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L’Observateur N° 8293 du 16/1/2013

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Réconciliation en Côte d’Ivoire : «Les cœurs ne sont pas encore apaisés, mais l’espoir est permis»
Publié le jeudi 17 janvier 2013   |  L’Observateur


Karim
© L’Observateur par DR
Karim Ouattara, conseiller chargé de la Jeunesse à la Commission vérité dialogue et réconciliation


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Dans le cadre de la 48e édition de la tranche commune entente 2013 des loteries nationales des cinq Etats membres du Conseil de l’Entente que sont le Burkina (pays organisateur), la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo et le Niger, les directeurs généraux des loteries nationales se sont réunis à Ouagadougou pour les préparatifs du tirage prochain. A l’occasion, nous avons rencontré Karim Ouattara, directeur commercial et marketing de la Loterie nationale de Côte d’Ivoire et par ailleurs conseiller chargé de la jeunesse à la Commission vérité dialogue et réconciliation (CVDR) en Côte d’Ivoire.


Au-delà de vos fonctions officielles, vous êtes le conseiller chargé de la jeunesse à la Commission vérité dialogue et réconciliation en Côte d’Ivoire dont la mission est de réconcilier les Ivoiriens. Comment procédez-vous pour que les Ivoiriens se parlent ?


Nous avons effectivement pour mission de réconcilier les Ivoiriens. Mais notre mission est beaucoup plus scientifique. Il s’agit de faire la lumière sur les événements passés et récents en Côte d’Ivoire ; écouter toutes les parties ; écouter les victimes et les supposés bourreaux jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie. Et de produire un rapport que nous allons remettre au président de la République et à toutes les institutions concernées, de sorte que les recommandations émanant du peuple que nous aurons écouté préalablement soient appliquées pour qu’enfin les Ivoiriens puissent arriver à la réconciliation. C’est là notre mission scientifique.


A quel niveau en êtes-vous actuellement ?

Pour ceux qui sont au courant de l’actualité politique en Côte d’Ivoire, il y a eu une période où il y avait des attaques un peu partout. Ensuite, cette période s’est estompée. Il y a eu beaucoup d’adhérents dans la classe politique et la Commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR) dont le comité exécutif est constitué du président Charles Konan Banny et de ses vice-présidents a pris son bâton de pèlerin pour interpeller d’abord le président de la République ; ensuite ils ont procédé à une consultation de toutes les couches sociopolitiques de la Côte d’Ivoire. C’était une concertation des différentes organisations de la société civile et des politiques de la Côte d’Ivoire pour qu’on puisse arriver à une accalmie générale au plan national. Toutes les couches ont été reçues par le comité exécutif de la CDVR à son siège. Cela a vraiment contribué à faire baisser la tension, et aujourd’hui le gouvernement est très bien parti pour relancer le dialogue politique avec l’opposition. Je pense que ce sont plus ces deux parties qu’il faut réconcilier aujourd’hui.


Au regard de la situation politique qui est toujours tendue, pensez-vous que vous allez pouvoir atteindre votre objectif ?


Oui, les cœurs ne sont pas jusque-là apaisés, parce qu’il y a des préoccupations qu’il va falloir lever. Les cœurs ne sont pas apaisés parce qu’il y a le politique qui a ses préoccupations. Les cœurs ne sont pas apaisés parce qu’il y a des victimes de part et d’autre qui attendent d’avoir plus de précision sur le traitement qui sera réservé à leur sort. Les cœurs ne sont pas apaisés parce qu’il y a la jeunesse qui est au chômage et qui attend de voir cette crise prendre fin afin qu’on puisse lui présenter des solutions pour leur emploi. C’est tout cela qui fait qu’on peut dire aujourd’hui que les cœurs ne sont pas apaisés. Mais on peut noter des efforts de rapprochement des parties qui sont perceptibles dans la société.


Pensez-vous comme certains qu’il faut absoudre tous les péchés commis en Côte d’Ivoire pour une vraie réconciliation?

Je ne sais pas qui a la faculté divine de pouvoir absoudre des péchés s’il y en a. Mais je pense qu’il y a eu des torts qui ont été causés de part et d’autre. Il y a eu des violations graves des droits de l’homme. Il ne faut pas passer la main là- dessus comme si de rien n’était. Parce que c’est une partie de l’histoire de la Côte d’Ivoire et il va falloir que nous aussi donnions l’exemple pour que des générations à venir ne puissent pas dire qu’à un moment donné de l’histoire de la Côte d’Ivoire, on a tué et rien ne s’est passé. Bien entendu, nous voulons nous réconcilier, mais nous ne voulons pas une réconciliation dans l’impunité. D’ailleurs, le président Charles Konan Banny a coutume de dire : «ni vengeance, ni impunité». Donc réconciliation oui, mais justice.


