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Aboubakar Sidikou, secrétaire général de la Chambre des mines du Burkina : "Le secteur minier subit de plein fouet la baisse des cours de l’or"
Publié le jeudi 7 mai 2015  |  Sidwaya
Aboubakar
© Autre presse par DR
Aboubakar Sidikou, secrétaire général de la Chambre des mines du Burkina




Léger coup de mou pour le secteur minier qui a vu sa contribution au budget de l’Etat chuter de 12 % à 168 milliards en 2014, ralentissement de 60 % des activités de recherche et de sous-traitants sur fond de nouveaux projets et probable révision du code minier... Le secrétaire général de la Chambre des mines, Aboubakar Sidikou n’a pas fait dans la langue de bois sur toutes ces questions. Interview.


Sidwaya (S.) : Comment se porte le secteur minier burkinabé à l’heure actuelle?

Aboubakar Sidikou (A.S.) : Le secteur minier au Burkina Faso subit de plein fouet la situation au niveau international. Depuis quelques années nous assistons à une baisse des cours des métaux notamment l’or, principal minerais produit au Burkina Faso. Il y a aussi le zinc mais c’est essentiellement l’or. La chute atteint plus de 35%. Dans le même temps, les sociétés s’activent, la recherche se poursuit même si elle a beaucoup ralenti. Et depuis janvier 2015, des sociétés -Gryphon, Roxgold sanu, konkara Sa.- ont eu des permis d’exploitation. Si elles trouvent le financement (ce qui est loin d’être évident), elles vont entamer une phase de construction et se rajouter aux mines en production. De plus, nous avons deux ou trois projets avancés qui devraient aussi, dans les prochaines semaines ou mois, finaliser leur dossier pour des demandes de permis. La situation est un peu paradoxale car d’un côté vous avez les conditions du marché qui ne sont pas très bonnes, et de l’autre nous avons les efforts des compagnies qui se poursuivent et laissent entrevoir de belles perspectives si le marché venait à s’améliorer ou si les conditions d’exploitation de ces mines au niveau national venaient à s’améliorer par le changement positif du cadre réglementaire par exemple, du code minier ou d’autres textes qui pourraient avoir un impact sur la productivité des compagnies minières.

S. : Quels sont ces projets matures auxquels vous faites allusion ?

A.S. : Il s’agit de KIAKA, propriété de la compagnie B2gold et de BOMBORE pour la société Orezone. Ce sont des projets avancés et qui devraient notamment pour le cas de Orezone dans l’année 2015 ou même dans les prochaines semaines finaliser l’étude de faisabilité qui l’on espère sera positive.

S. : La situation reste marquée au niveau politique par la mise en place d’un gouvernement de transition. Depuis le début de l’année nous avons assisté à des problèmes de licenciement. Globalement quelles ont été les conséquences de la crise politique sur ce secteur ?

A.S. : Je ne lierai pas les licenciements à la situation politique. Dès juillet 2013, nous avions adressé une note de conjoncture au ministère des Mines et de l’Energie indiquant qu’il y avait une détérioration de la situation financière au niveau international et que cette dégradation allait avoir des conséquences sur la vitalité du secteur minier au Burkina Faso. Les pertes d’emplois ont été importants dans les compagnies de recherche et dans celles de sous-traitants notamment les forages miniers et les laboratoires d’analyses parce la crise financière a induit une raréfaction des financements et donc l’activité de recherche a été ralentie, voire stoppée dans certaines compagnies. Or la recherche d’aujourd’hui implique la mine de demain. Ce ralentissement de l’activité de la recherche met en péril la pérennité de la production minière du pays. C’est la situation à laquelle on assiste depuis juillet 2013 avec son lot de gel d’emplois dans le secteur minier.

S. : Le fait que les activités de recherche, de sous-traitances accusent un coup de mou avec un gel des investissements est-il un signe d’inquiétude pour le secteur ?

