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René Bagoro, ministre l’habitat et de l’urbanisme : « Avant le 11 octobre prochain, nous introduirons auprès du CNT, un projet de loi relatif à l’encadrement du prix du bail locatif »
Publié le samedi 18 avril 2015  |  Le Pays
Gouvernement
© aOuaga.com par G.S
Gouvernement de transition : premier Conseil des ministres de prise de contact
Lundi 24 novembre 2014. Ouagadougou. Palais présidentiel de Kosyam. Les membres du gouvernement de transition se sont retrouvés, au lendemain de leur nomination, pour le premier Conseil des ministres de prise de contact. Photo : René Bessolé Bagoro, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme




Homme de droit, magistrat, l’homme est connu pour son langage sans détours. D’aucuns le taxent de « juge rebelle », pour avoir déclaré nulle la carte d’électeur, après la présidentielle de 2010, alors qu’il était président du tribunal administratif de Ouagadougou. D’autres par contre le considèrent comme étant un juge exemplaire, un exemple à suivre dans le monde judiciaire. Aujourd’hui ministre de l’Habitat et de l’urbanisme de la transition, Réné Bagoro, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous a livré les grands chantiers de son département. Le recadrage des prix des loyers, la nationalisation annoncée de certaines sociétés telles que la SOCOGIB, la situation de la cité de Bassinko, sont autant de sujets abordés dans les lignes qui suivent. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Où en est-on avec la nationalisation annoncée de certaines sociétés immobilières dont la SOCOGIB ?

Effectivement, il avait été annoncé que les dossiers de certaines sociétés qui avaient été privatisées par le passé et qui, au regard des circonstances, laissaient présager qu’il y avait eu des irrégularités dans les procédures, allaient être en réalité réexaminées. Nous l’avons toujours dit et je le répète, il n’est pas question de nationaliser des sociétés, mais il est plutôt question de revoir les conditions de privatisation de ces sociétés pour s’assurer que l’Etat n’a pas été brimé. Je suis juriste, magistrat de surcroît ; c’est donc un travail délicat, il faut prendre le temps d’examiner pour que si une décision en découle, elle soit à l’abri de toute médisance. C’est cela qui donne certainement l’impression qu’on a fait des annonces sans suite. Nous sommes en train de prendre le temps d’examiner et si après cela, nous nous rendons compte qu’une société comme la SOCOGIB a été privatisée conformément aux règles, nous n’allons pas revenir sur cette privatisation. Nous n’avons pas une dent particulière contre quelqu’un ; en fait, il s’agit de toutes les sociétés. Je viens d’ailleurs d’adresser un courrier à un certain nombre de sociétés à qui j’ai demandé de me procurer un certain nombre de documents. Le processus est donc en cours et en son temps, vous serez certainement informés. Mais nous voulons prendre le temps d’examiner les choses sérieusement pour être sûrs que la décision qui va être prise respecte les règles. Quoi qu’on dise, c’est l’Etat qui a posé des actes, il ne faudrait pas non plus que l’Etat qui se dit brimé, en fasse autant pour d’autres citoyens.

Il y a beaucoup de récriminations autour des logements de Bassinko. Qu’elle en est la situation aujourd’hui ?

Le ministre de l’Habitat et de l’urbanisme de la transition que je suis, ne peut faire un pas sans que la question de Bassinko ne revienne. J’en étais tellement conscient que lorsque j’ai pris fonction, je suis allé sur le terrain et je travaille là-dessus avec les services techniques. C’est vrai qu’il y a des problèmes sérieux au niveau de Bassinko, il ne faut pas le nier. Même si la plupart des gens qui y sont ont l’eau et l’électricité, il faut reconnaître qu’il existe toujours des problèmes de raccordement. Il y a également des villas qui n’ont pas été achevées. Nous avons travaillé sous le partenariat public/privé en donnant des terrains à construire à des promoteurs immobiliers. Il y a certains qui n’ont pas pu achever la construction et nous avons résilié leurs contrats. En réalité, avant de commencer à construire, on avait déjà identifié des acteurs. C’est ce qu’on appelle la pré-commercialisation. Il y a des gens qui ont souscrit et on avait commencé à couper dans leurs salaires. Nous avons calculé en disant que s’ils commençaient à payer à telle période, cela finirait à telle date. Malheureusement, il y a certains chez qui on a commencé à faire des retenues sur les salaires et les bâtiments n’ont pu être terminés. Ils se sont donc retrouvés dans une situation où on faisait des retenues sur leurs salaires pendant qu’ils étaient encore en location, de telle sorte qu’ils payaient 2 loyers. Nous en sommes conscients et nous sommes en train de tout mettre en œuvre pour remédier à cela. Nous demandons l’indulgence de la population, qu’elle sache que nous avons à cœur de résoudre cette question. Certes, il y a certaines contraintes, car tout est prioritaire, mais nous avons à cœur de résoudre celles-ci.

