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Production maraîchère : Tristesse à Tanguiga
Publié le lundi 23 fevrier 2015  |  Sidwaya




Les producteurs d’oignons de Taguiga dans le département de Dapelgo ne savent plus où mettre la tête. L’eau du barrage qui leur permettait de mener leurs activités a tari alors que les spéculations n’ont pas bouclé leur cycle. C’est le spectacle désolant qui nous a été servi à notre arrivée sur ce site de maraîchage. Ce phénomène inhabituel a provoqué une psychose chez les producteurs qui se demandent comment faire pour honorer leurs engagements. Quelles sont les raisons de l’assèchement du barrage ? Comment les maraîchers vont se débrouiller pour sauver leurs récoltes ? Une équipe des Editions Sidwaya est allée à la rencontre des producteurs, le jeudi 12 février 2015.

«Cette année les créanciers vont nous enfermer », « nous sommes foutus», « qu’allons-nous devenir? ». Ce sont là les lamentations des producteurs à notre arrivée aux environs de 10 heures 30 minutes, le jeudi 12 février 2015, sur le site de production d’oignons de Tanguiga dans le département de Dapelgo, localité située à une quarantaine de km de la capitale, Ouagadougou. Regroupés à l’est du barrage, les producteurs répondaient aux questions d’autres confrères venus pour la même circonstance. Mais notre arrivée attire leur attention, car on pouvait entendre les mouches voler de loin. Pas un seul bruit de motopompe à l’horizon. « On sent qu’il n’y a pas d’eau dans le barrage, sinon, c’est le vacarme ici », nous lance un jeune, la quarantaine bien sonnée. La chaleur qui se dégage en ce mois de février laisse entrevoir des lendemains difficiles. Un képi est nécessaire pour se protéger du soleil qui montre ses ’’dents’’ d’avril. Et c’est sous cette canicule que nous avons trouvé les maraîchers de Tanguiga qui se débattaient pieds et mains pour sauver ce qui pouvait l’être. En effet, premier producteur d’oignons dans le département de Dapelgo avec près de mille (1000) tonnes pour la campagne 2013-2014 sur une superficie de 40 hectares pour la production d’oignons, les producteurs de Tanguiga sont aujourd’hui dans une impasse. Leur principale source d’eau a tari. Ils ne savent plus à quel Saint se vouer. Ils estiment leur perte à environ 440 millions de FCFA. Sans d’autres sources de revenus, ils se demandent comment faire pour surmonter cette période de soudure. La saison hivernale est encore loin. Léonard Ouédraogo exploite près d’un hectare sur le site. Dans sa parcelle, les tubes PVC sont entassés sous un arbre et depuis dix jours, ses spéculations n’ont pas reçu une goutte d’eau. Il estime sa dépense pour cette campagne à plus 350 000 F CFA. « J’ai pris un crédit pour acheter de l’engrais, des semences et des accessoires pour le pompage de l’eau, mais je ne peux pas vendre cette récolte à plus de 100 000 F CFA parce que le sac de 50 kg de feuilles d’oignons à l’heure actuelle coûte 1250 F CFA et parfois moins, lorsque la demande n’est pas forte », a-t-il souligné. Son voisin immédiat, Georges Dipama, exploite plus d’un hectare; il avoue avoir injecté plus de 1 500 000 F CFA dans l’exploitation, cette saison. Mais un coup de fil interrompt l’interview. Il faut répondre, car l’heure est grave. A 100 m de-là, les parcelles de Ouédraogo Natou et de Ganamé Asséta ont été mises à rude épreuve par manque d’eau depuis ces dix derniers jours, montrant ainsi des signes de sècheresse. « Cette année, nous sommes sûrs que les créanciers vont nous enfermer, car nous n’aurons rien pour nourrir nos familles, de surcroit, pour payer nos dettes », avancent-elles. La situation n’est pas meilleure dans les parcelles de Joanny Ouédraogo et ses épouses. La récolte, qui est attendue pour le mois de mars prochain, souffre également de manque d’eau. Et pourtant disent-ils : « Nous avons mis nos économies dans l’achat de 16 sacs et demi d’engrais en raison de 20 000 F CFA le sac, dix rouleaux de grillage à raison de 25 000 le rouleau, sans compter l’achat des semences, de l’essence, de la machine, des tubes PVC et la main d’œuvre de nos saisonniers. Nous sommes dans la tristesse totale», lance ce producteur, d’un air désespéré. Il affirme au passage que les plus chanceux sont les producteurs de tomates et d’aubergines qui ont pu récolter avant que le point d’eau ne tarisse.
Ce tarissement précoce, le secrétaire adjoint du comité de gestion du barrage, Bertrand Kabré, le met sur le compte de la surexploitation de la retenue.

