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Djibrill Bassolé: «Je demanderai aux jeunes du MPP et de l’UPC de voter pour moi»
Publié le jeudi 26 mars 2015  |  FasoZine
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© Ministère par DR
Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Djibrill Bassolé, conduit la délégation du Burkina à la 69e Assemblée générale de l`ONU à New York aux Etats-Unis




C’est désormais secret de polichinelle: Djibill Yipènè Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères et négociateur dans plusieurs crises sur le contient sera candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2015. Ce commis de l’Etat et serviteur de l’Afrique connu pour sa pondération et son engagement dans les missions républicaines a été l’invité de l’émission «Dimanche Politique» de la Radio Oméga FM qui émet sur Ouagadougou et sa banlieue ainsi qu’à Bobo Dioulasso. Dans une liberté de ton qu’il a toujours affectionnée, celui qui, à la tribune de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) s’est constitué en défenseur de la jeunesse et de la femme, évoque, entre autres sujets, le rôle qu’il a joué dans l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre, ses relations avec les leaders politiques burkinabè. Il parle surtout de sa vision et révèle ses ambitions pour le Burkina Faso, s’il est élu président.

Radio Omega: Les 30 et 31 octobre, quel jeu avez-vous joué?

Yipènè Djibill Bassolé: Je n’ai pas joué de jeu. Les 30 et 31 octobre 2014 j’étais ministre des Affaires étrangères et j’étais aussi officier de gendarmerie. Devant une situation de crise comme celle qui s’est présentée et qui a mis à mal le fonctionnement de l’Etat, il fallait aider à sortir de la crise. Je n’ai joué aucun jeu. De manière transparente, j’ai assisté les Forces de défense et de sécurité dans la gestion de la sortie de crise. J’ai aussi gardé le contact avec le président Blaise Compaoré à qui, comme bien d’autres, j’ai demandé de se retirer du pouvoir afin qu’on puisse réfléchir à la mise en place des organes de la transition. Je me félicite qu’avec les autres camarades nous ayons pu gérer la situation au mieux.

Vous avez demandé le départ du président du Faso le 30 ou le 31 octobre?

Je l’ai fait le deuxième jour.

Pour d’autres vous avez joué un jeu trouble en faisant de sorte que le dispositif militaire ne fonctionne pas le 30 octobre. Vous confirmez cela? Puisqu’en ce moment précis vous étiez encore ministre des Affaires étrangères…

Je n’ai joué aucun jeu trouble. Je ne suis pas dans la hiérarchie du commandement opérationnel. Si j’interviens en tant que personnalité morale, en tant que général de gendarmerie, c’est pour m’assurer que les agents des forces de l’ordre exécutent leur mission dans les règles les plus élémentaires. Maintenant les interprétations peuvent être diverses. Il fallait s’assurer que les forces de l’ordre ne fassent pas usage de leurs armes devant une foule de manifestants aux mains nues. Quel est alors le jeu trouble là-dedans?

Ceux qui ont placé ces éléments à ces postes ne s’attendaient pas à ce que le dispositif ne fonctionne pas comme prévu. Selon certaines sources, vous avez joué pour que les choses ne se passent pas ainsi. Là, ce n’est pas un jeu trouble. C’est un jeu dont tout le monde bénéficie aujourd’hui. Qu’est-ce qui se serait passé si le jour des événements, des forces de maintien de l’ordre avaient ouvert le feu de manière délibérée sur les manifestants? On aurait assisté à un carnage qui aurait plongé le pays dans l’abîme. Le jeu n’est pas trouble ici. Veiller à ce que le maintien de l’ordre se fasse dans les conditions règlementaires, dans le respect des droits de l’homme, protéger cette population qui est descendue dans la rue pour s’exprimer, n’est pas un jeu trouble du tout.

Le cercle restreint de M. Blaise Compaoré trouve que vous avez trahi le camp de l’ex-président. Est-ce que vous vous sentez véritablement dans la position de traitre dans cette situation?

Eux et le président Blaise Compaoré devraient s’en féliciter. Aujourd’hui il est évident que s’il y avait eu une ouverture de feu de façon délibérée sur les manifestants, les conséquences au plan judiciaire auraient été plus graves. Je pense qu’en faisant cela, finalement tout le monde a été protégé. Je n’ai pas été le seul à prendre ces précautions pour que les choses se passent dans de bonnes conditions.

