Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article



 Titrologie



Le Pays N° 5284 du 24/1/2013

Voir la Titrologie

  Sondage


 Autres articles


Comment

Politique

Représailles contre des communautés au mali : savoir faire la part des choses
Publié le vendredi 25 janvier 2013   |  Le Pays




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

On le craignait, mais il fallait, avec l’intensification de la guerre au Nord-Mali, s’y attendre : les règlements de comptes, les représailles se multiplient contre certaines communautés. La guerre que les djihadistes ont déclarée au Mali constitue pour ce pays une expérience historique terrible, car elle ébranle les fondements séculaires de la société malienne. Cette guerre exile chaque Malien de lui-même. A tel point qu’une fraction minoritaire au sein du peuple malien cède, avec facilité, à la chasse aux « ennemis intérieurs », aux suspects, accusés d’être des apatrides. Et, il faut craindre que cette fraction ne cherche à manipuler les populations, pour les amener à faire « une guerre dans la guerre ». Reconnaissons-le, les communautés touarègue et arabe du Mali vivent actuellement dans la peur, la détresse et sont envahies par des sentiments de honte et de culpabilité. Elles sont victimes de menaces, de représailles et de violences. Il est vrai, dans l’histoire de l’humanité, toutes les guerres ont toujours entraîné la montée de graves tensions intercommunautaires.

Ainsi, la coexistence pacifique devient du coup problématique. Dans une telle configuration, le délire guerrier qui s’empare des foules peut aller jusqu’au meurtre d’innocents. Il constitue une menace mortelle pour toute Nation, et pour tout Etat. Pourtant, dans le cas du Mali, il est bon de rappeler que ce pays est une mosaïque ethnique et culturelle, et c’est ce qui fait sa richesse et sa grandeur. Aucun groupe ethnique ne doit donc être contraint, de surcroît par la violence, à quitter sa terre natale. La méconnaissance de l’autre, la terreur physique et mentale, le mépris d’autrui, le repli pseudo-nationaliste ne doivent, en aucun cas, être la loi du monde. Soulignons que le Mali n’est pas engagé et ne livre pas une bataille contre ses propres minorités. Le peuple malien doit savoir faire la part des choses. Il faut comprendre la solitude existentielle des communautés touarègue et arabe. Et, cette guerre ne doit pas servir de prétexte à l’expression des instincts les plus brutaux, accentuant la conscience du malheur chez un peuple déjà blessé dans son âme. Car, il existe un risque de divorce réel entre les différentes communautés vivant au Mali. Ce risque est alimenté par le brouillard de la généralisation, de l’amalgame et des raisonnements simplistes et primaires. Et, la conviction de certains Maliens d’avoir subi une situation injuste et tragique de la part du MNLA et des djihadistes peut les conduire à la haine et déboucher sur des attitudes irrationnelles. Non, ce grand peuple doit éviter d’installer la haine au centre de son panthéon existentiel.

Et cela, sans nier le douloureux traumatisme qui l’habite. Le Mali a l’obligation de se défendre contre les envahisseurs djihadistes, tout en songeant à préserver ses valeurs morales et ethniques, ciment de son unité nationale. On attend ici des organisations des droits de l’Homme, des leaders religieux et communautaires qu’ils jouent pleinement leur rôle face à ces dérapages tragiques entre Maliens. Certes, le pays doit penser à son présent, mais aussi et surtout préparer son avenir. Les Maliens, comme l’a souligné l’un de ses plus grands écrivains, Moussa Konaté, doivent « regarder vers l’avenir avec la douleur, mais aussi l’énergie du passé ». Demain, le Mali se relèvera. Il gagnera la guerre contre le terrorisme islamiste. Et, il doit aussi se préparer déjà à gagner l’après-guerre, à savoir rebâtir un modèle social, un modèle politique qui refléteront son extraordinaire diversité, son métissage multiséculaire. Ici, il n’existe donc aucun lien matriciel entre djihadisme et appartenances communautaires. Et vouloir l’établir à tout prix, c’est choisir délibérément de faire le jeu des djihadistes en leur assurant une sortie de victoire morale posthume.

Abdoulaye BARRO

 Commentaires