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L’Observateur N° 8312 du 13/2/2013

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Gassé Galo de Yacouba Traoré : une traversée de l’histoire nationale
Publié le jeudi 14 fevrier 2013   |  L’Observateur


Yacouba
© Autre presse par DR
Yacouba Traoré, Directeur Général de la RTB


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Yacouba Traoré, à travers ce livre, évoque ses souvenirs d’enfance et de journaliste et expose ses méditations sur son métier de journaliste de télévision. Entre anecdotes croustillantes et évocation lyrique du passé, ce livre nous promène dans l’histoire récente du Burkina et les couloirs du pouvoir.

Contrairement à la plupart des mémoires de nos compatriotes dont la plupart vous tombent des mains dès l’entame tant ils sont ennuyeux à force d’autoglorification ou d’entorse à la vérité, ce livre-là, il est impossible de le refermer sans en être venu à bout. Nous l’avons lu d’une traite comme un thriller.

Yacouba Traoré remonte le fil de la mémoire et arpente à rebours l’histoire de notre pays. La petite histoire côtoie ici la grande, les personnalités historiques frôlent les personnages sans épaisseur pour construire un récit vivant où le quotidien donne le bras à l’histoire. Des reportages sont l’occasion d’évoquer les différentes techniques journalistiques et les grands événements historiques ou d’importance pour le Burkina Faso.

Ainsi la mort de Ki-Zerbo ouvre le livre et nous introduit dans la maison TNB tiraillée entre le désir de liberté dans le traitement de l’info et sa peur de déplaire au gouvernement. «Et ton ministre, Yacou, tu l’as informé de ce que nous préparons ?», demande Pascal, son rédacteur en chef. Mine de rien, voilà peut-être la clef qui explique l’inertie de la Ténébreuse.

Passent la mort du Commandant Moumouni, les deux guerres du Mali, l’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre et le livre se clôt sur le difficile parcours de Blaise Compaoré pour se tailler une stature d’homme d’Etat. A côté de ces grands événements, l’auteur raconte sa vie de journaliste, entre misère et grandeur, au cœur de l’actualité, avec ses doutes de jeune militant CDR, sa révolte devant la mort d’un enfant, sa jubilation devant l’incendie de L’Observateur en 1987.

C’est un examen sans concession de son passé, un bilan d’une grande honnêteté, il avoue ses errements et ses erreurs de jeunesse, son intransigeance de jeune révolutionnaire, lui qui vire sa cuti marxiste au lendemain du 15 octobre 1987 et retrouve la foi musulmane. Un chemin de Damas à rebours qui montre que la plupart des révolutionnaires n’en avaient que le vernis et explique la facilité avec laquelle les révolutionnaires d’hier se sont coulés dans le costume de démocrates libéraux après le 15 octobre.

Le récit n’est pas linéaire, c’est un puzzle qui fonctionne comme la mémoire, de manière aléatoire, par sauts de puces et retours en arrière, associations et ellipses. Ce qui donne à ce récit sa saveur de causerie au coin du thé, sa force d’aimantation et sa truculence. Quand il joue les grandes orgues patriotiques, il n’est pas très original tandis que lorsqu’il se laisse aller à gratter la douce corde du souvenir d’enfance, la mélodie est entraînante, on découvre un grand conteur qui a en lui quelque chose de l’humour d’un Kourouma ou d’un Lopès.

De l’ironie à fleur de mot. Yacouba Traoré déploie écriture fluide, économe mais très imagée, presque cinématographique. Ainsi on croit voir et entendre son père et son ami Solomani en train de se raconter l’histoire invraisemblable de la rencontre entre les généraux Sangoulé Lamizana et Moussa Traoré et comment le capitaine Ounsouho Charles Bambara évita que notre président fût capturé par l’ennemi. Il restitue avec saveur les dialogues, les postures, les pauses des deux amis dans la fabrication d’une légende.

Ce livre est un précis de journalisme, un roman de formation et un livre de mémoires. Il a le charme des albums de famille dont les photos en sépia qui réveillent la nostalgie et ramène au jour les figures et les histoires que le temps a estompées.

Fonctionnaire toujours en activité, son exercice de vérité dans la république du secret qu’est le Burkina Faso va certainement faire des vaguelettes. Mais il inaugure un genre qui devrait faire des émules car il est temps d’ouvrir les tiroirs du passé récent pour édifier les jeunes générations. Satisfaire au devoir de transmission du griot moderne qu’est le journaliste africain est un impératif.

Yacouba Traoré est un journaliste de télévision qui a perdu la voix mais avec ce livre, on constate qu’il a compensé cette perte par une plume puissante, belle et exigeante. Il faut espérer qu’il ne la range pas après Gassé Galo et que d’autres œuvres viendront.

Saïdou Alcény Barry

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