Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Hervé Ouattara président du CAR : « Nous ne nous réclamons plus seulement du Burkina, mais de toute l’Afrique»
Publié le samedi 28 mars 2015  |  Le Pays
Lutte
© aOuaga.com par Séni Dabo
Lutte contre le référendum : le CAR se dit menacé
Mercredi 3 septembre 2014. Ouagadougou. Les responsables du Collectif anti-référendum (CAR) au Faso ont animé une conférence de presse pour faire part des menaces, des intimidations et d`agressions dont sont victimes certains de leurs militants dans la capitale. Photo : Hervé Ouattara, président du CAR




L’homme que nous avons rencontré est un activiste qui, pendant la lutte contre la modification de l’article 37, s’est illustré par les actions de son mouvement, créé justement pour barrer la route à ce que beaucoup ont appelé « la forfaiture de Blaise Compaoré ». Le peuple burkinabè, vainqueur de cette lutte, a mis en place des institutions pour gérer l’après-Blaise jusqu’à l’organisation des élections prochaines. Et depuis, Hervé Ouattara, car c’est de lui qu’il s’agit, siège dans l’une de ces institutions, le Conseil national de transition (CNT), au compte de la société civile. Pour être en phase avec les nouveaux défis, le nom de son mouvement Collectif anti- référendum (CAR) est devenu Citoyen africain pour la renaissance. Dans cet entretien, il nous livre les raisons de ce changement de dénomination et les nouveaux objectifs de son mouvement. Aussi, Hervé Ouattara s’est prononcé sur d’autres aspects de la transition, notamment les questions du RSP, de la candidature des militaires et des reproches faits aux membres du CNT.

Pouvez-vous revenir sur les raisons qui vous ont conduits à changer la dénomination de votre mouvement ?

Ce qui nous a poussé à aller à un congrès extraordinaire pour changer la dénomination et les objectifs du CAR, c’est que le CAR a été créé dans un premier temps, pour faire ombrage à Blaise Compaoré, surtout pour barrer la route à son désir de modification de l’article 37. Cet objectif a été atteint, l’article 37 n’a pas été modifié et le président Compaoré s’en est allé. Notre pays a été libéré et nous estimons que cet objectif premier a été atteint. Le CAR, en tant que Collectif anti-référendum, n’avait plus sa raison d’être. Il fallait maintenant être en phase avec les réalités du moment et s’inscrire dans une nouvelle dynamique. Depuis un moment, le CAR entretient des relations avec d’autres organisations dans d’autres pays et avec d’autres structures. Donc, il s’agit pour nous d’avoir de nouvelles considérations pour le CAR et d’intégrer de nouveaux objectifs afin d’apporter notre contribution à la consolidation de la démocratie et au maintien de la stabilité dans notre pays.
En un mot, le CAR compte-t-il donc étendre ses actions au-delà des frontières du Burkina ?

Bien sûr, c’est pour cette raison que nous sommes devenus des Citoyens africains pour la renaissance. Nous ne nous réclamons plus seulement du Burkina, mais de toute l’Afrique. Notre philosophie est d’aller effectivement au-delà du Burkina car nous nous battons pour le respect des Constitutions, des droits humains, pour l’épanouissement véritable des populations africaines.
Ne craignez-vous pas d’être victime de ce qui est arrivé à Oscibi Johann en RDC ?

On ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs. Dans notre combat, il y a toujours un prix à payer. Quand on se bat contre des fauves noctambules, il faut être sûr que, quelque part, on peut prendre des coups de griffes. Les activistes panafricains sont des personnes que tous ceux qui comptent torpiller les populations, souhaiteraient abattre. C’est donc évident que nous ne manquerons pas d’affronter des difficultés, mais ce qui est important, c’est que nous demeurons convaincus de ce que nous faisons.
Où en êtes-vous avec votre désir manifeste de créer une internationale de la société civile ?

