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L’Observateur N° 8301 du 29/1/2013

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Côte d’Ivoire : Abidjan entre peur et espoir
Publié le mercredi 30 janvier 2013   |  L’Observateur




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A première vue, quiconque débarque en ce premier mois de 2013 à Abidjan constate la normalité des activités. Pourtant prenez un taxi et échangez avec son conducteur, bavardez avec un partisan du FPI ou du RHDP et vous constaterez que les avis divergent sur la conjoncture nationale ivoirienne. Promenez-vous la nuit, et vous serez frappé par la kyrielle de patrouilles conjointes FRCI-policiers. A l’évidence, tout n’est pas totalement tranquille au bord de la lagune Ebrié. Il faudra encore du temps, de la justice, de la vérité et la paix des cœurs pour que la peur s’estompe ; que l’espoir l’emporte ; et que l’impressionnant redécollage économique qui saute aux yeux, ne soit plus parasité par les itératives violences postcrise.


En cette mi-janvier 2013, Abidjan respire un brin, et panse ses plaies sur fond de deuil. Le 1er janvier à l’aube, 63 personnes, dont 14 Burkinabè (lire vu et entendu) venues au Plateau pour contempler de superbes feux d’artifices à l’occasion de la Saint-Sylvestre, ont rencontré la grande Faucheuse au détour d’une bousculade. Les résultats partiels de l’enquête diligentée par les autorités, incriminent le caractère contigu des lieux et l’insuffisance des forces de l’ordre.
Ce pathos qui est venu s’ajouter aux attaques dont la capitale économique et bien d’autres localités ivoiriennes sont sporadiquement les cibles, a rappelé à souhait que la bataille contre l’insécurité est loin d’être gagnée, et a ravivé dans les esprits ce que les Abidjanais qualifient d’un «syndrome de Noël».
En effet, depuis le coup d’Etat du général Robert Guéi ce 24 décembre 1999, les habitants de la capitale ivoirienne vivent dans une relative psychose chaque fin décembre, craignant un remake, ou tout le moins l’avènement de quelque malheur. Crainte d’autant plus avérée que le 21 décembre dernier, deux camps militaires ont fait l’objet d’attaque.
Ces événements malheureux, violences résiduelles consubstantielles hélas, à la longue crise dont le pays peine à émerger totalement, viennent montrer, s’il en était encore besoin, que le combat contre l’insécurité sera de longue haleine.
Après une décennie de cahotement politico-institutionnel et une grave crise post-électorale de plusieurs mois, le nouveau pouvoir est confronté à des violences inexpliquées : attaques répétées de casernements, incendies émaillant le quotidien des Abidjanais.


Patrouilles conjointes FRCI-Police


«Les partisans de Laurent Gbagbo veulent nous pourrir la vie», entend-t-on mezza voce du côté du pouvoir. «Nous n’avons pas besoin de ces attaques, nous sommes des démocrates», répondent en chœur les Rénovateurs (Partisans de Gbagbo). Et le FPI d’égrener un long chapelet de massacres et d’attaques non encore élucidés qu’il met sur le dos des partisans d’Alassane Ouattara.
Ainsi en serait-il des hécatombes de Nahibly, ressassées régulièrement par les Frontistes : le 20 juillet 2012, au camp de Nahibly, placé sous tutelle des casques onusiens, des autochtones Wê ont été tués, et selon le FPI, les autorités préfectorales du département de Duekoué n’ont pas levé le petit doigt pour empêcher ce massacre. Vrai ou faux ? En tout cas, les partisans de Gbagbo le clament haut et fort.
Le président Ouattara, conscient de la situation, a donné des consignes fermes que suit à la lettre son sécurocrate en chef, Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, qui aime à rappeler en leitmotiv que : «Nous ne laisserons pas la chienlit s’installer». C’est donc la sécurité maximum à en juger par la permanence des patrouilles conjointes FRCI-Police à travers la grande métropole.
La nuit, ce sont des quasi check-points qui jonchent toutes les artères surtout aux sites névralgiques tels la RTI, les ponts De Gaule et Houphouët. Policiers et éléments FRCI procédent aux fouilles dans les règles de l’art.
De temps à autre, on entend aussi cette phrase que comprennent les habitués : «Mon frère, on est là depuis longtemps, il faut voir…». Traduction : une pièce de 200 F CFA ou un billet de 500 F CFA sont sollicités par les patrouilleurs, l’arme en bandoulière.
Sécurité ne rimant pas avec mollesse, pour de nombreux analystes politiques, Alassane Ouattara se trouve tenaillé par ce dilemme cornélien : faut-il sévir au risque de se mettre à dos les activistes des droits de l’homme ou laisser la situation pourrir ?
C’est là un des autres chantiers sur lesquels le locataire de Cocody est beaucoup attendu.
«Aujourd’hui, la justice ivoirienne est sur la sellette ; elle est celle des vainqueurs, aux ordres, sélective», ne manquent pas d’éructer les partisans de Gbagbo. Comment rendre justice tout en appelant à la réconciliation ?
Certes, Alassane a multiplié ces derniers mois des signes de bonne volonté en tendant la main à l’opposition. C’est dans cette optique que Ahoussou Jeannot, ex-PM, a été nommé le 9 janvier 2013, ministre d’Etat auprès du président de la République.
Pour les habitués du microcosme politique ivoirien, ce fidèle de Henri Konan Bédié, sera chargé de négocier avec l’opposition, notamment avec le FPI qui renâcle à participer aux rencontres avec le gouvernement pour une sortie de crise définitive. Déjà pour les législatives partielles du 3 février et celles régionales et locales de fin février reportées sine die, le FPI freine des quatre fers quant à sa participation.
Selon le docteur Richard Kodjo, SG du FPI (NDLR : ex-ambassadeur de Côte d’Ivoire au Burkina Faso), le FPI n’est pas souvent convié aux réunions du cadre permanent de dialogue (CPD), l’instance créée pour ces échanges pouvoir-opposition. Une position qui s’est néanmoins assouplie le 22 janvier 2013, puisque ce jour-là, une rencontre Pouvoir-FPI s’est tenue, et 4 commissions créées auparavant, doivent accoucher prochainement d’un document commun qui sera le référentiel pour les futures discussions. En ligne de mire : amener le parti frontiste à participer aux prochaines échéances électorales. «Nous voulons en tant que filles et fils de ce pays regarder dans la même direction… nous ne voulons plus nous regarder en chiens de faïence», a d’ailleurs laissé entendre le même docteur Richard Kodjo, au sortir de cette réunion.


