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Grève à la Société Minière SMB : Une perte estimée à plus de 6 milliards de F CFA, selon le Directeur général adjoint
Publié le dimanche 15 fevrier 2015  |  Le Pays




En fin d’année 2014, la Société des mines de Belahourou (SMB) était plongée dans une crise au cours de laquelle, des travailleurs sont allés en grève. Dès lors, des actions ont été engagées pour trouver une solution, mais cette grève a entraîné le licenciement de bon nombre d’agents de l’entreprise. Ces derniers et les syndicats dénoncent ces licenciements et exigent la réembauche des employés, tout en relevant que la société a abusé du procès-verbal. Aussi, avons-nous approché la direction de l’entreprise pour avoir sa version des faits. Les échanges ont eu lieu avec le directeur général adjoint de la SMB, Saïdou Idé.

Le Pays : Connaissez-vous les raisons qui, selon vous, ont guidé les travailleurs à aller en grève en décembre 2014 ?

Saïdou Idé : Nous nous demandons encore aujourd’hui pourquoi il y a eu cette grève ? Il faut rappeler que le secteur minier traverse une crise assez difficile depuis environ dix-huit mois, par rapport à la baisse du cours de l’or et aux augmentations des charges de fonctionnement. Ainsi, à l’instar de toutes les mines à travers le monde, nous sommes obligés de prendre des mesures pour essayer de préserver l’entreprise. C’est dans ce sens que nous avons discuté avec les employés, pour leur expliquer la situation de la société et aussi demander leurs contributions pour sortir de cette crise et maintenir l’entreprise en activité. Nous avons alors organisé les 27, 28 et 29 novembre 2014, un atelier au cours duquel nous avons donné toutes les explications, tout en leur demandant de proposer des solutions pour permettre de maîtriser les coûts. Et nous avons pris l’engagement de ne prendre aucune décision, sans rencontrer à nouveau les délégués du personnel au mois de janvier 2015. Les délégués se sont constitués en petits groupes pour réfléchir et ont fait des propositions. Nous avons pris l’ensemble des suggestions et avons fait une liste sur laquelle nous devions discuter. A la fin de l’atelier, le samedi 29 novembre, et à notre grande surprise, nous avons vu, dès le mardi qui a suivi, des sms qui ont été échangés par les employés. Ces sms disaient ce qu’ils prévoyaient le jeudi, lors d’une assemblée générale des travailleurs où les délégués devaient faire un compte-rendu de l’atelier. Nous avons interpellé les délégués pour leur dire que nous ne comprenons pas ces sms et ils ont répondu qu’ils n’en sont ni au courant ni à l’origine. La veille de leur assemblée générale, soit le mercredi soir, les sms se faisant persistants, le directeur général a rencontré les délégués du personnel . Il leur a dit qu’il y a une grève qui se préparait et qu’il n’en comprend pas l’objet. Les délégués lui ont rétorqué qu’ils n’étaient pas au courant d’un quelconque mouvement mais qu’il est vrai qu’il y a une tension. L’assemblée générale a effectivement eu lieu le jour indiqué à 19h. Vers 21h, nous apprenions que les employés avaient décidé de débrayer en arrêtant le travail. En cherchant à comprendre, le directeur général a appris que les travailleurs se dirigeaient vers la guérite de la mine et souhaitaient le rencontrer. Celui-ci n’y a trouvé aucun inconvénient. Pendant les discussions avec les délégués du personnel, le directeur général avait proposé que lui-même fasse le compte-rendu de l’atelier à l’ensemble du personnel. Les délégués l’en ont dissuadé, en invoquant la situation qui prévalait. Ils ne souhaitent pas qu’il vienne lui-même faire la communication en disant qu’eux, les délégués, s’en chargeraient. Qu’à cela ne tienne, il a voulu comprendre ce qui se passait et les travailleurs lui ont dit qu’ils sont en grève. En retour, il leur en a demandé les raisons. Les employés ont réagi en demandant à avoir accès à la mine pour pouvoir imprimer leur plate-forme. Il leur a demandé de reprendre le travail avant de pouvoir imprimer leur plate-forme et qu’ensemble, ils pourraient discuter. Les employés ont dit qu’il était hors de question de reprendre le travail, tant qu’ils n’auront pas fait leur plate-forme. Cela a duré jusqu’à très tard dans la nuit et finalement, ils ont eu accès au bureau pour l’impression de la plateforme entre 4h et 5h du matin ; des discussions ont alors été engagées. Dans la plate-forme, il y avait deux points, à savoir le départ de certains cadres de la société dont moi-même, et Raphaël Ouédraogo. Le deuxième point portait sur le 13e mois, la couverture santé à 100% et bien d’autres aspects. Le directeur général leur a fait savoir que lors de l’atelier, il leur a été expliqué la situation dans laquelle se trouve l’entreprise et même que si nous le voulions, nous n’avons pas les moyens de payer un 13e mois. Pour ce qui est de la revendication du départ d’un employé, quelle que soit sa qualité, il est hors de question, au niveau du groupe Avocet, qu’on négocie le départ de quelqu’un. S’il a fait quelque chose, il y a des voies et moyens qui existent pour le dénoncer. Nous avons une politique de dénonciation en place, où n’importe quel employé peut écrire et se plaindre. Une enquête est alors diligentée et si effectivement, il y a des manquements dans la gestion de cette personne, la direction prend les sanctions prévues. Nous leur avons dit que ce dossier peut être traité à part.

