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Fracture ouverte au sein de l’Union des producteurs de coton
Publié le lundi 13 avril 2015  |  Sidwaya
Les
© Autre presse par DR
Les organisateurs de la 3e journée du coton de Karangasso Sambla ont animé une conférence de presse le vendredi 16 mai 2014




Depuis le mois de novembre 2014, l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPC-B) est secouée par une crise. Les acteurs soupçonnent le président actuel de l’Union, Karim Traoré, de détournement de fonds estimés à plusieurs dizaines de millions de francs CFA. Immersion dans les arcanes de l’or blanc où pillage, politique et intimidation règnent en mode sous-marin.

L’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPC-B) est secouée par des vagues. La gestion du président Karim Traoré et de son équipe est jugée scandaleuse par une partie des producteurs. Après plusieurs marches de protestation pacifiques contre ce qu’ils ont appelé des malversations, les producteurs de coton et les forces de l’ordre se sont affrontés violemment, le mardi 24 mars 2015. Les frondeurs, emmenés par l’ancien secrétaire général adjoint de l’Union, Doyé Zoubièssé, accusent principalement le président Traoré de « pillage organisé » en complicité avec d’autres acteurs de la filière, à des fins personnelles.

Preuves à l’appui ?

Le chef de file des frondeurs va plus loin en brandissant des documents comptables. L’authenticité des pièces exhibées est reconnue par l’instance dirigeante de l’UNPC-B. «Les pièces brandies ne sont pas fausses. Elles proviennent de notre comptabilité. Nous l’assumons. C’est un manquement grave de la déontologie de comptable…», indique Karim Traoré entouré de son staff, au cours d’un entretien, le 26 mars dernier. L’union faitière des producteurs de coton compte plusieurs partenaires techniques et financiers qui injectent chaque année plusieurs millions de francs CFA au bénéfice de la structure. Hormis cette manne financière des partenaires, il y a les cotisations imposées de fait, à tous les producteurs du Burkina à chaque campagne agricole. «Nous procédons systématiquement au prélèvement de 5 FCFA par kg et par producteur à chaque campagne cotonnière. A cela, il faut ajouter les commissions sur achat reversées par les sociétés cotonnières installées au Burkina Faso notamment la Sofitex, Faso coton et la Société cotonnière du Gourma. », explique un producteur du Houet. « En réalité, c’est le contrôle de ces milliards F CFA annuellement mobilisés par l’Union auprès de ses membres, des sociétés cotonnières et des partenaires qui ait l’objet de querelle féroce entre les protagonistes. Nous ne sommes pas dupes, c’est une course au pillage où chacun veut la tête pour bien se servir», poursuit-il, le regard perdu. Le président Karim Traoré de l’UNPC-B souligne que son institution a un budget annuel de 3 à 4 milliards F CFA. Il précise que la structure paie une masse salariale de 600 millions de FCFA par an aux 189 employés recrutés pour accompagner les producteurs.

« Un pillage organisé »