Après les événements vous avez rendu visite à Blaise Compaoré à Yamoussoukro. De quoi a-t-il été question lors de cette visite?

C’est une visite de courtoisie pour m’assurer que les choses se passent bien. De toute façon, dans le rôle que j’ai joué, et que je jouerai probablement pour l’avenir, je me ménage la possibilité de parler absolument avec tout le monde. C’est très important. Ce n’est pas parce qu’une crise est intervenue que je dois m’interdire personnellement de voir X ou Y.

Blaise Compaoré, une fois à Abidjan a posté sur son compte tweeter qu’il pardonne à tout le monde, même à ceux qui l’ont trahi. Est-ce que le général Bassolé s’est senti concerné?

Je ne me suis pas senti concerné, sauf quand le fameux journal a titré que j’avais été le Judas de Blaise Compaoré. Je me suis expliqué. Aujourd’hui encore je vous en donne quelques explications. Je ne regrette pas d’avoir eu l’occasion de jouer le rôle que j’ai joué dans la mesure où je suis persuadé que ce rôle a contribué à un dénouement raisonnable. Il y a eu des pertes en vies humaines mais cela aurait été plus grave. Notre pays aurait pu s’installer dans un cycle de violences et de représailles et finalement dans un chaos qui n’allait servir les intérêts de personne en fin de compte.

Comment a été l’accueil à Yamoussoukro?

Epargnez-moi ces détails. Ce fut un accueil normal, courtois.

Pourquoi vous n’avez pas agi par anticipation en vous opposant à l’envoi du projet de loi à l’Assemblée nationale?

J’étais dans un gouvernement et en général la solidarité gouvernementale est de règle. Démissionner n’est pas la panacée.

Je n’ai pas parlé de démission...
S’opposer à une action gouvernementale c’est démissionner. Je n’étais pas du tout dans cette logique de confrontation, voire d’aller jusqu’à la violence pour nous autres qui avons vocation de servir l’Etat. Je ne parle pas d’une culture de politicien qui anticipe selon ses intérêts et ses positionnements personnels. Je sers l’Etat. Finalement je ne regrette pas cette position que j’ai occupée pour jouer ce rôle pour le plus grand bien de mon pays.

Vous faites partie de ceux que Blaise Compaoré écoutait. Est-ce que vous avez essayé de dissuader Blaise Compaoré dans l’ombre sur le projet?

Ce n’est même pas dans l’ombre que j’ai essayé de dissuader le président Blaise Compaoré de ne pas aller plus loin dans ce projet de révision de l’Article 37. Il vous souviendra que depuis 2011, alors qu’on ne parlait pas forcément de révision de l’Article 37, à ma façon, de manière diplomatique mais officiellement, sur la voix des ondes j’ai attiré l’attention sur le risque qu’on encourait d’enclencher un tel processus et j’ai toujours dit que le président Compaoré ne ferait rien qui puisse être de nature à porter atteinte à la paix et à la stabilité de son pays. On ne peut pas être plus explicite que cela. Finalement il a franchi le pas! Et ce qui devrait arriver arriva.

Vous aviez donné votre parole en son temps. Comment vous vous êtes senti au soir des événements?

Je n’ai pas à mal me sentir. Au contraire, je crois que mes avertissements et le fait que j’ai pu attirer l’attention du chef sur les risques possibles d’un tel projet m’ont donné raison avec le temps. Mais cela n’est pas le plus important. Ce qui l’est, c’est qu’ensemble nous ayons pu gérer la sortie de crise et aussi permettre que les organes de la transition se mettent en place dans de bonnes conditions. Il fallait que les forces de l’ordre jouent correctement leur partition. Il fallait aussi que les forces de défense et de sécurité ne se battent pas pour le contrôle du pouvoir surtout après le départ de Blaise Compaoré. Là aussi, il a fallu s’investir, parler avec tout le monde, parler avec le Régiment de la sécurité présidentielle.
J’ai eu un entretien avec le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida. J’ai eu un entretien avec le général Traoré Honoré. Grâce au respect et à la considération que ces officiers ont pour ma personne, ils ont accepté de mettre balle à terre pour aller vers un apaisement et la mise en place des organes de la transition. Je pense qu’on ne pouvait pas mieux espérer que cela. Pour moi personnellement, je me félicite du fait que les circonstances m’aient donné l’occasion de jouer ce rôle et d’avoir été écouté par tous, y compris le président Blaise Compaoré.

