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AFFAIRE GUIRO : Le dossier est prêt pour le jugement
Publié le samedi 16 fevrier 2013   |  Zoodomail.com


Ousmane
© Autre presse par DR
Ousmane Guiro, l’ex-Directeur général des douanes


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Après un an de procédure, où en est-on avec le dossier Ousmane Guiro, l’ex-Directeur général des douanes ? Mutations a mené son enquête et est en mesure de livrer à ses lecteurs des informations dignes de foi.

Guiro a été entendu trois fois par le juge. Les deux premières comparutions ont eu lieu avant sa mise en liberté provisoire le 16 juillet 2012 et la dernière s’est déroulée en août dernier quand Guiro s’affairait pour déposer son dossier de candidature au CDP pour les élections municipales du 2 décembre.

L’instruction est à son terme depuis novembre 2012. Le procureur du Faso a reçu l’ordonnance de transmission du juge d’instruction. Le dossier a été transmis au parquet de la Cour d’appel dans le mois de janvier 2013. Il est entre les mains de la procureure générale, Mme Honorine Méda.

Le dossier sera-t-il programmé lors des assises criminelles prévues entre mars et avril prochain ?

Rien n’est moins sûr. En effet, il revient au procureur général de prendre un réquisitoire définitif adressé à la Chambre d’accusation. Et c’est cette Chambre qui dressera l’ordonnance de renvoi devant la Chambre criminelle pour jugement. Cette Chambre est composée de juges et de jurés qui ne sont autres que des personnes tirées au sort parmi la population. A l’étape actuelle du dossier, seul le procureur peut déclencher la procédure devant conduire à l’enrôlement du dossier pour jugement. Selon nos informations, elle n’aurait pas pour l’instant transmis le dossier.

En attendant l’enrôlement du dossier pour un quelconque jugement, que peut-on retenir dans le fond sur l’affaire Guiro ?

D’abord on note une diminution des chefs d’inculpation. Au cours de la procédure, les charges retenues contre Guiro ont varié. De quatre, elles sont passées à cinq puis finalement à trois. Aux premiers moments de l’affaire en janvier 2012, voici les charges communiquées à l’accusé et au public par le procureur du Faso, Placide Nikiéma : « corruption, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite, détention illégale d’armes à feu et de munitions ». Ce sont ces quatre chefs d’inculpation qui ont été notifiés à Guiro lors de sa première comparution devant le juge d’instruction le 4 janvier 2012.

Une cinquième charge viendra s’ajouter quelques temps après. Il s’agit de la « violation de la règlementation sur les changes ».

En effet, on compte dans les cantines de Guiro saisies par la gendarmerie le 31 décembre 2011, des devises étrangères (77 000 euros, 34 000 dollars et des devises chinoises et saoudiennes) qui, converties en CFA, avoisineraient 70 millions. Or, selon la loi n°16/92/ADP relative aux contentieux des infractions au contrôle des changes, on ne doit pas détenir des devises étrangères qui dépasseraient la valeur de 500 000 f cfa huit (8) jours après leur entrée sur le territoire burkinabè.

Manifestement, Guiro a violé cette disposition. Mais ni le parquet ni le juge d’instruction n’ont le pouvoir de poursuite contre cette infraction. Sa poursuite « ne peut être exercée que sur la plainte du ministre chargé des Finances ou l’un de ses représentants habilités à cet effet » (article 11).

Les charges pesant sur Guiro

C’est sur la base de ces cinq chefs d’inculpation que l’instruction s’est faite. Selon des informations concordantes, le dossier contiendrait aujourd’hui trois chefs d’inculpation. Il s’agit de « enrichissement illicite, corruption et violation de la règlementation sur le contrôle des changes ».

Pourquoi le juge a abandonné les deux autres charges ? A-t-il subi des pressions ?

Dans le milieu judiciaire, on crédite le juge Khalifa Bagué d’une très forte dose de rigueur et d’indépendance dans son travail. S’il ne dispose pas d’éléments solides, il n’hésite pas à abandonner certaines charges. Mais celles qu’il retient sont généralement du béton selon des magistrats qui le connaissent bien.

Les deux charges abandonnées, « la détention illégale d’arme à feu et de munitions et le blanchiment d’argent », ne sont pas non plus les plus graves en termes de répression. Concernant la détention d’arme chez lui, Guiro en a le droit de par sa fonction, estime un spécialiste de la question. Sur l’accusation de blanchiment, il n’y aurait pas assez d’éléments probants pour le poursuivre. En revanche, sur les trois autres chefs d’inculpation, il y aurait suffisamment de charges pour le confondre.

D’abord l’enrichissement illicite, le plus grave d’entre eux. Il est de nature criminelle et c’est la raison pour laquelle le dossier est à la Cour d’appel, sinon il serait resté au TGI. Le crime d’enrichissement illicite serait constitué dans son cas au regard de ses propres déclarations.

Dès son audition à la gendarmerie, Guiro avait reconnu être le propriétaire des cantines et affirmait que l’argent (près de deux milliards) lui appartient. Il n’aurait pas varié sur ce point.

Comment en tant qu’agent de l’Etat, peut-il justifier cette fortune ?

L’inversion de la charge oblige, c’est à Guiro d’apporter les preuves de son innocence puisqu’il est présumé coupable. C’est là que ça coince pour l’ex-DG. Ses revenus officiels ne peuvent pas lui donner cette manne d’argent. Des informations qui filtrent auprès du ministère des Finances, de septembre 1982, date de son admission dans le corps de la douane, à décembre 2011, le cumul de ses salaires donnait environ 76 millions f CFA. Il a commencé avec 74 434 f cfa et a fini (s’il avait été suspendu de la Fonction publique, ce qui ne serait pas le cas) avec 481 957 f cfa le 31 décembre 2011, la veille de son arrestation. Quant aux primes et ristournes engrangés, ils avoisinaient 430 millions f cfa.

