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Nouvelle gare routière de Ouahigouya : un joyau «pris en otage» par ses propres bénéficiaires
Publié le jeudi 12 fevrier 2015  |  Sidwaya




Construite en 2009, à la faveur de la célébration du 11-Décembre, la nouvelle gare routière de Ouahigouya peine à mobiliser les acteurs des transports. Inaugurée à deux reprises par les autorités qui se sont succédé à la tête de la commune, l’infrastructure est toujours dans une sorte de léthargie. Le fonctionnement de l’ouvrage est handicapé par une mésentente entre ses bénéficiaires.


Quelques véhicules abandonnés, des hangars déserts, des portes de nombre de bureaux closes, etc., le tout dans un silence de cimetière. Nous sommes à la nouvelle gare routière de Ouahigouya en ce mois poussiéreux de décembre 2014. Une poignée de transporteurs, emmitouflés dans leurs manteaux, scrutent l’horizon à la recherche d’un éventuel client, tandis que quelques membres de leur syndicat, cloîtrés dans leur bureau, jouent au damier. L’occupation de cette gare, inaugurée il y a maintenant un an et cinq mois, divise toujours les acteurs. L’évocation de la question fait même frémir les autorités communales, tellement le dossier paraît corsé. Le préfet de la ville, Saïdou Sakira, devenu président de la délégation spéciale suite à la dissolution des conseils municipaux, hérite de cette «patate chaude».

Dans son bureau, il reçoit les responsables de la Coordination des syndicats des transporteurs (CST) de Ouahigouya et les gestionnaires de la gare pour s’imprégner du dossier et échanger sur d’autres sujets. Chaque partie expose ses problèmes à l’interlocuteur qui écoute religieusement. Le président de la CST, Cheick Omar Ouédraogo, égrène un chapelet de préoccupations évoquées par les transporteurs pour justifier leur départ de la gare qu’ils ont intégrée en août 2013, juste après à son inauguration. Il cite le manque de hangar central, de magasins ou encore de toilettes. Aussi ajoute-t-il, il y a des tours, sortes d’allées étroites, à l’intérieur du site qui usent les pneus des cars. L’autre grief de la Coordination retenu contre la commune, c’est le projet de construction de boutiques aux alentours de la gare et qui seraient déjà attribuées aux commerçants. Toute chose que les transporteurs décrient, arguant que les prix proposés des boutiques, ne sont pas à leur portée.

Leur vœu, c’est que celles-ci leur soient entièrement cédées et à moindre coût. Une doléance que les transporteurs disent avoir transmise à l’ancienne équipe communale, sans réponse. 52 boutiques, à en croire le président de la CST, ont été dégagées pour la première tranche à raison de 900 000 FCFA pour les 6m2 et 1 400 000 FCFA pour les 9m2. Une information confirmée par le gérant par intérim de la gare, Moussa Ouédraogo, qui souligne que l’attribution des boutiques est faite à qui peut honorer les frais. A l’entendre, cela fait partie d’un projet de la mairie, dans lequel cinq sites ont été identifiés dans la ville, pour la construction de boutiques, en vue de renflouer ses caisses. Après l’inauguration de la gare, un ensemble d’actions devraient accompagner son intégration définitive par les bénéficiaires. A cet effet, la Cellule d’appui à la gestion des collectivités territoriales (CAGECT) a financé, à hauteur de 4 166 000 FCFA, la tenue de cinq activités dont quatre déjà réalisées à la date de décembre 2014. Un voyage d’études sur Fada N’Gourma pour s’imprégner du mode de gestion d’une gare et qui constitue la dernière activité, est prévu pour ce mois de février. Beaucoup estiment que la fin du calvaire interviendra après cette sortie.


Dossier brûlant pour les gestionnaires


La Coordination a également relevé qu’elle n’a pas encore perçu ses 15% de commissions sur les recouvrements des feuilles de route de l’année 2014. Elle pointe un doigt accusateur sur le gérant, le soupçonnant d’avoir subtilisé son dû. Celui-ci rétorque aussitôt : «J’ai payé les commissions de 2012 et 2013 mais en 2014, il n’y a pas de recettes pour vous payer parce qu’il n’y a pas eu de recouvrement». Les esprits se chauffent, le préfet tente de ramener le calme, mais difficilement. Un tohu bohu s’installe, d’autres préfèrent quitter la scène. La rencontre se termine en queue de poisson. «Ne soyez pas surpris que la gare soit dans le noir, d’ici à la fin de décembre 2014», prévient Moussa Ouédraogo à l’endroit de ses détracteurs. Car, pour lui, la SONABEL menace de couper le courant de la gare pour raison de quatre mois (d’août à novembre) de factures impayées dont le montant s’élève à 492 173 FCFA.