A.S. : Actuellement oui. Une des conséquences directes de l’insurrection sur le secteur minier c’est le climat d’attentisme chez des investisseurs qui veulent voir comment la situation va évoluer. Ils attendent d’être rassurés par les autorités de la transition. Je pense que le gouvernement a œuvré dans ce sens. Signer des permis d’exploitation avec cinq compagnies juste après l’insurrection a été applaudi, de même que l’intervention des autorités pour mettre fin aux saccages dans les sites miniers. Il vous souviendra qu’il y a quelques jours encore le Premier ministre et le ministre des Mines étaient en voyage au Canada et la majeure partie des compagnies dans le domaine minier au Burkina Faso sont des compagnies canadiennes. Ils ne manqueront sûrement pas de continuer à rassurer les différents investisseurs sur le fait que le Burkina Faso est une destination sûre, stable où l’on peut investir et espérer faire des bonnes affaires. Au niveau de la CMB, nous saluons cette implication des autorités, son Excellence monsieur le Premier ministre et monsieur le ministre des Mines notamment et nous les remercions de ces efforts.

S. : Comment avez-vous accueilli la création de l’Office national de sécurisation des sites miniers?

A.S. : Nous appelons à l’opérationnalisation de cet instrument. Qu’il puisse être doté de moyens pour assurer la sécurité sur les sites miniers. Au lendemain de l’insurrection, très vite les autorités avaient pris des mesures pour rassurer les investisseurs miniers et sécuriser les mines. Je pense que la chambre des mines à l’époque a déjà eu à remercier le gouvernement pour ces mesures. J’ai encore en mémoire le communiqué numéro 7 qui avait été pris par les autorités pour appeler les populations au calme et leur demander de ne pas s’en prendre aux investissements miniers. Et de la même manière nous assistons de plus en plus à un déploiement des forces de défense et de sécurité à travers l’ONASSIM sur instruction du gouvernement pour assurer la sécurité sur les sites miniers. Je pense que les évènements récents que notre pays a connus, ont renforcé encore le dispositif de sécurisation des sites miniers sur l’ensemble du territoire et donc nous ne pouvons que saluer cela.

S. : Un employé de Tambao a été enlevé. Est-ce que cela est de nature à rassurer ?

A.S. : Cela n’est pas de nature à rassurer. Je crois que c’est la première fois qu’un expatrié est enlevé sur le territoire burkinabé. C’est sûr que c’est un mauvais signal pour tous les expatriés d’une façon générale. Mais à la suite de cet évènement malheureux la réponse apportée par les autorités était appropriée puisque très vite la protection des sites miniers a été renforcée et je pense que les recherches se poursuivent pour essayer de résoudre cette question à la satisfaction de tous. C’est un évènement malheureux que la chambre des mines a déploré et nous encourageons donc les efforts qui sont faits pour retrouver l’otage et nous avons exprimé notre solidarité à la structure à laquelle il appartient. Nous avons salué à leurs justes valeurs les mesures immédiates et vigoureuses qui ont été prises par les autorités de la transition.

S. : Le secteur minier traverse une période délicate ; cela s’est ressenti par sa contribution au budget de l’Etat. Une baisse des recettes de 190 milliards à 168 milliards de FCFA en 2014. Comment justifiez-vous cette tendance ?

A.S. : C’est le paradoxe de la mine. Les chiffres communiqués par le ministère des mines montrent que la production d’or a augmenté de 32 tonnes en 2013 et à 36,5 tonnes en 2014 pour l’or. Puisque dans le même temps le cours de l’or, lui, a chuté il va de soi que les recettes baissent. Une bonne partie des recettes notamment les redevances et les royalties sont calculés directement sur le cours de l’or. Donc si le cours de l’or baisse, forcément cela va se traduire par des baisses de la contribution des sociétés minières au niveau du budget de l’Etat. Je pense que cette baisse a été estimée autour de 12% alors que paradoxalement on a une augmentation de 14% de la production aurifère. La difficulté pour des produits comme l’or, c’est que la détermination du cours échappe totalement à l’Etat et également aux sociétés minières elles-mêmes, puisque c’est le marché qui détermine ce prix.

S. : Les OSC et les bailleurs de fonds pressent le gouvernement de réviser le code minier qui date de 2003. Quel est votre jugement ?

