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L’Observateur N° 8307 du 6/2/2013

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Hôpital de l’Amitié de Koudougou : La pédiatrie, mère de tous les maux
Publié le jeudi 7 fevrier 2013   |  L’Observateur


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© Autre presse par DR
Hôpital de l’Amitié de Koudougou


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‘’Il faut que vous veniez voir dans quel état se trouve le service pédiatrique de l’hôpital de l’Amitié. C’est inconcevable pour une ville comme Koudougou et pour un centre hospitalier régional. Les enfants ne méritent pas qu’on les soigne dans un environnement aussi insalubre’’. Ainsi s’alarmait Corenthin Zan, le dimanche 20 janvier 2013. Il était 19h 21. Son enfant y était hospitalisé mais il avait décidé de quitter ce centre pour Ouagadougou afin de lui offrir un cadre plus propice au recouvrement de sa santé. Mercredi 23 janvier, soit trois jours plus tard, nous nous sommes rendus audit lieu. Et ce que nous y avons vu est indigne et déconcertant. Les bambins méritent mieux.




Il est 9h50, en ce mercredi 23 janvier quand nous arrivons au service pédiatrique du Centre hospitalier régional (CHR) de Koudougou. Il a été construit au milieu des années 80 par la République Populaire de Chine. ‘’Quand les Chinois étaient ici, les soins étaient excellents et l’hôpital était bien tenu. Mais depuis leur départ, la qualité des prestations a régressé’’, a dit Zongo Regma, rencontré aux urgences du CHR. Pour lui, l’hôpital fonctionne comme une clinique, car, avoue-t-il, avant qu’on te prenne en charge, il faut d’abord passer à la caisse. Certes, il y a bien une mission médicale chinoise (de Taïwan) au sein de l’hôpital, mais de l’avis de bien de Koudougoulais, cela n’a rien de comparable avec avant. Bref, retour à nos préoccupations du jour. Mme Pauline Kabré/Kaboré, major au service pédiatrique, qui nous oriente vers la directrice par intérim du service, Dr Marie Solange Ouédraogo. Celle-ci nous donne l’autorisation de faire notre travail.

Salle n°7, sans que le choix ne soit vraiment motivé, nous décidons de commencer notre ronde par celle-ci. Huit (08) enfants occupent les sept lits qui y sont disposés. Les mères, pour certaines, partagent la couchette avec leur rejeton. Deux bébés sont même placés sur la même couchette. Plus tard, au fil de notre tournée, nous constaterons que cette situation n’est pas un cas isolé. ‘’Nous n’avons pas le choix. On n’a pas suffisamment de lits ni de matelas. Et ceux dont nous disposons sont dans un état piteux’’, lance une infirmière. Dans presque toutes les salles, les lits qui sont pourvus de matelas sont brinquebalants et grinçants à souhait. Et que dire des matelas eux-mêmes ? Défoncés, sales, usés. Dans une des chambres, des matelas ont perdu leur toile aux deux ou trois quarts. Mais nous n’étions pas au bout de notre étonnement. Dans la salle 8, on n’a pas trouvé mieux pour couvrir le matelas qu’un vulgaire sac en jute, comme ce dont on se sert pour conditionner les céréales. Et dessus, est assis un enfant d’à peine cinq ans, le regard perdu, indifférent à ces gens qui s’agitent autour de lui. Les salles 5 et 4 connaissaient la même pléthore de patients par rapport au nombre de lits disponibles. Et les occupants qui peuvent piquer de petits sommes avec les nourrissons sur les lits d’une place, sont mieux lotis que ceux de la salle 3 avec ces petits lits pour bébés.




Inconfort et insalubrité



La salle 6 n’a que quatre lits dont deux petits. Quatre malades se partagent ces couchettes. Mais les jours d’avant, il y avait plus de patients. ‘’Nous sommes là depuis trois jours. On était deux sur ce lit, mais d’autres y étaient à trois. Ça va maintenant car, hier on a libéré certains. Ce qui fait qu’on a un peu plus de place’’, confie une dame, serrant dans la main gauche la solution glucosée qu’elle maintient levée afin de permettre son écoulement. Car, bonnes gens, dans la plupart de salles, les potences font défaut. De nombreux parents sont obligés de tenir les bonbonnes et les maintenir en l’air. C’est dire l’inconfort dans lequel se trouvent ses parents. Et à cela s’ajoute l’insalubrité ambiante qui règne dans les salles d’hospitalisation. Du reste, la responsable par intérim de ce service, Dr Marie Solange Ouédraogo, confie qu’en un an de présence, elle n’a jamais vu ce service désinfecté. Chose qu’elle juge inadmissible. Mais comment comprendre qu’un service sanitaire, avec la prolifération des germes et des microbes, puissent taper un an sans une désinfection totale des locaux, avec en sus des lits sans matelas, des matelas sans housse, le chiffon nu, s’effritant et noir de crasse ou couvert de sacs d’emballage ? C’est dire les risques d’infections nosocomiales auxquels sont exposés les agents traitants, les malades, les accompagnateurs et les visiteurs. ‘’Les problèmes que nous vivons ici, les patrons et les autorités en sont informés. Votre reportage ne pourra rien changer. Ils viennent chaque fois nous demander de recenser nos besoins. Nous le faisons et ils ne font jamais rien’’, martèle une infirmière, refusant catégoriquement de nous dire son nom ou de se laisser photographier ; ‘’Je ne veux pas de problème’’, prévient-elle. Et d’ajouter que l’absence de service social fonctionnel fait que souvent, les agents regardent souffrir des enfants et leurs parents incapables d’honorer les ordonnances qu’on leur tend. ‘’Ici, on n’a pas l’impression d’être dans un service de santé. Figurez-vous qu’on n’a pas de toilettes. Ni pour les malades, ni pour le personnel. Pour un besoin pressant, on se rend à un petit coin discret afin de se soulager’’, conte un stagiaire. ‘’Pour nous les filles, on est obligée de regagner la maison ou de serrer les cuisses’’, renchérit une de ses collègues.