Des explications qui ne semblent pas bien convaincre certains membres du syndicat. Cette situation a contraint le gérant à présenter le 18 décembre 2014 son «mémoire en défense» où un bilan détaillé du fonctionnement de la gare a été fait aux acteurs. De cette rencontre de vérité, il ressort que l’ensemble des recettes recouvrées par la gare routière de janvier à novembre 2014 s’élèvent à 8 410 882 FCFA tandis que les dépenses se chiffrent à 8 394 077 FCFA; ce qui donne un solde de 26 805 FCFA disponible dans le compte au Trésor. Quant à la commission du syndicat, objet de la vive dispute, le gérant explique: «Dans le protocole d’accord signé par les transporteurs et la mairie, il est mentionné que le syndicat reçoit comme rémunération, 15% des recettes brutes encaissées par les chefs de ligne.

Ces recettes s’élèvent à 1 248 300 FCFA et si on applique les 15%, ça fait 187 500 FCFA qui reviennent à la CST». Mais étant donné que la gare traîne une dette de 3 267 782 FCFA, à en croire M. Ouédraogo, la commission du syndicat avait été classée dans les engagements non réglés. Aux dernières nouvelles, elle a été réglée le 13 janvier 2015. En outre, le gérant s’est convaincu que le retour des transporteurs dans leur lieu de travail reste la condition sine qua non pour apurer rapidement toutes les dettes. Toutefois, ces derniers tiennent à leur voyage d’études et le gérant de rassurer qu’ils vont l’effectuer également, car c’est ceux qui doivent les accueillir à Fada N’Gourma qui ne sont pas encore prêts.


Le gérant veut jeter l’éponge


La gestion de la gare est devenue un véritable casse-tête, à telle enseigne que l’intérimaire Moussa Ouédraogo dit vouloir s’en décharger. Il révèle avoir adressé à maintes reprises une lettre de démission à l’ex-maire, Gilbert Noël Ouédraogo, sans trouver d’écho favorable. «Je suis comptable à l’EPCD (Ndlr: Etablissement public communal pour le développement) et mon temps ne me permet pas de suivre les activités de la gare. Je n’en peux plus», clame t-il. Pour l’instant, certains transporteurs continuent d’occuper l’ancienne gare, défiant ainsi l’autorité communale, alors que l’accès à ce lieu leur a été formellement interdit. «Nous n’avons pas de place à la nouvelle gare.

En plus, elle est loin de la ville. Personne ne va acheter ses marchandises au grand marché et vouloir les transporter jusqu’à la nouvelle gare pour rejoindre un véhicule», se plaint Yacouba Zida, transporteur de la ligne Ouahigouya-Ouagadougou, trouvé sur l’ancien site. «Cela fait 30 ans que je suis à l’ancienne gare. Je suis actuellement ruiné par son déménagement car je n’ai pas eu de place dans la nouvelle. C’est pourquoi, je suis revenu ici (Ndlr: ancien site)», justifie Halidou Guiro, un autre transporteur. Il montre du doigt un groupe d’hommes assis sous un hangar de fortune en train de jouer au damier. «Ce sont tous des chauffeurs au chômage suite à la fermeture de la gare», regrette-t-il. A les entendre, ce sont les grandes sociétés de transport qui ont maintenant le vent en poupe du fait de la position centrique de leurs gares.

Ils leur reprochent même de ne plus faire escale à la nouvelle gare. C’est pourquoi, ils plaident pour une réhabilitation de l’ancien site. A ces récriminations, le responsable de la Société de transport Aorèma et frères (STAF) à Ouahigouya, Mady Savadogo, donne sa réponse. Pour lui, si les cars de sa société ne font plus escale à l’intérieur de la gare, c’est parce que les allées ne permettent pas à certains chauffeurs de manœuvrer aisément ; il y a des embourbements aux entrées du site en hivernage. Toutefois, il rassure que la société est en train d’apprêter ses bureaux et que le patron a même promis d’affecter un car spécial à la gare routière. «Notre souhait est que les autorités communales arrangent les entrées de la gare», lance M. Savadogo. L’entêtement des transporteurs semble plonger dans l’embarras la CST qui assiste impuissante au spectacle. «Je suis surpris de la présence massive des transporteurs à l’ancienne gare. Tous justifient cela par le manque de place à la nouvelle. Nous allons procéder à des sensibilisations pour qu’ils rejoignent le nouveau site; c’est notre rôle», souligne le président de la CST, Cheick Omar Ouédraogo.