A Dédougou vous avez promis accéder à la requête des jeunes et des structures associatives qui demandent votre candidature. Cette réponse c’est pour quand?

La réponse c’est avant la date officielle du dépôt des candidatures. L’appel des jeunes a été une occasion pour moi de me mettre en orbite. De faire parler de ma candidature, de réfléchir aussi à cette candidature et au projet de société. Un pas a été franchi car, je me suis mis en règle vis-à-vis de l’armée qui stipule que pour aller à des élections, l’officier doit démissionner ou se mettre en disponibilité. Le reste n’est plus qu’une question de calendrier. J’organiserai un forum au cours duquel nous échangerons. Je leur dirai oui, j’y vais! Il me faut dialoguer avec un certain nombre de formations politiques en place pour m’assurer de leur soutien et de leur accompagnement. Une élection se gagne aussi sur des phases opérationnelles. L’accompagnement de partis politiques, sera nécessaire. Il faut gouverner en m’appuyant sur des formations politiques. Bien sûr les jeunes auront une part belle.

D’aucuns pensent que votre système ressemble à celui de Blaise Compaoré pour qui des fora sont organisés pour réclamer la candidature. C’est un scénario à la Blaise Compaoré?

Non vous m’auriez dit que c’est un scénario à la ATT (Amadou Toumani Touré, ancien président du Mali, NDLR) j’aurai compris. Blaise n’a pas procédé de la sorte (pour arriver au pouvoir. Je ne m’inscris pas dans cette logique.

Ce sont les jeunes qui vous ont réclamé?

Oui. Il y a une certaine opinion qui pense à une personne qui a une certaine autorité, un charisme, un plus d’expérience, de relations pour diriger le pays. C’est un honneur pour moi. En m’appelant ainsi, les jeunes montrent qu’ils ont un intérêt pour mon background. Des jeunes peuvent avoir un rêve, des aspirations mais moi avec mon expérience, je sais qu’on ne peut pas aller à de telles échéances sans être beaucoup plus organisé. C’est pour cela que l’accompagnement des partis politiques est indispensable à ce stade.

D’autres pensent que votre candidature a été le vœu de votre épouse, très active dans les organisations de la société civile. Est-ce que cela est exact?

Je ne sais pas d’où vous tirez cela. Je ne suis pas du genre à me lancer dans une telle aventure parce que mon épouse m’y a incité. Elle le sait très bien. Jamais je ne fonctionnerai ainsi. Dans tout ce que j’ai eu comme carrière, les médiations à travers le monde, vous pensez que c’est mon épouse qui m’y a incité? Qu’elle soit dynamique, je le veux bien, mais qu’elle soit celle qui décide de ce que je vais devenir à ce niveau, non!

Pourquoi vous n’avez pas démissionné de l’armée pour vous consacrer à la politique, vous qui aviez demandé une mise en disponibilité?

C’est un choix. La loi précise les deux positions: La démission ou la mise en disponibilité. Pour le général, démissionner ne veux rien dire. C’est un officier qui a atteint ce rang de général. Il est toujours à la disposition de son pays. C’est pourquoi vous avez la première section et la deuxième section (après 70 ans).

Même si je demandais une retraite anticipée, c’est à cela vous faites allusion, je serai toujours reversé à la première section, de toutes les façons. Autant aller vers ce qui est beaucoup plus administrativement à la portée de main en me réservant le droit d’être à la disposition de mon pays. Le nouveau président, qui sera constitutionnellement élu, a le droit, de nommer aux hautes fonctions civiles ou militaires, celui qu’il veut. Il n’ira pas certainement prendre le candidat malheureux pour lui confier l’Etat-major de l’armée ou de la gendarmerie. Je vous ai dit que c’est depuis 1999 que j’ai quitté les plus hautes fonctions de mon corps d’armée. Il n’est plus question pour moi de revenir à des fonctions militaires.