Y a-t-il d’autres projets du genre, comme celui de Bassinko ?

En tant que ministère de l’Habitat et de l’urbanisme, notre rôle est de faire en sorte de pouvoir donner au maximum de Burkinabè, des logements décents. Bien évidemment, si d’autres projets connaissaient les mêmes problèmes que Bassinko, vous en entendriez parler. Nous avons des projets en formulation, d’autres vont démarrer incessamment, mais celui qui a commencé et qui a suscité de l’engouement, c’est le projet de logements sociaux de Bassinko. Des gens y sont et c’est pour cela que ça fait du bruit. Mais d’autres projets sont en vue et nous allons tenir compte de l’expérience de Bassinko pour corriger les erreurs.

Qu’est-ce que les autorités envisagent pour rectifier le tir ?

Comme je l’avais dit, je suis allé sur le terrain quand j’ai été nommé. Déjà, nous avons entrepris un certain nombre de choses ; nous avons encouragé les gens à y aller et nous avons décidé que cette année, le budget qui nous a été alloué ne va pas servir à construire des logements, mais plutôt à viabiliser. Nous sommes en contact avec des sociétés tels la SONABEL et l’ONEA pour voir comment y parvenir. En fait, le problème primordial est que dans certaines parties, il n’y a ni eau ni électricité. En plus, comme je l’ai dit, nous venons de résilier des contrats d’opérateurs immobiliers qui avaient pris les marchés et qui n’avaient pas terminé les chantiers. Ces marchés, nous allons voir comment les réattribuer pour que d’autres personnes puissent les exécuter. Nous ne dormons donc pas, mais nous ne pouvons pas crier sur tous les toits ce que nous faisons. Je rassure les gens que d’ici là, il y aura l’eau et l’électricité dans toute la cité, nous y travaillons.

Les villas inachevées, nous allons tout mettre en œuvre pour que les fautifs soient sanctionnés

Je rassure également que pour les villas qui ne sont pas achevées, nous allons tout mettre en œuvre pour que les fautifs soient sanctionnés et que l’Etat puisse terminer les constructions et respecter ses engagements. D’ailleurs, le 8 mars, je l’ai fêté avec les femmes résidentes de la cité qui ont bien voulu m’inviter et c’était bienheureux. Je crois que nous nous comprenons, elles sentent que nous avons la volonté de travailler et je pense qu’elles nous accompagnent en nous encourageant. C’est surtout ce qu’il faut faire. Les populations résidentes de la cité ont également posé les problèmes de sécurité et de santé. J’ai donc saisi mon collègue ministre de la Santé pour qu’on puisse y installer un service de santé. Nous avons déjà dégagé 2 villas à cet effet. J’ai également saisi le ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité qui est prêt à y envoyer des forces de sécurité. Nous nous battons donc, même si c’est dans le silence, pour que la vocation de faire de Bassinko un pôle urbain, soit une réalité.

Comment appréciez-vous la forte demande en logements sociaux ?

C’est comme si vous me demandiez l’intérêt de l’existence du département dont j’ai la charge. Avant, les questions de l’habitat et de l’urbanisme étaient gérées par le ministère des Infrastructures. Si l’Etat a eu besoin de créer un ministère à part entière, c’est parce qu’il s’est rendu compte que la question de logement est primordiale.
Nous les Burkinabè, c’est certainement une qualité, chacun de nous voudrait avoir un chez-soi et cela, nous l’apprécions positivement. Mais il faut qu’en tant que ministère, nous coordonnions tout cela parce qu’il faut éviter que la génération actuelle s’accapare de tous les espaces au motif qu’elle veut des logements, parce que les générations futures en auront également besoin. C’est donc quelque chose qu’il faut apprécier, mais il nous appartient de travailler en tant qu’Etat à ce que les gens puissent être logés, mais sans qu’il y ait aussi un étalement déconsidéré de la ville.

