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L’Observateur N° 8331 du 13/3/2013

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One man’s show de Newton Aduaka : Théâtre, jazz et amours
Publié le jeudi 14 mars 2013   |  L’Observateur




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Après avoir remporté l’Etalon de Yennenga en 2007 avec Ezra, un long métrage sur les enfants soldats, le réalisateur nigérian Newton Aduaka revient avec One man’s show, un long métrage plus intimiste où jazz, théâtre et amours tissent l’histoire d’un comédien englué dans les problèmes du quotidien. Ce film original a remporté le prix de la critique (FACC) au Fespaco 2013.

One man’s show s’ouvre sur un anniversaire. Sur la pelouse verte d’une maison, les pitreries d’un clown et les éclats de rires d’enfants emplissent l’air. Des enfants hilares, la mère aux anges et le père en tenue de clown. C’est l’image d’une famille heureuse. Mais ici les images sont trompeuses et rapidement le film délaisse le soleil du bonheur pour s’enfoncer dans les profondeurs d’une vie d’homme assez terne. La partition du film en trois parties suggère effectivement cette descente dans les cercles de l’Enfer inspirée par la Divine comédie de Dante.

Emil est un comédien de One man’s show qui vit en France. Malheureusement, le one man’s show est un art en déclin, supplanté dans le cœur du public, de plus en plus, par les shows virtuels. A cinquante ans, il vient aussi d’apprendre qu’il a un cancer à l’estomac. Sa vie privée n’a pas été non plus un long fleuve tranquille. Navigant entre ses trois femmes, Black, Blanche, Beure, et son fils, cet homme qui s’accroche à son art contre vents et marées semble incapable d’attachement envers ces êtres qui l’entourent.

Le film de Newton Aduaka est d’abord une méditation sur le rapport de l’homme aux femmes et sur la responsabilité. «Rien n’est vrai dans ta vie» lui dit son amante Fatima. C’est à se demander si Emil quitte un moment son rôle de comédien. De quel poids de vérité leste-t-il sa parole ? Pèse-t-elle d’un égal poids sur scène et dans l’intimité ?

L’omniprésence des miroirs dans le film et surtout le choix du réalisateur de filmer plutôt les reflets du personnage sur les surfaces spéculaires tels les carreaux, les vitres et les glaces dans ces face-à-face avec ses différentes femmes posent le problème de l’identité. Le miroir renvoie-t-il une image vraie d’Emil ou est-ce juste une illusion?

Ce film est aussi un bilan sans concession d’un échec. L’art d’Emil est condamné à la disparition, lui-même l’est par son cancer et sa vie conjugale est un triple échec. Seul le fils Akhena pourrait le sauver d’un ratage complet. Ce fils dont le nom peut être perçu comme un diminutif d’Akhenaton, le pharaon bâtisseur de Louxor serait celui qui bâtira certainement un futur ayant la solidité d’une pyramide à partir des gravats laissés par l’existence tumultueuse du père.

Si dans le crépuscule de sa vie, Emil contemple son parcours comme un immense champ de ruine, la scène finale avec son fils augure d’un avenir plus serein. En récompensant ce film du réalisateur nigérian, la Fédération africaine des critiques de cinéma (FACC) a voulu saluer un film qui vaut pour le risque que prend Newton Aduaka d’emprunter de nouveaux sentiers plus escarpés au lieu de suivre un chemin plus convenu qui lui a déjà valu la reconnaissance de l’establishment du cinéma.

Ce long métrage, en invitant le théâtre au cinéma, rappelle qu’à l’origine le cinéma était là pour capter la vie sur la scène de théâtre. Le long arrêt sur le monologue final d’Emil Abossolo Mbo démontre que le cinéma peut déroger à l’exigence du récit palpitant et s’offrir le luxe de s’attarder sur un homme répétant les mêmes mots et d’en restituer le poids et l’émotion sans perdre de son efficacité. La musique aussi est un véritable personnage dans ce film.

En effet, le piano a une présence obsédante et ses notes accompagnent le film du début à la fin, soulignant la tension du parcours d’Emil et suppléant quelque fois à l’inanité de la parole dans les situations conflictuelles. En somme, Newton Aduaka réussit avec One man’s show un film audacieux. En choisissant de se renouveler à travers un cinéma ouvert à l’improvisation et à la musique, il prouve que le cinéma doit se nourrir des autres arts s’il ne veut être qu’une virtuosité technique. Comme le disait Hervé Bazin, le cinéma doit rester un art impur.

Alceny Saidou Barry

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