Nous sommes toujours dans cette logique. Et le premier pas, c’était de faire notre congrès pour redimensionner les choses. Bientôt, nous allons mettre à contribution la diaspora africaine. Il se peut aussi que cela soit suivi au niveau européen. C’est également possible, avec le soutien des uns et des autres, qu’on puisse enfin se retrouver au cours d’une conférence mondiale qui aboutira à la création d’une internationale de la société civile. C’est notre ambition, mais ce qui est important, c’est de commencer d’abord en Afrique . Que nous puissions nous retrouver dans un même cadre avec les mêmes visions qui permettent aux jeunes africains de se reconnaître en tant que tels, de s’accepter et de se fixer des objectifs, comme libérer définitivement l’Afrique du joug de l’impérialisme européen. Cela est possible, si nous sommes convaincus de la noblesse de notre combat.
« Nous disposons d’assez de moyens et nous les utiliserons pour empêcher la candidature des militaires à la présidentielle »
Pouvez-vous nous parler des mouvements internationaux avec lesquels vous avez déjà des liens ?

Nous sommes dans un début de partenariats qui ne sont pas véritablement formalisés pour le moment. Nous sommes au stade des débats et des discussions. Donc, je ne peux pas dire que c’est véritablement acquis. Je me garderai donc de citer des noms, vu que nous n’avons pas encore d’accord formel. Mais si tout se passe comme on le souhaite, d’ici fin mai, nous allons organiser une première rencontre avec toutes ces organisations, afin de dévoiler nos ambitions au niveau international.
On le sait, vous avez pris position contre la candidature des militaires à la présidentielle. Pouvez-vous nous dire quels sont vos moyens d’action pour contrer ces candidatures ?

En tant que mouvement citoyen, il y a les moyens pacifiques que nous pouvons utiliser, tel que manifester notre mécontentement et aussi passer par des recours judiciaires. Nous pouvons aussi proposer des lois qui seront prises en compte dans le code électoral. Nous disposons donc d’assez de moyens et nous les utiliserons pour empêcher la candidature des militaires à la présidentielle.
Lors de votre congrès, vous disiez aussi être pour l’arrestation de Blaise Compaoré et de son frère François Compaoré. Quelles démarches avez-vous entreprises pour que cela aboutisse ?
Nous allons saisir le tribunal et nous allons poser une plainte en bonne et due forme pour demander à la Justice burkinabè de saisir Blaise Compaoré et sa famille. Ce qui est important aujourd’hui, c’est le gel des avoirs de cette famille. On ne peut pas comprendre que Blaise Compaoré et sa famille aient spolié le pays pendant plus de 27 ans et qu’ils continuent de circuler librement. C’est irritant et il y a nécessité voire urgence à saisir les biens de ces derniers, qui d’ailleurs appartiennent au peuple burkinabè. Il faut que les responsables de la transition s’en saisissent car il y va de leur crédibilité.
Justement, quelle appréciation faites-vous de l’action de la transition au jour d’aujourd’hui ?

En tant que Burkinabè, nous devons nous féliciter de la manière dont nous avons gérer notre pays après le départ de Blaise Compaoré. Beaucoup ont prédit le chaos après ce départ, mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas et ce qui est important, c’est la stabilité. Nous sommes d’ailleurs plus en paix que lorsqu’il était présent à la tête du pouvoir ; donc nous sommes à moitié satisfaits, dans la mesure où nous avons, nous-mêmes, défini nos institutions. Nous nous sommes retrouvés entre frères et sœurs et nous avons élaboré notre Charte de la transition, nous avons installé nos institutions, nous avons désigné nos différents responsables et nous fonctionnons normalement au jour d’aujourd’hui. Pour cela donc, nous pouvons nous en féliciter, car nous n’avons pas eu besoin de médiateur ni d‘interventions de la communauté internationale, parce que ça n’allait pas entre nous. Mais il faut reconnaître qu’il y a quand même des dossiers pendants et le peuple attend que ceux-ci soient résolus. C’est vrai que cela constitue une épine dans le pied de la transition, mais il est impératif que la transition se penche sur la question des crimes économiques et des crimes de sang.
« Il y a toujours des responsables de l’ex-majorité qui narguent le peuple et d’autres occupent toujours leurs postes comme si de rien n’était»