Et d’ajouter que leur nombre est complété par celui des vendeurs de bois à qui la mairie avait aussi promis un site. Le travail du syndicat sur le terrain demeure quelque peu malaisé, d’autant plus que nombre de transporteurs disent ne pas se reconnaître dans la CST. «C’est le maire qui a créé son syndicat. Nous, nous reconnaissons Ali Gourga comme notre patron», soutient le transporteur Halidou Guiro. A entendre le président de la CST, les deux syndicats (Syndicat national des transporteurs routiers et voyageurs du Burkina (SNTRVB) et l’Organisation des transporteurs routiers du Faso (OTRAF/Nord)) ont été regroupés en une coordination dans le but d’aplanir les difficultés qui handicapaient le fonctionnement de la gare. Malgré tout, ces difficultés persistent.


Le syndicat indexé


El hadj Ali Savadogo, alias Ali Gourga, celui-là qui a été le porte-parole des transporteurs lors de l’inauguration de la gare en août 2013, se veut être formel. «Ce sont les mésententes entre les transporteurs qui bloquent le fonctionnement de la gare. Au départ, il fallait une véritable concertation entre tous les acteurs pour le choix du site. Quand la coopération suisse avait annoncé la construction de la gare, il était question de réhabiliter l’ancienne, mais les choses se sont passées autrement. Même ça, il fallait qu’on le fasse dans le respect mutuel», déplore t-il. Ali Gourga qui dit être responsable des transporteurs il y a plus de trente ans, estime qu’il n’est plus consulté pour des questions liées à la gare, alors qu’il en est un des acteurs clés. Il confesse avoir pris la parole le jour de l’inauguration, simplement parce qu’il était le président d’un syndicat (OTRAF/Nord).

Ali Gourga reconnaît-il l’existence de la CST? «Je ne suis au courant de rien. Tout ce qui se passe maintenant m’est étranger», répond-il. Boukaré Nana, 2e adjoint au chef de ligne Burkina- Côte d’Ivoire, accable à son tour la CST d’être à l’origine des blocages. «J’accuse le syndicat. Le problème se situe au niveau de ses membres qui ne s’entendent pas. Il y a même des responsables syndicaux dont les véhicules ne sont toujours pas à la gare et pourtant ils sont censés donner l’exemple», dénonce-t-il. Pour lui, seuls les véhicules qui vont vers la lagune Ebrié n’ont jamais quitté le site depuis sa mise en service. «En tous les cas, nous allons y rester jusqu’à ce que les choses s’arrangent», rassure Boukaré Nana. Le secrétaire à l’organisation de la CST, Adama Ouédraogo dit Ancien, confirme sans ambages que le goulot d’étranglement provient de la mésentente entre les transporteurs. «Avant, on avait prétexté que les problèmes de la gare étaient liés au nombre de syndicats. Maintenant, une coordination a été mise en place il y a plus de dix mois et malgré tout, c’est le statu quo», fait-il remarquer avec amertume.

Il avoue, néanmoins, que la CST ne joue pas encore pleinement le rôle pour lequel elle a été créée. Dans ce jeu d’acteurs, les forces de sécurité ont été mises à contribution. Elles avaient pour mission de sensibiliser, de verbaliser, de dissuader et même de traquer les transporteurs qui refusent de rejoindre la gare. Mais l’obstination des récalcitrants semble avoir eu raison d’elles. «La police même est fatiguée de nous traquer», s’en vante Yacouba Zida, en signe de victoire. Le commandant de la police municipale, l’officier de police Massatiormon Soulama, soutient, pour sa part, que la police n’a pourtant pas baissé les bras; seulement elle est limitée dans ses moyens. Il explique qu’une action conjointe d’une semaine a été menée à cet effet entre son institution, la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et la gendarmerie avant que les deux dernières ne se retirent. «Les récalcitrants font l’objet de contravention mais ils s’entêtent.

Je pense qu’ils sont animés d’une mauvaise intention ou c’est le syndicat qui ne fonctionne pas correctement», souligne l’officier de police avant de déplorer certains panneaux d’interdiction arrachés ou même disparus en ville. Et d’ajouter que la police a déjà interpellé à trois reprises un membre du syndicat qui a passé son temps à garer illégalement son véhicule en ville et au même endroit. En attendant, les clandestins s’obstinent à exercer dans les «six-mètres» ou à occuper l’ancienne gare tandis que la nouvelle dont la réalisation a englouti des centaines de millions de FCFA, continue de vivoter. De quoi donner du fil à retordre aux responsables de la délégation spéciale qui viennent de prendre en main la gestion de la cité de Naaba Kango.


Mady KABRE
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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