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L’Observateur N° 8294 du 17/1/2013

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Gilchrist Olympio : «La peur du voleur ne doit pas empêcher d’ouvrir les boutiques»
Publié le vendredi 18 janvier 2013   |  L’Observateur




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Ne dites surtout pas que l’Union des Forces du Changement (UFC) “collabore” désormais avec le régime qu’il a tant combattu. Avant même que Gilchrist Olympio, son président, ne réponde, le ministre de la Communication, Djimon Oré, qui est de son parti, manque de s’étrangler et bondit littéralement de son fauteuil. Il nous avait prévenu : «A mauvaise question mauvaise réponse», sans qu’on ne sache véritablement ce qu’il entendait par là. Ici, on préfère “partenariat”, question de sémantique, à “collaboration”, jugé connoté. Hormis cette anecdote, plutôt rigolotte, l’entretien que nous a accordé le vieil homme (il a eu 76 ans le 26 décembre passé) à son domicile de Mukafu s’est déroulé dans une atmosphère très détendue.




Au Togo, nous avons environ 80 partis. Si on y ajoute les associations à caractère plus ou moins politiques, on arrive à 200-300. Ce que nous voulons, c’est un regroupement des partis qui nous permette d’avancer sur le plan économique et social. Ce n’est pas par décret que ça se fera, c’est à travers les élections.
Quand nos amis de l’opposition radicale, surtout ceux qui nous ont quittés il y a trois ans, disent qu’ils ne veulent pas aller aux élections parce qu’on va les voler, je réponds que “ce n’est pas parce qu’on a peur des voleurs qu’on ne va plus ouvrir les boutiques”.

Ce que nous devons faire, c’est trouver des solutions pour arrêter ou diminuer les activités frauduleuses.
Les élections législatives, nous les souhaitons. Nous avons participé pendant 6 mois à l’élaboration du code et du cadre électoraux qui nous permettent d’avoir des élections plus ou moins libres et transparentes. Il n’existe nulle part au monde d’élections irréprochables. Nous avons connu plus de trente ans de dictature, celle de M. Gnassingbé Eyadéma, puis il y a eu la conférence nationale souveraine, le multipartisme.

Mais on s’est retrouvé avec un système à la Mao Tsé Dong quand il a dit “que les mille fleurs poussent de la terre !” Il s’est retrouvé avec mille fleurs. Et il les a coupées toutes après. Avec notre histoire, un peu saccadée, difficile, tourmentée, il faut essayer de corriger les choses petit à petit.

Pour revenir aux élections législatives, nous avons ouvert les discussions. Pendant six mois, l’opposition radicale n’a pas daigné répondre à l’invitation. Et quand elle est venue, ses responsables voulaient une discussion un peu spéciale. Nous avons, à l’issue des six mois, produit un rapport, des conclusions, qui ont été transmis au chef de l’Etat. Si donc quelqu’un veut y ajouter quelque chose, ce n’est plus avec nous qu’il faut discuter, il faut aller voir le chef de l’Etat.

On est dans cette situation mais, Dieu merci, l’opposition radicale n’est pas nombreuse.
Pas plus tard qu’avant-hier (l’entretien s’est déroulé le lundi 14 janvier 2013), un diplomate occidental me demandait : “Qu’est-ce qu’ils veulent à la fin ?”
Ils parlent de tout, mais à ma grande surprise, ils ne s’intéressent pas au fichier électoral alors que c’est ça qui est important. C’est dommage ! Si on loupe encore le coche en mars, les pluies s’installeront, et on ne pourra pas faire d’élections pendant la saison pluvieuse chez nous, surtout dans le Nord. Alors, il faudra les reporter à l’année prochaine.

N’est-ce pas finalement une crise de confiance entre acteurs politiques, et comment, selon vous, lever cette hypothèque, qui pèse lourdement sur le Togo ?

• Je ne crois pas qu’il y ait d’hypothèque. Nous sommes en démocratie, une fois qu’on se met d’accord sur les bases sociopolitiques d’une société, il faut laisser la possibilité aux opinions de fleurir.
D’ailleurs le terme opposition radicale est un mauvais mot. C’est un courant politique, et il faut le respecter. Là où il y a problème, c’est si elle n’accepte pas les règles du jeu. On a eu presque 40 ans de dictature, nous sortons petit à petit de cette situation, et nous disons qu’avec une nouvelle génération, les jeunes vont bâtir les nouvelles bases de notre société.

Cette opposition radicale, appelons-la comme ça quand même, ne l’est-elle pas parce qu’un certain nombre d’engagements de l’Accord politique global n’ont pas été tenus ?

• C’est vrai. J’ai signé cet accord en tant que président de l’UFC, mais cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Nous avons eu plusieurs mois de discussions, notamment deux rounds à Rome sous l’égide de San Egidio. Tout le monde était là.
Quand le RPT m’a contacté pour voir comment on pouvait coopérer pour sortir le pays de l’ornière, c’était dans mon appartement parisien. Tout le monde était là, les Fabre, les Lawson... Et nous avons convoqué les Fédérations de notre parti ; sur les 40, 37 ou 38 étaient présentes. Elles ont signé les lettres, que je garde dans mon coffre. «Allons-y, négocions quelque chose parce que le pays a trop souffert». C’est comme cela que ça s’est fait, et nous avons signé cet accord parce que, pour les grands problèmes du pays, nous devons nous voir.