Je veux parler du dossier Norbert Zongo, le dossier Thomas Sankara et les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Il faut que la lumière soit faite sur ces questions et que l’on sache ce qui s’est réellement passé. C’est en cela que les uns et les autres comprendront que la transition a posé les bases d’une démocratie solide. En outre, il est important de revenir sur la question foncière qui est fondamentale aujourd’hui. Il y a également le toilettage de la Constitution et du code électoral. En plus de Blaise Compaoré et de son frère, il faudrait aussi procéder à l’arrestation de ceux qui ont spolié ce pays pendant les 27 ans.
Vous qui siégez au CNT au titre de la société civile, quelles actions concrètes entreprenez-vous pour la résolution de tous ces problèmes que vous venez de citer ?

Plusieurs actions sont entreprises parmi lesquelles les questions orales au gouvernement, qui sont des séances au cours desquelles nous demandons au gouvernement de nous expliquer certaines situations. Après l’insurrection, il y a beaucoup de choses qui tâtonnent et les gens se posent encore des questions. Donc, chaque vendredi, des ministres font l’objet d’interpellations au CNT. Il s’agit pour nous de comprendre comment le gouvernement compte répondre à certaines questions dont la vie chère et la réduction du train de vie de l’Etat. Le CNT a aussi la possibilité de faire des propositions de projets de lois. Et au jour d’aujourd’hui, il y a des députés qui ont déjà fait des propositions de projets de lois. Il y en a un, que je félicite au passage, qui a proposé un projet de loi sur la dépolitisation de l’administration publique burkinabè.
Que pensez-vous de l’attelage Kafando-Zida ?

A priori, pour moi, il n’y a pas de soucis, dans la mesure où chacun à un rôle à jouer. L’un est président et l’autre est Premier ministre. Et sous nos cieux, c’est le président qui nomme le Premier ministre. En plus, les civils et les militaires ont toujours cohabité sans soucis. Ce qui est important, c’est de savoir s’ils répondent normalement aux aspirations du peuple burkinabè. Là-dessus, je dirais qu’actuellement, il y a quand même des difficultés car les gens, aux lendemains de l’insurrection, s’attendaient à ce que tout soit balayé du revers de la main. Mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, il y a toujours des responsables de l’ex-majorité qui narguent le peuple et d’autres occupent toujours leurs postes comme si de rien n’était. Il y a des maires qui, d’une manière ou d’une autre, continuent à travailler sans problème. Il est important que l’on se penche sur cette question.

Avez-vous des exemples concrets de responsables de l’ex-majorité qui, selon vous, continuent de narguer le peuple et d’occuper des postes de responsabilité ?

Il y a l’exemple de Adama Zongo qui était président de la FEDAP/BC et qui est toujours à l’aéroport.
Pensez-vous que la transition, au regard des exigences, puisse aller au-delà de l’échéance qui lui a été accordée ?

Pour moi, l’essentiel c’est d’organiser les élections, quelles que soient les contraintes. Cela est important pour le peuple burkinabè et pour notre démocratie. C’est d’un commun accord que la date du 11 octobre 2015 a été arrêtée, donc il faut travailler à respecter cette échéance. Nous ne devons pas nous permettre de faire des erreurs ni de tolérer des erreurs de dernière minute. Chacun doit mettre donc la main à la patte pour que nous puissions nous acheminer vers l’atteinte de cet objectif. Il y va de la stabilité de notre pays. On ne peut donc pas se permettre de reculer.
Quelles propositions concrètes faites-vous par rapport au statut du RSP ?

