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Montréal (Canada) : Les femmes burkinabè font entendre leur voix
Publié le mercredi 11 fevrier 2015  |  africa-info




Ai- Montréal- Du 23 au 24 janvier 2015, le Centre d’étude de la coopération internationale (CECI) à organisé à Montréal au Canada, en partenariat avec l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) un forum international autour du thème : « Les grands débats du développement ». Mme Karidia Zongo Yanogo représentait à ces assises la Coalition burkinabé pour les droits des femmes (CBDF). En marge de l’événement, elle a accepté de se confier à AFRICA INFO.

Qu’est ce qui justifie votre présence ici à Montréal ?

Je suis Madame Zongo née Yanogo Karidia de la Coalition burkinabç pour les droits de la femme. J’ai été invitée à ces assises pour apporter un témoignage sur ce que la coopération internationale apporte au niveau des pays du sud. Ma coalition est une organisation qui a vu le jour à partir d’un projet qui a été financé par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) en son temps. Alors nous avons eu à faire du bon travail. D’où notre invitation à ce Forum.

Pourquoi précisément le droit des femmes, pas celui des enfants ou des hommes ?

En fait, quand nous parlons des droits des femmes, tout est lié. On parle ici des droits humains. Quand on parle des droits humains, très souvent les droits des femmes sont occultés. En prenant le cas de mon pays le Burkina- Faso, la constitution est claire : il n’y a pas de distinction entre un homme et une femme. Malheureusement, la socialisation a fait que malgré cette loi, les comportements, les pesanteurs, les pratiques naturelles empêchent aux femmes d’exprimer leurs potentialités, empêchent les dirigeants de considérer les femmes comme des personnes humaines à part entière. Parce qu’il faut le dire, les hommes manifestent très souvent un complexe de supériorité. Alors il y a un travail qui a été fait. Et dans ce travail, nous avons eu l’accompagnement de l’ACDI. Aujourd’hui, nous continuons d’être accompagnés par Uniterra. Le projet est cogéré par l’EUMC et le CECI. Mais soyez rassurés, quand on parle des droits des femmes, c’est le droit dans son ensemble.

Etes -vous vraiment satisfaite des actions menées sur le terrain dans le cadre de cette coopération internationale ?

Satisfaite, oui. Mais complètement, c’est à discuter. Parce qu’à travers la coopération, il y a toujours des aspects qu’on aurait souhaité qu’ils soient pris en compte.

Lesquels par exemple…

Par exemple, pour ce qui est du programme Uniterra, c’est beaucoup plus un programme de volontariat. C’est-à-dire, le plus souvent, c’est des volontaires qu’on nous envoie pour nous appuyer sur le terrain institutionnel. C’est vrai que la partie québécoise peut faire profiter des jeunes québécoises et québécois à venir découvrir ce qu’il y a en Afrique à travers leurs contributions. Ces jeunes acquièrent une certaine expérience du savoir-faire, du savoir-être et du savoir-vivre de l’Afrique. Mais en contrepartie, les jeunes du sud ne viennent pas au Québec pour aussi avoir de l’expérience et pour qu’ensemble, nous puissions nous comprendre. Ça c’est un aspect. Le programme de coopération volontaire est important.

Mais vous savez, nos préoccupations en Afrique sont telles que nous avons plus besoin des actions concrètes. Nous avons au niveau de la Coalition burkinabé pour les droits des femmes (CBDF), toujours réalisé des activités qui produisent des résultats palpables au niveau de la base. Malheureusement, la façon de coopérer d’Uniterra ne permet pas toujours de financer ces activités. Donc, voilà des difficultés auxquelles nous faisons face. Mais « mieux vaut un tien que deux tu auras », dit un adage.

Selon vous, il faudrait peut-être revoir la façon de coopérer en mettant plus d’accent sur le côté pratique….

Tout à fait, il faut de plus en plus mettre un accent sur l’aspect technique sans toutefois occulter l’aspect formation. Parce que les volontaires nous sont aussi très utiles. Le plus souvent, nous avons reçu plusieurs volontaires dans le cadre Uniterra I et II qui nous ont aidés dans des domaines variés, celui du plaidoyer par exemple. Parce qu’en tant qu’une organisation qui travaille en partenariat avec les pouvoirs publics, nous avons besoin des renforcements de capacités dans l’élaboration des plaidoyers. Nous avons également reçu des volontaires qui nous ont aidés dans l’organisation de notre coalition. Cela a porté des fruits. Mais il reste que nous travaillons avec la base, et les femmes surtout. Et pour conduire des campagnes de sensibilisation sur le terrain, il faut de l’argent.

Lors de l’une de vos interventions, l’auditoire vous a acclamé quand vous avez insisté sur le devoir d’ingérence des pays occidentaux, pour pouvoir selon vous contrôler l’utilisation des fonds mis à la disposition des pays du sud bénéficiaires de la coopération internationale. Est-ce qu’il n’y a pas là un risque de bradage de la souveraineté des pays africains ? Pensez-vous que cela soit une solution efficace ?

C’est vrai que c’était un lapsus. Je ne voulais pas parler du droit d’ingérence. Mais en tout cas, en le disant, je faisais allusion à une situation politique que j’ai vécue dans mon pays. Comme vous le savez sans doute, ces derniers mois, nous avons déclenché une révolution au Burkina Faso. Toute la population était engagée. Nous étions déterminées à aboutir à ce changement. Mais il faudrait que nous soyons quelquefois réalistes. Parce que nous avons beau dire que nous tenons à notre souveraineté, et que les libertés collective et individuelle sont non négociables, c’est vrai, mais n’empêche qu’il y a des moments où les lignes bougent quand la pression vient de l’extérieur. C’est ce que nous avons remarqué chez nous au Burkina. C’est vrai que nous étions déterminés. Mais le camp de M Compaoré était aussi déterminé à user de la force, à utiliser des armes non pas pour protéger la population mais contre elle afin de garder son pouvoir. Il a fallu l’intervention de la communauté internationale, il a fallu des positions très claires et affirmées des puissances occidentales pour faire comprendre au président déchu qui a fui, de quitter le pouvoir. C’est pour cette raison que j’ai parlé du devoir d’ingérence, vu du côté politique.

