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Disparition de bœufs à ZOETGOMDE : un gendarme accusé d’avoir torturé des présumés voleurs
Publié le lundi 13 avril 2015  |  Le Quotidien




Cela fait déjà près d’une année, précisément en 2014 que des bœufs confiés à la garde du chef du village de Zoetgomdé, Naaba Baongo, ont disparu. Après maintes recherches, le chef s’est rendu à la gendarmerie de Soaw qui s’est saisie du dossier et a procédé à des arrestations. Lesquelles interpellations auraient été suivies de tortures « inhumaines » des présumés coupables du vol en vue de leur faire avouer la vérité. Quelque temps plus tard, informée du problème, nous nous sommes rendus auprès des différents acteurs concernés pour mieux nous imprégner de la situation.
Les évènements ont eu lieu entre le mois de mai et de juin 2014. Une dizaine de bœufs confiés au chef du village de Zoetgomdé, Naaba Bongo, dans la province du Boulkiemdé, a disparu dans des conditions douteuses. En effet, dans le but de mieux comprendre le problème, nous avons pu rencontrer le propriétaire des bœufs. Tout en refusant de décliner son identité, il nous a donné sa version des faits en ces termes : «J’ai monté un prêt de sept ans, pas pour construire ni pour m’acheter une voiture mais investir dans l’élevage. C’est là que j’ai acheté vingt bœufs à Mangodara que j’ai fait conduire par deux Peulh à savoir Adama Boly et Ousmane Tall jusqu’à Zoetgomdé auprès de mon grand frère, le Naaba Baongo. J’ai construit un enclos et j’achetais chaque fois les graines de coton ou « tourteaux » pour leur alimentation. Selon leur dire, mon gardien peulh, précisément, Adama et le présumé voleur qui lui a, d’ailleurs, donné une fausse identité, se sont rencontrés au marché de Soaw où ils ont échangé. C’est après cela, que Adama a extrait dix de mes bœufs et qu’il a remis à son associé. Comme l’enclos et la famille sont distants d’environ 3 km, il a attendu deux jours avant d’informer la famille de la disparition des bœufs en disant qu’ils ne seraient pas partis loin. On m’a appelé lorsque j’étais à Mangodara ». Confiant et rassuré de l’alimentation offerte aux bœufs, une fois que le propriétaire légitime a été saisi de la disparition des bœufs, il n’y a pas cru. « Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai dit que les bœufs ne peuvent pas être perdus ; des bœufs qui mangent de surcroit des « tourteaux ». Là, j’ai tenté de poser la plainte à la gendarmerie à Ouagadougou. Les gendarmes m’ont dit que comme le vol a eu lieu dans mon village à Zoetgomdé, de me rendre à la gendarmerie de Soaw. Ainsi, la gendarmerie alertée, elle a arrêté le peulh Adama qui les a conduits auprès de son complice qu’il a reconnu physiquement, mais portant un nom différent de ce qu’il lui avait donné au marché. Ce qui montre déjà que lui-même n’aurait pas gain de cause si toutefois les choses se passaient comme ils avaient préparé. Ils ont reconnu les faits, mais disent qu’entretemps ils se sont endormis et les bœufs se sont échappés», déclare-t-il. Très touché par les évènements, le propriétaire dit avoir longuement réfléchi, sinon il aurait commis l’irréparable. « Comme je me connais, lorsque le Commandant de brigade m’a appelé me disant qu’ils avaient fini avec les peulh, j’ai juste demandé qu’on m’expédie mon berger peulh et je l’ai renvoyé chez lui », laisse-t-il entendre. Ousmane Tall, le second de Adama Boly a ajouté : « Le soir de la disparition des bœufs, Adama est arrivé et a libéré les bœufs sous prétexte qu’ils ne sont pas rassasiés et qu’il veut les conduire au pâturage. Et lorsqu’il est parti, les bœufs ne sont plus revenus. C’est là, je lui ai demandé et il m’a dit que les bœufs ont disparu. Le lendemain nous nous sommes mis à leur recherche pendant deux jours avant d’aviser le Naaba Baongo ». Quand l’équipe du « Quotidien » a rencontré Naaba Baongo, celui-ci s’est montré furieux en répétant successivement : «Ces Peulh-là, si je les voyais aujourd’hui, je les tuerais. Apportez-moi les voleurs ici, je n’ai pas affaire à vous ». Du reste, afin de pouvoir parvenir à lui faire parler du sujet, il nous a fallu changer de stratégie de communication pour qu’il puisse donner des explications. « J’étais à Ouagadougou, lorsque j’ai été informé de la disparition de 10 de nos bœufs qui étaient d’ailleurs sous la surveillance de deux bergers, Adama Boly et Ousmane Tall. Dès que j’ai reçu l’information, j’ai vite fait de rentrer. Arrivé, nous nous sommes lancés dans des recherches durant quelques jours en vain. C’est là que la gendarmerie de Soaw a été saisie de l’affaire et je poursuivais toujours mes recherches à travers la brousse, les villages environnants ». A en croire le Naaba, suite à des recherches infructueuses, la gendarmerie de Soaw a initié des enquêtes qui ont permis d’interpeller Adama Boly, l’un de ses bergers. Ce dernier à son tour, selon les dires du Naaba, a avoué les faits et a dénoncé son complice, Illa Diallo, un autre berger du village de Ouera situé à quelques kilomètres de Zoetgomdé. Alors, pour retrouver les traces des animaux volés, les gendarmes du village de Soaw, ont dû passer par des méthodes jugées musclées pour faire parler Illa Diallo. Celui-ci, pris de peur, dénonce son oncle Alaye Diallo, de Ouera également, comme étant le détenteur des bœufs volés. Tout en respectant la procédure, la gendarmerie de Soaw fait arrêter Alaye Diallo pour l’auditionner. Quand nous avons rencontré Alaye, il dit avoir avoué aux gendarmes n’être pas au courant d’une telle affaire de bœufs volés. Voici ce qu’Alaye nous a confié : « Je n’ai pas appris le problème à temps. Un matin, je m’étais rendu à Mayalga avec mon troupeau. Etant là-bas, j’ai appris que la gendarmerie de Soaw est venue arrêter un de mes oncles du nom de Illa Diallo. Trois jours après, c’était un samedi, je me suis rendu à Imasgo pour écraser du mil. Arrivé à l’entrée du village, il y a un bar où il se trouve un Peulh qui grille de la viande. Celui-ci m’a interpellé pour que l’on échange avant que je ne bouge. Dès que j’ai stationné ma moto pour le saluer, des gendarmes m’ont appelé de venir. Quand je suis arrivé, ils m’ont demandé si je connaissais Illa. J’ai répondu par l’affirmative que c’est mon oncle. Ils m’ont mis les menottes et m’ont embarqué pour Soaw. Une fois à la gendarmerie, ils m’ont ensuite demandé en insistant si Illa est venu me confier quelque chose. J’ai dit que je n’ai rien reçu de sa part. Le gendarme me dit alors que si je ne dis pas la vérité, je vais subir la même chose que Illa qui avait déjà le bras brûlé. Et Illa me demande d’avouer qu’il a volé les bœufs et me les a confiés. Les gendarmes tentent aussi de m’intimider au prétexte qu’ils ont fini avec les affaires (Ndlr : les auditions) de Illa et que, si je ne dis pas la vérité, ils me tueraient. C’est là j’ai répondu que j’accepte de mourir, car je ne suis pas un voleur ».

