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Journal du Jeudi N° 1094 du

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Les Burkinabè et la tentation de l`égoïsme
Publié le vendredi 7 septembre 2012   |  Journal du Jeudi




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Ouagadougou. Vendredi 31 août 2012. Quartier Ouidi. Une population en colère organise un mouvement d’humeur contre l’écoulement d’eau sale qui mettrait en danger le voisinage. Le maire de l’arrondissement de Baskuy accourt sur les lieux pour calmer les esprits. La veille, jeudi 30 août, ce sont les habitants d’un sous-secteur du secteur 25 de la capitale qui ont pris d’assaut la ruelle 25.80 pour y interdire toute circulation tant que les autorités locales n’y feront pas des travaux de réhabilitation, ici et maintenant. Vingt-quatre heures avant eux, ce sont les militants de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption et la fraude, section du Gourma, qui ont battu le pavé pour dire non aux dysfonctionnements qu’ils disent avoir constatés au sein du Centre hospitalier régional de Fada. Au cours de cette même semaine, Kaya, le chef-lieu de la province du Sanmatenga, aura échappé de peu à une marche de protestation contre les résultats de la commission de désignation des candidats à la députation pour le compte du Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti au pouvoir. Il y a quelques semaines, ce sont les populations d’autres arrondissements de Ouagadougou qui, organisées par petits groupes, pestaient contre les difficultés qu’elles rencontrent dans leurs petits coins. Pour les uns, ce sont des six-mètres impraticables, et pour les autres, ce sont des dénonciations d’adeptes d’une secte dont les nuisances sonores empêchent de trouver le sommeil...
De tels exemples d’agitations locales sont nombreux à travers le pays. Ceci sonne comme un démenti aux affirmations qui veulent que les Hommes intègres aient perdu de leur vigueur. On note, en effet, que si les Burkinabè ont tourné le dos à la lutte collective (les partis politiques et autres organisations syndicales ne diront pas le contraire), ils sont plutôt actifs pour les questions très locales. En effet, à l’opposé de cette surexcitation autour des questions “de proximité”, les structures organisées peinent à mobiliser leurs militants autour des mots d’ordre pour la satisfaction de leurs plates-formes revendicatives, dont la justesse n’est pourtant remise en cause par personne. Bien au contraire, le bien-fondé est salué de tous et, de surcroît, les exigences des syndicats prennent largement en compte les préoccupations locales en leur donnant un caractère national. Mais dès lors que le champ d’action devient l’intérêt général, il y a très peu de mobilisation à la base.
A titre d’exemple, la kyrielle de syndicats de l’enseignement de base n’arrive pas à mener des actions d’envergure autour des préoccupations légitimes des enseignants dont certaines ont trait aux conditions d’organisation des examens et concours du primaire. Et pourtant, en juin dernier, de façon spontanée, les mêmes enseignants n’ont pas hésité à envahir le ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation pour exiger que justice leur soit faite. De même, alors qu’une certaine unanimité s’était faite sur le lien entre mutinerie militaire et mauvaise gouvernance, l’ensemble des partis politiques du Burkina n’a mobilisé qu’une poignée de manifestants à la place de la Nation pour ce qui avait été conçu pour être le meeting qui devrait faire «dégager Blaise» du pouvoir. Sont-ce les hommes politiques ou les leaders syndicaux qui manquent d’arguments pour convaincre? Allez-y savoir! Il faut peut-être désespérer que les Burkinabè ne soient devenus égoïstes au point de ne se faire du souci que pour les ordures qui traînent devant leurs portes et de se détourner complètement des causes communes. Mais qu’on ne se fasse point d’illusion, ces “soulèvements populaires” de pacotille ne sont point l’expression d’une quelconque démocratie “directe”.

Adam Igor

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