Comment avez-vous négocié avec les travailleurs pour trouver une solution à cette crise ?

Les employés ont refusé, en disant qu’aucune négociation n’était possible sans le départ de ces deux personnes. Le directeur général leur a rétorqué qu’on ne peut pas discuter avec des préjugés, tout en leur demandant de libérer l’usine. Le lendemain, nous avons sorti une note de service informant tous les employés qu’il y a eu un arrêt de travail de manière irrégulière, qui ne suit pas la procédure du Code du travail. Nous leur avons dit que l’article 386 dispose que l’exercice de grève ne doit pas s’accompagner de l’occupation des lieux de travail. Par conséquent, nous leur avons demandé de quitter les lieux, en leur signifiant que les employés qui souhaitaient reprendre le travail, en avaient le droit. Malgré cela, les employés ne sont pas retournés au travail. Nous avons pris acte en leur disant qu’il est toujours temps d’arrêter leur mouvement, parce qu’ils connaissent la situation de la société et que si cette grève perdure, nous ne pouvons pas garantir sa continuité, dans sa forme actuelle. Ils ont été catégoriques, en refusant de reprendre le travail, malgré les propositions de discussion. Le gouverneur de la région du Sahel a dépêché le Haut-commissaire et le préfet pour essayer de discuter mais auparavant, le directeur régional du Travail avait échangé avec les employés en leur faisant savoir que la procédure de grève n’a pas été respectée. Il leur a demandé de reprendre le travail tout en poursuivant les discussions. Il leur a aussi dit que le départ d’un employé ne fait pas partie des revendications professionnelles. Cela a duré jusqu’au 10 décembre 2014, lorsqu’une délégation du ministère des Mines et celui du Travail s’est déportée sur le site pour comprendre ce qui se passait. Lors de ses rencontres, cette mission mixte a demandé aux employés ce qu’ils sont prêts à lâcher pour reprendre le travail. Ces derniers ont dit qu’ils étaient prêts à abandonner toute la plateforme, à condition que les deux personnes en question partent. La mission leur a dit que cela ne faisait pas partie de leurs prérogatives de demander le départ des dirigeants de l’entreprise. Revenons sur la voie légale tout en abandonnant ce point et discutons des points concernant la vie des employés, a fait savoir la mission. Les travailleurs y ont opposé une fin de non-recevoir. La mission a constaté que les positions ne bougeaient pas et a souhaité qu’un procès-verbal de rencontre soit établi pour consigner ce qui a été dit. Au vu de la situation, l’usine était bloquée, donc ne pouvait plus produire et il n’était plus possible de continuer à fonctionner sans revenu. Le procès-verbal dit qu’une lettre sera envoyée au ministre des Mines et de l’énergie, l’informant de la suspension des activités et une autre au ministre du Travail pour lui expliquer les conséquences de la suspension des activités sur les contrats de travail. Le point relatif à la reprise de l’ensemble des travailleurs, à l’issue de la suspension des activités de la société, n’a pas fait l’objet de consensus. Nous avons donc été obligés de suspendre les activités en attendant de les reprendre.

Pouvons-nous savoir qui a donné l’autorisation de fermer l’usine ?

La SMB est une société de droit burkinabè, avec un actionnaire qui est Avocet mining qui détient 90% des parts. Lorsque le problème s’est posé, nous avons tenu un Conseil d’administration extraordinaire, durant lequel le Conseil a demandé de suspendre les activités, parce que nous n’étions plus capables d’opérer.

« Je ne vois pas en quoi nous avons violé un quelconque protocole »

Quels sont les critères qui ont prévalu au licenciement d’une partie des employés ?