Les mésaventures de Alaye Diallo à la gendarmerie de Soaw

Au terme de ces auditions, Alaye dit avoir subi des tortures. Et pour le prouver, Alaye Diallo nous fit voir son dos qui a effectivement été brûlé. Le dimanche, c’est-à-dire le lendemain de son arrestation, Alaye affirme qu’il fut conduit dans une maisonnette où un gendarme lui ont brulé le dos en vue de lui faire avouer les faits. « Je ne vais jamais accepter ce que je n’ai pas commis comme faute, même si je vais mourir », a-t-il soutenu. Restant sur sa position, Alaye croyait voir la fin de ses péripéties. Le lundi suivant, il déclare avoir été battu. « Ils m’ont apporté mon pantalon et ma chemise et m’ont conduit à l’hôpital où j’ai reçu des soins. A notre retour à la gendarmerie, ils m’ont gardé dans une maison où ils passaient me chercher pour les soins », a relaté Diallo. En outre, a-t-il révélé, après plus de 20 jours passés sous traitement et voulant mettre un terme aux tortures pour garder la vie sauve, il fit alors une proposition de résolution à l’amiable avec le Naaba Baongo en lui remboursant les bœufs. Le chef convoqué à la gendarmerie n’y a pas trouvé d’inconvénient en donnant son accord. C’est là, selon Alaye, que le Commandant l’a embarqué un soir et ils se sont rendus dans leur fief à Ouera pour voir les troupeaux. « Après que nous soyons revenus à Soaw, c’est mon papa lui-même qui s’est chargé de conduire quatorze bœufs pour le chef qu’il est venu récupérer à la gendarmerie », décline-t-il. A ce propos, le chef dit avoir réceptionné les bœufs malgré lui, car leur condition physique n’était pas du tout bonne. « Ils nous ont remboursé quatorze bœufs et deux sont déjà morts. J’ai voulu même vendre d’autres, mais je n’ai pas eu d’acheteur. Si je dis que je suis satisfait de l’offre, j’ai menti », se plaint le Naaba Baongo. Ce qu’il faut ajouter, lorsque nous lui avons présenté les photos de Alaye et Illa Diallo, le Naaba Baongo a reconnu Illa comme étant son voleur et déclare ne pas connaitre Alaye. Chose aussi qui a été confirmé par Adama Boly à la gendarmerie lorsqu’il y était avec Illa.