Cette manne financière est devenue une chasse gardée et une convoitise où les intimidations, la corruption et les crocs-en-jambe sont monnaie courante. Une source proche de la Sofitex, qui a requis l’anonymat, estime que les choses se sont grippées du fait de la prise de conscience des producteurs qui veulent voir plus clair dans la gestion et la manipulation des ressources de l’Union. Ils sont conscients, poursuit notre interlocuteur, «de la prise en otage de l’instrument des producteurs de coton par des politiciens déguisés et des groupuscules qui se disputent le contrôle de la caverne d’Ali Baba pour servir leur propre cause». Certains producteurs, à cor et à cri, demandent des comptes aux gestionnaires de leurs ressources, commente l’ancien président de l’UNPC-B, François Traoré.
Les producteurs sont très remontés par ce qui se passe à l’Union nationale des producteurs de coton. En effet, selon des témoignages, des sommes colossales, estimées à plusieurs centaines de millions de FCFA, sont sorties des comptes sans autorisation préalable de l’Assemblée générale, instance habilitée à cet effet. Le conseil de gestion, réuni autour du président Traoré, s’en défend en évoquant la célérité de certains dossiers. «Nous effectuons certaines dépenses avant de tenir l’AG informée, notamment les dossiers qui pressent. Pour les parcelles estimées à 270 millions de F CFA, par exemple, nous avons raté des terrains bien situés du fait de notre lenteur», soutient Célestin Gala, membre du conseil de gestion. «Les choses se passent ainsi depuis 2011 sans que personne ne dise mot. On ne comprend pas que c’est après la chute du régime Compaoré que tout devient problème. Les vraies raisons sont ailleurs. Ce ne sont que des règlements de comptes », renchérit Karim Traoré. Les frondeurs, qui voient les choses autrement, évoquent la gabegie, les surfacturations et des dessous-de-table. « Les ressources de l‘UNPC-B appartiennent à des milliers de producteurs. De quel droit peut-il (le président) utiliser 5 millions de F CFA pour organiser sa coupe ? Une poignée d’individus ne peut pas s’arroger le droit de prendre les décisions à la place de l’ensemble», rétorque Doyé Zoubiéssé. Dans les faits, le circuit des dépenses n’est pas fait pour aider dans la transparence. «Nous justifions la sortie de l’argent, mais il nous est difficile de faire autant pour certaines dépenses. Imaginez que vous partez pour demander aux coutumiers d’intercéder pour résoudre une crise, comment peut-on demander à ce dernier d’émarger pour les ressources que nous lui remettons. Nous sommes en Afrique, voyez vous-mêmes.», se justifie le camp de Karim Traoré. Au nombre des reproches faits à l’équipe actuelle, il y a aussi des sorties de sommes estimées à plus de 5 millions 600 mille F CFA, destinées à des ministres et des SG de ministères. «Je suis tombé des nues avec la publication des documents dans lesquels Karim Traoré a dû faire un serment formel pour dire qu’il a utilisé les noms de ces autorités pour soutirer l’argent à des fins personnelles», s’indigne l’un des frondeurs. Interrogé sur les faits, le principal mis en cause réaffirme, sans rougir, qu’il a utilisé les fonds à ses propres besoins. Avec, un sourire, il ajoute : «vous savez, moi Karim, il y a des choses que je vais mourir sans dire. Oui, il y a des choses qu’on ne peut dire…». Et Hubert Soulama, qui a démissionné du bureau « pour ne pas être comptable de ce qui se passe » de relever : «avec ces aveux publics du 15 janvier 2015 dans les médias, le président Karim Traoré a perdu toute la légitimité pour diriger l’UNPCB, en ce sens que le doute plane sur sa moralité». Pour lui, reconnaitre avoir touché ces montants à son propre compte en abusant des titres de ministres et de SG du régime de Blaise Compaoré, sont des faits suffisamment graves. A ces récriminations, s’ajoute la sortie inexplicable d’une somme de 20 millions de FCFA, au motif d’honorer des frais liés à la commercialisation des céréales à la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS). Le principal accusé, le président Traoré, s’en défend. «Ces frais constituent les prises en charge des collecteurs de céréales», déclare-t-il, non sans brandir des pièces comptables qui montrent que la somme est allée à la destination indiquée. Face à des producteurs venus le soutenir le 13 janvier passé, il a tenu un langage assez clair. «Il n’y a pas de honte pour une femme le jour de l’accouchement. Ce que vous avez entendu est vrai. C’est une trahison des services de la compatibilité», confesse-t-il. Pour ironiser avec ses partisans, il ajoute que même les plus belles femmes ont souvent des sous-vêtements intimes très sales.
Le comité de contrôle, instance habilitée à suivre la régularité des dépenses, a-t-il manqué de vigilance ou y a-t-il eu un deal ? En tous les cas, après l’exhibition des documents comptables, les membres du comité de contrôle sont montés au créneau. Dans la nuit du 3 au 4 décembre 2014, deux des trois membres du comité ont évoqué la question du gaspillage des ressources avec un dirigeant de l’Union provinciale des producteurs de coton du Houet. « Ce qui se passe dans la gestion de l’Union est grave et il faut faire quelque chose. », aurait dit un membre du comité de contrôle. L’initiative aurait été prise de poser la préoccupation le lendemain 4 décembre 2014, lors d’un atelier prévu pour se tenir à Banfora. Cette initiative est restée lettre morte. Que s’est-il passé pour que le comité de contrôle ne pipe mot ? Mathieu Idogo, membre dudit comité, reconnait avoir rencontré Abou Ouattara, notre source, dans la nuit du 3 au 4 décembre mais ne se reconnait pas dans les mots que celui-ci lui prête.