A.S. : Réviser le code minier fait partie des pouvoirs régaliens de l’Etat. Si l’Etat estime à un moment donné que le code doit être révisé, il n’y a rien à redire. Il devra être révisé et il le sera. De là à affirmer que le code est trop généreux, c’est une question à débattre. La position de la chambre des mines consiste à faire constater que c’est à la faveur de ce code attractif mais pas trop généreux que le secteur minier a connu le développement qui est le sien aujourd’hui. De plus, nous sommes dans un contexte où le secteur minier est en crise. Nous nous posons donc la question de l’opportunité d’un tel exercice. Là où les codes miniers ont été révisés dans la région, ils ont essayé d’être plus attractifs que le code minier du Burkina Faso. C’est une compétition sous régionale, voire mondiale pour attirer les investisseurs. C’est là le fond du problème. Notre rôle à la chambre des mines n’est pas de contester tel ou tel aspect du code minier. En tant que professionnel de l’activité, nous essayons d’expliquer ce que pourraient être les conséquences de telles ou telles mesures si elles étaient prises.

S. : Quelles pourraient être les conséquences de la révision ?

A.S. : Si le code est adopté et qu’il est jugé par les investisseurs comme moins attractif, ils auront tendance à aller investir plutôt dans les pays comme la Côte d’Ivoire où tous les efforts sont consentis pour attirer au maximum l’investissement. Dans le projet du code minier qui est en discussions, il y a des mesures pour lesquelles la chambre des mines est favorable et soutient donc celles-ci. Mais il y en a d’autres pour lesquelles elle estime qu’elles ne sont pas favorables au développement du secteur minier.

S. : Lesquelles ?

A.S. : Par exemple la constitution d’un fonds aux bénéfices des communautés ce n’est pas une mauvaise mesure. Qui pourrait ne pas soutenir le fait qu’on essaie d’améliorer les conditions des populations et des communautés qui sont riveraines des projets miniers. Le tout est de savoir à quel niveau nous mettons cette contribution et quelles sont les modalités d’application et de gestion de ces fonds, il faut s’assurer que de façon effective et efficace ces fonds bénéficient aux communautés. C’est sur ça que peut porter le débat mais sur le principe on ne peut pas contester une telle initiative. De la même manière on veut revenir sur certaines exonérations dont bénéficie le secteur minier. Alors que ces mêmes exonérations existent dans les autres secteurs ou les investissements sont beaucoup moins lourds que ceux de l’activité minière. Vous faites de la recherche pendant 10 ans voire plus, avant d’arriver à une mine et même quand vous découvrez le gisement ce sont des milliards que vous investissez avant de commencer à produire la première once.

S. : Donc, la fin des exonérations déplaît au secteur...?

A.S. : Nous disons qu’il y a des mesures qui, si elles sont adoptées, peuvent se traduire par une baisse des investissements miniers et un ralentissement de l’activité minière. C’est le seul fait sur lequel nous essayons d’attirer l’attention.

S. : Est-ce que le secteur minier est favorable au prélèvement de 1% réclamé par la société civile ?

A.S. : Je crois que le chiffre que nous avons proposé est 0,5% car nous sommes dans un contexte de baisse de prix de l’or et de la rentabilité des entreprises. 0,5% parce qu’en réalité quand on regarde le fonctionnement des mines nous n’avons pas attendu que ces taxes soient instaurées pour faire des efforts vis-à-vis des communautés. Vous savez quand tout se passe bien, personne n’en parle et si c’est le contraire cela fait la Une des journaux. Sur beaucoup de sites miniers où les efforts sont faits en toute humilité nous aidons ces communautés, nous travaillons, nous dépensons déjà des sommes importantes qui dépassent même les 0,5% selon les compagnies.

