Joël Ouédraogo, élève en classe de 4e au groupe scolaire St-Viateur, n’avait que 15 ans quand il a été arraché à l’affection des siens le 30 janvier 2013, juste devant le portail de son établissement. Frappé à la tête avec une bouteille par une horde d’élèves particulièrement violents, membres d’un gang dénommé «la ville du crime» qui obligerait les élèves à observer un mouvement de grève, le 29 janvier dernier, il rendra l'âme quelque temps après.
Joël aurait eu 15 ans le 28 février prochain. C’était un garçon frêle, particulièrement attachant, travailleur, discipliné et très constant dans l’effort. Bref il était promis à un bel avenir, selon le père Céraphin Ouédraogo, directeur général, clerc du groupe scolaire St-Viateur, établissement scolaire catholique réputé pour sa discipline et ses bons résultats scolaires. Pour des raisons de proximité géographique, il avait quitté ses parents au quartier Kologh-Naaba un peu distant de son établissement, pour allez vivre chez son oncle à Dassasgho où son école se trouve.
Joël a eu le malheur le mardi 29 janvier d’être au mauvais endroit au mauvais moment, puisqu’il fut frappé à la tête avec une bouteille de bière dont son agresseur, un certain Kévin, alias Vinké Marley, venait juste de vider le contenu. Ce dernier serait à la tête d’un gang, au nom suffisamment évocateur de «la ville du crime», formé d’une nouvelle race d’élèves qui ne brillent pas par leurs résultats scolaires mais plutôt par leur violence et leur sainte horreur de l’école et qui ont fait des grèves et manifestations scolaires leur sport favori.
Selon différents témoignages recueillis sur place, ce garçon dont le défunt père était fortuné, est loin d’être un enfant de chœur et utiliserait les ressources familiales pour asseoir son autorité sur le groupe, lequel lui obéirait au doigt et à l’œil. Il aurait fréquenté beaucoup de lycées et de collèges et a toujours été renvoyé pour indiscipline et violence.
Le dernier où il a été renvoyé en octobre 2012 était le lycée Bangré, où il reprenait la classe de 3e pour la cinquième fois. En outre, il aurait été interpellé à plusieurs reprises pour saccage et destruction de biens publics et privés suite à des manifestations de scolaires et, comble de l’infamie, battrait de temps à autre sa mère. Lui et sa bande s’abimeraient dans l’alcool, et le tabac, voire la drogue, et sont passés maîtres dans l’art de semer le trouble dans les différents établissements scolaires en obligeant les élèves par tous les moyens à observer des grèves souvent sauvages.
Portail défoncé
Pour revenir au drame du 30 janvier, tout a commencé le 24 janvier dernier lors de la manifestation des élèves contre l’instauration d’un sujet unique aux différents examens scolaires. Un groupe de manifestants, probablement celui de Vinké Marley, muni de sifflets et de klaxons assourdissants est arrivé au St-Viateur en provenance principalement des établissements scolaires Ephata et Bangré, et a exigé que l’on suspende les cours. Ils auraient même défoncé le portail. Après quoi, selon le Clerc du groupe scolaire, ils ont posté les images du portail défoncé sur le réseau social «facebook» avec ce commentaire suivant : «Voici ce que devient le St-Viateur après notre passage». Puis le mardi 29 janvier, les chenapans sont revenus aux environs de 9 heures pour exiger de nouveau l’arrêt des cours. Ce jour-là, ils étaient particulièrement excités, visiblement sous l’emprise de stupéfiants. C’est dans cette ambiance qu’un élève du nom de Yacine Ouédraogo a été poignardé à la lèvre inférieure avec un tournevis puis frappé au visage avec une bouteille. Il sera transporté d’urgence dans un centre hospitalier. Les agresseurs, qui avaient manifestement prémédité leur coup, n’avaient pas de cahiers, de stylos ou de bouquins dans leurs sacs mais plutôt des barres de fer, des machettes, des bouteilles, des canifs et des sachets remplis d’essence avec bien entendu des briquets : Le prototype parfait des hooligans.
Très vite, la situation dégénère, les altercations sont légion et le clerc directeur général de l’établissement libère les élèves. La horde replie alors non loin de là dans un maquis. Après l’accalmie, les pensionnaires du St-Viateur retournèrent en classe autour de 10 heures. Mais c’était compter sans la détermination de la bande à Vinké à en découdre.
Allô, police !
11 heures et demie, la horde déferle de nouveau sur le lycée cette fois-ci, ils ne font pas dans la dentelle : ils tailladent le chauffeur de l’établissement qui tentait de les raisonner. Un autre infortuné, un élève du collège de la Salle qui était venu voir un de ses amis vers midi, est lui aussi poignardé à plusieurs reprises avec des tessons de bouteille. Dès cet instant, le directeur de l’école déclare avoir alerté pour une première fois les forces de l’ordre, précisément le commissariat de police de Bogodogo, puis deux autres fois. L’éducateur principal de l’établissement lui aussi au moins appelé trois fois mais la police se faisait toujours attendre. Certains élèves attendaient leurs parents pour rentrer. C’est dans ces circonstances que, selon une élève témoin oculaire du drame, Vinké Marley et sa bande sont revenus peu avant 17 heures, plus furieux que jamais. Le chef de gang aurait alors intimé l’ordre à tous ceux qui étaient encore présents de disparaître à son premier clignement d’œil. Dans la débande qui s’en est suivie et pour mettre sa menace à exécution, il est descendu de sa moto et avec la bouteille de bière qu’il venait de vider quelques instants plus tôt, il frappa l’infortuné Joël Ouédraogo. Le garçon s’effondra sur le coup tandis que la bande démarrait en trombe. Il sera transporté d’urgence par les responsables de l’établissement scolaire à la clinique Frany. Son cas est critique, il est alors transféré à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo où il finira par rendre l’âme dans la soirée du mercredi 30 janvier par suite de traumatisme crânien. Joël Ouédraogo a été inhumé le lendemain 31 janvier au cimetière de Kamboinssin. Les autorités de tutelle, notamment le directeur régional de l’Enseignement secondaire, a suivi de bout en bout le fâcheux événement. Mieux, le Premier ministre a envoyé une délégation présenter ses condoléances à la famille et l'a soutenue financièrement selon le père Céraphin Ouédraogo, clerc de l’établissement, et une plainte contre X a été déposée auprès du procureur du Faso par la direction générale du groupe scolaire Saint-Viateur. Les cours sont suspendus depuis au St-Viateur et une cérémonie d’hommage à Joël est prévue ce matin dans l’enceinte de l’établissement.
Toutes nos démarches pour comprendre le retard accusé par la police, qui avait pourtant été alertée pour la première fois à 12 heures mais qui n'est arrivée qu'à 17 heures passées, après que le drame s'était produit, sont restées vaines. Nous n'ignorons s’il y a eu ou pas des interpellations après la course-poursuite consécutive à son arrivée sur les lieux.