Mais il y a aussi le côté économique. Quand je parle de la mauvaise gouvernance, je fais allusion à toutes ces aides financières que nous apportent les occidentaux et qui sont par la suite réparties dans les paradis fiscaux. Pendant ce temps, les mêmes bailleurs de fonds nous font croire que la croissance est à 5 %, 7%, mais la population ne la sent pas. Il y a comme une complicité de ces occidentaux qui doivent aussi attirer l’attention de nos gouvernants non seulement sur la gestion calamiteuse des fonds qui leur sont alloués. Et surtout leur rappeler qu’ils ne veulent plus des pouvoirs à vie.

Après la marche du 21 octobre qui a vu une mobilisation historique de tous les burkinabé épris du changement, si la pression ne venait pas de l’extérieur, le président déchu aurait modifier la loi le 31 octobre pour s’éterniser au pouvoir. Les Etats-Unis précisément après cette marche ont élevé la voix pour dire à l’armée : « attention, ne retournez pas les armes du peuple contre le peuple ». Et par la suite, la France a pris position contre M Compaoré. Ça c’est une ingérence salutaire…

Ne pensez-vous pas qu’au lieu de faire appel aux occidentaux pour mettre fin aux dictatures, il serait judicieux de compter sur des forces endogènes capables de jouer franc-jeu ?

C’est tout à fait normal. Et c’est même cela l’objectif poursuivi. Mais avant que cela ne se réalise, il y a une période dite transitoire pour laquelle on ne peut pas se passer de la communauté internationale. C’est vrai, c’est le vœu des nations libres et indépendantes de pouvoir compter sur leurs propres filles et fils pour penser leur développement, pour orienter leur développement, pour faire en sorte que la jeunesse soit moulée dans ce que le peuple souhaite pour sa nation. Mais actuellement au Burkina Faso, l’éducation est regrettable. En fait, l’instruction est à son niveau le plus bas. On dirait que c’est sciemment fait. Et pendant ce temps, qu’est ce qu’il faut faire en attendant que la population prenne conscience ? On utilise souvent des mécanismes liés à la démocratie pour, en fait, imposer des systèmes autoritaires.

Pourquoi je dis cela ? Au Burkina, on nous a toujours fait croire que « c’est un Etat démocratique, la démocratie c’est un processus, tout ne peut pas être parfait… ». Mais pendant ce temps, les élections se déroulent dans des conditions déplorables sur fond de fraudes. Le candidat au pouvoir est voté a 80, 90% et c’est la communauté internationale qui applaudit. Mais le peuple est pris dans un étau. Comment s’en sortir ?

Même pour cette période de transition que nous traversons actuellement au Burkina, c’est vrai que M Compaoré est parti mais en réalité, c’est un système qui est là depuis 27 ans. Ce système n’a pas bougé. Il faut toujours cette pression de la communauté internationale. Sinon aujourd’hui, si l’occasion se présente, l’armée et plus précisément le régiment de sécurité présidentielle qui a été fabriqué par le président déchu et qui est toujours de mèche avec M Compaoré qui est en Côte-d’Ivoire, non loin du Burkina- Faso, ce même régiment s’apprêtait à faire un coup d’Etat militaire. Mais si ces fidèles du président déchu ne font pas de coup d’Etat, c’est à cause de la communauté internationale qui veille au grain. Donc, quand je parle du devoir d’ingérence, ce n’est pas pour saboter la souveraineté des Etats, ce n’est pas pour dire que nous n’avons pas de dignité, ce n’est pas pour dire que nous voulons confier notre développement à l’occident. Mais parce qu’il existe dans nos pays africains des dictateurs qui ont été fabriqués par l’occident. Nous ne pouvons que compter sur cet occident pour les déloger.

Comment se porte la transition dans votre pays ?

Je peux dire que la transition se porte bien. Mais je dois dire aussi que ceux-là qui ont en charge de conduire cette transition ont vite déchanté. Parce qu’au départ, l’actuel premier ministre Zida qui était au temps du président déchu le numéro 2 de la terrible sécurité présidentielle donnait l’impression de vouloir s’accaparer du pouvoir. Mais le constat de nos jours est qu’il voudrait très rapidement se débarrasser de cette transition. Son souhait est que cela se termine rapidement. Parce que le régiment de sécurité présidentielle duquel il est issu, lui en veut à mort. Ce régiment de sécurité selon la presse a eu à le convoquer au palais pour le menacer, pour l’humilier. Et dans son costume de premier ministre. Pour des questions liées semble-t-il aux indemnités.

Mais nous gardons espoir. Les dates des futures échéances sont déjà connues. C’est en septembre, l’élection présidentielle qui sera couplée avec les élections législatives. Quelques mois après, ce seront les élections locales. Maintenant, il nous reste encore des mois qui nous séparent d’ici ces scrutins. Notre souhait est que cela se passe bien et que nous réalisions vraiment ce rêve là. La population et la société civile restent mobilisées. Il y a des voix qui s’élèvent de plus en plus pour dire non à la sécurité présidentielle. Nous sommes prêts à descendre dans la rue pour défendre notre insurrection populaire, notre révolution.

Propos recueillis par Norbert Tchana Nganté, à Montréal
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