Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Examen d’entrée au Centre de formation professionnel des avocats : « Ne pas sacrifier sur l’autel de l’ordre public la vocation des futurs défenseurs de la veuve et de l’orphelin»
Publié le vendredi 20 mars 2015  |  FasoZine




L’annulation de l’examen d’entrée au centre de formation professionnel des avocats continue de faire des gorges chaudes. Dans cette tribune, Wilfried Zoundi, Député de la transition et membre de la Haute cour de justice défend son point de vue. Lisez plutôt.

« C’est avec stupéfaction doublée d’un sentiment de légitime inquiétude que nous avons pris connaissance du communiqué du conseil de l’ordre des avocats du 06 mars 2015 portant a la connaissance de l’opinion publique nationale l’annulation de l’examen d’entrée au CFPA-B avec à la clef la phrase suivante : « tout report sine die étant impossible eu égard aux contraintes de calendrier. »

SAPRISTI !

Avant l’entame de notre analyse de la problématique, un rappel sommaire des faits s’impose. Des informations reçues, il ressort qu’un groupuscule d’étudiants dont deux candidats audit examen aurait introduit un recours en annulation et une requête au fin de sursis à exécution contre la délibération du 07 octobre 2014 du conseil de l’ordre des avocats relatif à l’ouverture de l’examen d’entrée au CFPA-B .

A la suite de la programmation du déroulement des épreuves prévues pour les 07 et le 08 mars 2015, le même groupuscule aurait manifesté bruyamment devant le Ministère de la justice et au palais de justice, toute chose ayant conduit à l’annulation pure et simple dudit examen à la veille de la composition brisant du même coup le rêve de 291 candidats de porter la robe noire ; Un rêve renvoyé purement et simplement sine die.

L’examen de ces éléments de faits à l’aune du droit suscite en nous l’analyse suivante déclinée en trois points constituant le fil conducteur de notre analyse.

1) Du privilège du préalable et du privilège d’exécution d’office des actes administratifs
Le privilège du préalable résulte de la présomption de légalité qui s’attache à toute décision administrative. Cette présomption oblige les administrés à exécuter les décisions administratives préalablement à tout jugement sur leur régularité : « on obéit d’abord et on réclame ensuite ».On parle en ce sens d’autorité de la chose décidée. Le recours n’est ni suspensif ni interruptif de l’exécution d’un acte administratif.

Quid de la nature des actes accomplis par le conseil de l’ordre ?

Depuis l’arrêt MONPEURT ( CE, 31 juillet 1942), il est admis et acquis que les ordres professionnels étant chargés de participer à l’exécution d’une mission de service public, les décisions qu’ils sont amenés à prendre dans la sphère de leur attribution soit par voie de règlement soit par des dispositions d’ordre public individuelles constituent des actes administratifs , que des lors ,les juridictions administratives sont compétentes pour connaitre des recours auxquels ces actes peuvent donner lieu d’où les recours constatés en l’espèce contre la délibération du conseil de l’ordre procédant au lancement de l’examen d’entrée au CFPA-B.

Cependant, force est de savoir qu’au nom du privilège d’exécution d’office qui s’attache à ces actes administratifs, ils peuvent être exécutés par la contrainte au besoin en faisant recours à la force publique sans devoir recourir au juge.

Sur ces fondements, l’acte du conseil de l’ordre portant lancement de l’examen d’entrée au CFPA-B bénéficie de la présomption de conformité au Droit et peut donc être exécuté sans devoir attendre une décision du juge.

A titre illustratif, en 2011 et en 2012, les frais d’inscription à l’examen du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) avaient fait l’objet d’un recours mais cela n’avait nullement entaché l’organisation dudit examen et qui plus est, certains candidats requérants y avaientt été admis et sont aujourd’hui avocats.

Il en est de même de la délibération du concours de la magistrature de l’année 2012 qui avait également fait l’objet de recours toujours pendant devant le Conseil d’Etat mais cela n’a nullement entravé la formation des élèves magistrats qui sont aujourd’hui des auditeurs de justice.

2) De la violation du principe de la séparation des pouvoirs
Le principe de la séparation des pouvoirs a toujours été défendu par des illustres esprits du passé (HERODOTES,PLATON, MONTESQUIEU …..). Dans cette optique, le jurisconsulte et philosophe français parlant du partage de la justice soulignait avec forte conviction : « la justice ne doit point être soumise aux ambitions du prince encore moins à la fantaisie du peuple ».

En l’espèce, l’inopportunité et l’illégitimité de la demande de suspension de Madame la Ministre de la justice est sous-tendu du fait que deux recours : en annulation et de sursis à exécution sont encore pendant devant le tribunal administratif. Cette demande de suspension de l’exécutif ayant abouti en a une annulation pure et simple est difficilement soutenable en droit ce, d’autant plus que l’autorité judiciaire était déjà saisie du contentieux.

Toute chose qui nous fonde à penser que l’attitude de l’exécutifapparait comme une décision avant dire droit qui dit le droit hors du prétoire du juge. Nous pesons nos mots !