Quels sont vos liens avec vos anciens camarades du CDP?

Nous avons des liens de camaraderie. Je continue de discuter avec les membres de la direction du parti et aussi quelques camarades. Vous savez, le CDP est un parti qui a connu des difficultés. Ce parti n’a certainement pas eu le leadership pour éviter ce qui nous est arrivé, mais le CDP est composé d’hommes et de femmes qui ont travaillé pour le développement de notre pays.

Pour la question du leadership, je ne serai pas complaisant. Il faut que les méthodes changent complètement. Le centralisme démocratique qui était la culture politique doit céder sa place à un système de gouvernance démocratique et transparente. Aujourd’hui, il n’est plus indiqué que les décisions viennent du sommet et la base ne fait qu’exécuter. C’est cette forme organisationnelle qui a amené de graves difficultés. Il faut que les bases soient associées à la prise de décision, à la désignation des candidats, dans les grandes orientations. Que chacun se sente concerné et qu’il y ait une véritable adhésion à toutes les décisions que le parti va prendre.

Vous êtes toujours militant du CDP?

Je fus conseiller du Bureau politique en position de disponibilité. Depuis ma réintégration dans l’armée je ne pouvais plus faire de la politique.

Pour cette candidature avec le Parti NAFA, vous en avez parlé à Blaise Compaoré?
Non! Non ! Je ne l’ai pas fait.

Pourquoi?

Pourquoi vous voulez que je lui parle de ma candidature?

Des personnes voient Blaise comme votre mentor. Ne serait-ce que lui dire que vous êtes candidat?

Que Blaise Compaoré apprécie et décide d’accompagner ma candidature d’une manière ou d’une autre, je ne cracherai pas dessus. En matière électorale, il faut être pragmatique et efficace. Toute voix, toute recommandation, toute influence, tous réseaux qui peuvent aider à avoir des voix sont à prendre. Le fait de m’engager en politique ne doit être assujetti à une quelconque autorisation préalable du président Blaise Compaoré.
Vous n’êtes plus du CDP. Vous êtes sous la bannière d’un autre parti politique. Comment sont vos relations avec les autres camarades politiques notamment le MPP dont les membres ont été vos camarades politiques au CDP? Je précise que je ne suis sous la bannière d’aucun parti.

Et NAFA (Nouvelle alliance du Faso)?

NAFA est un parti qui a été créé et qui se donne pour ambition de promouvoir ma candidature. C’est autre chose. Très probablement si ce parti ne change pas d’avis, à l’occasion de leur congrès, ils appelleront à soutenir ma candidature. Je ne suis pas membre de NAFA. Je ne suis même pas le créateur de NAFA. NAFA comme d’autres partis d’ailleurs, ont de la sympathie pour moi et souhaiteraient m’avoir comme leur candidat à la présidentielle. Je souhaite qu’il y ait d’autres partis qui décident finalement de me soutenir, de m’accompagner. Je serai bien confortable avec une coalition de partis pour porter ma candidature.

Les autres partis c’est pareil. Ce sont des partis qui seront vraisemblablement des partis adverses. Mais ce n’est pas pour autant que nous ne nous parlions pas. D’ailleurs, quand j’ai annoncé, procéder à de larges consultations, c’est bien entendu que je me donnerais l’occasion de parler avec l’ensemble des dirigeants de la classe politique. Nous devons nous parler. C’est ma culture politique, c’est ma vision des choses. Même dans une compétition nous devons avoir la possibilité de nous parler. Il n’y a pas de haine, ni de clivage, ni de conflit. Nous sommes en compétition politique. Je n’ai jamais eu de contentieux graves avec les camarades du CDP, ni avec nos camarades qui se sont retirés pour créer un autre parti, ni avec ceux des partis «traditionnels» d’opposition.

On pourrait s’attendre à ce que vous sollicitiez les suffrages du CDP, puisque Léonce Koné (le président du directoire du CDP) dit qu’il ne voit pas d’inconvénients à condition que vous les approchiez...
Je solliciterai les suffrages du MPP, de l’UPC. Je demanderai aux jeunes du MPP et de l’UPC de voter pour moi. Dans l’adresse que je ferai aux jeunes, j’appellerai tous les jeunes à voter pour moi. Pour moi, il n’y a pas de clivage.