Certains attributaires de logements sociaux estiment que l’apport personnel (10% du coût du logement) qui leur est exigé avant qu’ils prennent possession des logements, est trop élevé. Qu’en dites-vous ?

Pour les logements sociaux, l’Etat a étudié les prix en fonction. On peut comprendre que les gens aient des revenus modestes. Mais ce que je peux dire, c’est que ces 10% ont été étudiés, analysés par un comité interministériel où plusieurs paramètres ont été pris en compte. En fait, c’est au regard des résultats d’un certain nombre d’études qu’on s’est dit que les gens pouvaient supporter cet apport. Du reste, pour pouvoir faire cela, l’Etat a dû ouvrir un fonds à la banque de l’habitat. On peut donc comprendre que les gens estiment que 10% c’est trop, mais ce taux a été étudié. Dans tous les cas, nous sommes prêts à réétudier les conditions pour voir ce qu’il faut faire, notre objectif étant de faire en sorte que le Burkinabè moyen puisse avoir un logement décent. Mais pour le moment, c’est déjà un effort inouï que l’Etat a fait en créant un fonds qui permet de réduire le coût du crédit. Mais nous prenons bonne note de cette situation. Ne relevant pas de la seule compétence du ministère de l’Habitat et de l’urbanisme, nous allons, en tant que ministère de tutelle, soumettre cette question et nous battre pour trouver les solutions les plus idoines pour nos concitoyens.

Le gouvernement avait promis recadrer le coût du loyer à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Où en est-on aujourd’hui?

Quand je lis les fora des internautes, ceux-ci se demandent également où on en est avec cette promesse. C’est d’abord une vision gouvernementale qui ne consiste pas à recadrer le prix du loyer uniquement à Bobo-Dioulasso et Ouagadougou, mais sur toute l’étendue du territoire. Mais les gens doivent savoir que lorsqu’on parle de recadrer les loyers, il ne s’agit pas de dire que les villas vont coûter désormais 15 000 F CFA à Ouagadougou. Il faut d’abord étudier toutes les conditions parce que celui qui habite sur l’avenue Kwamé N’Kruma dans une villa de même standing, ne bénéficie pas des mêmes conditions que celui qui habite à Wayalguin. Il faut donc tenir compte des zones, mais aussi du type de logement. En outre, il faut faire en sorte que ni les locataires, ni les bailleurs ne se sentent brimés. C’est pour cela que nous avons pris tout le temps pour étudier la question. Du reste, pour montrer le sérieux que nous mettons dans ce projet, nous avons sollicité et obtenu du gouvernement un budget et nous avons lancé un avis à manifestation d’intérêt, pour recruter un cabinet d’études. Celui-ci va mener des enquêtes, de sorte à nous faire des propositions pour que celui qui construit sa maison puisse en tirer profit sans que celui qui y loge ne soit éternellement à la merci du propriétaire. C’est ce qui explique le thème choisi pour la tenue du Conseil d’administration du secteur ministériel qui a eu lieu le 3 avril, qui est de réfléchir sur les conditions à mettre en œuvre pour faire des textes qui soient applicables réellement ; parce qu’il y a des expériences qui sont ailleurs, comme au Sénégal, où des textes ont été rédigés, mais ne sont pas applicables.
Nous sommes donc en train de réfléchir, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé, un cabinet sera recruté pour nous faire des propositions. Je rassure les Burkinabè qu’avant de remettre le pouvoir aux autorités qui seront élues le 11 octobre prochain, nous allons introduire auprès du Conseil national de transition, un projet de loi relatif à l’encadrement du prix du bail locatif.

Que pensez-vous de la proposition de l’ex-maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, qui suggérait de construire désormais en hauteur, compte tenu du manque d’espace dans la ville ?

