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Transmission du dossier Sankara à la justice militaire : « nous ne demandons pas un procès en sorcellerie » (Me Bénéwende Sankara)
Publié le jeudi 26 mars 2015  |  L`Observateur Paalga
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© aOuaga.com par Séni Dabo
Projet de révision de la Constitution : les députés de l`opposition tirent la sonnette d`alarme
Vendredi 24 octobre 2014. Ouagadougou. Les députés des groupes parlementaires de l`opposition, ADJ (Alliance, démocratie, justice) et UPC (Union pour le progrès et le changement), ont animé une conférence de presse sur le projet de loi portant révision de la Constitution introduit à l`Assemblée nationale par le gouvernement. Photo : Me Bénéwendé Sankara, membre du groupe parlementaire ADJ




Le dossier Thomas Sankara vient de connaître un véritable coup d’accélérateur : en effet, cause, ce dossier brûlant a été finalement transmis à la justice militaire le 20 mars dernier. Une victoire d’étape pour le collège de conseils de la famille de l’ex-président du Faso, conduit par Me Benéwendé Sankara qui s’est époumoné depuis 2001 pour obtenir l’indispensable ordre de poursuite ouvrant la voie enfin à l’instruction du dossier. Le fameux « sésame » a enfin été délivré 14 ans après la requête des avocats et seulement 5 mois après la chute du régime Compaoré, par le ministre de la Défense, qui n’est autre qu’Isaac Zida. Me Benéwendé Sankara, à travers cet entretien qu’il nous a accordé hier 25 mars 2015, se réjouissant de cette avancée, estime qu’aussi longue que soit la nuit viendra le jour, et précise par ailleurs qu’il souhaite un procès équitable et non un procès en sorcellerie comme certains peuvent l’en suspecter.

Après des rétropédalages et des valses-hésitations de l’exécutif de la Transition, le dossier Sankara est désormais entre les mains de la justice militaire. Est –ce le fruit de vos pressions ?

Pressions ? L’avocat ne fait jamais de pression. S’il y a des pressions, c’est peut-être ailleurs qu’il faut aller les chercher. S’il y avait des possibilités de pression à notre niveau on n’allait pas attendre 18 ans pour aboutir à un tel résultat qui n’est en réalité que le début d’une autre procédure judiciaire. De mon point de vue, c’est plutôt l’aboutissement de notre ténacité. Parce que chaque fois, nous avons cette pensée du président Thomas Sankara qui dit que là où s’abat le découragement, c’est là où s’élève la victoire des persévérants. Donc ce résultat est tout simplement le fruit de notre persévérance.

Concrètement qu’est-ce qui va se passer maintenant? Est-ce désormais un boulevard ouvert pour la manifestation de la vérité ?

(Rires)… Même sur un boulevard, il faut faire attention à la vitesse. Si votre véhicule n’est pas adapté vous pouvez avoir des accidents. Je ne sais pas si c’est un boulevard, mais l’avenir nous le dira. J’estime que c’est le début d’une procédure, d’une instruction du dossier. Ce que nous, avocats, cherchons dans une procédure, c’est ce qu’on appelle procès équitable.

En tant qu’auxiliaire de justice, je veux la manifestation de la vérité. C’est pour cette raison que nous nous battons depuis 18 ans contre l’injustice, contre les violations des droits de la défense ; nous nous sommes érigés contre tout ce qu’il y avait comme déni de justice dans le dossier Sankara tout comme dans d’autres dossiers parce qu’il y a la règle de droit qu’il faut respecter mais aussi qu’il faut appliquer de façon intégrale : Dura lex sed lex. Même si la loi est dure, c’est la loi et il faut la respecter. C’est ça qui nous guide.

Mais on dit que le juge d’instruction instruit à charge et à décharge. Cela veut dire que le magistrat instructeur doit se laisser guider par le boulevard. Si on lui dit que c’est un boulevard comme vous le dites et il veut faire des détours, des contorsions, alors c’est lui qui aura provoqué ses propres accidents. Je pense donc que le magistrat instructeur doit se laisser guider par les faits sans état d’âme, faire toutes les enquêtes, toutes les interpellations.

S’il faut arrêter des gens, il faut les arrêter ; s’il faut déférer, il faut les déférer, faire les confrontations, établir la vérité et appliquer la règle de droit. C’est ce que nous, avocats, allons faire dans notre mission d’accompagner le juge. On ne demande pas un procès en sorcellerie, de grâce on ne dit pas non plus que c’est un dossier où il faut imposer la volonté de la rue au juge, pas du tout sinon depuis fort longtemps on aurait jugé nos coupables hic et nunc mais ce n’est pas ça. Ce d’autant plus que la présomption d’innocence a toujours été la règle d’or dans un procès contradictoire.