Au niveau de la mine, nous fonctionnons avec des équipes de travail. Des employés travaillent sept jours pour sept jours de repos. Lorsque la grève a commencé, nous avons demandé à tous les employés de regagner leurs postes. Tous les employés qui devaient travailler et qui n’y étaient pas allés ont été considérés comme des grévistes. Par contre, ceux qui étaient au repos et qui n’étaient pas en poste pendant cette période de grève, ont été considérés comme n’étant pas en grève. Il y avait des gens qui étaient en permission, en congé annuel, congé maladie et ces derniers n’ont pas été touchés. C’est ce qui explique les 300 agents maintenus. Pour ceux qui étaient en grève, nous avons mis fin à leur contrat, conformément au Code du travail.

Pourquoi n’avoir pas prévenu les employés de leur licenciement, puisque bon nombre d’entre eux déclarent l’avoir appris à leur banque ?

Au vu du nombre de personnes, nous avons pris l’option de faire une notification par huissier, conformément au conseil de notre avocat. L’huissier a commencé à contacter les employés et certains ont pris leur lettre. Ensuite, il y a eu une directive au sein des employés de ne pas récupérer les lettres avec l’huissier. Cela nous a été expliqué par l’huissier. Il faut relever que la plupart des employés avaient des engagements vis-à-vis de certaines banques et lorsque nous avons signé les engagements de domiciliation, il nous avait été fait obligation de prévenir la banque pour tout changement de statut de nos employés. C’est ce que nous avons fait, en adressant une lettre aux différentes banques pour leur dire que tel ou tel employé ne fait plus partie de notre personnel.

Mais, il est question de violation de protocole d’accord ?

Il n’y a jamais eu de protocole d’accord. Il s’agit d’un procès-verbal de rencontre (il nous tend le document). Ce PV dit qu’il faut qu’on écrive au ministère des Mines pour l’informer de la suspension des activités et nous l’avons effectivement fait le 10 décembre 2014 (il nous remet une copie de la lettre). Il était aussi question d’écrire au ministère de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, et cela a été fait le 14 décembre dernier (il nous remet une copie). Je ne vois donc pas en quoi, nous avons violé un quelconque protocole qui, du reste, n’existe pas.

Est-ce qu’il y a eu production et expédition d’or, en violation du procès-verbal ?

Le procès-verbal dit que pendant la période de suspension, nous n’avons pas le droit de produire de l’or. Et comme je l’évoquais, nous avons écrit le 10 décembre 2014 au ministère des Mines, l’informant de la suspension des activités pour au moins deux semaines et le 22 décembre, nous avons signifié au même ministère la reprise de nos activités à partir du 25 décembre. Avant la levée de la suspension, le ministère des Mines a envoyé une équipe technique pour vérifier qu’il n’y a pas eu de production pendant la période de suspension et celle-ci s’est rendue sur la mine de Inata pour confirmation. Suite à ce constat, le ministère nous a donné l’autorisation de reprendre nos activités. Je ne comprends donc pas qu’on puisse dire que nous avons violé une quelconque disposition.

Quel commentaire faites-vous des réactions des syndicats ?

Nous sommes dans un Etat de droit et chacun de nous a des droits et des devoirs. Nos entreprises sont réglementées par un Code du travail qui explique les procédures à prendre pour aller en grève. Ces procédures n’ont pas été respectées. Une entreprise a des droits et conformément au Code du travail, il est dit que toute grève qui a lieu sans avoir suivi la procédure fait l’objet d’une fin de rupture de contrat, sans indemnité de préavis et sans dommages et intérêts. Nous n’avons fait qu’appliquer la loi et les syndicats sont dans leur rôle. Nous disons que nous sommes dans un Etat de droit et s’il y a litige, il y a des juridictions compétentes pour dire si oui ou non, nous avons violé la loi. En plus, nous pensons que des points ont été occultés aux syndicats, d’où certaines prises de position. Nous nous sommes attelés à leur apporter des informations complémentaires qu’ils peuvent vérifier.

Et si vous devriez évaluer les pertes subies à cette occasion ?

Si nous prenons les effets de manque de chiffre d’affaires que cette grève a créés, nous l’évaluons à plus de 6 milliards de F CFA. Lorsque la grève a démarré le 4 décembre, nous n’avons pas été en mesure de produire huit mille onces d’or pour le mois de décembre, puisque ce ne fut que quatre mille onces d’or produits en fin d’année. La production de 107 kg dont ils parlent était du minerai qui était déjà dans l’usine au moment de l’arrêt de celle-ci.