La ville de Ouagadougou ne devient pas vaste. En fait, il y a des constructions « anarchiques ». Lorsque vous vous promenez dans la ville de Ouagadougou, vous voyez des parcelles vides. Vous constatez également que certaines personnes ont, par exemple, 10 parcelles, et sont en location. Très souvent, il n’y a pas une adéquation entre le besoin de logement et la recherche de parcelles. Souvent, c’est à but spéculatif. Il est clair qu’aujourd’hui, la ville de Ouagadougou est en train de connaître un étalement exagéré. Comme je le disais tantôt, il faut aussi travailler en sorte que les populations futures puissent également bénéficier de terrain. Nous n’allons pas prendre la ville de Ouagadougou seulement pour habiter, il faut créer des structures administratives, sanitaires, etc. Quant à savoir s’il faut construire en hauteur, sans commenter les propos de Simon Compaoré, nous sommes en train de réfléchir au ministère pour voir comment intégrer cette donne. On ne peut pas y échapper. D’ailleurs, nous avons un projet à Bassinko qui est financé par l’Inde à travers une de ses banques qui nous a permis d’expérimenter la construction en hauteur. Nous avons construit 16 immeubles à Bassinko et nous en construirons à ZACA. C’est dire que cette question est déjà prise en compte par rapport à l’étalement exagéré de la ville de Ouagadougou.

Ne pensez-vous pas que la lenteur dans l’octroi du permis de construire explique le fait que des personnes construisent dans le désordre sans se référer aux responsables chargés de l’habitat ?

Ce n’est pas exact. Aujourd’hui, il y a le Centre de facilitation des actes de construire qui permet, en 21 jours, d’avoir les pièces. Ce n’est donc pas ça le problème. Quand je dis que les gens construisent de façon anarchique, c’est que vous verrez par exemple des gens qui construisent à niveau sans aucun acte. Du reste, depuis que j’ai pris fonction, j’ai instruit la direction chargée du contrôle des opérations d’aménagement et de construction, pour faire le constat, et il est ressorti que ce sont les institutions de l’Etat même qui ne sont pas en règle pour écrire. Je ne pense donc pas que la lenteur dans les procédures soit la raison des constructions anarchiques. Certains pensent qu’une fois qu’ils ont une parcelle, tout est OK. Alors qu’en fonction du type de construction, il y a des autorisations qu’il faut avoir. Et celles-ci, ce n’est pas pour les beaux yeux de l’Etat, mais plutôt pour le confort et la sécurité de ceux qui y vivent. Si vous construisez une maison en hauteur sans prendre les dispositions nécessaires, telles l’étude du sol, il y a des risques d’effondrement. Vous avez vu que certains immeubles se sont écroulés dans la ville de Ouagadougou. Je ne pense pas que la lenteur des procédures soit un argument pertinent pour les constructions anarchiques. Il y a des efforts qui ont été faits pour raccourcir les délais, mais si des gens pensent que c’est encore long, on étudiera la question. Dans tous les cas, ce n’est pas cela qui amène les gens à construire de manière anarchique.

Que fait l’Etat pour limiter l’affolement des prix des matériaux de construction ?

Nous sommes dans un marché ouvert et normalement, c’est la question de l’offre et de la demande qui doit pouvoir réguler le marché. Je me réjouis qu’en moins d’un mois nous ayions inauguré trois cimenteries ; plus celle qui existe déjà, cela fait quatre. L’offre va se multiplier. Cela va jouer forcément sur les prix des matériaux. C’est qu’il n’y a pas que le ciment mais j’avoue que l’Etat fait des efforts. Par exemple, pour les promoteurs immobiliers, il y a un certain nombre d’efforts qui ont été faits. Il faut que les gens comprennent que nous sommes dans une économie libérale où en réalité, l’Etat ne peut pas, en- dessous d’un certain niveau, imposer les prix.

Quand reprendra-t-on les lotissements ?

Les états généraux relatifs aux lotissements avaient demandé de suspendre les lotissements à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso et à Koudougou, pour y voir clair. Le ministère avait à l’idée de mettre à exécution cette décision, mais cela n’a pas pu prendre. Quand il y a eu l’insurrection, avec tout ce qui s’est passé, le gouvernement a jugé que c’était utile de temporiser, surtout qu’aujourd’hui, les communes évoluent avec des délégations spéciales. Nous sommes en train de travailler, et peut-être, d’ici deux semaines (Ndlr l’interview a été réalisée le 02 avril), nous allons sortir un décret pour recadrer, de sorte que les lotissements d’intérêt général se poursuivent. Mais notre objectif, c’est de faire en sorte que l’on voie clair dans le processus avant d’entreprendre tout nouveau lotissement. Les lotissements seront toujours suspendus pour permettre aux audits en cours de produire leurs résultats afin de situer les responsabilités. La question des lotissements a été au centre des frustrations qui ont conduit à l’insurrection des 30 et 31 octobre. C’est une question qu’il faut étudier et analyser avec sérieux. Le décret que nous allons prendre ne reviendra pas pour dire que les lotissements reprennent. Il viendra les recadrer.