Nous, nous pensons qu’il y a l’aspect important de cette volonté de ne pas ériger sur le boulevard des « gendarmes couchés » ; des « militaires couchés » qu’ils soient du Régiment de sécurité présidentielle ou du Conseil de l’entente ou tout ce que vous voulez, des ralentisseurs ou des crevasses, nous ne voulons pas ça sur le boulevard dont vous avez parlé tantôt. Que le boulevard soit vraiment un boulevard sans obstacle. Que le juge puisse avoir la liberté de conscience et aussi les moyens techniques pour faire son travail en son âme et conscience. Je pense que c’est ce que les Burkinabè veulent, on n’a jamais dit de faire la justice des vainqueurs.

L’autre problème connexe du dossier, c’est bien l’exhumation des restes présumés du président Thomas Sankara ; maintenant que les choses ont évolué, quand est-ce-que cela sera possible ?


Je pense que les gens ont estimé qu’on a mis la charrue avant les bœufs. L’exhumation fait partie d’une décision déjà rendue en 2006, mais on ne pouvait pas l’obtenir du fait du régime de Blaise Compaoré. Maintenant que les autorités ont prouvé leur bonne foi en disant qu’elles ne s’y opposent pas, nous pouvons penser que c’est un acte qui peut être reversé dans les actes de l’instruction.

Le décret lui-même dit que ce sera coordonné par le ministère de la Justice, donc a priori ce n’est pas un problème de date qui se pose. Mais de mon point de vue, elle sera tributaire de l’avancement du dossier, l’essentiel étant aujourd’hui qu’il n’y a plus un obstacle à cette opération. C'est-à-dire que personne ne peut maintenant s’opposer à l’exhumation et aux expertises. Si aujourd’hui, le juge d’instruction estime qu’il faut un cabinet d’expertise médico-légale, c’est pendant donc l’exhumation que cet expert sera là.

S’il estime qu’il faut un expert en balistique pour voir s’il n’y a pas de balle(s) dans les restes, cet expert sera là. Ce ne sera pas une exhumation pour une exhumation pour savoir si ce sont seulement des restes du président Sankara, sinon on aurait pu y procéder simplement par un test ADN. Il y a aussi que l’on peut faire toutes les autres expertises, et c’est ce que dit le décret. Le décret ne s’est pas limité à une seule expertise, on peut faire plusieurs types d’analyses pour les reverser par exemple dans le dossier du juge. La famille aussi a intérêt à découvrir si c’est vraiment la tombe de Sankara.


Le malentendu avec la famille Sankara est-il définitivement levé ?


Quel malentendu ?

Les tergiversations entre le gouvernement et la famille sur qui doit faire quoi.

Il n’y a jamais eu de malentendu avec la famille. En réalité, c’est la lenteur qui énervait les gens et ce n’était pas seulement la famille Sankara. Et comme l’opinion s’attendait tout de suite et maintenant à la mise œuvre de la décision…, peut-être même, qu’il y en a qui ont déjà des coupables tout désignés dans cette affaire, mais le juge ne travaille pas comme ça. C’était plutôt un problème de manque d’information que tout autre chose.

Maître, maintenant que l’exhumation n’est plus qu’une question de temps, quelles sont les conditions légales, hygiéniques et même traditionnelles à réunir avant l’opération ?



(Rires) Je pensais que vous alliez me parler peut-être de conditions chrétiennes pour que je vous renvoie à ma foi chrétienne…Maintenant si on parle de tradition, je ne sais pas. Plus sérieusement, ce que vous dites est très important, et je vous informe, du reste, que je me suis déplacé en tant qu’avocat avec d’autres personnalités de la famille pour rencontrer la famille élargie du défunt président au village qui en est déjà informée. Je pense qu’au moment d’y procéder, nous allons revoir les sages pour requérir leurs conseils. On n’écartera absolument rien qui puisse favoriser la bonne marche de l’opération.



Et les conditions légales et hygiéniques ?



Ceux qui pensent simplement aux services d’hygiène de la mairie, ce n’est pas suffisant. Le décret a pour objet de faire en sorte que toutes les conditions légales, réglementaires soient respectées et qu’on puisse même prendre des réquisitions le jour où il faut y procéder à l’exhumation. Ce n’est pas une affaire d’aller voir le service d’hygiène de la mairie… hein ! Ça dépasse cela de loin. C’est pourquoi le délai est très important.

Pour autant que la nuit soit longue, le jour viendra. C’est ce que nous avons toujours dit. Le dossier est désormais dans un cabinet d’instruction, et nous allons simplement demander la compréhension de certaines personnes, leur demander de s’abstenir de nous gêner dans notre mission d’avocat, c’est extrêmement important.

Nous, nous souhaitons que tout le peuple burkinabè désormais ait le regard tourné vers cette sérénité que nous recherchons et qu’ensemble on puisse accompagner le juge qui a désormais sur ses épaules un dossier politiquement lourd. Il aura certainement besoin de la solidarité de ce peuple, seul dépositaire de la justice, de nos encouragements et de notre compréhension mais aussi du soutien de l’Etat parce que la justice relève des pouvoirs publics. On aura besoin de tout ce beau monde pour la manifestation de la vérité.



Propos recueillis par

Jean Stéphane Ouédraogo
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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