S’agissant de la question du RSP, je dois dire d’abord que je n’ai rien contre les militaires, car j’ai un grand- père militaire, un père militaire et mon aîné est aussi militaire. Je suis fils de militaire mais, par principe, pour moi, chaque corps doit rester à sa place et ne pas s’immiscer dans les affaires de l’autre. Il n’est donc pas du ressort du RSP de veiller sur des institutions républicaines. Le RSP, en tant que corps d’élite, pourrait se voir confier d’autres objectifs plus nobles pour le bonheur du peuple burkinabè. Je perçois le RSP comme l’armée tchadienne d’Idriss Déby. Ce serait une fierté pour le peuple burkinabè de savoir que le RSP est en train de donner une bonne râclée à Boko Haram. S’ils constituent un corps d’élite, ils peuvent le faire. Donc, le RSP peut être dirigé vers des objectifs plus nobles, plutôt que de terroriser le peuple burkinabè. Si on ne peut pas leur confier d’autres missions par peur, il faut les dissoudre. Autant l’on a pris un décret pour les constituer, autant l’on peut prendre un décret pour les dissoudre. On ne peut pas continuer à avoir peur de gens pour qui nous cotisons pour payer leurs salaires.
Est-il vrai que depuis la réduction des émoluments des membres du CNT, certains conseillers seraient devenus buissonniers ?

C’est vous qui m’en informez. Je ne sais pas si depuis la réduction des émoluments, il y a des gens qui ne viennent plus au travail. Mais si c’est le cas, il appartient au président du CNT de prendre les dispositions qui conviennent. De toute façon, s’il y a des gens qui sont au CNT et qui ne peuvent pas faire le travail, qu’ils démissionnent une bonne fois pour toute, parce que ce n’est pas concevable de voir qu’on donne des émoluments à quelqu’un qui ne se présente qu’à la fin du mois pour prendre son salaire. Ce n’est pas honnête et quand c’est comme cela, il y a des dispositions que le président du CNT peut prendre pour comprendre ce qui se passe et appliquer des sanctions disciplinaires.
Il est ressorti également que certains membres du CNT percevraient actuellement deux salaires…

Je dirais simplement que c’est un faux problème et que c’est un débat qui n’a pas lieu d’être. Mais il y a des gens qui se complaisent dans les diatribes et qui font des efforts pour ne rien comprendre. Je puis vous assurer que sur la question du double salaire, il y a une lettre qui a été adressée au Premier ministre pour la clarification de la situation des fonctionnaires. Aucun fonctionnaire membre du CNT ne peut se complaire aujourd’hui dans le cumul de deux salaires. Le CNT est là pour une année, donc si vous cumulez les salaires, on vous coupera le trop-perçu quand vous ne serez plus au CNT. Il y en a qui ont des crédits en banque et si ajouté à cela on doit aussi leur couper le trop-perçu, il risque de ne plus rien leur rester et ils vivront comme des misérables. En plus de cela, il y a des démarches qui ont été entreprises par le CNT pour régler la question. Il faut être sincère et dire que ce ne sont pas aux gens d’aller demander l’arrêt du virement de leur ancien salaire. Il y a la DRH du CNT et c’est elle qui est chargée de régler la question. Ils nous ont envoyé des documents sur lesquels nous avons mis nos numéros matricule pour que le problème soit réglé. Personnellement, je me suis déplacé pour aller dans mon ministère pour que le problème soit résolu. J’ai un compte bancaire où mon salaire de fonctionnaire est viré. Aujourd’hui (Ndlr le 24 mars 2015) je suis parti vérifier ce compte. J’en ai parlé au DRH afin de trouver les arrangements pour que cet argent reparte au Trésor. Il m’a dit que cela était une bonne idée et c’est ce que je fais. Alors tout ce qui se raconte n’est en réalité que fadaises, pour ternir l’image des gens et c’est frustrant.
Avez-vous un dernier mot ?

Je voudrais dire qu’il faut que les Burkinabè travaillent à dépasser leurs ego. Nous devons être plus coopératifs et savoir que nous avons une responsabilité vis-à-vis de l’histoire. Tout comme nous demandons, aujourd’hui, des comptes à nos devanciers, nos enfants nous demanderont des comptes demain, sur ce que nous avons fait. C’est pourquoi je demande de l’indulgence dans le comportement des uns et des autres et qu’on se départisse de toute arrogance. Il faut prendre le temps d’écouter, de comprendre, d’apporter sa contribution pour que nous réussissions le pari auquel nous sommes face sinon, nous ferons face à l’histoire un jour.

Propos recueillis et retranscrits par Adama SIGUE
Commentaires