« Le droit des uns s’arrêtent là où commence celle des autres » dit-on.

Entre le droit de ceux qui sont régulièrement inscrits et qui veulent concourir, le droit de ceux qui sont régulièrement inscrits et qui ne veulent pas concourir (2 Candidats en l’occurrence) et enfin le droit de ceux qui ne sont pas inscrits et qui ne peuvent pas concourir(les fauteurs de troubles), notre sentiment ultime en un mot ou en mille est que seul le droit (à concourir) des premiers a été manifestement violé.

On se croirait dans une période de circonstances exceptionnelles (Etat d’exception, Etat de siège, Etat d’urgence par exemple) ou une illégalité d’exception se substitue à une légalité ordinaire au nom du motif d’intérêt général.

Non !! Nous sommes dans un Etat de droit, dans un régime constitutionnel, transitionnel fut-il même si en de pareille circonstance la confusion devient rédhibitoire.

3) De l’impératif nécessité de restaurer l’Etat de droit
Selon une conception classique portée en chœur par l’ensemble des juristes et légalistes épris de justice et de légalité : « l’Etat doit dans un Etat de droit être soumis à la règle de droit ».

Cette tautologie juridique et politique vient rappeler que lorsqu’une disposition légale ou règlementaire est en vigueur et n’a point été abrogée, nul ne peut se soustraire à son application.

Faut-il le rappeler, la loi 016-2000/AN du 23 mai 2000 portant règlementation de la profession d’avocat qui prévoit la création du centre et la formation des avocats dans un centre est toujours en vigueur et n’a point été abrogé.
Ensuite, le décret n 2014-693 portant approbation des statuts du CFPA-B qui prévoit à son article 62 que : « les épreuves du CAPA sont subies à l’issue de la formation organisée par le centre de formation professionnelle » n’a nullement fait l’objet d’un recours contentieux depuis sa publication en 2014.

Tout recours contentieux n’étant possible que dans le délai de deux mois à compter de la publication. « tarde venientibus ossa » (il faut être vigilant pour conserver ses droits.

Ainsi, faute d’avoir exercé les voies de droit, il est juridiquement intenable, politiquement insoutenable qu’un groupuscule d’individus se suspende aux basques d’un éventuel examen pour agiter le chiffon rouge de trouble à l’ordre public au prétexte qu’une certaine transition fait le larron. La transition ne doit point être le terreau fertile des contestations à hue et à dia, encore moins de la défiance tous azimut à l’autorité de l’Etat.

En cas de risque de trouble à l’ordre public, il appartient au maire en tant que premier magistrat de la commune, à défaut le Ministre de l’administration territoriale de la décentralisation et de la sécurité exerçant la tutelle de ce dernier de prendre les mesures idoines afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens et de garantir le droit des candidats à concourir.

Certes nous avons combattu un régime très fort qui nous écrasait, nous ne voulons pas non plus d’un régime très faible dans lequel nous périront comme le disait à demi-mot le philosophe Paul VALERY .
Nous voulons juste d’un Etat qui soit soumis à la règle de droit, condition sine qua non du respect et de la protection des libertés individuelles et collectives.

In fine, Il faut à tout prix se départir du nivellement par le bas car nous sommes dans un monde ultra compétitif avec l’entrée en vigueur du règlement n°10 /2006/CM/UEMOA du 25 juillet 2006 relatif à la libre circulation et à l’établissement des avocats ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA. Le défi de l’excellence s’impose à tous les Etats membres de l’union.

De ce fait le centre ne peut être qu’un complétif nécessaire au passif de formation et du déficit en nombre des avocats.
Quant au cout de la formation, des solutions peuvent être balisées. Dans tous les cas un tiers payeur doit le supporter : l’Etat, le barreau ou le candidat .cela est une exigence faute de quoi point de formation et point de recrutement.

Comment peut-on raisonnablement admettre qu’au Burkina Faso, pour une population d’environ 17 millions, nous ne totalisons pas plus de 164 avocats (136 avocats titulaires et 28 avocats stagiaires) conformément au tableau à jour du 1er janvier 2014, alors que dans un pays comme le TOGO d’une population d’environ 7 millions on y compte plus de 300 Avocats. S’agit-il d’un déficit d’intelligence ou d’une carence en compétence au pays des hommes intègres ?

Absolument pas !!!!Si l’on sait de surcroit que le marché de l’emploi pullule de milliers de juristes.
Le préjudice causé par cette situation regrettable est réel. Des voies de droit, ils en existent. Cependant osons espérer, au nom du consensus prôné par la charte qu’une issue diligente sera trouvée dans l’intérêt de notre jeune démocratie et de notre Etat de droit.

« Un mauvais arrangement ne vaut-il pas souvent mieux qu’un bon procès ? ». Axiome à méditer.

K.WILFRIED W.ZOUNDI
Députe de la transition
Membre de la Haute cour de justice
Membre du Conseil région des OSC du Centre
Commentaires