Y a-t-il un échéancier pour les attributaires du projet ZACA en vue de les viabiliser ?

Le projet ZACA est un projet immense. Quoiqu’on dise on est dans une ville, il faut à un moment donné, avoir de l’ambition. Pour toute parcelle que l’on vous attribue, que ce soit à usage d’habitation, commerciale ou pour faire une ferme, il y a toujours une échéance. La difficulté que l’on a avec le projet ZACA, c’est qu’il y a un cahier des charges. Et les attributaires doivent construire par rapport à un certain standing. Sinon, au niveau de l’Etat, si les gens finissent de payer, on leur délivre leur attestation. Maintenant, pourquoi jusqu’à présent, il n’y a pas de sanctions ? Pour ça, il faut savoir manier le bâton et la carotte. L’objectif c’est d’amener les gens à investir, donc évidemment il y a une phase d’encouragement, mais il est clair que si, à un moment donné, l’Etat constate que les attributaires de ces parcelles ne sont pas en mesure de les mettre en valeur, il prendra ses responsabilités pour appliquer les textes, c’est-à-dire retirer les parcelles pour d’autres personnes.

Comment appréciez-vous la politique du ministère de l’Habitat ?

Ceux qui ont construit cette politique dès le départ ont eu une vision qu’il faut saluer et encourager. La logique aurait voulu que chaque Burkinabè puisse avoir son terrain et construise, mais dans aucun pays, le droit à la propriété ne peut être de façon absolue. Il est impossible que l’on puisse donner une parcelle à chaque Burkinabè (pour qu’il ait sa propriété). Mais ce que l’on peut faire c’est de donner à chaque Burkinabè un logement parce que le droit au logement est un droit fondamental qui est prévu par notre Constitution.

Que le Burkinabè, quel que soit son revenu, puisse avoir un chez soi

Et de ce point de vue, le fait d’avoir créé un ministère à part qui a pour but de réfléchir sur les politiques urbaines des questions de l’habitat et autres, d’initier des projets comme celui des logements sociaux, est une initiative qu’il faut louer. Je profite de l’occasion pour féliciter mes devanciers qui ont eu cette idée et qui y ont travaillé. Et nous, nous avons à cœur de continuer cette politique qui va faire que le Burkinabè, quel que soit son revenu, puisse avoir un chez soi. Bien évidemment, même dans ces conditions, il sera difficile de trouver un toit pour tous les Burkinabè. Mais l’objectif c’est d’offrir, au fur et à mesure, non seulement en quantité, mais aussi en qualité, des logements aux Burkinabè. Nous, nous avons cette volonté de continuer et je suis convaincu qu’à l’issue des élections du 11 d’octobre, celui qui me remplacera continuera. Sinon, la vision qui a été celle d’initier cette politique est une bonne vision et je crois que quelle que soit sa façon de penser, quelle que soit son appartenance, la politique a été bien pensée. Maintenant, sur le terrain du vécu quotidien, on peut rencontrer quelques couacs comme à Bassinko, mais il faut aller au-delà de cela et voir la vision qui a animé ceux qui ont eu cette idée qu’il faut continuer à concrétiser et à améliorer. C’est pour cela d’ailleurs que l’on est ouvert aux promoteurs immobiliers privés pour qu’ils puissent non seulement nous apporter leur expertise parce que, on n’a pas les moyens financiers pour créer ces logements en un coup, mais aussi nous apporter de nouvelles technologies.

Nous sommes en période de transition, quelles sont vos priorités ?