Quelle appréciation faites-vous des actes posés par le pouvoir dans le sens de la réconciliation ?

• Pour vous dire la vérité, la réconciliation, c’est entre mon parti, l’UFC, et le parti gouvernemental. Il y a des actes que Faure doit poser, et il y en a que nous aussi devons poser, et nous sommes sur ce chemin.

Il est question du rapatriement des restes de votre père, Sylvanus, enterré à Agoué au Bénin voisin. Qu’en dites-vous ?

• Les os de quelqu’un ne sauraient constituer un élément de réconciliation.
Il y a des gens qui sont morts dans des guerres lointaines, mais on ne va pas chercher pour autant leurs corps.
Le plus important, c’est ce qu’on a fait hier : une messe. Un monument demain peut-être, le nom d’une promotion à la police, à l’ENA ou ailleurs pour la mémoire de Sylvanus Olympio. D’ailleurs Agoué, où il est enterré au Bénin, faisait partie du Togo à l’époque coloniale. Et quand nous y sommes allés au cimetière hier, les gens nous disaient qu’ils étaient Togolais.
Le père et la mère de Sylvanus y sont aussi enterrés ainsi que sa femme, ses frères et sœurs. Pour moi, ce n’est pas un problème.

Vous, qui avez subi les foudres du père Gnassingbé et qui collaborez aujourd’hui avec le fils, qu’est-ce qui a fondamentalement changé de l’un à l’autre en matière de pratiques et de mœurs politiques, de respect des droits de l’homme, etc ?

• Nous sommes en partenariat. Collaborer, c’est un mauvais mot qui est psychologiquement connoté. La première fois que j’ai rencontré le jeune homme (Faure NDLR), qui a 20 ans de moins que moi, il m’a dit : “Vous savez, M. Olympio, on m’accuse de beaucoup de choses. Mais je tiens à vous dire que quand on a asassiné votre père, je n’étais pas né”.

Il a vu le jour le 06-06-66. J’ai rigolé et je lui ai répondu, citant le Nouveau Testament, qu’on ne peut pas faire payer les fils pour les péchés de leur père. Ça, c’est le Nouveau Testament. Si vous lisez l’Ancien Testament, vous verrez que le chiffre 6 est le chiffre du diable. Peut-on alors tirer la conclusion que le 06-06-66, c’est la date du diable ? Il a rigolé et on s’est quitté.

Alors quand vous me demandez si la politique a changé, c’est oui et non : d’abord, il y a un certain apaisement dans le pays. J’ai connu 25 ans d’exil, j’ai été condamné à mort deux fois par les tribunaux togolais, j’ai été canardé et suis resté hospitalisé un an durant en France ; aujourd’hui, les droits de l’homme sont mieux respectés, mais nous croyons que tout cela doit être amélioré. Vous savez, Rome ne s’est pas fait en un jour.

Mon père nous avait toujours dit de ne pas faire de la politique. Peut-être donc que j’aurais pu faire une carrière universitaire ou être un économiste pratique, ce que j’ai fait au Bénin. J’aurais eu un destin un peu différent. Mais les événements ont été ceux que nous connaissons tous. Et nous avons dû adapter nos vies et celles de nos familles.

Nous sommes donc entrés en politique, pas tellement pour le pouvoir, encore moins pour l’argent, car nous gagnions beaucoup plus dans le privé. On voyait les choses se détériorer, on a voulu apporter notre contribution au changement.
Mon parti a aujourd’hui 7 ministres au gouvernement sur une trentaine, mais moi, je n’y suis pas. Ce sont des jeunes qui y sont, nous sommes là pour tracer les grandes lignes du redressement de notre pays et faire en sorte qu’à partir de maintenant les choses changent. Et je continuerai tant que j’en aurai la force.

Parmi les revendications du CST figure la limitation du nombre de mandats présidentiels. Quelle est la position de votre parti, qui participe aujourd’hui au gouvernement ?

• Tout le monde est d’accord qu’il faut limiter le nombre de mandats à deux : cinq ans renouvelable une fois. Mais il y a des polémiques comptables : est-ce que ça commence tout de suite ou on inclut les cinq ans déjà effectués par Faure Gnassingbé entre 2005 et 2010 ?
Notre proposition : c’est le futur Parlement et la Cour constitutionnelle qui vont régler cela. Il y a des jeunes qui sont très très pressés, ils veulent prendre la place de Faure Gnassingbé. Pourquoi pas, c’est leur droit absolu, mais tout le monde est d’accord que des mandats illimités ne sont plus acceptables, que ce soit ici, au Burkina, au Sénégal, au Ghana ou ailleurs. Mais je ne peux pas accepter que dans un pays, on casse, on jette des pierres parce qu’on veut des réformes.


Propos recueillis à Lomé par
O.I.

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