La surexploitation, cause du tarissement

Selon lui, pour cette campagne, le nombre d’exploitants a doublé. De 24 ménages en 2012, ils sont accctuellement plus d’une centaine sur le site. Et c’est depuis quelques années que le barrage a commencé à tarir à partir du mois de mars. Il ajoute que cette année, la situation a empiré dans la mesure où la saison a été mauvaise dans l’ensemble. Du coup, ceux qui ont pu récolter un peu pendant la saison hivernale ont voulu investir pour espérer avoir plus. Mais pour le chef de la Zone d’appui technique (ZAT) de Dapelgo, Morry Ouattara, les raisons de ce tarissement sont tout autre. « Les producteurs ne suivent pas les conseils. Il y a eu des aménagements de 10 hectares en aval du barrage où il était prévu la culture maraîchère avec maîtrise de l’eau. Mais au regard du fait que, chaque année, la pression sur le barrage augmente, les exploitants se sont retrouvés en amont des parties protégées et leur présence à cet endroit a provoqué un ensablement du barrage », explique M. Ouattara. Pour le directeur provincial de l’agriculture de l’Oubritenga, Eugène Ouédraogo, ce tarissement précoce est en grande partie lié au fait que les producteurs suivent l’eau jusqu’au lit de la retenue en creusant anarchiquement des tranchées et vu la rentabilité de l’activité, les autochtones se sont adonnés à la location des terres. Le tout combiné à une pression sur cette ressource en eau et le nombre d’exploitants qui augmente au fil des ans.

Les femmes, au four et au moulin

Pour pallier le problème, certains producteurs, notamment les femmes, creusent des puits à la recherche du ’’liquide bleu’’. Pourquoi les femmes ? M. Inoussa Ouédraogo, un des producteurs passe aux aveux : «Nous avons tous contracté des prêts pour travailler et vu la situation actuelle, elles se disent que si elles n’arrivent pas à sauver leur production, elles ne pourront pas rembourser leurs dettes ». Mais pour M. Bertrand Kabré, cela n’est pas la solution. «Actuellement, même si nous devons creuser des puits, nous ne pourrons pas résoudre ce problème, car le travail est énorme et nous ne pouvons pas nous contenter de puits pour arroser », soutient-il. Impuissant face à la situation, les agents d’agriculture de Dapelgo, composés de Roger Bonkoungou, Rianata Kinda et Olivier Sawadogo que nous avons rencontrés au niveau de la ZAT de Dapelgo disent être confrontés à des difficultés pour sensibiliser les producteurs à la technique de production de l’oignon et la manière de travailler. « Il y a trop de motopompes et les raccordements, qui sont souvent mal faits, provoquent beaucoup de fuite d’eau. A cela, il faut ajouter le semis tardif des spéculations qui devait en principe être effectif au mois d’octobre», indiquent-ils.
En effet, l’oignon a un cycle de 120 jours et le chef de la ZAT pense qu’un changement dans leur manière de travailler est nécessaire pour éviter le drame que connaissent les producteurs. « Il faut que les producteurs respectent les consignes qui sont : le respect du calendrier cultural, le repiquage des semences, vers le mois d’octobre s’ils ne veulent pas revivre la même situation», préviennent les agents d'encadrement. D’une capacité de 450 000 m 3 d’eau, cette retenue d’eau réalisée en 1985 fait vivre aujourd’hui plus de 100 ménages dans 24 villages de la commune de Dapelgo et c’est pourquoi, vieux, vieilles et jeunes de Tanguiga lancent un appel pour sa réhabilitation. Et le directeur régional en charge de l’eau et de l’assainissement du Plateau central, Ousmane Ouédraogo de suggérer un diagnostic et une étude de faisabilité des différentes solutions qui leur ont été soumises. Vivement que cet appel trouve une oreille attentive auprès des autorités, car l’assèchement des retenues d’eau a non seulement des conséquences négatives sur la vie des producteurs, mais aussi sur l’économie locale.


Donald Wendpouiré NIKIEMA
nikdonald@yahoo.fr
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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