Au total, l’Etat lui a versé environ 506 millions f cfa en 30 ans de service. Ce qui est très loin du milliard 900 millions trouvés dans les cantines chez son neveu et aujourd’hui scellés au trésor. Pour sa défense, Guiro peut se targuer d’avoir fait des investissements qui lui rapportent gros. Mais cette défense pourrait également être un piège. On peut lui demander de justifier l’origine de l’argent qui lui a permis de réaliser ces investissements. Il y a de quoi en effet avoir de sérieux doutes quand on fait la balance entre l’ensemble de son patrimoine qui se chiffrerait à près de quatre milliards et ses revenus légaux. Ses gros investissements se situent dans quatre villes (Ouaga, Bobo, Ouahigouya et Léo) où il aurait injecté 1 milliard 575 millions dont 1 milliard 200 millions dans la capitale.

Ce sont essentiellement des immeubles, villas, alimentations et vergers. Manifestement, il lui est impossible d’amasser une telle fortune avec ce que l’Etat burkinabè lui verse comme salaires et bonus.

En tant qu’agent public, tout autre procédé pour se constituer une telle manne financière (à défaut de l’héritage ou des jeux de hasard) tomberait également sous le coup de la loi. Sur la corruption, le code de la douane est suffisamment clair en son article 37 : « Il est interdit aux agents des Douanes, sous les peines prévues par le Code pénal contre les fonctionnaires publics qui se laissent corrompre de recevoir directement ou indirectement quelque gratification, récompense ou présent. » Or, Guiro n’a jamais nié avoir reçu de l’argent des commerçants et autres sociétés étrangères après des services rendus. Ce sont des services rendus en utilisant les moyens de l’Etat comme par exemple accélérer des procédures de dédouanement, faire escorter des marchandises d’un lieu à un autre avec les moyens de l’Etat, etc. Beaucoup de douaniers auraient aimé que cet article 37 soit modifié ou simplement supprimé. Pour cause, il bat en brèche l’opinion selon laquelle les gratifications et autres cadeaux qu’ils reçoivent après avoir satisfait un client ne sont pas codifiés, donc légaux car tout ce qui n’est pas interdit par la loi est permis. Cet article 37 du code de la douane vient préciser le code pénal dans son article 160 sur la corruption des agents publics.

S’il devait être appliqué, les prisons burkinabè refuseraient du monde. La pratique est tellement entrée dans les moeurs que personne ne s’en offusque, au point que certains hauts responsables du corps semblent oublier même l’existence de cette disposition. Autre lieu commun pour justifier l’enrichissement rapide et spectaculaire des douaniers, c’est l’octroi de primes et ristournes consistants. Là aussi, nos vérifications auprès du service de la douane qui s’occupe de leur paiement nuancent la valeur des ristournes qu’ils perçoivent. Les agents du trésor et des finances gagnent mieux qu’eux.

Autre accusation de corruption dont Guiro aura du mal à se justifier, c’est cette vieille pratique dans le corps de la douane qui consiste à ce que les responsables soient « comblés » de cadeaux et d’argent à la fin du mois par des subordonnés qui ont eu le « privilège » d’être placés à des postes importants ou juteux (comme ça se dit dans leur jargon). C’est une tradition qui a cours depuis longtemps à la douane. Des quotas informels ont été institués en fonction du niveau de responsabilité. Il ressort de ce fait que 10 à 15 millions sont donnés par mois au DG. Il y aurait un quota officieux par direction régionale. Le DG pouvait donc s’en tirer entre 50 et 60 millions par mois. Pour Guiro, cela n’est pas extraordinaire et c’est connu de beaucoup de personnes dans le corps. Pour ces deux chefs d’inculpation (enrichissement illicite et corruption), il risque jusqu’à dix ans de prison et des amendes de plusieurs millions.

Quant à la dernière charge retenue (violation de la règlementation sur le contrôle des changes), c’est encore plus simple à prouver. Guiro a reconnu que les devises étrangères lui appartiennent.

L’article 18 de la loi régissant le contrôle des changes stipule que « Quiconque aura commis ou tenté de commettre une infraction au contrôle des changes sera puni d’une peine d’emprisonnement d’un (1) an à cinq (5) ans, de la confiscation du corps du délit, de la confiscation des moyens de transport utilisés pour la fraude et d’une amende égale au minimum au montant et au maximum au quintuple de la somme ou valeur sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction. » Dans son cas, la confiscation va porter sur la somme d’environ 70 millions au minimum (c’est la valeur en CFA des devises étrangères trouvées dans les cantines) et 350 millions f cfa au maximum (le quintuple de cette valeur). Ne serait-ce que pour ce délit, Guiro échappera difficilement à la condamnation si un jour il est jugé. Son sort est entre les mains du parquet. Après le travail du juge d’instruction que des sources dignes de foi jugent très professionnel, il appartient au procureur général de transmettre le dossier à la Chambre d’accusation. Il n’a cependant aucune obligation de délai pour le faire. Il peut s’asseoir là-dessus comme cela a déjà été fait dans le cas du dossier Salif Kossouka, cet opérateur économique inculpé pour tentative d’assassinat en 2008.

Ayant bénéficié d’une liberté provisoire, ce dernier s’est installé depuis au Bénin. Pourtant, la juge d’instruction aurait fait un travail remarquable. Le dossier Guiro connaîtra-t-il le même sort ?

Affaire à suivre.

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