On partage les germes et les maladies



Cette scène que nous avons vécue ‘’en live’’ dans la salle 6 est illustrative du danger que représente le fait de mettre plusieurs malades sur le même lit. Alors que nous photographions Diemé Catherine partageant, avec son garçonnet de 14 mois souffrant de diarrhée et de vomissements, un lit d’une place avec une autre femme et son enfant, le bébé de cette dernière se met à pisser et c’est Diemé Catherine qui reçoit les urines. Elle nous prend à témoin et précise que c’est chaque fois ainsi. Soit c’est elle qui est mouillée, soit c’est son bébé. ‘’Je n’apprécie pas cet état de fait. Mais comme je n’ai pas le choix, je fais avec’’, dit-elle avec des soupirs. Avec des bambins hospitalisés à deux ou trois sur le même lit, de petite taille, de surcroît avec des pathologies différentes, on ne peut trouver meilleur canal pour ‘’démocratiser’’ les maladies (lire interview du Dr Marie Solange Ouédraogo). ‘’Maintenant même ça va. Pendant la période de méningite ou pendant la saison pluvieuse avec les poussées palustres, nous nous retrouvons avec quatre ou cinq enfants par lit.

Dans ces conditions, on va à l’hosto pour une maladie et on en ressort avec deux ou trois autres’’, avoue une infirmière qui a préféré aussi garder l’anonymat. A côté, un couple profère des invectives au personnel qui l’a déplacé d’une salle où il occupait un lit sans matelas pour l’installer sur un petit lit pour nourrisson dans une autre salle. La poche de serum soulevée, le mari, flanqué de son épouse, a ramené le bébé dans la salle, sur le lit sans matelas, le sommier en ressort métallique juste couvert d’un manteau, sûrement appartenant à l’homme. Devant notre étonnement, il nous explique : ‘’Oui, sur ce lit il n’y a pas de matelas, mais on peut de temps en temps nous y reposer quand on est fatigué. On ne va pas rester tout le temps de notre hospitalisation debout quand même ? De toute façon, c’est la santé qu’on est venu chercher, pas le confort’’. Contre mauvaise fortune...

Alassane Kaboré, venu du secteur 6 de Koudougou avec son garçonnet de neuf mois souffrant de diarrhée et de vomissements, ne tarit pas d’éloges à l’endroit des agents du service de pédiatrie de l’Hôpital, car, selon lui, malgré le manque de matériel, ils sont dévoués et les soins sont bien administrés. Il indexe la mauvaise qualité des lits et estime qu’ils doivent être remplacés. Il faut dire que la quasi-totalité des personnes que nous avons interrogées a apprécié le dévouement et le sens de l’accueil du personnel. ‘’Nous sommes hospitalisés voilà huit jours. Quand ma femme est arrivée avec notre enfant, les soignants ont fait les premiers soins. Quand je suis arrivé après je les ai remboursés’’, témoigne Abel Yaméogo, précisant qu’il n’a rien à reprocher au personnel de la pédiatrie.



On n’a pas senti le 11-Décembre ici



Valentin Maré, administrateur civil, ne cache pas sa joie de pouvoir quitter ce coin mal tenu. Leur enfant y a été admis le 21 janvier dernier pour diarrhée, vomissements et fièvre. Maintenant au dos de sa mère qui a esquivé l’objectif de notre appareil photo, le bébé se porte visiblement mieux. Pour le père, les chambres ne sont pas commodes, sont exiguës et vétustes. Ils partageaient leur lit avec un autre patient. Il a trouvé les conditions de séjour très dures. Son souhait, c’est que l’Etat travaille à décongestionner nos formations sanitaires et permette au personnel soignant de servir dans de meilleures conditions.