Ouattara entre le marteau de la justice et l’enclume de la réconciliation


On aura constaté aussi que Charles Konan Banny, le président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) s’échine à faire avancer la machine de la concorde. Le 9 janvier courant, seulement 23 commissions locales sur 36 au total ont été installées et les dépositions débuteront en mars 2013.
Soit. Mais en même temps, il est clair comme un nez propre sur un visage crasseux que les nombreuses arrestations opérées dans le camp des vaincus alors que dans celui des vainqueurs, personne ne semble jusque-là inquiété, fondent les Gbaboïstes à crier à la justice sélective.

Ainsi, les Simone et Michel Gbagbo, Lidia Kouassi et tutti quanti croupissent en prison, auxquels il faut ajouter le célébrissime Charles Blé Goudé, le chef des jeunes patriotes extradé d’Accra depuis le 20 janvier courant.
Alors que personne du Adoland n’a jusqu’à preuve du contraire eu maille à partir avec la justice. Ce qui donne du grain à moudre à ceux qui parlent de justice à géométrie variable.
Mais si sur les plans de la sécurité et de la réconciliation, l’actuel pouvoir ahane comme Sisyphe avec son rocher à trouver des solutions idoines, sur celui de la reconstruction, c’est le quasi sans faute .

des milliards comme s’il en pleuvait ;
le Programme national de développement (PND), l’équivalent de notre SCADD au Burkina Faso que dirige le ministre d’Etat, Mabri Toikeuse est la matrice de l’émergence que vise la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara à l’horizon 2025. Les 4 et 5 décembre 2012 à Paris, c’est 4 300 milliards de FCFA que les bailleurs de fonds institutionnels ont consenti à donner au pays d’Houphouët-Boigny. Toutes choses qui font que la Côte d’Ivoire est de nos jours, selon les spécialistes, financièrement solide.


Bientôt PPTE

Il y a quelques mois de cela, les 24 et 25 juin 2012, le FMI et la Banque mondiale ont approuvé l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) par la Côte d’Ivoire. Dans la foulée, ses créanciers, notamment ceux du club de Paris ont annulé sa dette de plus de 99%, soit la somme de 3 248,3 milliards de F CFA. La France, à elle seule a délesté le pays de 1 324 milliards de F CFA dans le cadre du contrat de désendettement-développement (CDD).

Grâce à toutes ces ressources dégagées, la Côte d’Ivoire revoit grand comme du temps du père de la Nation. Les chantiers poussent comme des champignons : 3e pont (qui désengorgera le trafic Cocody-Marcory) dénommé Henri Konan Bédié, dont la livraison a été exigée pour Noël 2014 par le Premier ministre, Kablan Duncan le 12 janvier dernier lors de la visite du chantier ; le barrage de Soubré projet vieux de 3 décennies, grâce au concours de la Chine qui a «casqué» 239 milliards sur les 331 chiffrés pour sa construction.
En visite à Abidjan du 6 au 9 janvier 2013, la directrice du FMI, Christine Lagarde, a salué les performances du pays, à ce presque mi-mandat du président Alassane Ouattara : «Quand on regarde les -5% de 2011 et les 8,5%, au moins pour l’année 2012, on constate que les résultats sont au rendez-vous», dira-t-elle, au sortir de son tête-à-tête avec le n°1 ivoirien.
Une situation que pour des raisons partisanes, tente de relativiser le FPI qui évoque le surendettement de la Côte d’Ivoire qui, selon ce parti, est passé de 5 670 milliards en 2010 sous Gbagbo à 10 mille milliards de F CFA sous Ouattara.

En tout cas 20 mois après son arrivée au pouvoir, Alassane n’a pas encore rassuré totalement tous les Abidjanais, et même ceux de l’intérieur du pays. Une paix fourée semble planer sur la capitale ivoirienne, et si les activités semblent se dérouler normalement, il faudra du temps, et une accalmie de longue durée pour rasséréner véritablement les populations toujours hantées par les fantômes de la tragique parenthèse post-électorale.
Mais le peuple ivoirien a les ressources et les ressorts nécessaires. Pourvu que les vieux démons ne se réveillent pas.



Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

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