Mais on constate que cette justice est celle des vainqueurs puisque c’est un seul camp jusque-là qui est poursuivi.


• Je vais paraphraser un peu la classe politique ivoirienne, particulièrement ceux que vous appelez les vainqueurs. Je pense qu’ils ont eu à dire : «Nulle part au monde, ils n’ont vu une justice des vaincus». Ça c’est juste pour paraphraser et rire au passage. Mais pour être plus sérieux, je pense que les autorités ivoiriennes sont interpellées sur la question. Moi-même particulièrement, j’ai eu à faire une sortie et dans ce sens-là pendant une semaine, cela a fait un tollé au plan national. J’ai été reçu par certaines autorités ivoiriennes qui finalement m’ont compris. Je pense qu’aujourd’hui il faut écouter ces personnes-là qui sont mises aux arrêts et chercher à aller vers une justice équitable. C’est ce que nous recommandons au sein de la Commission justice dialogue, vérité et réconciliation.


Quelles sont, à votre avis, les conditions d’une réconciliation véritable ?

Je n’ai pas l’apanage de la réconciliation des Ivoiriens, mais je pense que la première solution à tout problème c’est d’abord d’écouter. Ecouter le peuple voudrait dire qu’il faut trouver un mécanisme pour aller à sa rencontre. Ecouter ce peuple à travers une consultation nationale. Amener juste les uns et les autres à se prononcer sur certains thèmes-clés. C’est-à-dire qu’il faut que le peuple lui-même pose son problème, qu’il propose des solutions. C’est clair qu’il y a des tendances qui vont se dégager. A l’heure actuelle, il y a des priorités qu’il ne faut pas négliger. Il y a des victimes de part et d’autre. On nous parle de plus de 3 000 morts. Donc c’est plus de 3 000 familles endeuillées. Mais au-delà de cela, il faut voir ceux qui sont amputés, ceux qui ont encore des balles et des plombs dans le corps, ceux qui sont traumatisés encore. Les jeunes qui, malheureusement, décèdent de cette guerre, qui n’ont pu avoir leur premier emploi ; les femmes qui ont été violées. Les vieilles personnes qui, malheureusement, souffrent d’hypertension ou encore d’autres maladies liées au stress. Toutes ces personnes-là, on doit pouvoir les évaluer, quartier par quartier, ville par ville, région par région. Il faut réussir à identifier ces victimes et leur proposer une solution qui puisse apaiser le mal qu’elles ont subi ; parce que, quelle que soit la réparation qu’on va leur proposer, elle ne sera pas à la hauteur de la perte subie : les pertes humaines, les pertes de membres, les viols des femmes. On ne peut pas acheter cela, on ne peut pas réparer cela. On peut juste contribuer à apaiser et demander la compréhension et la clémence de la victime. Voilà la première force. Après l’écoute, qu’on songe très rapidement à la réparation. Et ensuite parallèlement à cela, que la justice soit une justice équitable. Maintenant, il y a lieu de savoir quelle est la forme de justice que nous allons choisir. Est-ce la justice punitive ou la justice réparatrice ? Cette question doit être posée au peuple. Le peuple a son mal et il proposera des solutions. Je pense qu’il faut lui présenter ce que c’est qu’une justice punitive et une justice réparatrice pour prévenir d’éventuelles crises. Après tout cela, il va falloir se pencher véritablement sur la proposition de solutions soutenables pour la jeunesse qui est au chômage, majoritairement.


Qu’avez-vous fait, en tant que jeune, pour éviter cette crise ?


• Avant d’être conseiller du président Charles Konan Banny, j’étais secrétaire général d’une organisation de la société civile qui milite pour la non-violence. Il s’agit du Mouvement pour la conscience républicaine (MCR). Avec mes collaborateurs, nous avions initié dans le temps la caravane du fair-play électoral qui a rendu visite aux 14 candidats. Nous avons visité les QG des 14 candidats. Nous avons rencontré le staff de Bédié, le staff du Dr Alassane Dramane Ouattara, actuellement président de la République, celui de monsieur Laurent Gbagbo et tout le monde. Nous leur avons dit de faire attention aux messages de campagne parce que la situation était explosive et qu’il fallait tout faire pour éviter la guerre. Malheureusement, nous n’avons pas été compris. Ce n’est pas pour autant que nous avons baissé les bras. Nous avons continué encore pendant la crise. La seule leçon que moi je retiens de cette crise, c’est que les Ivoiriens tardent à comprendre ce qu’on appelle le jeu démocratique et le jeu politique.

Comment avez-vous apprécié la médiation burkinabè ?