La politique, l’autre gangrène de l’UNPC-B

Toutes les parties en conflit sont unanimes à reconnaitre que la structure des cotonculteurs est infestée, par ailleurs, par la politique. D’aucuns mettent à l’index le camp de Karim Traoré d’utiliser le siège pour des réunions politiques. Une accusation vite démentie par l’intéressé. «Ce sont des montages orchestrés par François Traoré qui n’a jamais digéré son départ forcé de l’UNPC-B depuis 2011. Il tire les ficèles pour nous déstabiliser. Que les gens se détrompent. Je ne démissionnerai pas», avertit-il. Contacté pour avoir sa version, François Traoré indique qu’il ne s’agit pas d’un problème politique, mais beaucoup plus de mauvaise gestion. « Je suis du bureau national du MPP et je suis un producteur de coton. A ce titre, j’ai un droit de regard sur l’utilisation que l’on fait de nos ressources. Je rappelle que j’ai démissionné de mon gré de la présidence de cette Union. Alors, qu’on ne dise pas que je tire des ficèles », ajoute l’ancien président de l’UNPC-B. Dans les coulisses, Karim Traoré est également accusé d’utiliser les moyens financiers et matériels de l’UNPC-B pour des activités politiques. On l’accuse notamment, avec des factures à l’appui, d’avoir fait confectionner, sur le budget de l’Union, 11 000 Tee-shirts, pour battre la campagne au profit de l’ex-parti au pouvoir, le CDP. Les irréductibles persistent, preuves en main, pour démontrer que la politique a fini par infester l’instrument des producteurs et son statut d’apolitique, régi par la loi n°14 sur les organisations et coopératives paysannes, ne l’est que de nom. Malgré les démentis de M. Traoré et de ses hommes, une double facture de 14 millions F CFA datant du 7 novembre 2012, adressée à l’UNPC-B (NDLR : l’une portant fourniture et impression sur Tee-shirts recto-verso photo du président et logo CDP, verso inscription du texte et l’autre pour fourniture et impression des tee-shirts avec logo UNPC-B) vient susciter des interrogations. Selon des sources introduites, la première facture citée a fait tiquer les membres du comité de contrôle. « Quand ils ont vu la facture, ils ont sommé le président de remplacer la facture ou de rembourser les 14 millions 350 mille F CFA, sortis illégalement. C’est là que le service de comptabilité va voir avec l’imprimeur pour changer les libellés des factures.», confie notre source. Approché sur la question, un des imprimeurs reconnait avoir imprimé et livré 10 000 tee-shirts avec inscription du logo du CDP et de la photo du président de l’UNPC-B. M. Idogo joint au téléphone de rétorquer: « nous avons retourné la facture parce qu’elle était incomplète et non pour le libellé ». Pour le démissionnaire de la Comoé, Hubert Soulama, « ceux qui n’étaient pas du même bord que le président, étaient mis en minorité, puis isolés. Lorsque j’ai démissionné du CDP pour rejoindre l’UPC, le président n’a pas manqué l’occasion de me faire de reproche. Il m’a demandé le pourquoi d’une telle décision». Le conseil de gestion rejette en bloc les accusations et qualifient de contre-vérité tout ce qui est dit. Dans ce jeu de ping-pong, les frères ennemis sont d’accord sur les mobiles de leur désaccord : la politique. Chaque partie campe sur sa position et cette guerre d’usure qui dure depuis cinq mois, risque d’entacher la sérénité de la campagne qui s’annonce.


Moussa CONGO
Congosidwaya@yahoo.fr

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Il y a urgence à dépolitiser l’UNPC-B

Ce n’est plus un secret, l’UNPC-B, censée être un outil de promotion et d’accompagnement des producteurs, est devenue une arène politique. Chaque parti politique joue des coudes, pour mieux contrôler les ressources et les producteurs à des fins qui défient souvent la morale. La dépolitisation de l’Union est impérieuse pour ne pas compromettre l’avenir du deuxième produit d’exportation qu’est le coton, mais aussi pour préserver la paix et la cohésion entre les producteurs. Plusieurs maires de communes, à l’instar de ceux de Koumbia, Satiri, et Béréba sont des membres dirigeants des unions provinciales ou nationale de producteurs de coton. Le président Karim Traoré lui-même a été candidat aux dernières élections législatives. Il est indéniable que les interférences politiques et les objectifs assignés à cette organisation coopérative faitière sont incompatibles. Il faut donc agir pour que la politique aille aux politiciens et l’UNPCB effectivement aux producteurs de coton, au risque de tuer la poule aux œufs d’or.
M.C

L’UNPC-B en chiffres

L’Union nationale des producteurs de coton est une organisation de :
-Un budget annuel de 3 à 4 milliards F CFA ;
-189 salariés permanents ;
-600 millions F CFA de masse salariale annuelle ;
-28 unions provinciales de producteurs de coton ;
-10 000 groupements de producteurs de coton(GPC) dans les villages ;
-350 00 producteurs de coton ou chefs d’exploitation ;
-Une production annuelle de 600 000 tonnes de coton ;
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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