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Art et Culture

Nouvelles du Kuntaara de Sid-Lamine Salouka : Un heptaèdre réfléchissant
Publié le jeudi 9 avril 2015  |  L`Observateur Paalga




Sid-Lamine Salouka est enseignant et critique de cinéma et de littérature. Il vient de publier aux Editions Educ-Afrique son premier recueil de nouvelles, dont la plupart ont été primées à la Semaine nationale de la culture. Sept nouvelles qui donnent les sept facettes du Kuntaara.

Nouvelles du Kuntaara ! Sid-Lamine crée un pays imaginaire dans lequel il situe toutes les nouvelles. Les écrivains sont coutumiers du fait d’inventer une toponymie, une géographie rêvée pour faire évoluer leurs personnages et dérouler leurs histoires. On se souvient de Macondo, le village fictif de Cent ans de Solitude de Garcia Marquez, ou le comté mythique du Yoknapatawpha de William Faulkner. Kuntaara est de même un pays imaginaire qui cependant ressemble, à s’y méprendre, au Burkina Faso.

Ce recueil est une satire sociale, politique et de mœurs à travers sept nouvelles qui sont comme les sept péchés cardinaux des pays comme le Kuntaara, qui s’enfoncent dans le sous-développement. Les narrateurs racontent, la plupart du temps, d’une manière naïve (est-ce que ce mot a un sens pour qui sait que la profondeur se niche à la superficie des choses). L’écrivain se fait notaire qui dresse le procès-verbal d’une société atteinte d’un délabrement profond : politique, culturel, moral et même humain. Kuntaara est un pays en faillite et, sous la verve, la truculence et le burlesque, on sent percer une pointe d’amertume.

Certaines nouvelles partent des blagues très connues qui se racontent autour d’un thé ou d’une tablée au bistrot. Tel le bonhomme qui se fait voler sa moto tandis qu’il applaudit le convoi de Kadhafi ou l’émigré qui s’oublie dans l’ivresse de la danse, la braguette ouverte, et ce scandale donne naissance à une chanson du folklore moaga. Ces histoires-là circulent dans l’espace public, n’ont pas d’auteur connu, chacun se les approprie, les accommode à sa sauce. Salouka, comme le paléontologue qui reconstitue le squelette d’un animal à partir d’un fragment d’os, s’empare de ces histoires et brode autour.

Cela donne la nouvelle intitulée Valpoko-la-Blanche : une belle femme attend son homme parti en RCI (Penelope et Homère) pendant des années et lorsque celui-ci revient avec or et honneur pour chercher sa dulcinée, et malheureusement une braguette mal remontée, qui expose son sexe et c’est l’hilarité générale et l’opprobre. Ou comment la venue du panafricaniste Brakadir dans la 7e nouvelle, en étant cause de la perte de la première moto d’Edgar devient en même temps son chemin de Damas à rebours. Le jeune marxiste vire sa cuti et devient un fonctionnaire corrompu. En quatre mois, il se rachète une autre monture.

Dans toutes ces nouvelles, il n’y a aucun héros, tous sont des zéros ou des zéhéros (merci, William Sassine !), des loosers et des hommes sans convictions.

Ainsi, on croise dans la première nouvelle un chauffeur Long Bill qui glisse dans le crime organisé banalement comme on passe la porte d’une maison, juste pour plaire à son employeur. Dans Farma Bakandé, une nymphomane implose une respectable famille. Dans une autre, Benedo, un grabataire, va à la rencontre d’un ami devenu un important homme politique, oubliant que le politicien n’a pas d’ami mais uniquement des intérêts.

Ces sept nouvelles sont servies par une écriture très visuelle, quasi cinématographique. Les personnages sont si bien décrits qu’ils prennent un vrai relief. Certainement le côté cinéphile de l’auteur.

En outre, chaque nouvelle génère aussi son mode narratif. Si la première nouvelle, Le Konokuu, peut être rapprochée des nouvelles écritures contemporaines, Farma Bakandé est proche de l’oralité, du récit du griot qui élève un fait divers au statut de récit épique et épicé. Zulwango est un récit bref, mais dont la charge émotive n’est pas dans le dit mais dans le non-dit. Comme un hors-champ qui s’impose plus que ce qui est montré. En somme, c’est une écriture comme une musique. Elle sait être alerte, lente, furtive pour mieux installer les atmosphères.

Première publication tardive. Souhaitons que la seconde ne se fasse pas longtemps attendre. Et surtout, si c’est un recueil, que les nouvelles soient plus nombreuses. Sept est un chiffre porte-bonheur pour un début de carrière, mais ce recueil-là, ça se lit en une demi-journée. On reste un peu sur sa faim.

Saïdou Alcény Barry
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