Compte tenu du temps qui m’est imparti, il ne s’agira pas pour moi de venir ouvrir de nouveaux chantiers. Il y a des raisons de frustrations au niveau des questions de logements et de lotissements. Mes priorités, pendant la période de transition, c’est de faire en sorte que des gens qui ont acquis des logements sociaux, comme à Bassinko, puissent y être vraiment à l’aise, qu’ils aient l’eau, l’électricité et la voirie. Nous ferons aussi en sorte que l’on puisse mener des enquêtes sur les lotissements qui ont été faits pour que ceux qui ont été brimés puissent être rétablis dans leurs droits. C’est un travail difficile, compte tenu du temps ; on ne peut ne pas l’achever mais je veux être toujours celui qui commence mais pas celui qui achève forcément. Si on pose des jalons, ceux qui viendront nous remplacer vont finir le travail. Sinon, la priorité de mes priorités c’est de faire en sorte que Bassinko devienne une ville à part entière et qu’on n’ait plus besoin de venir chercher du pain à Ouagadougou ou y amener ses enfants à l’école.

Parlant du monde judiciaire dont vous êtes issu, pensez- vous que les états généraux peuvent résoudre tous les problèmes de notre justice actuellement ?

Je pense que des états généraux font des propositions. Dire que des états généraux vont régler les problèmes de la justice, ça, je ne le sais pas. C’est la mise en œuvre des recommandations des états généraux qui permettra de voir si les choses ont évolué. C’est vrai que ça été une initiative du gouvernement qui a pensé qu’il fallait rassembler tous les acteurs pour trouver des solutions. Je constate que des recommandations ont été faites. En tous les cas, états généraux ou pas, il appartient aux magistrats de prendre leurs responsabilités, parce que je pense que nos textes actuels sont assez suffisants pour pouvoir régler les contentieux qu’on a. La justice burkinabè a mal à ses hommes. Si on veut appliquer correctement les textes que nous avons aujourd’hui, on peut bien faire de grandes choses. Les états généraux ont fait de bonnes propositions, mais lorsqu’on va adopter des textes pour mettre en œuvre ces recommandations, si les hommes ne sont pas à la hauteur, on n’atteindra pas nos objectifs. Il ne suffit pas d’avoir des textes, il faut que les hommes qui vont les appliquer aient un minimum de dignité et qu’ils veuillent laisser leurs noms dans l’histoire. Je garde espoir qu’à partir de ces états généraux qui ont recommandé que l’on puisse sanctionner des acteurs de la justice indélicats et faire en sorte que l’on puisse mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut pour que les textes puissent être appliqués sans arrière pensée.

Quel est votre dernier mot pour clore l’entretien ?

Je voudrais demander aux Burkinabè de nous aider à conduire la transition à bon port. C’est vrai qu’aujourd’hui, on constate beaucoup de manifestations. On comprend les frustrations des gens, mais je crois qu’il est bon de savoir ce qu’une transition ne peut pas faire. Nous avons moins de 7 mois pour travailler. Nous sommes arrivés trouver des conditions économiques plus ou moins difficiles. Je pense qu’il appartient à chacun de savoir raison garder et de nous appuyer pour qu’on puisse organiser des élections dans la sérénité. Quand on regarde certaines manifestations, on se demande s’il n’y en pas qui ont intérêt à ce que la transition échoue. Au niveau du gouvernement, nous avons la volonté de conduire la transition à bon port. Nous ferons ce que nous pouvons au regard des moyens financiers et au regard de ce qu’une transition peut faire. Il appartient à ceux qui vont être élus avec un mandat de 05 ans de régler certaines questions. Au-delà du vécu quotidien, la préoccupation de tous les Burkinabè devrait être de nous entraider pour mener la transition à bon port. Les critiques viennent. C’est un peu comme le supporter qui est assis au bord d’un terrain de football et qui dit que le joueur aurait dû passer à droite ou à gauche, oubliant que le joueur doit chercher à dribler en réfléchissant. Il est souvent difficile d’agir et de réfléchir, et pouvoir prendre des décisions qui puissent aller dans le sens de celui qui est assis. On est d’accord pour la critique, mais il faut que les gens sachent raison garder. Personne n’a intérêt à ce que cette transition échoue. Je demande aux Burkinabè d’avoir assez de patience pour nous permettre de mettre les institutions républicaines en place et ensemble, on verra ce qu’il faut faire pour que les frustrations qui ont conduit à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 puissent être oubliées.

Propos recueillis par Thierry SOU
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