« Nous sommes handicapés présentement mais, nous remettons tout doucement »

Quel est présentement l’effectif de l’usine et allez-vous embaucher des travailleurs compte tenu du fait que c’est près de la moitié des agents qui ont été licenciés ?

Nous avons pris beaucoup de temps pour essayer de revoir la pérennité économique de l’entreprise et nous avons dû refaire la durée de vie de la mine. Nous sommes 397 employés présentement et la situation fait état de près de 570 employés pour le reste de la durée de vie de la mine. Ce qui fait que nous allons recruter près de 170 personnes et ce sera au cours de cette année 2015.

Et si des agents licenciés voulaient bien revenir en postulant ?

C’est un problème juridique et ce sont des aspects à voir avec notre conseil pour savoir si cela est possible ou pas.

Comment la mine fonctionne-t-elle actuellement, avec la réduction de l’effectif ?

Nous avons été obligés de suspendre l’activité d’extraction de minerai et nous utilisons le stock qu’il y avait au niveau de l’usine. C’est ce que nous traitons depuis la reprise. Je pense que nous avons assez de stock pour tenir jusqu’à mi-février mais après cette période, il va falloir reprendre l’extraction. Nous sommes handicapés présentement, mais nous nous remettons tout doucement et nous espérons être à une production stabilisée d’ici fin février.

Qu’est-ce que la SMB fait sur le terrain du social où on ne l’entend pas trop souvent ?

Je voudrais d’abord saisir cette opportunité pour remercier les communautés riveraines de la mine, qui nous ont appuyés pendant cette période de grève. Malgré les appels incessants des employés d’intervenir dans le conflit, elles sont restées neutres. Nous avons commencé à mener des activités en collaboration avec les communautés riveraines, en leur demandant leur point de vue sur ce qu’elles veulent qu’on fasse, plutôt que de décider de ce qu’on va faire pour elles. Ainsi, nous avons pu terminer la construction d’écoles, la réparation d’une bonne partie des forages qui étaient en panne et nous continuons à travailler pour que cette communauté puisse bénéficier de la mine.

Face aux difficultés que vit le secteur minier de façon générale au Burkina, quelles sont les perspectives pour votre entreprise ?

Le secteur minier au Burkina a un bon avenir, parce que la manière dont l’industrie minière a commencé au Burkina, nulle part au monde, on n’a eu en quatre ans, six mines d’or qui sont en production. C’est une preuve que les investisseurs ont confiance au Burkina. Malheureusement, les incidents qui ont eu lieu récemment dans d’autres mines, ont eu pour effet de ralentir un peu les investissements. Il faut souligner que les investissements miniers sont très lourds et cela fait des centaines de milliards de F CFA. Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que les sociétés minières n’ont pas d’argent propre à elles. Elles utilisent l’argent de personnes comme vous et moi, qui investissons à la bourse. Ce qui fait que, dès qu’il y a un incident, toutes les actions boursières de cette société vont plonger, parce que les investisseurs ne regardent que le pays. Il y a un potentiel réel et le fait d’octroyer récemment trois nouveaux permis montre qu’il y a une vitalité, un désir de continuer à travailler au Burkina. Mais, les investisseurs étrangers ne recherchent que la stabilité, parce qu’ils veulent s’assurer que l’argent qu’ils investissent est protégé, qu’il y a un cadre légal qui réglemente l’activité dans le pays et c’est pour cela que cette grève a fait beaucoup de mal à la SMB.

Qu’est-ce que vous auriez aimé dire que nous n’avons pas pu aborder ?

Je voudrais lancer un appel aux uns et aux autres pour qu’ils comprennent qu’une entreprise ne peut pas se lever, redistribuer tout ce qu’elle a aux employés et laisser les autres. Elle a d’autres parties prenantes et les investisseurs qui attendent un retour sur leurs investissements. Par exemple, vous avez les communautés locales qui attendent que leur vie soit meilleure à cause de la présence de la société, des fournisseurs qui attendent également que leurs factures soient payées. Si nous devons revendiquer, ce qui est normal, que ce soit fait dans un cadre légal et que personne ne brime l’autre. Je pense que les entreprises minières offrent des rémunérations qui sont parmi les plus élevées au Burkina. Les employés doivent pouvoir investir afin de se préparer aux moments difficiles qui surviennent dans le secteur minier et qui exigent parfois de prendre des mesures pour que l’activité soit rentable. Notre histoire interpelle aussi les autres sociétés minières à communiquer davantage avec leurs employés, pour qu’ils connaissent les spécificités du secteur dans lequel ils travaillent.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO
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