Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Mise en place de la commission de réconciliation nationale et des reformes (CRNR) : peut-on se réconcilier sans vérité ni justice ?
Publié le lundi 16 mars 2015  |  Le Pays
Mise
© Autre presse par DR
Mise en place de la commission de réconciliation nationale et des reformes (CRNR) : peut-on se réconcilier sans vérité ni justice ?




Beaucoup d’actes gravissimes ont été posés au Burkina Faso, tant du point du vue des crimes de sang que des crimes économiques. La plupart ont été commis surtout sous Blaise Compaoré. Et le peuple burkinabè en garde un souvenir amer. Avec la chute de Blaise Compaoré, il pouvait s’attendre à ce que tous ces crimes soient élucidés et que justice soit rendue. Mais les choses semblent ne pas aller dans ce sens, avec la mise en place de la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR) par la transition.
Encore un autre acte manqué de la transition
Déjà, avant même qu’elle ne commence ses activités, la CRNR, présidée par le prélat de Bobo-Dioulasso, Paul Ouédraogo, vient d’enregistrer la démission d’un de ses membres, en la personne de Siaka Coulibaly, bien connu dans le milieu des organisations de la société civile. Ce dernier justifie son acte par le fait que le Conseil constitutionnel a vidé la CRNR de toute sa substance, en lui enlevant la possibilité « de se saisir et documenter toute affaire de crime de sang et de crime économique et auditionner toute personne à cet effet. »
Dans ces conditions, poursuit le démissionnaire, la CRNR « ne pourra en aucune manière faire la vérité sur le passif politique du pays, ne pourra non plus contribuer à la justice sur les crimes passés et au final ne pourra pas réconcilier les Burkinabè ».
Même si la démission de Siaka Coulibaly était liée à d’autres motivations comme le laisseraient croire certaines personnes, il faut reconnaître que les raisons officielles qu’il invoque sont, on ne peut plus, pertinentes et justifiées. Et c’est cela qui présente un intérêt pour le peuple burkinabè. En effet, mettre en place une commission de réconciliation nationale et de réformes qui va se contenter d’organiser des cérémonies de lamentations collectives marquées par des lâchers de pigeons, fussent-ils blancs, pour signifier que les Burkinabè se sont réconciliés, peut être assimilé aujourd’hui à une véritable insulte à l’intelligence des Burkinabè et surtout à celle de ceux d’entre eux qui ont offert leur vie pour obtenir la chute de Blaise Compaoré. Ce dernier, on se rappelle, avait organisé une vaste comédie de ce genre, à travers la fameuse Journée nationale de pardon. Mais on pouvait croire qu’avec sa chute, cette expérience malheureuse allait inspirer les acteurs de la transition pour qu’ils ne reproduisent plus les erreurs du passé. L’idée selon laquelle les peuples avancent en se servant des manquements du passé, n’a pas été prise en compte par la transition, à propos de la mise en place de la CRNR qui ressemble à la journée de pardon comme deux gouttes d’eau. Encore un autre acte manqué de la transition, peut-on s’exclamer, en guise d’indignation ! En réalité, plus les jours passent, plus l’on peut avoir le sentiment que l’idée chère à la transition selon laquelle « plus rien ne sera comme avant », n’est que pure incantation. En effet, ce slogan, les acteurs de la transition le serinent chaque jour que Dieu fait dans leurs discours et tirades, mais dans les faits, l’on ne doit pas craindre de dire que tout est comme avant.
Et pourtant, ce ne sont pas les opportunités qui ont manqué à la transition pour opérer la rupture. Ce qui lui a le plus manqué, c’est l’audace et le courage politique. Parmi ces opportunités, l’on peut citer, entre autres, la question de la démilitarisation de l’espace politique du pays et la problématique de la réconciliation nationale.
En ce qui concerne le premier sujet, la rupture aurait consisté simplement à prendre des actes forts, allant dans le sens de la mise en place d’une armée véritablement républicaine. Au Sénégal par exemple, la question de la place de l’armée dans l’espace politique a été tranchée par Léopold Sédar Senghor, dès les premiers instants de l’indépendance. Le résultat a été que jamais la Grande muette de ce pays ne s’est illustrée à travers des pronunciamientos. Et ce n’est pas que l’armée sénégalaise manque, en son sein, de militaires qui ont la qualité de gérer un Etat mais, simplement, parce que le Sénégal est un pays où la démocratie et l’Etat de droit sont des réalités.
La transition a manqué l’occasion d’opérer la rupture
Mais au Burkina, il en va autrement. Et si l’histoire politique de notre pays a été émaillée de violences, c’est en grande partie lié au fait que la Grande muette porte, dans ses gênes, le virus de la politique. Et ce n’est pas en accordant des disponibilités à des personnalités militaires pour leur permettre de prendre part au jeu politique, que la transition va opérer une rupture par rapport au passé. L’on peut objecter en soutenant que les militaires sont des citoyens et qu’à ce titre, c’est leur droit de se lancer dans la politique. C’est vrai, à la limite, ils peuvent le faire mais à condition de… démissionner de la Grande muette, comme l’a fait, on se rappelle, le général De Gaulle en France. Or, au Burkina, on voudrait qu’une simple disponibilité suffise. C’est dire que les personnalités militaires qui ont bénéficié de ce statut peuvent revenir dans l’armée, au cas où elles n’auront pas été élues en octobre prochain, et servir la République comme si de rien n’était. Certes tous ces militaires qui affichent leurs ambitions politiques sont des personnages intrinsèquement valeureux aux plans humain, professionnel et social. Mais, il faut croire que le simple fait de ne pas démissionner de l’armée avant de se jeter dans l’arène politique, peut biaiser le jeu politique et mettre à mal la cohésion au sein de l’armée. C’est pourquoi l’on peut dire à propos de la démilitarisation de la scène politique, que la transition a manqué l’occasion d’opérer la rupture. Et ce manquement risque, encore une fois, de faire partie des péchés originels de la transition. Mais, il n’est pas encore tard.
En ce qui concerne la mise en place de la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR), on peut penser que la transition veut tout, sauf la réconciliation. Car, de toute évidence, notre pays ne peut parvenir à cet objectif sans passer par la vérité et la justice. Tous les pays qui se sont essayés à ce jeu l’ont appris à leurs dépens. Et le Burkina ne fera pas l’exception. Et dire que ce sont nos maigres ressources qui seront mises à contribution pour financer les travaux d’un tel instrument ! Assurément, l’Eglise catholique qui, de par le passé, avait pris des positions justes et appréciées du peuple burkinabè par rapport aux velléités de Blaise Compaoré de tripatouiller la Constitution, doit savoir qu’elle joue sa propre crédibilité, en acceptant de désigner un de ses membres pour prendre part à ce grand cirque qui, de toute évidence, n’apportera pas grand-chose au peuple burkinabè. De façon générale, tous les membres de cette CRNR sont interpellés. Car, comme l’a dit Feu Norbert Zongo, « le pire, ce n’est pas la méchanceté des gens qui posent des actes mauvais, mais le silence des hommes bien ». Faisons donc tout pour éviter une journée nationale de pardon bis.

Pousdem PICKOU
Commentaires