S. : La société civile estime par moment que les retombées minières sont mal redistribuées. Que répondez-vous à cela ?

A.S. : Elle est dans son rôle. Et nous nous réjouissons qu’il existe au Burkina Faso une structure de société civile aussi dynamique aussi entreprenante. D’abord parce que la société civile que ce soit dans le secteur minier ou dans d’autres secteurs, sert de garde-fou et elle permet aux différents acteurs de s’améliorer parce que nous savons que nous allons être scrutés par ces structures-là. Donc c’est une bonne chose qu’elle existe et qu’elle soit active. Maintenant lorsqu’on dit que la redistribution n’est pas adéquate. La question est de savoir de quelle redistribution parlons-nous. En 2013, les sociétés minières ont contribué pour 190 milliards au budget de l’Etat. Est-ce que ces 190 milliards ne sont pas suffisants et on voudrait que ce soit 250 milliards ? Si on me dit que ce n’est pas assez, c’est par rapport à quoi ? Dans un pays voisin dit minier le gouvernement s’est félicité d’avoir eu 75 milliards de recettes directes !!!. Lorsque nous acteurs de ce secteur minier au BF voyons cela, et qu’on nous dit que ce n’est pas assez, c’est par rapport à quoi ? Deuxièmement, est-ce que la distribution n’est pas adéquate parce que ça ne se voit pas ? Lorsque les sociétés minières contribuent pour 190 milliards, on ne sait pas après de façon précise que telle ou telle activité a été financée par cela. Donc c’est à ce niveau-là que le débat se pose. Que les gens veulent plus c’est normal, la société civile veut qu’on donne plus aux populations, les investisseurs, l’Etat veulent plus. Ça c’est le débat normal et il faut trouver un juste milieu qui permette d’améliorer les conditions des populations, les recettes de l’Etat et qui permette également d’améliorer la rentabilité des projets miniers. Si on n’arrive pas à avoir cette conjonction des faits, la machine va se gripper et le secteur minier va rentrer en déliquescence progressive et inéluctable. On a vu le cas dans certains pays, il a fallu recommencer tout un processus pour remettre les choses en route. Donc la société civile a raison de réclamer plus mais nous avons aussi raison d’expliquer ce que nous pouvons faire ou pas et l’Etat à raison de vouloir plus de recettes. C’est la quadrature du cercle.

S. : Quels sont les autres minerais ?

A.S. : Nous avons une mine de zinc qui est en production, le manganèse qui est connu depuis les indépendances et qui maintenant est en train d’être exploité. Et je pense qu’à un moment les permis de recherche ont été donnés sur d’autres métaux et même sur l’uranium, il y a de la recherche qui se fait. Mais Je sais que des permis de recherche ont été donnés sur l’uranium et d’autres métaux, donc la prospection se fait et nous pensons que le sous-sol burkinabé reste un sous-sol riche. Il y a matière à explorer les nouvelles zones et même pour le pétrole. Nous avons des pays autour de nous qui ont du pétrole. Il n’y a pas de raison qu’on ne fasse pas de recherche mais pour l’instant ça reste au niveau de la prospection et de la recherche. On ne peut pas dire avec certitude qu’il y en a. Ce sont les travaux de recherche qui vont à un moment donné, confirmer les anomalies géologiques qui indiqueront s’il y a du pétrole ou d’autres ressources exploitables (diamant, uranium, phosphates)…

S. : Que retenez-vous des quatre années de positionnement institutionnel de la Chambre des mines ?

A.S. : En quatre ans, la Chambre des mines a effectivement réussi à se positionner comme la structure faitière reconnue des acteurs privés dans le domaine minier. Malheureusement il y a des compagnies minières qui ne sont pas membres de la chambre des mines. Par contre son existence a permis aux différents partenaires d’avoir un interlocuteur de dialogue pour faire passer des messages sur les questions relatives aux secteurs miniers. La Chambre des mines est en train de travailler pour soutenir les politiques qui peuvent être salutaires pour le secteur en général, sur les biens et services, la formation des compétences locales. Nous mutualisons nos problèmes pour les gérer ensemble. Ceci dit, nous ne voulons pas que la chambre soit considérée comme un syndicat de sociétés minières mais qu’elle soit un label de qualité attachée aux principes de sauvegarde de l’environnement, de l’éthique, les relations avec les communautés, la santé et la sécurité au travail.

Propos recueillis par
Saturnin N. COULIBALY
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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