Des auditeurs pensent que c’est mieux de mettre votre charisme à autre chose que de vouloir être président de la République. Que leur répondez-vous?

Je crois que président du Faso est un poste prestigieux qui, justement, mérite d’être occupé par des hommes précieux comme vous le dites. De quoi vous avez peur? La bataille politique? L’échec? Non. L’échec n’est pas déshonorant pour un démocrate. Ne pas gagner n’est pas avilissant. C’est essayer de prendre le pouvoir autrement que par les urnes qui pose problème.

Aujourd’hui, pour mon pays, par rapport à ce que je connais, à l’expérience que j’ai à l’interne et à l’international, je pense que je peux être la solution. Je vous le dis très sincèrement, c’est ce que je ressens et c’est probablement ce que d’autres citoyens ressentent aussi. Le carnet d’adresses sera encore plus valorisé quand je m’adresserai aux partenaires pour dire que je suis candidat et que je suis élu président dans mon pays.

C’est gentil de se soucier de mon image, j’aimerais plutôt compter sur eux que d’être dans la réserve. Je préfère qu’ils m’accompagnent et qu’ensemble nous puissions changer le visage du pouvoir d’Etat, donner au leadership politique une autre manière de faire. J’ai besoin des jeunes, j’ai besoin de tous et de l’implication de toutes les classes de notre société. Le projet d’aller à une compétition présidentielle est noble. Je voudrais que nous puissions rentrer dans le débat utile plutôt que de dire, X a droit, Y n’a pas droit.

Qu’est-ce que X propose comme projet de société? Qu’est-ce que X ou Y s’engage à faire quand il sera élu. C’est ce que les Burkinabè attendent. L’Article 37 ne sera plus jamais modifié. On peut en parler et en tirer des leçons. Il faut, à un moment donné, se retourner vers l’avenir. Je ne suis pas sûr que les jeunes qui sont sortis les 30 et 31 octobre, ils ne voyaient que la modification de l’article 37. Ils avaient d’autres préoccupations. Ils avaient d’autres colères à exprimer conformément à leurs conditions de vie. Il faut qu’on s’y attache maintenant.

Quelles sont vos relations avec les autres chefs d’Etats de la sous-région?

Le rôle de médiateur, de facilitateur que le président du Faso m’a souvent confié a permis d’avoir des relations particulières avec un certain nombre de chefs d’Etat en particulier avec ceux chez qui le Burkina est intervenu comme pays médiateur. C’est un atout. Au niveau international, je suis bien connu en raison de l’état de mes services. Mon pays peut toujours en bénéficier. Je compte mettre tout cela à la disposition de mon pays, avoir d’emblée d’excellentes relations avec les dirigeants de la sous-région, avec ceux du monde et aussi les dirigeants des organisations internationales. Tout cela ne peut que profiter au Burkina Faso.

Vous avez parlé de votre candidature à des dirigeants de la sous-région?

Pas encore d’une manière formelle. Mais je le ferai bientôt. Je préfère régler les choses à l’interne pour m’assurer qu’on a besoin de moi, ensuite j’irai dire à quelques uns que je suis candidat.

Macky Sall du Sénégal qui vous a reçu il y a quelques jours vous ne lui avez pas parlé de votre candidature?
Oui nous avons effleuré la question.

Djibrill Bassolé, est-ce que le temps ne joue pas contre vous?

La compétition est possible dans les délais qui nous restent. Il faut mettre en place une équipe de campagne et entreprendre un travail robuste, une campagne de terrain, de proximité.

Selon certaines informations, François Compaoré n’aurait pas apprécié votre élan vers le fauteuil présidentiel. Quel commentaire vous avez à faire?

Je n’ai pas de commentaire ni de problème particulier à cela. Encore une fois, ce n’est pas à lui de décider de qui va être candidat ou de qui ne le sera pas. S’il veut être candidat qu’il s’annonce. Mais je ne crois pas qu’il soit mieux indiqué pour imposer un candidat d’un parti. Moi je me refuse cela. Je pense qu’il faut que les choses changent complètement dans notre système démocratique. C’est pour cela que je n’attends pas d’autorisation spéciale. Si François Compaoré s’inscrit dans la logique d’un adversaire politique c’est son choix.