Je voudrais remercier un peuple frère, un peuple ami, un peuple voisin, un peuple qui a envoyé le seau d’eau au moment où la maison du voisin brûlait. Je veux parler du peuple burkinabè. A un moment donné de l’histoire de la Côte d’Ivoire, ce peuple frère, à travers son président dynamique et charismatique a été humilié à l’aéroport de Côte d’Ivoire. J’ai vu ces scènes-là à la télévision. Mais au nom de la jeunesse de la Côte d’Ivoire, nous lui demandons pardons. Il ne l’avait pas fait dans l’intention de soulever le courroux de la nation ivoirienne contre lui. Les ballets diplomatiques qui se sont passés ici, accord de Ouaga et ceci et cela, ce n’était pas dans l’intention de susciter le courroux des Ivoiriens contre lui, mais malheureusement il y a eu des insultes à son égard. Qu’il comprenne que ce n’est pas toute la nation ivoirienne ou toute la jeunesse ivoirienne qui a ce sentiment vis-à-vis du peuple burkinabè, et vis-à-vis de lui en tant que président de la République. Il a accompli sa mission de bon voisinage. Nous, nous pensons que c’est une dette que la Côte d’Ivoire a envers le Burkina. Et cette dette-là, je souhaite qu’on ne la rembourse jamais. Parce que je ne souhaite pas la même situation au Burkina, ni à un autre pays voisin de la Côte d’Ivoire.

Je voudrai enfin vraiment interpeller le président de la République, Alassane Ouattara pour qu’il écoute directement le peuple et qu’il laisse le président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation prendre le devant du processus de réconciliation en Côte d’Ivoire. C’est très, très important. C’est une mission essentielle dans l’avenir de la Côte d’Ivoire. Il a chargé une personne qu’il appelle frère en la personne du président Charles Konan Banny. Il lui a fixé des objectifs, alors il va falloir qu’il lui donne l’espace nécessaire pour qu’à la suite, il soit responsable des résultats. Mais il y a, pour moi qui suis un de ses proches collaborateurs, beaucoup d’interférences. Mais connaissant l’homme Ouattara, je suis certain qu’il saura prendre des mesures adéquates en temps opportun. Tout le monde veut bien faire, mais tout le monde ne sait pas bien faire. C’est vrai, nous avons demandé la contribution des uns et des autres mais cela doit pouvoir se passer dans un cadre ordonné. Dans une certaine discipline comme le dit notre devise : Union-discipline-travail. Soyons unis, soyons disciplinés et travaillons pour la Côte d’Ivoire.



Si vous parlez d’interférence est-ce dire qu’il y a par moments des blocages ou qu’il y a des gens qui ne veulent pas qu’on aille vers la réconciliation dans le sens voulu par le président Banny ?


• Ce n’est pas forcément comme cela qu’il faut le comprendre. Un président ce n’est pas seulement un individu, c’est une institution, c’est un système. Et quand d’autres personnes n’arrivent pas à partager la même vision que le président, par moments il faut du temps pour leur faire comprendre cela. Alors que la Côte d’Ivoire n’a pas le temps pour cela. La Côte d’Ivoire n’a pas le temps pour cela dès l’instant où le président a donné une orientation, a confié une mission à une seule personne ; il va falloir que les uns et les autres puissent accompagner cette personne-là dans la réussite de cette mission. C’est à l’image des chauffeurs qui décident d’effectuer un voyage dans le même véhicule. Il va falloir donner le volant à un seul chauffeur. Tout le monde ne peut prendre le volant pour l’orienter dans le sens qu’il veut. On confie la destinée de tous les chauffeurs à un seul chauffeur qui prend le volant et il arrive. S’il a un souci, c’est lui qui est responsable de la destinée des uns et des autres. Pour l’instant, le volant de la réconciliation ivoirienne a été confié à Charles Konan Banny. Cela ne veut pas dire que c’est forcément le meilleur chauffeur, mais pour l’instant c’est lui qui a la destinée de la réconciliation. Il faut que les experts de la conduite puissent l’accompagner. C’est tout ce que nous leur demandons.

Pour terminer, j`ai un conseil à donner à Konan Banny. Il est le jeune frère du président de la République Alassane Ouattara. Je pense que de la même manière dont le président a eu confiance en lui, en lui confiant cette mission, il va falloir qu’il fasse tout pour que son entourage aussi n’envoie pas des signaux négatifs au président de la République. Je ne parle pas de lui-même. Je le connais, l’homme. Mais à son entourage, il va falloir qu’il envoie un message ferme. Il a reçu une mission du président de la République. Quoiqu’il soit indépendant dans l’exercice de sa fonction de président, il est dans la tradition africaine, le jeune frère du président de la République ; cela a tout son sens.


Entretien réalisé par

Adama Ouédraogo

Damiss

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