Alaye s’interroge au sujet de son accusation

Pourquoi Alaye Diallo fut mêlé à cette histoire et fut torturé ?« Entre Illa et moi, il existait un litige qui date de plusieurs années. Il m’avait dérobé deux de mes moutons pour les vendre à Kouri où j’ai pu le rattraper. Je n’en ai pas fait un problème, je lui ai juste demandé qu’on rebrousse chemin ; il a opposé un refus catégorique. J’ai récupéré mes moutons et laisser tomber le problème. Mais lui, se sentant offensé, a voulu me frapper et c’est là que j’ai porté plainte contre lui à la police où il a été détenu pendant trois jours. Depuis lors, je ne savais pas qu’il avait une dent contre moi. Même à la gendarmerie, j’ai fait ressortir le problème, ils n’ont pas voulu m’écouter », répond Alaye. Est-ce une revanche de la part d’Illa à l’encontre de Alaye ? Nous ne saurons répondre à cette question. Guiede Diallo, père de Alaye, soutient également n’avoir pas connu le véritable mobile de l’arrestation de son fils. « Quand nous sommes arrivés à la gendarmerie avec le papa de Illa, les gendarmes m’ont posé la question de savoir si j’étais le papa de Alaye, j’ai répondu « oui ». Ils m’ont alors autorisé à voir Alaye. Lorsque je suis rentré, j’ai vu son dos je ne pouvais pas supporter. Alaye, me dit : Papa, on nous a embourbés dans un problème que j’ignore tout en gémissant de douleur », mentionne Guiede Diallo.
Au terme de son témoignage, Alaye ajoute avoir pris en charge ses soins sans aucun dédommagement de la part de la gendarmerie. « Quand j’ai été libéré et que je continuais les soins, un matin, un gendarme m’a appelé de lui apporter les ordonnances. Lorsque je lui ai apporté les ordonnances, jusqu’à l’heure où je vous parle je n’ai plus eu de suite », renchérit Alaye. Tentant de confirmer le passage de Alaye au CSPS de Soaw pour les soins, nous avons pu rencontrer Bepouo Dabiré, chef de service du CSPS. Resté un instant silencieux après que nous lui avions signifié l’objet de notre visite, Dabiré refuse de se prononcer sur le sujet : «Pour ma part, je n’ai pas le droit de donner une information sans l’autorisation de mon supérieur hiérarchique. Notre CSPS relève du district de Nanoro, et je souhaite que vous alliez vers le responsable du district qui, à son tour, va me donner l’autorisation avant que je ne puisse me prononcer sur quoi que ce soit ». Toutefois, certaines personnes ressources du village que nous avons rencontrées, nous ont assuré qu’Alaye a bel et bien eu des soins au CSPS. De là, l’équipe s’est déportée à la gendarmerie du village de Soaw, où elle a été très bien accueillie. L’objet de la visite étant décliné, les agents que nous avons retrouvés sur place disent être des nouveaux et de ce fait ignorent le contenu du dossier. Par conséquent, ils nous ont orientés vers un responsable à Ouagadougou. Malheureusement, le commandant de la brigade était, lui aussi, en déplacement sur Ouagadougou. A l’heure actuelle, Alaye souhaite rentrer dans ses droits c’est-à-dire ses bœufs et de ce fait, il affirme avoir déposé une plainte auprès de la gendarmerie à Koudougou qui l’a a reçu le samedi 11 avril 2015 pour une audition. Il faut retenir qu’au cours de notre enquête, l’équipe n’a pas pu rencontrer Illa Diallo pour avoir sa version des faits. Alaye a indiqué qu’il s’était rendu en brousse avec ses bœufs1

Par Sita DIALLO/TRAORE et Lawakila Rodrigue KABARI
(stagiaire)
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