Si vous accédez au pouvoir c’est à quel chantier que vous allez vous attaquer en premier au Burkina Faso?

Déjà, je pense qu’il faut solder les comptes et remettre les compteurs à zéro. Il faut régler les questions de justice qui ont été le sous-bassement des tensions politiques et des crises que nous avons connues depuis quelques années. Les grandes questions qui ont bouleversé notre société n’ont pas trouvé un aboutissement heureux. Le sentiment d’impunité s’amplifie. Une partie de l’incivisme que nous connaissons est due à cela en partie. Les citoyens dans leur grande majorité pensent qu’il y a des intouchables, des gens pour qui la justice ne peut rien, la rigueur de la loi ne peut pas s’appliquer à une catégorie de personnes.

Il faut qu’on règle ses questions fondamentales. Il faut que nos concitoyens aient le sentiment qu’il y a une justice qui est la même pour tous et que nous sommes véritablement dans un Etat de droit. Ce faisant, nous rassurerons nos partenaires à l’international et les investisseurs que le système judiciaire du Burkina Faso est fiable et donc ils peuvent venir y être. C’est le premier gros chantier auquel il faut s’attaquer. Avec la jeunesse que nous avons, qui a montré qu’elle existe qu’il faut compter avec elle, régler la question de l’employabilité des jeunes.

Dans le cadre de la justice, on pourrait s’attendre à ce que vous ramenez Blaise Compaoré pour qu’on solde les comptes comme vous le dites?

Ce n’est pas à moi de dire à qui que ce soit de venir. Mon propos c’est de mettre en place des organes judiciaires forts, crédibles et indépendants. C’est de permettre que tous ceux qui ont été victimes puissent ester en justice dans de bonnes conditions et que le droit soit dit. L’Exécutif doit simplement veiller à ce qu’il n’y ait aucune interférence dans les affaires de la justice, qu’il n’y ait pas d’acharnement particulier contre quelqu’un mais aussi sans complaisance ou de protection particulière.

Employabilité des jeunes, la justice pour tous, après ces chantiers vous allez vous attaquer à quoi d’autre?

Si vous vous attaquez à l’employabilité des jeunes c’est un vaste chantier. L’employabilité suppose la création des conditions de travail. Compte tenu de la situation de notre pays qui n’a pas de ressources particulières, et qui est aussi défavorisé par la nature, nous devrons mettre l’accent sur l’homme, sur ce que l’homme peut produire, ce que son génie peut faire. Il faut que cet homme soit en bonne santé et bien formé. Vous voyez par là le programme de santé et celui de la formation qu’il faut mettre en place. S’il y a trois domaines sur lesquels nous devons mettre un accent particulier, c’est l’eau, l’énergie et l’internet.

Il y a la question des mines. Le Burkina est un pays à fort potentiel minier mais malheureusement, une certaine opinion dit que les mines ne profitent qu’à l’élite de la classe dirigeante, sans retombées pour la population. Il y a des incidents graves çà et là. Il nous faut réfléchir à comment accroître l’intérêt de la mine pour les populations. Nous devons favoriser la formation des jeunes burkinabè à tous les emplois possibles que la mine peut créer. Avec les sociétés minières nous devons conclure que les emplois qualifiés soient réservés aux Burkinabè. Nous pouvons nous entendre dans un partenariat gagnant-gagnant. Des sociétés minières sont disposées à nous construire des écoles de haute formation. J’en ai déjà discuté avec un consortium qui est favorable à cela. Nous devons faire en sorte que nos jeunes soient les experts dans tous les domaines de l’activité minière.

Avant tout ce programme vous ne craignez pas qu’il y ait une barrière à votre candidature?

