont ceux dont la principale activité est la vente d’eau. Plus d’eau, plus de matière première ! Pour mesurer l’ampleur de la situation, nous avons rencontré le président de l’Association des gérants de bornes-fontaines du Kadiogo, Moussa Nagabila. En plus des problèmes évoqués plus haut, il a indiqué qu’il est difficile de savoir à quel moment on peut obtenir de l’eau. Pire, les gestionnaires sont souvent obligés de vendre l’eau la nuit. Ce qui conduit à des pertes, car les clients ne prennent pas en compte l’eau versée, mais le gestionnaire paie cette eau. Ce qui a engendré la fermeture de plusieurs bornes-fontaines, faute de pouvoir payer les factures. « Nous vendons à perte parce que les recettes ne couvrent pas les factures mais nous sommes obligés de vendre la nuit, sinon la population n’aura pas d’eau », a dit Moussa Nagabila. Selon ses dires, plusieurs rencontres ont eu lieu entre l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) et l’association dont il assure la présidence, mais aucune solution n’a jusque-là été trouvée.
Entre les premières bornes- fontaines que nous avons visitées et le lieu de rencontre avec le président de l’association, nous avons fait escale à d’autres bornes- fontaines. Mais avant, sur la route, nous avons rencontré Rihanata Sorgho, une ménagère qui a eu la chance, comme elle le dit, d’avoir obtenu de l’eau. Sourire aux lèvres, la sueur sur le visage, sa charrette en main, elle avançait à pas galants. Elle vient juste d’avoir de l’eau. Elle dit y être allée aux environs de 3h du matin. Ce qui est désormais son train-train quotidien. Avant de nous quitter, elle nous montre où elle s’est approvisionnée. Nous reprenons la route pour découvrir la généreuse fontaine. Nous sommes bien chez Ami Soubeiga/Guira. Elle dit être habituée aux coupures. C’est d’ailleurs, a-t-elle dit, la première fois qu’elle a de l’eau à cette heure. (NDLR : 8h).
Pour comprendre les raisons de ces coupures d’eau, nous avons joint au téléphone Adama Traoré, chef de section grands comptes et entreprises à l’ONEA. Selon ce dernier, les coupures ne sont pas seulement dans les quartiers périphériques, mais on les rencontre partout dans les grandes villes du Burkina. Elles sont liées, a-t-il indiqué, à la canicule. La ressource est disponible, mais c’est la capacité de production qui fait défaut. Les coupures d’électricité n’arrangent pas les choses, a ajouté M. Traoré. c’est pourquoi l’ONEA s’attèle à réhabiliter les forages et à poursuivre la phase 2 de Ziga pour augmenter la capacité de traitement et de transport de l’eau vers la ville de Ouagadougou.
Rappelons qu’une étude dirigée par le Pr François de Charles Ouédraogo, dans 3 zones non loties de la ville de Ouagadougou que sont Nioko II, Nionghin et Polesgo, avait montré que dans 10% des ménages, c’est une fille de moins de 16 ans qui est chargée de la corvée d’eau dans ces quartiers. Cette étude a révélé que 60% des femmes consacrent entre une et deux heures par jour à l’ensemble des activités relatives à la gestion de l’eau. Cette étude a également montré qu’il y a une forte prévalence de diarrhée chez les enfants, durant la saison des pluies.

Issa SIGUIRE
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