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Pour une constitution débarrassée des ambiguïtés : C’est l’occasion ou jamais
Publié le mardi 17 mars 2015  |  Le Pays




La première rencontre entre le gouvernement et les députés de la transition a eu lieu le vendredi 13 mars dernier au siège du Conseil national de transition (CNT). A cette occasion, la nécessité de la révision de la Constitution du 2 juin 1991 en vue de passer à une Ve République, a été posée. Cette idée a été soutenue par la majorité des députés qui estiment que la Constitution actuelle doit être revue de façon consensuelle avec les Organisations de la société civile, les membres du gouvernement et les partis politiques, avant la fin de la transition.



Il est impératif de s’attaquer à la racine du mal

Bien avant la transition, on se rappelle, le Conseil consultatif pour les réformes politiques et le Collège de sages, mis en place par Blaise Compaoré, avaient fait des propositions de révision constitutionnelle à l’effet de tirer la démocratie vers le haut, mais toutes avaient été balayées du revers de la main par le pouvoir de l’époque pour des raisons liées, de toute évidence, beaucoup plus à des intérêts personnels qu’à l’intérêt général. Mais à bien observer les choses, l’on peut dire que c’est la Constitution du 2 juin 1991 qui a ouvert des brèches pour que Blaise Compaoré s’y engouffre pour malmener la démocratie au pays « des hommes intègres ». En effet, conçue et adoptée dans un contexte où les Burkinabè avaient été suffisamment traumatisés par les abus des régimes d’exception, la Constitution du 2 juin 1991 présentait beaucoup de failles qui pouvaient être exploitées par n’importe quel apprenti-dictateur pour ruser avec la démocratie, en la vidant de toute sa substance.

Une de ces failles est la possibilité d’aller au-delà des deux mandats en modifiant l’article 37 par la voie parlementaire ou référendaire. C’est cette disposition que les partisans du règne à vie de Blaise Compaoré avaient brandie pour justifier leurs velléités de modifier l’article 37, oubliant ainsi que la légalité doit aussi tenir compte de la légitimité. Une autre faille de la Constitution du 2 juin 1991, c’est l’élévation du chef de l’Etat à un rang de demi-dieu : président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, président du Conseil des ministres, chef suprême des armées, etc. Une telle concentration de pouvoirs dans les mains d’un seul individu et dans un contexte où l’idée même de la démocratie n’est pas suffisamment ancrée dans la mentalité des populations, comporte potentiellement des risques de basculer dans l’autocratie. Et le Burkina l’a appris à ses dépens, avec Blaise Compaoré. C’est pourquoi si l’on veut réellement que plus rien ne soit comme avant, il est impératif de s’attaquer à la racine du mal. Et cette racine est la Constitution elle-même. Le contexte, en tout cas, s’y prête. La transition a donc l’obligation morale et politique de s’y atteler. Tous les démocrates sincères du pays doivent l’aider à toiletter la Constitution, dans le sens d’arrimer le pays à une gouvernance de vertu. Dans cette perspective, la première révision qui s’impose est celle de sa sacralisation. Et ce principe doit être énoncé en des termes univoques.

Les acteurs de la transition portent une lourde responsabilité devant le peuple

Des sanctions sévères doivent être prévues à l’endroit de tous ceux qui tenteraient, d’une manière ou d’une autre, de le contourner. Si ce dispositif avait existé, tous ceux qui s’agitent aujourd’hui, après avoir travaillé activement à aider Blaise Compaoré dans sa volonté de confisquer le pouvoir, n’auraient pas cette liberté d’aller et de venir qu’ils sont en train de mettre à profit pour perturber la transition et revendiquer en toute impunité, l’héritage politique de Blaise Compaoré. Une autre révision vers laquelle le CNT doit aller est de faire en sorte que l’idée de Montesquieu selon laquelle la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme, est source de menaces pour la modération en politique et pour les libertés individuelles et collectives, soit non seulement inscrite en lettres d’or, mais aussi observable dans les faits dans la nouvelle Constitution. L’objectif ici, c’est de faire en sorte que le pouvoir arrête le pouvoir. Certes, la Constitution du 2 juin 1991 contient ce principe, mais dans les faits, il était aisé de constater que le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif étaient de véritables instruments désincarnés que l’exécutif manipulait à sa guise pour tordre le cou à la démocratie. A défaut de mettre en place un régime de type parlementaire en lieu et place du régime présidentialiste copié de manière servile à la France et qui a fait bien des dégâts, notamment à l’Afrique francophone, l’on peut mettre en place un régime qui y ressemble. Et ce ne sont pas les ressources intellectuelles qui manquent à la transition pour faire des propositions dans ce sens. Toutes ces révisions suggérées doivent être envisagées ici et maintenant, parce que c’est l’occasion ou jamais. En effet, Michel Kafando est dans une position idéale qui lui donne toute la latitude de suggérer au CNT toutes sortes de propositions liées à la fonction présidentielle, de manière à en faire une véritable institution républicaine. Blaise Compaoré avait taillé les choses selon ses propres mesures. Maintenant qu’il n’est plus là, les organes de la transition peuvent les tailler selon l’intérêt général, en débarrassant notamment la Constitution de toutes les ambiguïtés qui ont déroulé un tapis rouge à tous les dérapages que le Burkina a connus en matière de gouvernance politique. Encore une fois, la transition a l’occasion de marquer positivement l’histoire et elle n’aurait aucune excuse si elle venait, en guise de révision constitutionnelle, à se contenter de réformettes qui n’iraient pas dans le sens de la rupture. Car, les acteurs de la transition, tous autant qu’ils sont, portent une lourde responsabilité devant le peuple burkinabè et devant l’Histoire. Mais la question est de savoir s’ils ont pris toute la mesure de cette responsabilité.

SIDZABDA
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