Une certaine opinion soutient une démilitarisation du pouvoir tout en brandissant des textes juridiques…
Non! Non! Je ne crains pas. Je suis légaliste de par ma culture et ma formation. Je pense m’être conformé aux textes en vigueur. Je pense aussi pouvoir jouir d’un droit constitutionnel qui est garanti à tous les Burkinabè. Maintenant vous avez un débat que des adversaires politiques font monter juste pour faire barrage. C’est d’ailleurs très spécifique d’une certaine culture politique. Au lieu d’aller en compétition, on cherche à éliminer l’adversaire en face. Nous avons tellement souffert de ces choses ici. Les mêmes encore veulent continuer dans ces pratiques de nos jours. Allons à la compétition électorale. A partir du moment où je me suis conformé aux lois et règlements, j’ai le droit. Laissons les Burkinabè décider de qui sera le président. S’ils ne veulent pas élire X parce qu’il a un background militaire, c’est la majorité qui aura décidé. Il ne faut pas aller dans ces tentatives d’exclusion qui peuvent créer des frustrations et de tensions inutiles.

Quelle est votre appréciation d’ensemble du processus de la transition?

La mise en place des organes de la transition s’est faite dans des conditions apaisées. Les organes de la transition fonctionnent. Les choses ne sont pas si faciles puisque personne n’a l’expérience de la gestion d’une transition. Mais, ce que je souhaite est que cette transition soit gérée au mieux, de manière impartiale, en toute équité pour que l’ensemble des citoyens des formations politiques qui souhaitent aller en compétition puissent le faire dans les mêmes conditions et dans de bonnes conditions.

Vous êtes un général de l’armée, si vous accédez à la présidence, comment vous allez gérer la question du Régiment de sécurité présidentielle?

La question du RSP sera gérée dans le cadre de la politique de défense que je concevrai et que je mettrai en œuvre. Avec la légitimité que le président élu aura, il est évidemment plus aisé de régler ces questions sans apriori. Le procès qui est fait aux militaires du RSP n’est pas tout à fait juste. Il y a deux choses qui apparaissent: Premièrement, on reproche à ces militaires d’avoir été à l’origine de tous les crimes de sang qui ont été perpétrés dans le domaine politique. Le deuxième reproche, c’est d’être une armée au service de Blaise Compaoré. C’est un peu exagéré. La plupart de ces jeunes militaires n’étaient pas dans l’armée ou n’étaient pas nés au moment où certains faits ont eu lieu.

Il faut simplement que la justice fasse son travail. S’il y a eu des auteurs de crimes, des commanditaires, qu’ils soient isolés, identifiés et condamnés, plutôt que de jeter l’opprobre sur tout un corps de notre armée. Tous les militaires qui sont au RSP, y sont par le jeu normal des affectations. Ce n’est pas une armée clanique. Certains de ces militaires vous diront qu’ils n’ont peut être jamais serré la main de Blaise Compaoré. Ce sont des militaires investis d’une mission. Ils se sont acquittés de cette mission au mieux, jusqu’à ce que le président prenne la décision de s’en aller. Nous, responsables politiques nous devons plutôt les rassurer et les accompagner dans l’attente de leurs nouvelles missions. Il ne serait pas indiqué de jeter ces militaires à la vindicte populaire. Notre pays aura besoin d’eux de par leur savoir-faire, leur technicité. Nous avons souvent voyagé ensemble, je crois qu’on leur prête des intentions qu’ils n’ont pas. Ils sont des jeunes, comme tous les jeunes du Burkina, qui aspirent à servir leur pays et à travailler dans de meilleures conditions.

Votre mot de la fin?

Je voudrais vous remercier de cette opportunité que vous m’offrez. Nous devons tous (tous les acteurs de la classe politique) œuvrer à l’apaisement. Les événements des 30 et 31 ne doivent pas devenir comme une ligne de démarcation entre les bons, ceux qui ont combattu la modification de l’article 37 et les mauvais, ceux qui ont soutenu la modification de l’article 37.

Dans une dynamique de réconciliation, il nous faut tous, regarder vers l’avenir. Sinon il y aurait de grosses déceptions de la part de ceux mêmes qui ont animé ces mouvements insurrectionnels, parce qu’ils s’attendent à des lendemains meilleurs. Aujourd’hui, tous ceux qui ont pris part à ces mouvements s’attendent à mieux. Il est de notre responsabilité, en tant que dirigeants politiques, de leur offrir la possibilité de rêver et de se dire que nous nous sommes battus et les résultats sont intéressants pour nous. Il ne faut pas que notre jeunesse regrette d’être sortie massivement pour demander le changement.

Interview réalisée par Bernard Bougouma- Radio Omega (www.omegabf.net)
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