Assis en groupe sous un hangar aménagé pour le personnel et les visiteurs, des élèves stagiaires ne cessent de dépeindre les rudes conditions dans lesquelles évolue le personnel. L’un d’eux ne cache pas sa préférence à travailler dans les zones rurales ou semi-urbaines. Car, selon lui, les conditions et les infrastructures y sont parfois meilleures. ‘’On ne peut pas comprendre qu’un hôpital à vocation régionale dans une ville comme Koudougou, prétendument 3e ville du pays, ait un service de santé aussi démuni’’, se lamente un stagiaire. Un autre, assis à côté, insiste : ‘’On n’a pas senti le 11-Décembre ici au CHR. Avec les milliards qui ont été investis, rien n’a été injecté à l’hôpital’’. Il dit ne pas comprendre que l’établissement ne puisse pas avoir de simples matelas pour les patients, surtout pour les bébés de la pédiatrie, qui sont très fragiles et peu résistants aux microbes et à l’insalubrité. ‘’Les mômes ne méritent pas ça. Et je me demande si les autorités vont accepter de coucher leurs enfants sur ces lits’’, fait remarquer, amer, Alassane Kaboré.

Valérie Kansolé est élève stagiaire en 3e année de formation des sages-femmes d’Etat. Comme elle, nombreux sont les élèves stagiaires qui se sont prêtés volontiers à nos questions. Leurs motivations, malgré les risques de sanctions ou de tracasseries auxquels ils sont conscients de s’exposer, c’est que cela puisse interpeller les décideurs et les bonnes volontés et que les choses changent dans le bon sens. ‘’Les agents de santé font bien leur travail, mais ils éprouvent de sérieuses difficultés. Les conditions ne sont pas réunies pour qu’ils fassent correctement leur boulot. Les accessoires de traitement manquent. Souvent, les soignants cherchent en vain de simples potences pour accrocher les solutés. Parfois, on manque même de gants. Les matelas ont besoin d’être remplacés’’, confie Valérie Kansolé. Sur ce problème de matelas, au cours du bilan de l’organisation du 11-Décembre, les responsables des comités national et régional d’organisation ont confié à la presse que les matelas pour les défilants allaient coûter 100 millions. Alors 100 millions pour assurer le confort de grandes personnes juste pour quelques jours. Est-ce la mer à boire que de doter le CHR de Koudougou de quelques dizaines de matelas pour la survie des patients ? A cette conférence de presse, on nous a appris que les matelas sont toujours entreposés à Koudougou et que leur déplacement à Dori, qui doit abriter le 53e anniversaire de l’indépendance, coûtera encore de gros sous. Alors si on retirait quelques couchettes pour un service public, ça compromettrait la fête à Dori ?

Dans tous les services c’est presque pareil

Frédéric Kaboré, élève stagiaire en 3e année IDE, a fait son stage dans presque tous les services de l’Hôpital de l’Amitié de Koudougou. Il est mieux placé pour donner un aperçu général des conditions d’administration des soins de santé. Mais son témoignage tend à prouver que les conditions exécrables du service de pédiatrie ne sont pas un cas isolé. ‘’J’ai fait deux mois au niveau de la chirurgie et les infirmiers rencontrent beaucoup de difficultés dues, entre autres, à l’absence des produits de première nécessité. Souvent, les ambulanciers envoient des accidentés ou des malades dans un état critique et il n’y a rien pour administrer les soins d’urgence. Parfois, pour des gants, du coton ou de l’alcool, on est obligé de prescrire une ordonnance. En médecine générale, il manque le plus souvent le matériel de première nécessité’’, raconte Frédéric Kaboré. Ces craintes, concernant la pédiatrie, c’est qu’à partir du mois d’avril, les agents ne soient obligés de mettre trois, quatre ou cinq enfants par lit. Ce qui, du reste, arrive souvent en ces périodes, selon certains agents. ‘’Les enfants n’ont pas les mêmes infections. Alors s’ils sont plusieurs sur le même lit, avec des infections différentes, ils risquent de se contaminer mutuellement’’, fait-il remarquer, dénonçant le fait que des gamins meurent par manque de sang pour la transfusion. Il interpelle les autorités à résoudre les problèmes de dénuement des formations sanitaires car, insiste-t-il, ‘’c’est parce que lorsqu’on est en bonne santé qu’on peut travailler à développer le pays. Les patients nous accusent de ne pas vouloir nous occuper d’eux, alors qu’en réalité, on n’a pas le minimum pour intervenir’’.

Et un parent d’enfant malade de conclure par cette tirade : "Vous savez, on a parfois l’impression que nos gouvernanants qui ne se soignent pas dans nos hôpitaux publics, ne savent pas vraiment ce qui s’y passe. Ils viennent parfois, parlent beaucoup, font semblant de s’apitoyer et s’en vont sans que rien ne change vraiment. Quand on voit d’ailleurs l’argent qu’ils ont gaspillé lors des dernières élections dont une bonne partie pouvait être beaucoup plus utile ici ou ailleurs...".



Cyrille Zoma

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